L'île sur laquelle se déroule l'intrigue ressemble fort à la Martinique, mais il pourrait s'agir de n'importe quelle autre île perfusée où l'on ne produit plus que de l'illusion et qui se retrouverait éperdue si un jour le cargo, en provenance d'une autre société qui les alimente, n'arrivait plus. Les choses seraient particulièrement compliquées pour la Martinique et la Guadeloupe, où l'empoisonnement par le chlordécone d'une bonne partie des terres arables rendrait la tragédie plus aiguë qu'ailleurs.
Le martiniquais Jean Bernabé (1942-2017) est une figure majeure de la créolistique martini-quaise et l'une des plus importantes de la créolistique mondiale.
Au fil de sa carrière exceptionnellement riche, il fut le grammairien, le créoliste et le militant à qui la langue créole doit sa codification graphique. Il fut aussi un analyste littéraire hors du commun et un romancier. Il fut enfin un penseur, dont cet ouvrage révèle la dimension anthro-pologique et l'importance hors du champ linguistique.
« Tracées » renvoie précisément aux différentes empreintes de ce cheminement considérable. Toutes sillonnent ces terres au destin incertain que sont la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane, au sein d'un monde où migrations et nouvelles technologies rapprochent les peuples mais aussi exacerbent les pulsions nombrilistes.
Le parcours de cet intellectuel méritait d'être étudié car les passages ouverts par Jean Bernabé furent fréquentés, féconds, et justifient sa place aux côtés d'Aimé Césaire, Frantz Fanon et Édouard Glissant au panthéon des personnalités marquantes de l'histoire des Antilles.
Ce livre constitue les actes d'un colloque international qui s'est tenu du 25 au 27 octobre 2017 à l'université des Antilles, campus de Martinique. Il a été organisé par le Centre de Recherches Interdis-ciplinaires en Lettres Langues Arts et Sciences Humaines [Crillash]. Le Crillash, fondé par Jean Bernabé, est issu du regroupement en 2006 de trois laboratoires de recherches, dont le Groupe d'Études et de Recherches en Espaces Créolophone et Francophone [Gerec-F], fondé également par Jean Bernabé.
L'actuel directeur du Crillash est Gerry L'Étang, qui a pris la suite de Corinne Mencé-Caster et Raphaël Confiant, qui avaient eux-mêmes succédé à Jean Bernabé.
L'effervescence dont la peinture est l'objet depuis quelques années en martinique, méritait qu'un ouvrage ambitieux présente les acteurs de cette efflorescence et donne accès à leurs oeuvres.
Comprendre ce phénomène, l'accompagner, valoriser ces peintres et leur talent, offrir une étude globale sur la peinture en martinique, de son apparition à nos jours, sont les objectifs de ce volume. près de 300 oeuvres de 70 artistes sont ici données à voir, et plusieurs de ces peintres d'hier et d'aujourd'hui font l'objet de développements. une trentaine de plasticiens contemporains précisent le sens général de leur démarche artistique, ainsi que leur rapport à la martinique.
Nombre de tableaux sont décryptés par des critiques d'art ou des écrivains. ces pages ciselées, volontiers poétiques, offrent des lectures personnelles, des interprétations sensibles qui sont aussi des oeuvres d'art : à l'esthétique picturale répond une esthétique scripturale. ce livre donne donc aussi à lire de la littérature.
Un double numéro et une fertile réunion d'universitaires qui portent des regards croisés sur un concept aux limites mal évaluées : celui de créolisation culturelle. De la linguistique à l'architecture, de la musique aux rites, les auteurs qui ont apporté leur contribution au séminaire du CRILLASH sur la question (2011) cernent ainsi plus étroitement un processus, un perpétuel devenir presque, où se jouent rencontres, interpénétrations et recréations. Qu'ils soient théoriques ou attachés à des objets d'étude plus pointus, ces textes font ainsi plus que participer « au débat sur la créolisation, à son épistémologie, son exemplification » ; ils les repoussent et les enrichissent encore. Ethnologues et ethnomusicologues, critiques littéraires et historiens. on ne peut citer toutes les spécialités ici convoquées pour parler « créolisation ». Mais ce panorama non exhaustif suffit à lui seul pour dire toute l'ampleur et les infinies facettes d'un mouvement décelé, révélé et analysé par des auteurs qui, on l'aura compris, élargissent considérablement, avec acuité et limpidité, la recherche sur le sujet.
Cet ouvrage est un recueil de nouvelles, le traitement littéraire d'un thème caractéristique de la Martinique : la Drive. Une croyance persiste qui dit que les exclus de la société, ceux qui errent dans l'île, sont victimes d'un ensorcellement contre lequel ils ne peuvent rien. Dix-neuf auteurs réunis par Gerry L'Étang traitent ce sujet sous des angles sorcellaires ou rationnels. Les récits, en français ou en créole, sont des essais d'illustration, d'interprétation de ce phénomène et de sa tragédie.
Cet ouvrage est le récit de vie d'Antoine Tangamen dit Zwazo (1902-1992). Sa compétence en matière d'hindouisme à la Martinique en fit l'interlocuteur principal de ceux qui s'intéressaient à cette religion. De ceux qui, ethnologues ou non, pressentaient qu'avec lui disparaîtrait tout un monde. Et surtout de tous ces dévots qui se pressaient la semaine devant sa porte pour le prier d'organiser leurs cérémonies. Car le dimanche, quand s'arrêtaient les tambours cérémoniels, l'homme dialoguait avec les dieux. Il a également vécu un siècle de condition indienne, de créolisation indienne dans une commune du nord de l'île. Il a enfin connu les transformations de la société de plantation, d'habitation, dont il fut un rouage essentiel : un commandeur, contremaître des récoltes.
Grand témoin d'un siècle et de ses mutations, il nous laisse ce récit.
Dans une autre circonstance, un autre pays, un président-à-vie entreprit une traversée de l'horreur.
Il s'appuya dans cette aventure sur une milice dont les membres reçurent le titre officiel de « volontaires de la sécurité nationale ».
La malice populaire préféra les nommer « tontons macoutes » pour les hommes, « fillettes Lalo » pour les femmes, s'inspirant là d'un croquemitaine et d'une ogresse, figures imaginaires du lieu. Une femme se hissa à la tête de ces paramilitaires, devint LA Fillette Lalo. Plus d'un demi-siècle après le début de son oeuvre, sa légende, d'extravagance et d'effroi, est ici restituée.
Ici Corinne Mencé-Caster se demande comment écrire la domination quand on se trouve en position consciente ou inconsciente de dominé ou de dominant. Selon quelles postures ou impostures ? Gerry L'Etang s'arrête sur un cas d'écriture de la domination par un dominé devenu dominant en endossant les représentations et intérêts des détenteurs du pouvoir. André Lucrèce expose le témoignage d'un abolitionniste sur l'atrocité esclavagiste la plus extrême et analyse les mécanismes au travers desquels la domination aboutit parfois au mal absolu.
La condition esclave est également étudiée par Liliane Fardin, qui se penche sur le traitement de ce thème par un romancier (et historien) contemporain. Max Bélaise fait l'exégèse du récit de voyage d'un "moine-soldat" mobilisé au début d'une colonisation pour l'évangélisation d'esclaves, et étudie les conséquences actuelles d'une christianisation violente. Concernant la distribution de noms infamants aux nouveaux libres après l'Abolition, Philippe Chanson examine les résultats de cette stratégie coloniale de dénommer pour dominer et s'interroge : peut-on échapper à son nom ? En partant d'une fable créole, Jean Bernabé met au jour la domination coloniale comme génératrice de contentieux entre peuples colonisés et questionne la notion d'identité.
Ici enfin, Raphaël Confiant prend la mesure de la position complexe des langues dominées dans un écosystème linguistique mondialisé dont le fonctionnement n'incite guère à leur traduction.