La Mappa mundi d'Albi (ms. 29 de l'actuelle médiathèque Pierre-Amalric d'Albi), constitue l'un des exemplaires les plus anciens de représentation du monde en Occident. La cartographie antique n'est en effet connue que par des descriptions textuelles et des copies plus tardives. Cette carte présente une forme rare, en fer à cheval ; elle est orientée vers l'est et figure les trois parties du monde médiéval serrées autour de la mer Méditerranée : l'Asie en haut, l'Europe à gauche, l'Afrique à droite, et le détroit de Gibraltar largement ouvert en bas de la page. Le tracé des terres, à l'encre brune, se distingue des mers peintes dans une couleur verdâtre, de même que les fleuves. Des noms de lieux en latin permettent de reconnaître les éléments géographiques représentés : noms de provinces romaines, de cours d'eau, de villes et des îles principales de la mer Méditerranée. Le tout forme une image schématique de l'ensemble du monde tel qu'il pouvait être connu à la fin de l'Antiquité et au début du Moyen Âge en Europe occidentale.
Or, la Mappa mundi ne se présente pas seule : elle est conservée dans un manuscrit de parchemin, constituant un recueil de vingt-deux textes, copiés et reliés ensemble vers la fin du VIIIe siècle. Depuis l'époque de sa création, le manuscrit fait partie du fonds de la bibliothèque du chapitre de la cathédrale d'Albi (transféré à la bibliothèque municipale à l'époque contemporaine). Modeste localité située dans une campagne prospère, Albi devint une cité et un évêché au début du Ve siècle ; dès le VIIe siècle, un scriptorium et une bibliothèque en font un centre intellectuel et culturel important.
Bien que connus des spécialistes et souvent cités, la Mappa mundi d'Albi et le manuscrit dans lequel elle se trouve n'ont jamais fait l'objet d'une recherche approfondie. Lorsqu'en octobre 2015, ce document cartographique exceptionnel a été inscrit au registre Mémoire du monde de l'UNESCO, l'événement a été marqué par la création d'un groupe de recherche et d'un séminaire dont sont issus les articles de ce volume. Ils proposent d'aborder l'étude du manuscrit dans son environnement médiéval, ouvrant des pistes pour des recherches futures et soulignant des points de méthode. Il s'agit tout d'abord d'une interrogation sur le contexte historique et intellectuel du manuscrit et les preuves avancées pour sa datation. Il est question de la persistance des modèles cartographiques antiques, des possibilités matérielles de leur transmission et de leur réception à Albi, et du lien entre la mappemonde et les textes qui l'accompagnent. La comparaison avec d'autres mappemondes et d'autres ouvrages géographiques du haut Moyen Âge permet de mieux comprendre les usages de cette image du monde dans le contexte monastique du chapitre d'Albi et plus largement, de l'essor intellectuel de l'Occident médiéval à l'aube de la Renaissance carolingienne.
Nées dans les milieux maritimes méditerranéens au cours du XIIe siècle, les cartes marines dites « cartes-portulans » constituent le coeur de l'ouvrage. Dessinées sur parchemin, sillonnées de lignes en étoile évoquant les directions de la boussole et représentant la succession des ports et des mouillages le long des rivages, ces cartes accompagnèrent les navigations européennes et l'exploration du monde jusqu'au XVIIIe siècle. Instruments de navigation utilisés à bord des bateaux, elles furent aussi produites sous la forme d'images du monde enluminées, destinées à de riches commanditaires, illustrant les intérêts économiques et politiques des puissances maritimes européennes. Réunissant les contributions d'une quinzaine de spécialistes européens, le livre fait le point des connaissances sur ce type de cartes et reflète le renouveau historiographique des dernières années.
Ainsi, sous un angle inédit, l'ouvrage interroge la manière dont les Européens ont découvert et conquis mais aussi étudié et représenté territoires et peuples du XIVe au XVIIIe siècle. Les cartes-portulans s'imposent au regard contemporain comme de véritables oeuvres d'art dont le caractère spectaculaire tient autant à leur taille, imposante, qu'à leur polychromie et à leur univers exotique.
Ce deuxième volume du "Moyen Âge dans le texte", issu de journées d'études tenues au Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris entre 2013 et 2018, poursuit un travail de réflexion et d'exploration des champs ouverts par la "nouvelle histoire textuelle", développée depuis une trentaine d'années. L'écrit comme une évidente source de l'enquête historique devient lui-même matière pour les historiens qui interrogent sa forme autant que son contenu et étudient les milieux et les contextes de son élaboration et de ses usages. Les discussions croisées avec des chercheurs de France et de l'étranger, spécialistes d'histoire médiévale et de littérature, ont permis de confronter les méthodes et les angles d'approche. Or ce volume entend désormais mener l'enquête "au-delà de l'écrit", dans des domaines de recherche relativement récents, où la grande variété des textes du Moyen Âge n'a encore pas été suffisamment exploitée. Quatre thèmes sont ainsi présentés : la poésie, l'espace, le genre et le commerce.
Les auteurs : Cordelia Beattie, Nathalie Bouloux, Damien Coulon, Isabel Davis, Lisa Demets, Jan Dumolyn, Laurent Feller, Christopher Fletcher, ChristineGadrat-Ouerfelli, Jérôme Hayez, Ingrid Houssaye Michienzi, Aude Mairey, Chloe Morgan, Miriam Muller, Judith Olszowy-Schlanger, Cleo Rager, Clémence Revest, Emmanuelle Vagnon.