Edouard Louis
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« Je suis parti en courant, tout à coup. Juste le temps d'entendre ma mère dire "Qu'est-ce qui fait le débile là ?" Je ne voulais pas rester à leur côté, je refusais de partager ce moment avec eux. J'étais déjà loin, je n'appartenais plus à leur monde désormais, la lettre le disait. Je suis allé dans les champs et j'ai marché une bonne partie de la nuit, la fraîcheur du Nord, les chemins de terre, l'odeur de colza, très forte à ce moment de l'année. Toute la nuit fut consacrée à l'élaboration de ma nouvelle vie loin d'ici. » En vérité, l'insurrection contre mes parents, contre la pauvreté, contre ma classe sociale, son racisme, sa violence, ses habitudes, n'a été que seconde. Car avant de m'insurger contre le monde de mon enfance, c'est le monde de mon enfance qui s'est insurgé contre moi. Très vite j'ai été pour ma famille et les autres une source de honte, et même de dégoût. Je n'ai pas eu d'autre choix que de prendre la fuite. Ce livre est une tentative pour comprendre.
L'interprétation de Philippe Calvario, d'une impeccable justesse, rend dramatiquement présent le douloureux cheminement, entre violences et humiliations, d'un jeune garçon confronté à sa « différence ».
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Changer : méthode est le récit d'une vie, le parcours douloureux et difficile d'un transfuge de classe pour s'extraire de son milieu culturel et social. La profondeur des changements intimes, la douleur des liens qui se rompent et la volonté inouïe qu'il faut mettre en oeuvre pour se réinventer sont au coeur de ce livre magnifique.
« Une question s'est imposée au centre de ma vie, elle a concentré toutes mes réflexions, occupé tous les moments où j'étais seul avec moi-même : comment est-ce que je pouvais prendre ma revanche sur mon passé, par quels moyens ? J'essayais tout. ».
É. L. -
Pendant une grande partie de sa vie ma mère a vécu dans la pauvreté et la nécessité, à l'écart de tout, écrasée et parfois même humiliée par la violence masculine. Son existence semblait délimitée pour toujours par cette double domination, la domination de classe et celle liée à sa condition de femme. Pourtant, un jour, à quarante-cinq ans, elle s'est révoltée contre cette vie, elle a fui et petit à petit elle a constitué sa liberté. Ce livre est l'histoire de cette métamorphose.
É.L.
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« Pour les dominants, le plus souvent, la politique est une question esthétique : une manière de se penser, une manière de voir le monde, de construire sa personne. Pour nous, c'était vivre ou mourir. » Édouard Louis.
Ce texte bref est d'une extrême intensité, due à la violence des sentiments exprimés, plus aimants que haineux. La haine, si haine il y a, est adressée aux « dominants », aux responsables politiques et économiques de la souffrance individuelle d'un homme qui n'a pas sa place dans le monde et qui veut aimer sans le pouvoir : le père de l'auteur.
Revenant sur son enfance, mais partant des derniers mois où il a revu son père physiquement détruit, et pourtant fier que son fils ait publié des livres et soit devenu célèbre, l'auteur se remémore des épisodes clés de son enfance et de son adolescence, tentant de comprendre le couple de ses parents et l'amour distordu qu'ils lui ont porté, effrayés par la personnalité hors du commun de leur fils, dont ils admirent l'intelligence, mais regrettent la singularité, qui en même temps les flatte.
Qui a tué mon père sera mis en scène par Stanislas Nordey en mars 2019 au Théâtre de la Colline puis au Théâtre National de Strasbourg. -
Un soir de Noël 2012, le narrateur rencontre Reda dans la nuit après un repas avec des amis, et lui propose de venir discuter chez lui. L'homme lui raconte son enfance et l'arrivée de son père venu d'Algérie. Un peu plus tard, Reda insulte, frappe et viole son interlocuteur. Le livre relate l'histoire de cette nuit et des jours suivants, en cherchant les origines et les raisons de la violence.