Ici Librairie et les éditions Gorge Bleue
Ici Librairie célèbre aujourd'hui l'arrivage dans les rayonnages de la librairie d'une nouvelle maison d'édition indépendante. Les éditions Gorge Bleue font résonner et raisonner des ouvrages avec le monde contemporain qui est le nôtre. Fiction ; non-fiction ; théâtre, poésie ; essai. Cette pluralité des formes fait entendre l'engagement de ses auteurs et autrices au rythme de trois parutions par an, afin d'accompagner ceux-ci sur le long cours et qu'ils s'imposent comme des œuvres essentielles à l'appréhension et la compréhension du temps présent et des luttes que nous vivons.
Cette année, les éditions Gorge Bleue publient un premier roman, Vaisseau Mère de l'autrice Sarah Gourreau. Roman choral performatif où se croisent les vies et les voix de ses personnages autour d'une maison cabaret : le vaisseau mère. Roman de la famille choisie - celle que nous sommes amenés à nous construire - nous croisons ici le chemin de personnages queers de différents genres, âges et milieux. L'autrice nous offre la joie immense d'un texte aussi jubilatoire que bouleversant et sincère où son talent de dramaturge donne à entendre un lieu qui fait voler en éclat les barrières sociétales et révèle les identités de minorités marginalisées.
Découvrez une maison d'édition qui saura indéniablement vous séduire.
-
Ça commence comme un face-à-face avec le miroir. Un monologue, un exercice de réaffirmation articulé dans la nuit, murmuré au coeur de l'insomnie. Ça fait penser à une litanie superstitieuse pour fixer le je qui se dérobe. À la rescousse, je convoque tu, et s'il invite la famille, le public à la fête, il est surtout question de toi. Toi, c'est une abstraction, un concept, un prétexte à s'opposer violemment. Toi, c'est surtout l'autre et ses limites, qu'il serait si bon de franchir, juste pour voir. C'est en négatif, dans l'absolu de la déclaration d'amour, que je se laisse finalement approcher au plus près. À force de scruter son reflet dans la glace, je réussira peut-être à saisir les contours fuyants de son identité.
Tant sensuel que cérébral, le poème La nuit t'arrache à moi embarque dans une solitaire apnée, une descente en eaux troubles, loin très loin dans l'amour, là où il fait en réalité bien seul et où les images fixent la rétine par flashes. La nuit t'arrache à moi est une déclaration en retenant son souffle, psalmodiée dans l'urgence, parfois dans le pas si beau, le bobo - une déclaration qui brûle tout autant qu'elle prévient : gare aux tremblements de chair. -
Judy ne sait pas encore quaprès sa journée de travail, elle va grimper dans un train. Elle na jamais mis les pieds à Nantes, elle na aucune idée de ce quest le drag, elle ne simagine pas franchir le seuil dune maison-cabaret. Là-bas, Gérard, Lor, Françoise, Adrien, Jean-Paul ne lont pas encore rencontrée. Judy ne sait pas comment les gens se choisissent. Pour linstant, tout ce que Judy sait, cest quelle aime Cristina. Avec Vaisseau mère, Sarah Gourreau compose une fiction-chorale bouleversante, dans laquelle les faisceaux des regards se superposent. On y retrouve son talent pour dessiner, tout en douceur, les contours de personnages traversés par la férocité des courants propres à notre époque.
-
Invisible ou diablement encombrante, elle peut être une question centrale comme périphérique ; elle confine à la sphère intime mais se retrouve pourtant placardée sur les écrans ; religieusement préservée ici, ailleurs consommée en masse. Commune à la moitié de la population, on pourrait croire qu'elle tient du non-événement et pourtant, elle se révèle un lieu éminemment politique, squatté par de nombreux enjeux socio-économiques. Partout, on se borne à taire son nom, qui se tient en équilibre sur le bout des langues : c'est que la vulve est sur toutes les lèvres.
On nous présente encore aujourd'hui la vulve comme un continent inexploré, dont seuls les plus doctes des experts sauraient manier les subtilités, mais les militantes ont prouvé qu'avec un peu d'huile de coude et d'engagement, on pouvait réhabiliter l'exactitude anatomique. La femme à vulve doit partir à la redécouverte de son propre sexe, mais gare aux risques d'éboulis chemin faisant, car sur le versant de la sexualité comme sur celui de la maternité, les injonctions contradictoires pleuvent.
Il faut retrouver l'intimité de ce Gynécée du 21ème siècle pour que les corps se rassemblent et que les voix résonnent, se répondent, s'amplifient l'une l'autre ou encore se contredisent. Réunies en cercle de parole, les Fallopes sont sûres d'elles car il n'y a là personne pour leur dire qu'elles se trompent. Ici, la vulve dit ses noms, ses histoires et ses vérités. -
Trois coups et c'est très curieux : côté jardin, Alma est transformée en arbre, laissant sa compagne Paule trouver son chemin dans cette période un peu trouble. Pendant ce temps, suspendu et propice aux songes, une nuée de phalènes volette autour de la lumière. Paule converse avec elles, s'interroge sur les pouvoirs de ces drôles de fées , d'ailleurs, pendant qu'elle laisse les jours couler, le décor n'est-il pas en train de changer ? Ce huis-clos, que l'imagination et la poésie crochèteront sans peine, caresse la douleur de la disparition et embrasse la tendresse du souvenir. Mais surtout, les phalènes nous rappellent que la création est un remède, que la poésie sauve tout, permet au temps de passer et nous autorise à guérir.
-
Marylin est tueuse à gages, elle gagne sa vie en éliminant ses cibles. Lilas est amoureuse, elle vit avec A. dans sa maison familiale. Madeleine est autrice et raconte des histoires, comme celles, entre autres, de Marylin et de Lilas. Définir ainsi Marylin, Lilas et Madeleine, c'est en dire le principal, semble-t-il.
Mais l'espace ouvert par la narration est celui de tous les possibles. Lorsque leur histoire n'est pas encore écrite, entre le premier brouillon et le jet final, la potentialité est reine. Parfois, les protagonistes n'empruntent pas tout à fait les chemins tracés, des mots dans leur bouche sonnent faux, ils trahissent les habitudes qu'on pensait leur connaître. Leurs destinées, dont on anticipait le tracé dessinent finalement des circonvolutions.
En mêlant fiction, écriture dramatique et métatexte, Madeleine Roy signe avec ce premier roman un ovni performatif dont la plume explore, avec poésie et humour, la complexité de la psyché. -
Cette nuit en bordure du village, la maison se tient un peu à l'écart ; presqu'endormie, elle soupire, espère de la visite. En face, au bout du chemin mal éclairé, Isabeau est sur le retour : la maison, c'est celle de son enfance,c'est surtout celle de sa tante décédée quelques semaines plus tôt. En revenant sur ses pas, Isabeau remarquera que ses pieds ne correspondent plus exactement aux empreintes laissées en partant, des années auparavant. Est-ce parce que trop de temps a passé ? Ou parce qu'Isabeau est une toute autre personne ?
Avec Entre, Roy lance une invitation à son personnage : il lui faudra contempler ses propres traces, faire face à ce qui aurait pu être, ce qui a été laissé derrière et qui aura continué à avancer, changer, vieillir en son absence. Madeleine Roy manifeste à nouveau un talent pour saisir, tout en nuances et en délicatesse, la complexité des remous qui nous agitent. -
Dans la société de consommation, la démocratie rappelle parfois un label, apposé pour rassurer : soyez tranquilles, le peuple reste souverain. Pourtant, l'acheteur sait se faire exigeant. Il lui arrive de douter de sa qualité, regrette que la teneur soit si pauvre, exige qu'on augmente les proportions. Moins d'additifs, plus de démocratie !
Entre l'idéal du 18e siècle et celui du 21e, un dialogue s'installe. Sur la scène de la Ve République, où se répètent les révolutions démocratiques de Macron et Mélenchon, on entend également les Gilets jaunes donner la réplique aux révolutionnaires français. Au nom de la Démocratie, une investigation sur les pistes de la démocratisation de la France révolutionnaire de 1789 à nos jours. -
Une compagnie de théâtre monte Macbeth, la police blesse à mort un jeune garçon et des émeutes éclatent dans Paris. Alors que son couple bat violemment de l'aile, Julie lit Shakespeare, se languit de son amant et retrouve son amie Sophia en soirée. Privé et politique sont les deux faces de la même pièce, en constante correspondance ; ils font d'En Arden le tiers lieu au sein duquel Julie, héroïne toute contemporaine, joue les équilibristes.
Mathilde Hug compose ici un premier grand roman féministe, dans lequel elle réussit à harmoniser le tragique propre à l'époque, les outrances médiatiques, les élans du désir, l'onirisme des parrainages littéraires avec les drames de l'intime. -
Une tempête inexplicable a élu domicile dans le ciel du Grand Est, laissant le reste du territoire profiter d'un éternel beau temps. Météorologue qui a choisi l'exil au large des côtes, Anna est sommée de rejoindre la terre ferme, pour étudier et tenter d'élucider ce mystère.
Dans un décor apocalyptique et déserté, Anna entame à son corps défendant une véritable course contre le temps. Elle devra se mesurer à la météo, certes, mais aussi à l'héritage familial et à sa propre histoire qui, s'ils sont tous deux passés sous silence, résonnent pourtant d'un étrange écho. -
C'est une fille qui monte une chaîne youtube.
Ça commence toujours de la même façon, et au fond, le principe ne connaît pas de fondamentales variations. Il s'agit d'un côté de la vitre regarder et de l'autre donner à voir. La répétition à l'infini entretient l'illusion du connu, du déjà-vu : c'est familier, ça nous dit quelque chose. Bien vite, les frontières se font plus minces, l'image précédente se superpose à la suivante, et ainsi de suite ; les décors se ressemblent, les mises en scène répondent aux mêmes principes, les visages face caméra se confondent. Je deviens Sibylle Baier, tu es Jane Graverol, elle prend les traits d'Hedy Lamarr et leurs contours se multiplient, comme captifs des glaces d'un kaléidoscope : que dire de nous, de vous, d'elles ?
Les identités se déclinent, se construisent en faux ou se rejettent. Elles cohabitent en transparence, et c'est la somme de toutes les parties qui dit quelque chose de l'endroit où l'on se trouve, là, tout de suite, dans l'instant.
Comme il est d'usage sur la plateforme de partage de vidéos, Dans ton tube s'enroule en circuit fermé. L'algorithme verrouille les possibilités de sortie et, si on parvient à s'extraire, si l'on finit par être expulsé, c'est désormais projeté en orbite, l'oreille interne toute chamboulée. Florence Andoka nous propose une vertigineuse expérience de lecture, qui laisse à bout de souffle, pétri du plaisir coupable d'avoir consommé trop.