En 1833, dans les Alpes du Sud, Fortuné Chabert est un instituteur itinérant. De village en village, il enseigne avec bonheur lecture, écriture et calcul aux enfants. Ce nomadisme enseignant est appelé «l'université des chèvres». Fortuné devra renoncer à son sacerdoce, et se retrouvera, des années plus tard, chez les Hopis de l'Arizona, aux États-Unis.En 2018, Sanjar parcourt la montagne afghane avec son tableau sur le dos. Lui aussi pratique l'université des chèvres. Chassé par les talibans, il deviendra auxiliaire de l'armée américaine en Afghanistan.Quel est le lien qui unit Fortuné et Sanjar, a priori aussi éloignés que possible par le temps et l'espace ? C'est une jeune femme, Arizona Florès. Descendante de Fortuné (cinquième génération), Arizona est journaliste au Phoenix Post. L'un de ses grands combats, c'est la dénonciation de la violence faite à l'école, avec ses tueries récurrentes qui endeuillent les familles américaines. Virulente dénonciatrice du lobby des armes à feu dans son pays, elle est mise à l'écart par son journal, qui l'envoie en reportage en Afghanistan. Elle y rencontre Sanjar. Celui-ci, de plus en plus en danger, ne peut que se résoudre à abandonner, comme Fortuné, sa mission émancipatrice...D'Afghanistan aux États-Unis, du XVIII? siècle à nos jours, l'école a toujours été rejetée par les obscurantistes : par la vertu d'un récit magnifique de colère et de générosité, de beauté et d'amour, Christian Lax prend parti pour une école sanctuarisée, qui émancipe et qui libère.
Alou, chasseur de miel, se dirige vers les ruches sauvages d'un baobab. Circulant en 4x4, armés jusqu'aux dents, une bande d'islamistes radicaux foncent sur lui et font exploser le baobab sacré.
Parmi les débris du baobab, Alou découvre, intacte, une statuette représentant une femme enceinte. Encouragé par son père, il se rend dans le pays Dogon présenter la statuette au sage du village, le hogon, respecté de tous pour sa culture. Le hogon reconnaît aussitôt cette Maternité rouge . Elle est l'oeuvre, selon lui, du maître de Tintam, dont une première Maternité se trouve déjà au Louvre, au Pavillon des Sessions. Pour le vieil homme, la sculpture, en ces temps de barbarie, sera plus en sécurité au Louvre, près de sa soeur, qu'ici, au Mali.
Confier la statuette au musée parisien, c'est la mission d'Alou. Et pour la mener à bien, le jeune homme prendra tous les risques en traversant déserts et mers, en compagnie de migrants, ses soeurs et frères d'infortune.
Christian Lax rejoint la collection Louvre avec un récit engagé, aux côtés de celles et ceux qui subissent la violence, la misère et la guerre et tentent de rejoindre nos côtes dans l'espoir d'une vie meilleure...
En 1940 à Paris. Sam et Eddie sont deux frères. Sam, l'aîné, est un pistard, un coureur cycliste sur piste, l'un des meilleurs de sa génération, particulièrement apprécié du public populaire du vélodrome d'hiver à Paris, le fameux Vel' d'Hiv'. Eddie, le cadet, souffre d'une hémiplégie inférieure du bras gauche et de la jambe gauche. Entre Sam et Eddie, c'est un amour fraternel, quasi fusionnel. Adulé par sa mère, Eddie est rejeté par son père, le docteur Ancelin. Serge Ancelin, persuadé en ses temps d'occupation qu'il vaut mieux Hitler que le Front populaire, soigne le jour ses patients, souvent gratuitement, et passe ses nuits à se perdre dans le jeu avec des officiers allemands. Le 15 juillet 1942, Sam, qui a trouvé portes closes, ne sait rien du drame qui se déroule à l'intérieur du Vél d'Hiv' : C'est plus de 13 000 Juifs, raflés par la police française, qui sont enfermés dans des conditions sanitaires inhumaines. Ce que Sam ignore aussi, c'est que sa mère, accourant au secours d'une amie, est jetée sans ménagement à l'intérieur du vélodrome...
Cervantès, Mike de son prénom, est un jeune homme plutôt paisible. Pour éviter de menus ennuis avec la police, il s'engage dans l'armée, et le voici GI en Afghanistan. Fait prisonnier par les talibans, évadé, repris, maltraité, il est amputé d'un bras. Exactement comme cet autre Cervantès, Miguel de son nom de baptême, futur auteur de Don Quichotte, qui perdit l'usage de sa main gauche au cours de la fameuse bataille de Lépante le 7 octobre 1571.
De retour au pays, à Jerome en Arizona, Mike, comme beaucoup de ces « revenants » de la guerre, se sent déboussolé, devient irritable, oscille entre accès de violence et moments de dépression.
Révolté contre une société dure pour les faibles, fou de rage il détruit une succursale de banque, et se retrouve en prison.
C'est au pénitencier du comté, où il purge sa peine, qu'il se plonge dans la lecture et découvre, émerveillé, l'oeuvre de son illustre homonyme, Miguel de Cervantès. C'est une révélation : Mike sera le Don Quichotte des temps modernes, en butte à toutes les inquisitions contemporaines, économique, politique ou religieuse, et en lutte contre toutes les formes d'injustice.
Mike Cervantès n'écrira pas le remake de l'épopée du « chevalier à la triste figure », mais au volant de sa Mustang, sa Rossinante rutilante modèle 1971, il la vivra pleinement.
En 2005 paraissait L'Aigle sans orteils dans la collection « Aire Libre ». Justement récompensé par de nombreux prix, dont le Grand Prix RTL, ce fut le premier volet de la trilogie que Lax a consacrée au vélo, sa passion de toujours. Le vélo dans ses trois principales épopées : la course à étapes avec le Tour de France, la classique d'un jour avec Paris-Roubaix et la piste avec les Six-Jours. Avec L'Aigle, l'auteur raconte le destin sublime d'Amédée Fario, dans les années 1910, qui courut, amputé de ses orteils. Avec Pain d'alouette, c'est le récit, dans les années 1930, de « l'enfer du Nord » et celui de l'enfer de la mine, les deux intimement liés, où l'on suit une autre destinée peu banale, celle de Reine Fario, la fille. de « l'Aigle sans orteils » ! Enfin, avec L'Écureuil du Vel'd'Hiv, Lax sublime une amitié fraternelle pendant les années noires de l'Occupation. Avec cette trilogie, en définitive, Christian Lax raconte le vélo comme la métaphore de la souffrance et de la dignité des humbles.