Après les rééditions du "Mauvais sort" et du "Printemps du guerrier", réédition d'un recueil de nouvelles d'un auteur considéré comme l'un des plus importants de la littérature italienne d'après-guerre. Particulièrement représentatif de son oeuvre, ce recueil est traversé par deux thématiques chères à sa réflexion: la guerre et la vie paysanne. En les juxtaposant au fil de courts récits, il en fait ressortir les valeurs antagonistes.
Homme d'idées et d'idéaux, mais étranger aux idéologies, écrivain à la passion désespérée, mais à l'écart des cercles et des académies, Beppe Fenoglio a vécu en splendide solitaire au coeur de son époque. Auteur de quelques-uns des romans les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle, il a aussi été un maître de la nouvelle, un genre qu'il a cultivé avec dévouement tout au long de sa carrière d'écrivain : de ses premières tentatives dans les années 1940 jusqu'aux derniers jours de sa vie. C'est Italo Calvino qui avait fait sa découverte comme écrivain avant de devenir son ami et qui fera de lui le plus grand des éloges après sa mort prématurée : « Il était le plus solitaire d'entre tous et c'est lui qui est parvenu à écrire le roman [Une affaire personnelle] dont nous avions tous rêvé, alors que personne ne l'attendait plus : Beppe Fenoglio. Il a réussi à l'écrire mais pas à le terminer et il est mort avant de le voir publié, dans la fleur de ses quarante ans. Le livre que notre génération voulait faire est maintenant là, et notre travail y reçoit un couronnement et un sens, et à présent seulement, grâce à Fenoglio, nous pouvons dire qu'une saison s'achève ». Les nouvelles réunies ici, jusqu'à présent inconnues du public français, offrent un florilège représentatif d'un romancier dont les ressources sont aussi vastes qu'imprévisibles.
Dans l'âpre mélancolie des collines du Piémont vivent des hommes à la parole rare, liés à la terre comme par une condamnation sans appel. La rudesse des jours embrume souvent leurs yeux de rage. C'est dans cet univers qu'Agostino passe de l'adolescence à l'âge d'homme. Il ne faut pour cela que quelques saisons, terrible intervalle entre le décès d'un père et celui d'un frère, jeune séminariste consumé par la faim et la maladie.
Agostino, lui, travaille chez un métayer. Le pain est amer d'être conquis sur une terre avare. Pourtant, avec la dignité d'un héros de tragédie antique, Agostino affronte son destin, ce mauvais sort qui court comme un venin dans les veines des habitants des collines, éprouve les corps, durcit les coeurs et finit par ne plus arracher d'autres réactions aux hommes que l'injure et la violence, aux femmes que le silence et la prière. La seule véritable joie dans la vie d'Agostino sera son amour pour Fede, une fille de ferme. Ce bonheur qui lui échoit métamorphosera un temps sa servitude, lumière fugace, avant que la fatalité ancestrale ne reprenne ses droits.
L'embuscade, roman posthume achevé en 1958 et publié en 1978, s'inscrit dans la veine guerrière de Fenoglio. Il retrace un épisode, parfaitement circonscrit, de la guerre civile qui opposa, au cours de l'été 44, partisans badogliens et fascistes. La ville de Valla qu'il faut reprendre à l'occupant acquiert une valeur mythique pour le petit groupe de résistants qui se cache dans les collines de Langhe et vit une pesante attente, coupée de quelques combats meurtriers. Cette alternance de moments paroxystiques et de temps morts permet à l'auteur de camper, avec le talent qu'on lui connaît, des personnages contrastés, de provenances diverses, luttant également pour des raisons diverses.
Bien qu'inachevé, ce roman n'offre aucun blanc, progresse par une suite de flash-back percutants et se referme harmonieusement sur lui-même.
La précision et la sobriété stylistique propres à Fenoglio font de ce texte - dont il disait à son éditeur, en dépit de sa modestie : «Ou je me trompe, ou ce livre est d'un grand intérêt» - l'un des chefs-d'oeuvre de la littérature contemporaine.
« Résistant, comme poète, est un mot absolu » écrivit un jour Beppe Fenoglio, qui se rêvait soldat dans l'armée idéale de Cromwell, avec la Bible dans sa musette et son fusil en bandoulière et qui dut en partage affronter la sordide réalité du fascisme. Au croisement de l'autobiographie, du témoignage et de l'aventure romanesque, Le Printemps du guerrier, livre d'hommes et de paysages en guerre, relate avec une exigence morale sans faille et à travers les nobles yeux de Johnny - jeune recrue piémontaise - la déroute pathétique de l'armée royale italienne ; le gris-vert de l'occupation allemande et les rumeurs du débarquement allié ; Rome ville ouverte, Mussolini à Salò et le maquis pour la Résistance...
La paie du samedi a pour cadre historique les années de l'immédiat après-guerre et aborde le problème de la difficile réinsertion des partisans dans la vie civile.
À travers la Résistance, le jeune Ettore a connu l'ivresse de l'aventure au milieu des dangers. Mais une fois l'ennemi vaincu, lorsque revient la paix, comment se résigner à la monotonie des jours ? Comment prendre le chemin de l'usine après la rude saison des embuscades et des combats ?
Ettore cède aux mirages d'un substitut de vie guerrière et se joint à un groupe de forbans bien organisés. Ils parcourent le Piémont, se livrent à des trafics clandestins et exercent leur chantage sur des personnes compromises avec le régime déchu. Au bout de quelques mois, cependant, l'amour qu'il éprouve pour Vanda oblige Ettore à sortir de l'impasse dans laquelle il s'est engagé. Il s'apprête à donner congé aux rêves de sa jeunesse quand un stupide accident tranche net le récit. La réadaptation aurait-elle été impossible, ou, plus largement, l'homme est-il, quoi qu'il fasse, soumis à un destin aveugle ?
« Ce n'est pas le moindre mérite de ce livre que d'être un document de l'histoire d'une génération », écrivait Italo Calvino en 1950, après avoir lu le manuscrit de La paie du samedi. Ce roman nous touche aujourd'hui par sa dimension d'éternelle humanité. On aimera aussi la frappe du style, sa vigoureuse concision.
Au cours d'une mission, Milton, jeune partisan dont la guerre a interrompu les études, passe devant l'habitation où vivait Fulvia, l'adolescente qu'il aime. La gardienne de la maison lui apprend qu'après son départ son ami Giorgio rendait de fréquentes visites à Fulvia. Milton décide d'aller le questionner. Mais Giorgio vient d'être pris par les fascistes. Son exécution est une question de jours, seul un échange de prisonniers pourrait le sauver.
Récit posthume d'une extraordinaire densité, Une affaire personnelle est considéré, avec La guerre sur les collines, comme l'ouvrage emblématique de Beppe Fenoglio. Un livre d'amour et de guerre, où la passion amoureuse se conjugue et se confond avec l'ivresse juvénile de l'héroïsme et de la mort. Ce n'est pas sans raison qu'Italo Calvino y voyait un Roland furieux de la Résistance. Les autres récits ici regroupés forment une sorte d'épopée des paysans des collines piémontaises des «Langhe». On y retrouve les êtres et lieux d'une époque entière, regardés le plus souvent à travers une sensibilité profonde et une simplicité exemplaire.
Beppe fenoglio (1922-1963) est né et a vécu à albe, dans les langhe, une région du piémont.
Après avoir été résistant, il travaille dans une entreprise viticole en même temps qu'il se consacre à son oeuvre. souvent incompris de son vivant, il est aujourd'hui considéré comme un des plus grands écrivains italiens.
Dans son journal de l'année 1954, fenoglio évoque, entre autres, sa vie quotidienne à albe, sa passion de la traduction et sa dure condition d'écrivain. avec les epigrammes, beppe fenoglio exprime son désamour pour sa ville d'albe, dominée selon lui par le pouvoir de l'argent et le culte de l'apparence, à la manière de martial, albe, sous sa plume, se transforme en une rome en miniature.
Ce livre est la chronique directe, violente, d'un épisode de la guerre de Résistance.
Nous sommes dans le Piémont, à l'automne 1944, Beppe, un jeune partisan, quitte la maison familiale et reprend la guérilla dans les collines après la chute d'Albe, la libre capitale des Langhe. Les fascistes et les allemands mènent leurs opérations de ratissage.
L'ennemi est presque invisible. Il constelle pourtant la campagne de cadavres de partisans fusillés. Beppe a fait son choix. Chez lui, l'exigence morale est aussi adhésion sans réserve au destin.
Il aime la liberté, l'aventure et la rugueuse amitié qui le lie à ses camarades de combat. Il pense à la mort et à son amour : " S'ils me tuent, puis-je espérer qu'elle sentira quelque chose se brise en elle et qu'elle montera dans les collines pour me chercher entre amis et ennemis, en hurlant comme une louve ? Elle me retrouvera loin, très loin sur la neige, elle m'embrassera dans la glace et le sang.
" Le climat qui règne dans ces pages relève de ce que Jorge Luis Borges appelait l' " inaccessible saveur de l'épopée ". Il s'agit du premier livre interrompu, de Beppe Fenoglio. S'y affirme déjà l'écriture intense, véloce et lapidaire d'un très grand écrivain dont toute l'oeuvre est hantée par la guerre de Résistance. Il nous en livre l'âpre vérité, non le mythe ingénu. Dans une clarté sans ombre et avec une dureté parfois insoutenable, la guerre des partisans acquiert ici une résonance universelle.
En elle s'incarne le grand rêve d'unité entre l'homme et la vie, entre le désir et l'action.