Maqroll el Gaviero, le matelot bourlingueur de tous les océans, héros mythique d'Alvaro Mutis, revient au coeur des Andes. La fièvre de l'or l'attire vers les mines des vallées brûlantes où semble planer encore le vieux mythe de l'Eldorado. Amour et folie rôdent, incarnés par des femmes inoubliables. Cols hantés des hauts plateaux glacés, univers fraternel des camionneurs lancés sur les pistes vertigineuses comme les marins dans les tempêtes, ports envasés des estuaires où un cargo rouillé attend peut-être Maqroll au retour de son errance, tels sont les labyrinthes où nous guide une nouvelle fois le grand Álvaro Mutis.
Maqroll l'aventurier, le marin, le contrebandier, Maqroll l'amant ou le philosophe, somme toute Maqroll le Gabier, a posé son sac dans un port du Rio de la Plata. Du fond de son étrange chambre, suspendue au-dessus du grand fleuve, Maqroll guette son ultime aventure. Elle se présentera dans un crescendo narratif magistral, qui, des caravanes à l'assaut des montagnes aux combats contre l'armée, amènera le protagoniste au bord de la tragédie.Maqroll se serait-il lancé dans son ultime expédition ? Si, comme le dit Pétraque dans dans ce vers où Alvaro Mutis a trouvé son titre, Un bel morir tutta una vita onora..., il est des héros que le romancier n'a pas le droit de tuer, et Maqroll le Gabier a plus d'un tour dans son sac...
De la baie d'Helsinki au delta de l'Orénoque, le narrateur croisera quatre fois la silouhette de l'Alcyon, un vieux tramp steamer crasseux et démantibulé qui possède pourtant la dignité sereine des grands vaincus.
A ce rafiot rouillé qui navigue avec une lenteur de saurien est liée une somptueuse histoire d'amour que le narrateur recueille de la bouche même du capitaine du bateau au cours d'une cinquième et ultime rencontre qui marquera le naufrage du tramp steamer. Maqroll el Gaviero est là, bien sûr, ainsi que son compère Abdul Bashur, mais ils se sont faits ombres discètes pour laisser le devant de la scène à Jon Iturri et sa passion pour Warda, une des soeurs d'Abdul Bashur.
Compagnie des fantômes du passé la mort, celle-là même qui a donné rendez-vous à son vieil ami Sverre Jensen dans les brumes de Bergen. « J'ai longé des abîmes auprès desquels la mort n'est qu'un théâtre de marionnettes », confie Maqroll à l'auteur.
Mais une aventure bouleversante l'attend dans sa retraite de Pollensa : la rencontre d'un sourire d'enfant lui fait découvrir « des régions de l'âme qui lui étaient encore inconnues ». Est-ce là sa dernière aventure ? Ou saura-t-il, fidèle à lui-même, forcer le destin - et repartir ?
Maqroll le Gabier, dans les Andes, remonte le fleuve Xurando sur un rafiot, à la recherche d'improbables scieries qui devraient lui permettre de faire fortune dans le transport de bois.
Sa quête sera vaine. Maqroll repartira donc pour l'aventure sans fin, dans le royaume de l'éphémère, vers nulle part.
Le dernier visage illustre l'art de la nouvelle d'un grand romancier. Dans « La maison de Arucaima », que Luis Bunuel qualifiait de « récit gothique des Terres chaudes », Alavaro Mutis délaisse un instant son amour des péripéties et autres aventures pour une petite bombe de sensualité débridée ; « La mort du stratège » est le beau récit mélancolique d'un militaire de Byzance, un des derniers païens, devant servir l'impitoyable religion des chrétiens ; et l'on retrouvera, aux escales les plus imprévues de son errance, Maqroll el Gaviero, le gabier mythique, dans une grande discussion philosophique avec le peintre colombien Alejandro Obregón.
En 1957, Álvaro Mutis a dû fuir son pays natal, la Colombie, accusé de détournements de fonds alors qu'il n'était qu'un bouc émissaire. A 39 ans, incarcéré dans la prison de Lecumberri, il a déjà derrière lui une double vie largement remplie, celle d'un bourlingueur et d'un poète reconnu : deux faces complémentaires d'un même personnage qui se retrouveront dans son oeuvre romanesque.
Si les lettres envoyées en 1959 à Elena Poniatowska depuis la prison sont comme une sorte de journal écrit au jour le jour sur un ton proche de la confidence, Les Carnets du Palais noir, publiés dans Le dernier visage (Grasset, 1991) est un texte longuement élaboré, d'abord en détention, puis retravaillé, ciselé.
Certains personnages des aventures de Maqroll le gabier se retrouvent dans ces carnets.
Abdul Bashur, c'est le nomade de la mer, généreux et cynique, grand seigneur et commerçant avisé, prêt à tout sacrifier pour sa quête du navire idéal. Amours dangereuses sur la route de La Mecque, contrebande de tapis précieux à Marseille, tragédie à Panama, plongée dans les bas-fonds du Pirée : cette course est jalonnée d'escales où la mort rôde. Abdul Bashur est l'ami le plus cher de Maqroll, dont il a si longtemps partagé les errances, et même l'amour de l'inoubliable Ilona qui « venait avec la pluie ». Amis, vraiment ?...
Las siete novelas que constituyen la saga del personaje principal de Álvaro Mutis, Maqroll el Gaviero, reunidas en dos volúmenes con estuche.
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