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Bertrand Leclair
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Puissances de l'art ou la Lance de Télèphe est un essai au meilleur sens du mot. Sans thèse à exposer, mais avec plusieurs fils à suivre et noeuds à démêler, il cherche, digresse, s'égare, revient sur ses pas et ouvre de nouveaux chemins.
C'est qu'il ne s'agit pas de démontrer, mais de voyager par la pensée, de traverser les références et les discours à la recherche de ce peut l'art, dont on sait depuis le XIXe siècle qu'il ne peut rien et qu'il a fait de son impuissance une vertu. Chemin faisant, en écrivant et en lisant (pour reprendre le titre, en l'inversant, d'un fameux recueil), on s'interroge sur ce que créer signifie et les pouvoirs, qu'on découvre autre qu'on pensait, de la création.
Un des fils conducteurs de ce chemin tortueux est À la recherche du temps perdu, qui est moins un objet d'analyse qu'un compagnon de route, dans lequel on pioche quand on ne sait plus où aller, qui guide et en même temps détourne, qu'on cite pour se laisser égarer. En ces sens, Puissances de l'art est un livre proustien. L'on sait où on va sans savoir comment ni par quel miracle on y arrivera.
Mais c'est aussi un livre bataillien : la puissance de l'art mène l'auteur jusqu'aux bords du sacré. Propos faussement anachronique tant la littérature est aujourd'hui travaillée par ces questions que l'on n'ose plus poser : comment sacraliser sans séparer, comment accéder à la joie, comment être transformé par ce qu'on lit ou écrit.
Puissances de l'art est un essai de soi (comme on parle de " récit de soi ") à travers les textes et les pensées des autres, où tout devient, finalement, écriture.
Le livre doit son sous-titre à l'une des premières phrases du lumineux Proust publié par Samuel Beckett dès 1930 : "Chacune des lances de Proust pourrait être une lance de Télèphe", affirme d'emblée Beckett, qui s'abstient de préciser que Télèphe, accidentellement blessé au cours du siège de Troie par la lance d'Achille, fut guéri ainsi que l'avait prédit l'oracle par un peu de rouille provenant du fer de la même lance d'Achille. -
«Me voilà lancé dans un petit éloge de la paternité. Un éloge de la paternité, énoncé du point de vue d'un père, quand j'en suis un, vaille que vaille ? Certes, je me sens protégé par l'adjectif petit qui m'autorise à m'emparer librement d'un aussi grand sujet où tout se mêle, où tout s'emmêle, à commencer par mes enfants, bien sûr, dont les deux plus jeunes jouent aux Indiens, à l'instant, derrière moi, dans les hurlements et le fracas des chaises renversées. Embarras des mercredis, ambivalences folles de la pensée que décuple le geste d'écrire, quand j'écris sur la paternité avant de réclamer hors de moi un peu de calme et de respect pour mon travail, grands dieux !, sachant bien cependant qu'il serait plus efficace de suspendre mon geste le temps d'une sortie ou d'un jeu en commun qu'ils réclament à leur manière forcenée.»
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L'humour de Marcel Proust
Bertrand Leclair
- Folio
- Folio Entre Guillemets
- 20 Octobre 2016
- 9782070772599
«À la recherche du temps perdu ne ressemble à aucun autre ouvrage, et, comme Proust le dit et le redit, la difficulté que nous éprouvons face aux oeuvres réellement nouvelles tient d'abord à nos habitudes, perturbés que nous sommes de ne pas les y retrouver, confrontés à une vision du monde qui demande un temps d'acclimatation, qui réclame au lecteur un changement d'optique, voire une nouvelle paire de jumelles. Quel meilleur moyen de l'aborder, cependant, et d'en découvrir tout le sel, que les rires et les sourires que le narrateur nous arrache à longueur de chapitre?» Bertrand Leclair.
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Lire À la recherche du temps perdu pour la première fois, c'est prendre un moyen de transport inconnu pour un voyage d'une longueur peu ordinaire. Certains évoquent un train de souvenirs, d'autres dont je suis témoignent du train de vérités qu'est ce récit initiatique traçant un chemin spirituel vers « la joie du réel retrouvé ». Aux lectures suivantes, c'est en connaissance de cause que le lecteur croit reconnaître les scènes qu'il aime entre toutes comme autant de stations heureuses. Force est pourtant de constater que tout a changé d'être retraversé : les paysages eux-mêmes semblent aussi mouvants que le point de vue depuis le train, ce « laboratoire » dont chaque wagon se transforme en une étonnante « chambre magique qui se chargeait d'opérer la transmutation tout autour d'elle ».
Illustration parfaite de la relativité proustienne à l'articulation du temps et de l'espace, le train permet de retraverser la Recherche d'autant mieux qu'il la parcourt incessamment, depuis la toute première page de Du côté de chez Swann envahie par ses sifflements nocturnes jusqu'au Temps retrouvé, où le coup de marteau d'un employé des chemins de fer généra l'une des réminiscences majeures du bouquet final. Alors le train du souvenir pourra bondir hors du tunnel inerte de la mémoire, dégageant bientôt cette vérité inédite qui, au sens le plus fort du verbe, anime à jamais la Recherche. -
Ce facétieux « petit traité souvent drôle et toujours intelligent sur l'art et la manière d'entrer en littérature afin d'y tracer un chemin » est le fruit d'une double expérience : l'écriture d'une vingtaine de livres et la transmission de cette pratique dans le cadre des enseignements artistiques de Sciences-Po ou des Ateliers de la NRF au sein des éditions Gallimard. Bertrand Leclair y partage librement la formidable dynamique que peut impulser une initiation collective au geste d'écrire. Qu'il s'agisse de plonger dans la langue, de faire preuve d'adresse, d'ouvrir l'espace et le temps du jeu, il déplie et déploie tous les sens du terme « débuter ». Car débuter, c'est débusquer, jouer mai aussi laisser venir, laisser pousser, tel le jardinier espérant avoir la main verte. Le lecteur désireux d'entrer en littérature afin d'écrire un roman ou un récit y trouvera donc un bréviaire lui permettant de toujours faire confiance aux mots qui surgissent, pour les interroger jusqu'à comprendre ce qui les amène et ce qui leur permet de créer l'élan et le ressort du texte.
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Le vertige danois de Paul Gauguin
Bertrand Leclair
- Actes Sud
- Un Endroit Ou Aller
- 5 Février 2014
- 9782330027759
Le vertige danois de Paul Gauguin C'est un autoportrait en crise, un moment de vertige au mitan de la vie. Face au miroir, un homme aux abois prétend affronter sa vérité, sur la toile. Ce qu'il est, vraiment ? S'il a raison, ou bien tort, de s'entêter à la peinture, rien que la peinture ? Ce qu'il va devenir, surtout... Un artiste reconnu pour tutoyer la lumière, ou alors et à jamais ce fanfaron assisté, ce raté qu'on lui signifie chaque jour qu'il est, ici, à Copenhague, peintre tardif et sans génie, père de famille déchu ne tutoyant rien d'autre que la faillite personnelle ?
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Édouard, collectionneur et libraire d'ancien, possède un précieux cahier d'apprentissage datant du XVIIe siècle qui aurait été tenu par un certain Melchior Soubeyran. Lorsqu'il le confie au narrateur, qui s'y plonge, celui-ci se trouve précipité à Moscou, en 1689, au chevet de Jean-Baptiste Tavernier agonisant sous les yeux de son jeune apprenti. À plus de quatre-vingts ans, l'auteur protestant des Six Voyages en Turquie, en Perse et aux Indes, qui fut le pourvoyeur de Louis XIV en diamants d'exception, a été contraint de reprendre la route de l'Orient. Ce septième départ est une conséquence des persécutions déchaînées par la révocation de l'édit de Nantes, mais aussi des manigances de son flamboyant beau-frère, soi-disant prince du sang persan et assurément escroc de la plus belle eau.
Tandis que son maître délire et menace des fantômes qu'il est seul à voir, le jeune Melchior s'enfonce dans son cahier d'écriture comme un animal traqué dans une terre trop meuble. La fièvre contamine les pages, dans la nuit moscovite, et le narrateur, happé à son tour, n'y échappera pas...
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L'univers de Marie-Claude et Yves Laporte vacille lorsqu'ils découvrent que leur second fils, Julien, est sourd. Un temps déstabilisé, Yves Laporte n'est pourtant pas du genre à baisser les bras ou sombrer comme son épouse dans la culpabilité. Déterminé à surmonter la fatalité, à corriger la surdité de son enfant, il s'abreuve de lectures et décide de suivre les préceptes de Graham Bell, l'inventeur du téléphone qui fut d'abord professeur d'enfants sourds. Armé des meilleures intentions, il prétend démontrer la validité des thèses oralistes de Bell, projette bientôt d'en tirer un livre et de faire, en somme, de la surdité sa chance. Mais Julien va dévaster une seconde fois toutes les projections paternelles en s'enfuyant de la maison à vingt ans, brisant le joug paternel pour découvrir à Paris la langue des signes. Il ne reviendra qu'un quart de siècle plus tard afin de solder ce lourd héritage, devenu père à son tour, sûr de lui, de sa réussite au sein de la communauté sourde et de ses propres thèses.
Dans la continuité de ses romans précédents qui mêlaient déjà fiction, enquête et témoignage, Bertrand Leclair déploie une construction étonnante et pourtant fluide, juxtaposant les strates temporelles pour mieux libérer l'émotion dans le millefeuille du temps. Déroulant en toile de fond la grande histoire, celle des sourds tiraillés entre communautarisme et assimilation, il cherche à atteindre une autre vérité de l'expérience humaine, explorant l'intime à travers les projections et les convictions inavouables que chacun, dans la famille de Julien comme dans celle du narrateur, se forge en secret. Quand la surdité s'invite dans le roman familial, voilà en effet que ce dernier se délite, que la trame ordinaire des non-dits et des malentendus laisse deviner des motifs jusqu'alors invisibles, voilà que les sentiments qu'on croyait les meilleurs peuvent se révéler les pires. S'invite alors la question de l'amour, à rebours des mécanismes d'admiration et de reconnaissance qui commandent le plus souvent au destin des familles.
De ce montage surprenant, guidé par une implication personnelle constante et assumée, naît un récit à la fois romanesque et pédagogique. Du malentendu à la malédiction, cette histoire collective aussi passionnante que sidérante ouvre à un questionnement qui l'excède à son tour : comment dépasser les peurs qui nous agissent à notre insu, dépasser la haine inconsciente qu'elles génèrent ? En français comme en langue des signes, l'amour est-il voué à demeurer une langue étrangère ?
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Surveillances
Cécile Portier, Carole Zalberg, Claro, Marie Cosnay, Catherine Dufour, Isabelle Garron
- Publie.Net
- Temps Reel
- 11 Mai 2016
- 9782371774568
Fut un temps où la sauvegarde de nos vies (sauvegarde au sens informatique qu'on lui prête aujourd'hui) était l'apanage des artistes, et notamment des écrivains. Mais, à l'heure de la surveillance de masse, des réseaux sociaux et des algorithmes invasifs, si nos vies sont suivies en temps réel, serons-nous encore capables de les écrire ? Née dans un contexte sécuritaire particulier où, de New York à Paris, sous prétexte de lutter efficacement contre le terrorisme, l'état d'urgence est devenu la norme, cette question nous concerne tous. Parce que la pratique de l'écriture se heurte tout particulièrement à ces enjeux, et dans le prolongement d'un symposium organisé en novembre 2014 dans le cadre du Festival du Film de Lisbonne sur le thème « Créateurs et surveillance », Céline Curiol et Philippe Aigrain ont invité dix écrivains contemporains à donner corps à cette question. D'Orwell à Amazon en passant par les drones espions, Noémi Lefebvre, Christian Garcin, Marie Cosnay, Céline Curiol, Claro, Carole Zalberg, Bertrand Leclair, Miracle Jones, Cécile Portier, Isabelle Garron, Catherine Dufour et Philippe Aigrain s'en remettent à la fiction et au langage pour nous ouvrir les yeux.
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Rome, hôpital San Camillo Forlani. Comment Wallace s'est-il retrouvé immobilisé là une jambe en l'air ? Pour se souvenir, il va écrire son histoire. Mais en remontant le fil, son texte lui renvoie une image très étrange, comme dans un miroir déformant, et le mystère demeure. Il revoit devant lui sa maîtresse, Giulia, et son petit révolver. Il entend un coup de feu, repense à la douleur de son genou éclaté... Pourquoi cette femme qui disait l'aimer follement lui aurait-elle tiré dessus ? Cela aurait-il un rapport avec son mari handicapé et chef de la mafia ? L'amour fait-il perdre la tête ? À toutes ces questions, il faudra bien apporter des réponses...
Bertrand Leclair nous entraîne avec lui dans une histoire haletante, faite de rebondissements multiples, de digressions, de faux semblants et de chausse trappe. Où le vrai et le faux se mêlent pour donner un roman jubilatoire qui mélange les genres et ressemble à l'Italie, dans toute sa diversité : drôle, romantique, tendre et burlesque à la fois.
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A l'instigation de François Bon qui venait de fonder la maison Publie.net, j'ai réuni plusieurs textes consacrés au long des années à Paul Gauguin, à la croisée de sa vie et d'une oeuvre qui est aussi littéraire : outre son abondante correspondance, Gauguin est un mémorialiste et un pamphlétaire remarquable, dont l'écriture âpre et rugueuse danse face au lecteur comme les jambes du boxeur sur le ring.
Le titre donné à cet ensemble de textes relevant de genres différents (la fiction biographique à travers un feuilleton radiophonique, l'essai critique ou la « lecture d'image ») est une invitation à le lire comme un chantier destiné à rester ouvert. L'oeuvre du peintre qui revendiquait « le droit de tout oser » et affirmait avoir « voulu vouloir » est suffisamment entêtante pour qu'on y revienne sans cesse. Elle est de celles où l'on puise énergie et lumière, cette lumière si particulière qui faisait dire à Mallarmé, face aux premières toiles tahitiennes, qu'il est extraordinaire de générer « tant de mystère dans tant d'éclat ».
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Qui est jamais vraiment revenu de cette Algérie en guerre où ont été expédiés plus d'un million de circonscrits ? Et qui peut aujourd'hui se croire indemne de ce qu'a vécu en Algérie la génération précédente ? La rencontre d'un manchot, le récit d'une histoire d'amour avortée et quelques hasards objectifs ont précipité le narrateur sur les traces des commandos de chasse qui crapahutaient dans les Aurès ou ne Kabylie. Il y a découvert le destin tragique des irradiés de Reggane, victimes innocentes des premiers essais nucléaires français, réalisés au Sahara en 1960. En remontant le cours d'existences contemporaines jusqu'à cette époque de crimes et de tromperies, Une guerre sans fin ranime une mémoire enfouie dans le sable mais qui peut toujours, cinquante ans plus tard, contaminer les destins individuels... C'est en cela qu'il est aussi un roman de transmission : sur les pères, les fils et les secrets tragiques qui minent leur relation.
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Dans les rouleaux du temps
Bertrand Leclair
- Flammarion
- Litterature Francaise Flammarion
- 24 Septembre 2011
- 9782081253469
Dans cet essai aussi intuitif que suggestif, Bertand Leclair se demande quelle est la puissance de la littérature aujourd'hui. Un livre est capable de nous faire bouillir d'admiration, de nous scandaliser, de nous pousser à jouer avec la vie :
Combien de visages possède-t-il donc face à un lecteur ? Qu'est-ce qui nous attrape et nous frappe dans un livre ? Convaincu qu'à sa manière l'ouvrage façonne son lecteur, Leclair cherche ici à débusquer les traces que nous laissons au détour des pages lues et à définir ce terrain d'échange que devient la littérature.
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Le cousin Pons de Balzac était un ringard ; le bonhomme Pons de Bertrand Leclair est un fastueux débris de 68 égaré dans une époque qui n'est pas la sienne.
Le Cousin Pons de Balzac (publié en 1847) est aussi bon et naïf que La Cousine Bette est aigrie et nuisible. Un ringard, un collectionneur raté, méprisé, solitaire... jusqu'au jour où on s'aperçoit que sa collection vaut une fortune. Dès lors, les regards changent et le cousin devient le centre de toutes les attentions.
Que serait aujourd'hui le cousin Pons ? Que collectionnerait t-il ? Où et comment vivrait-il ? Le Bonhomme Pons de Bertrand Leclair, est, lui aussi, un type égaré dans une époque qui n'est pas la sienne, un « fastueux débris de 68 ». Cela permet à Bertrand Leclair d'épatantes descriptions des deux époques qu'il évoque, celle d'aujourd'hui et celle des années 70, reflétée par son personnage. Il prend le parti d'une écriture très balzacienne dans son classicisme et son sens du détail, tout en jouant sur le décalage et en mettant en scène un narrateur observateur de Pons. C'est très réjouissant, par une approche sociologique à la fois très précise et en même temps décalée, pleine d'humour. Et Leclair fait revivre comme en sous texte l'esprit balzacien.
Le remake, au cinéma, on connaît bien. Du côté de la littérature, on ne cesse d'emprunter et de réécrire les grandes histoires... mais sans l'afficher.
Avec cette collection, nous proposons à des écrivains de puiser dans les grands classiques du répertoire une oeuvre qui les a marqués, qui appartient à la mémoire collective, et d'en faire le remake.
Tout est permis... pourvu que le souvenir de l'original ne soit jamais perdu. Le titre en porte la trace, les grands aspects du récit ne changent pas. A partir de là, tous les déplacements, toues les inventions sont possibles. L'auteur orchestre à sa façon un trajet fait de reprises et de différences, invente librement à partir de l'original.
Le résultat ? Un rare plaisir de lecture. Une façon unique de rendre hommage aux classiques tout en leur donnant un formidable coup de jeune. La jubilation de constater la vitalité de la littérature et son aptitude à réveiller le monde.
Une collection dirigée par Stéphane Bou.
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L'invraisemblable histoire de Georges Pessant
Bertrand Leclair
- Flammarion
- 19 Mars 2010
- 9782081240179
Tombé par hasard sur un vieux numéro de Paris Match de 1962, relatant le procès de Georges Pessant, l'" assassin à la Simca 1000" qui terrifia le Nord de la France et excita des procureurs trop bien intentionnés, le narrateur raconte sa propre enquête.
II est mu par une obsession : rendre justice à un homme. Georges Pessant est innocent, quoi qu'en disent les mauvaises langues du voisinage, quoi qu'en dise ce Marc Treillou qui s'acharne sur sa mémoire, quoi qu'en disent les avocats des familles traumatisées. Et quoi que semblent avouer les pages écrites par Pessant en prison, accumulant les détails les plus sordides des meurtres... Le récit de quatre crimes sexuels et d'une erreur judiciaire se déploie avec une simplicité et une habileté diaboliques.
Le lecteur est entraîné, il subit la fascination qu'exerce cette histoire criminelle, déchaînant les passions les plus noires dans une certaine province française des années soixante. Et ensuite, pauvre lecteur, un ultime renversement le renvoie à lui-même et aux grands problèmes que soulève le roman : vérité et mensonge, violence et soumission de l'opinion publique.
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Verticalites de la litterature
Bertrand Leclair
- Champ Vallon
- L'esprit Libre
- 14 Septembre 2005
- 9782876734234
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Cet essai ne prend pas pour cible l'Internet ou les cédéroms, mais l'idéologie qui les précède et que l'on retrouve, amplifiée jusqu'à la caricature, dans les théories fallacieuses du mouvement new-age.
Se répandant partout à la vitesse d'un gaz anesthésiant, cette idéologie joue du désarroi contemporain pour en finir avec les notions d'individu ou de libre arbitre. Elle nous promet le paradis technologique, prétendant réduire la langue à une pure fonction de communication et la littérature à un simple loisir culturel. Dès lors, ce n'est pas le livre en tant qu'objet qui est vulnérable, mais le commun des hommes, incité par l'industrie de la consolation à errer sans fin de site en site.
Il s'agirait en somme de se résoudre à une procession interactive, alors que tombe la grande nuit d'un sentiment d'inculture exacerbé par l'incessant renouvellement des leurres.
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Ce roman se présente comme une pseudo-conférence sur la réinsertion socilae, prononcée par un ancien détenu nommé Madère. Mais une voix s'empare de lui, défiant «l'état civil, la police et les moeurs», voix qui se fait appeler Movi Sévaze et se met à vomir sa haine des prisons invisibles. «J'ai écrit ce roman d'une conférence sur la réinsertion sociale en 54 jours, ce qui en fait un de trop. Plus exactement, il s'est écoulé 54 jours entre l'instant où le nom de Movi Sévaze s'est imposé à moi et celui où j'ai remis mon manuscrit. Je l'ai écrit dans une période de grande violence, avec le sentiment prégnant d'avoir la mort aux trousses (la mort sociale, s'entend), obsédé par la citation de Felisberto Hernandez que j'ai placée en exergue, et qui dit qu'écrire, c'est faire un effort pour jeter ses phrases vers le futur et les maintenir en l'air pendant que la mort passe sur la terre». Bertrand Leclair.
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" Chante la colère " : aux premiers mots de la littérature, ceux de L'Iliade, il y a déjà la rage.
La littérature réellement vécue est d'essence scandaleuse : une parole singulière s'élève, qui refuse le carcan du Verbe collectif. Mais comment dire cette dimension essentielle, piégée par un " univers communicationnaire " où la notion même de scandale a été recyclée, annihilée, alors que la déroute des théories nous prive des outils nécessaires pour en témoigner ? Si la création littéraire (l'écriture et la lecture) est sans cesse renvoyée au pur divertissement, c'est justement parce qu'elle ouvre à un " autrement du monde " qui pourrait bien s'affirmer le vecteur de la résistance la plus concrète aux idéologies dominantes en ce qu'elle est, par excellence, le lieu d'un échange irréductible aux normes de la communication.
Roman d'une théorie improbable plutôt que théorie d'un roman impossible, cet essai témoigne d'une expérience, que l'on peut dire littéraire si l'on veut bien entendre que la littérature et la vie sont les deux faces infiniment réversibles d'un même ruban de Möbius.
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C'est le début d'une rencontre littéraire, en province.
Peu de monde. L'animateur est en déroute. Il faut pourtant tenir, deux heures. L'invité en vient à tisser son propos d'anecdotes et d'histoires pour répondre aux questions du public, tantôt irritantes, tantôt stimulantes, toujours abruptes. Surgissent les figures de Stendhal et Kafka aussi bien que de Jimi Hendrix ou d'assassins aux noms spectaculaires, celles encore de Rimbaud et Gauguin, les grands disparus, de Jim Clark, héros des années soixante, et même de Barthes et Lacan, accent grave, Là-can-ça-va-pas, quel rapport ? Et tout cela pourtant fait sens.
Quelque. chose se cherche. Mais quoi ? Et pourquoi cette insistance du mot jouir ? Et pourquoi écrivez-vous ? Et pourquoi lisez-vous ? Et pourquoi " disparaître " ? On y va ? Allez, on y va. Quelle histoire !
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Une femme attend son amant, qu'elle appelle Liesse. Libérée de son mari, de ses enfants, elle arpente son appartement habitant le désir qui la hante, se souvenant de l'ivresse des jours précédents, et anticipant les heures à venir dans une projection troublante...
À ce chant érotique aux accents de perdition s'entremêle une autre voix, celle d'un homme, non pas l'amant mais le mari. Il erre dans la ville, emporté par le ressac de la jalousie.
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Ce qui lui fait peur, c'est cette violence folle que ses fils peuvent libérer à l'extérieur, d'une seconde à l'autre, métamorphosés, bouffis de haine, à terroriser tout le quartier. La violence... Depuis quand ? Voilà une question qui l'agite, tout au fond d'elle-même, là où elle ne peut pas empêcher que les mots soient encore un peu vivants. Depuis quand, elle a peur de la violence de ses garçons ? Depuis quand, tout est parti en vrille ? Une femme est seule chez elle, immobile sur un fauteuil, dans un appartement presque vide. Plus de rideaux aux fenêtres, plus de télé, plus de canapé. Elle attend qu'on vienne la jeter dehors. Puisqu'on va l'expulser. Elle le sait et elle ne veut pas, le savoir. Elle voudrait juste chasser les mots, ne plus penser, et surtout pas à ses deux enfants qu'elle ne va plus jamais voir, au parloir de la prison. Elle ne leur a rien dit de l'expulsion qui se prépare, ultime conséquence de leur condamnation pour trafic de drogue...