Comment devient-on un homme? comment se construit l'identité masculine? en traquant l'incident, si minime soit-il, la rixe aussi, en un siècle prompt à manier le couteau et le bâton, anne-marie sohn saisit autant d'occasions pour observer sur le vif la façon dont se forge un tempérament d'homme.
Elle suit ainsi les jeunes français dans les épreuves qu'il leur faut surmonter, au cabaret et à l'usine, au lycée et sur la place publique, pour s'approprier les mots et les rites masculins. elle révèle ce que cette socialisation doit à l'intervention des pères qui sont, pour leurs fils, tout à la fois des modèles, des mentors et des censeurs. elle montre surtout le déclin d'une masculinité fondée sur la force, le courage et l'honneur, au profit d'une masculinité apaisée où la parole remplace le geste, où l'affrontement cède devant la médiation, phénomène étroitement lié à l'avènement des procédures démocratiques.
Cette histoire de la masculinité juvénile dessine également en creux le modèle qui régit la socialisation des filles et pèse sur leur émancipation.
Voici le complément indispensable à La Fabrique des Filles pour comprendre l'histoire du genre. Car dans les désormais fréquents débats sur le genre on parle beaucoup du «formatage» des filles, plus rarement de celui des garçons. Une des meilleures historienes du genre, Anne-Marie Sohn, présente ici l'évolution de l'éducation des garçons depuis 150 ans.
Dans les années soixante, pour la première fois, la jeunesse s'est pensée comme un groupe à part. Elle s'est forgé une identité sociale, avec ses valeurs et ses règles de vie. Elle s'est également construit une identité culturelle en s'inventant des signes extérieurs distinctifs à travers une mode vestimentaire, une musique, un langage. Ces jeunes du baby boom, exceptionnellement nombreux, arrivent dans un monde en plein bouleversement auquel ils entendent bien participer. Les pouvoirs publics, les médias, les chercheurs les découvrent alors, et leur consacrent rapports publics, sondages, articles, émissions radiophoniques et télévisuelles.
Ce sont ces documents qu'Anne-Marie Sohn a revisités et, en premier lieu, les lettres adressées à Menie Grégoire et l'enquête lancée en 1966 par François Missoffe, alors ministre de la Jeunesse et des Sports. Ces sources de nature très différente, les unes officielles et politiques, les autres confidentielles et privées, permettent désormais à l'historien d'accéder à la parole des jeunes.
La jeunesse s'y révèle plurielle, opposant filles et garçons, avant-gardes et traditionalistes, « blousons bleus » et « fils à papa »... Mais l'expérience est commune : celle d'une liberté sans précédent qui transforme le conflit des générations en « problème de société ».
Anne-Marie Sohn est professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Rouen. Elle a publié, entre autrs, Chrysalides. Femmes dans la vie privée (XIXè-XXè siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 1996 et Du premier baiser à l'alcove. La sexualité des français au quotidien (1850-1950), Paris, Aubier, 1996.
Pour élaborer cet ouvrage de synthèse, l'auteur a réuni plusieurs milliers de dossiers établis à partir des archives judiciaires françaises (adultères, crimes sexuels, infanticides, avortements, etc.), fouillé dans la vie privée des inculpés, des victimes et des témoins. Elle s'est également tournée vers les journaux intimes, mémoires et travaux des observateurs sociaux.