Pendant plus de cinquante ans, au sud de Manhattan, l'île de Staten Island a accueilli les ordures de la ville de New York. Plus de 29 000 tonnes de rebuts se déversaient chaque jour dans cette décharge à ciel ouvert, visible de l'espace. Fermée en 2001, Freshkills ne rouvrira qu'en 2036 - une fois reconvertie en gigantesque « parc récréatif ».
Camouflée. Refoulée. Aseptisée.
Que dit d'une société le traitement de ses déchets? Ne vivons-nous qu'en surface ? Une promenade hantée et poétique parmi les impensés de la consommation - les pôles invisibles de notre monde.
Dans une France qui pourrait être la nôtre, Laure Vertu, capitaine de police, démissionne après plus de dix années de service acharné au sein de la brigade anti-fraude. Dans ce bref roman noir, porté par une langue limpide, qui donne toute leur place aux rêves et à leur puissance, Lucie Taïeb s'empare du genre policier pour mieux le subvertir. Sa capitaine Vertu, Bartleby au féminin, dure à cuire, hallucinée, oppose au "monde tel qu'il est", à ses violences, ses dénis, ses compromissions et ses faux espoirs, un refus buté.
L' île de Staten Island, à New York, a hébergé de 1948 à 2001 ce qui devint peu à peu l' une des plus grandes décharges à ciel ouvert du monde.
Mordor urbain, la décharge de Fresh Kills - que l' on disait visible de l' espace - ne devait initialement être opérationnelle que pour trois ans. Mais au fil du temps, des montagnes d' ordures, littéralement, s' y sont érigées. La dernière barge de déchets y sera déposée en mars 2001.
C' est là qu' on stockera les débris issus des attentats du 11 septembre.
Aujourd' hui, le site de Freshkills se transforme en un parc verdoyant, parmi les plus grands de New York, construit au-dessus des déchets enfouis.
Dans ce récit-documentaire à la croisée des genres, Lucie Taïeb remonte aux origines de cette décharge de Babel pour « penser le problème de manière poétique » et comprendre ce lieu qui, à l' apogée de sa production, traitait jusqu' à 29 000 tonnes d' ordures par jour.
S' intéresser à l' histoire de ce site et à la façon dont nous traitons nos déchets est aussi pour l' autrice l' opportunité de questionner l'usage du langage technocratique et marketing pour influencer notre perception du réel.
« Comprends-moi bien, pourtant. Je ne dis pas que ton histoire n'est pas la vraie. Je dis seulement qu'elle n'est pas assez forte face à la leur. Et tu as déjà compris, puisque tu la tais, tu sais déjà, sans doute, qu'il vaut mieux, toujours, dans une famille où règnent des histoires divergentes, et dans le monde tel qu'il va, être du côté des histoires les plus fortes. » Au coeur de l'été, une fille étrangère vient troubler le quotidien morne d'Oskar et de sa soeur, qui habitent avec leurs parents une maisonnette en bordure d'une voie de chemin de fer désaffectée. En parallèle de ce récit d'initiation, ou plane l'ombre d'un drame, se déploie une société entièrement dévouée au travail et a l'asservissement des esprits et des corps. Il règne dans cet univers un discours de terreur, la promesse d'une terrible menace qui est sur le point d'advenir et que seule Stern, héroïne placide, poète plus que guerrière, ose défier.
Au cours de quatre saisons mouvementées, Les Échappées tisse un récit de l'émancipation par le mouvement. On suit des femmes qui ont choisi la fuite par courage, pour se sauver et sauver celles et ceux qu'elles aiment, pour échapper à une parole autoritaire et mensongère, à un pouvoir oppressant et destructeur. Lucie Taïeb noue, en deux intrigues parallèles, un drame qui met en opposition, dans la sphère intime et dans la sphère politique, des individus isolés face à un pouvoir qui pourrait les écraser, mais dont ils parviennent à s'affranchir.
Peuplié, c´est l´aventure d´un arbre devenu verbe. Peuplié, c'est aussi l'histoire de Fredinand Man et Liesl Wagner, amants tragiques, partageant tous deux l´infortune d´une naissance «entre deux siècles». À cette trame minimale, s´entremêlent librement des échappées sonores, des axiomes existentiels, de longues douches «comme remèdes universels», et une traversée de l´Europe germanophone où croiser, en pensée ou dans le texte, Heine, Apollinaire, Hölderlin, Bachmann. Peuplié, c'est enfin le lieu où s'égrènent des questions adressées à chacun, mais qui n'attendent pas de réponse : comment accepter ce qui ne peut pas l´être, comment renaître de ses cendres, la poésie estelle dépeuplée, comment faire encore trembler le poème, comme tremble la couronne de l'arbre, d´un mouvement multiple, harmonieux, communicatif ?
Une femme se réveille seule dans une pièce blanche et close, une autre marche dans la lande bordant une falaise, tentant d'éviter l'homme qui vient vers elle, une autre enfin est placée en quarantaine, atteinte d'une syphilis étrange. Dans son premier roman, Safe, Lucie Taïeb met en scène une ou plusieurs femmes, selon la lecture que l'on choisira de faire, aux prises avec une peur abstraite. Oscillant entre rêve et réalité, cette peur se déguise de diverses manières, la peur de l'autre, du dehors, du vide, elle pèse de tout son poids et elle nous tétanise, elle n'a pas de nom, seulement des masques. Ces peurs, sont-elles l'écho lointain d'une peur ancestrale, qui serait comme chevillée au corps, ou sontelles au contraire le fruit d'une organisation de la protection par la société ?
Depuis Distance est le récit d'une rupture immobile et invisible. La voix qui s'exprime, parvenue « au milieu de sa vie «, trace une cartographie lacunaire de ses attachements, affectifs, charnels, spirituels.Tout en s'ancrant dans un quotidien estival (on y reconnaît les bribes d'un décor montagnard), le texte se nourrit de la tension ente ces attachements, l'ombre des pertes, et un désir de liberté qui implique la mise à distance irrévocable de tout ce qui entrave, de tout ce qui «retient.»
La Retenue, ou une certaine arithmétique de l'intime dans la chaleur des étés. Dans la touffeur, se souvenir des étés : se désunir, se réunir, se perdre, se retrouver, faire l'expérience du manque, de l'effacement, de la plénitude. dilatation - joie - / si dehors les corps les cris la musique à gogo le / bal / ici couchés l'un à côté de l'autre non pas contre ici nos corps ne / se touchent / pas l'un à côté de l'autre cette / joie / des corps dehors la chaleur et la bière et par tous les pores / l'alcool et la sueur joie de la danse limite presque atteinte cette / sensation très vive de / vivre d'être pleinement d'être enfin pleinement par les corps.
Comment lire, aujourd'hui, les poèmes de Nelly Sachs, d'Edmond Jabès et de Juan Gelman, qui ont tenté de dire, dans la deuxième moitié du xxe siècle, la violence historique ? Écritures de la perte, ces poèmes gardent vive la trace des victimes disparues et se constituent, pour elles, en mémoriaux. Ils sont également écritures de l'exil, où se noue un lien complexe entre histoire et mémoires collectives. Écritures de la mémoire, leur enjeu profond est celui de la transmission même.
Lucie Taïeb, pour sa première création, choisit une forme fragmentée pour mieux faire se croiser les voix de plusieurs personnages qui s'adressent à un être cher absent. La mort, la disparition et l'exil se côtoient dans ces appels où le manque cède parfois la place à la violence de l'incompréhension.
Sidonie Mangin a choisi la gravure pour accompagner ces errances. Les figures qu'elle déploie, narratives et mystérieuses, font ainsi écho à l'atmosphère fuyante du texte.
« [T]rente ans après sa mort, Hervé Guibert est encore vivant », comme l'avance d'emblée Arnaud Genon dans ce dossier que la revue Spirale consacre à l'auteur pour commémorer sa mort survenue en 1991. Figure paternelle, frère d'écriture, écrivain par excellence ou fantôme chéri, l'écrivain présente plus d'un visage comme en témoignent les contributions de David Caron, Marie Darrieussecq, Benjamin Gagnon Chainey, Arnaud Genon, Rebecca Leclerc, Daoud Najm, Chloé Savoie-Bernard et Kate Zambreno. Le dossier est accompagné du travail photographique d'Hervé Guibert. Le portfolio est, quant à lui, consacré à Moyra Davey, dont la présentation est signée par Katrie Chagnon. Les rubriques « Hommage », « Critique de la critique » et « Incursion », accueillent respectivement Pierre Popovic qui rend hommage à Régine Robin, grande intellectuelle décédée il y a quelques mois, Alice Michaud-Lapointe qui réfléchit à la formation de l'esprit critique comme geste d'amour engagé et Lucie Taïeb qui invite à la suivre sur les lieux qui l'ont marquée. (source : Spirale)