Un cauchemar musical est une de ces réalités inqualifiables qu'on exècre, qu'on méprise, qui vous obsèdent, vous irritent, vous donnent une douleur d'estomac comparable à celle d'une indigestion, une de ces ?uvres chargées d'une sorte de contagion cholérique qui se glissent on ne sait comment, malgré tous les cordons sanitaires, au milieu de ce que la musique a de plus noble et de plus beau, et qu'on subit cependant en faisant une horrible grimace, et qu'on ne siffle pas, tantôt parce qu'elles sont faites avec une sorte de talent médiocre et commun, tantôt à cause de l'auteur qui est un brave homme à qui l'on ne voudrait pas causer de peine, ou bien parce que cela se rattache à un ordre d'idées cher à un ami, ou bien encore parce que cela intéresse quelque imbécile qui a eu la vanité de se poser votre ennemi, et que vous ne voudriez pas, en le traitant selon son mérite, avoir l'air de vous occuper de lui.
Être ou ne pas être, voilà la question. Une âme courageuse doit-elle supporter les méchants opéras, les concerts ridicules, les virtuoses médiocres, les compositeurs enragés, ou s'armer contre ce torrent de maux, et, en le combattant, y mettre un terme ? Mourir, - dormir, - rien de plus. Et dire que par ce sommeil nous mettons fin aux déchirements de l'oreille, aux souffrances du coeur et de la raison, aux mille douleurs imposées par l'exercice de la critique à notre intelligence et à nos sens ! - C'est là un résultat qu'on doit appeler de tous ses voeux. - Mourir, - dormir, - dormir, - avoir le cauchemar peut-être. - Oui, voilà le point embarrassant. Savons-nous quelles tortures nous éprouverons en songe, dans ce sommeil de la mort, après que nous aurons déposé le lourd fardeau de l'existence, quelles folles théories nous aurons à examiner, quelles partitions discordantes à entendre, quels imbéciles à louer, quels outrages nous verrons infliger aux chefs-d'oeuvre, quelles extravagances seront prônées, quels moulins à vent pris pour des colosses ?
Entre deux séjours à l'étranger où ses oeuvres connaissent un grand retentissement, Berlioz nous entraîne dans le tourbillon de la vie des théâtres et des concerts qui sévit à Paris dans les premières années du Second Empire.
Se succèdent à l'Opéra reprises et créations d'opéras de Verdi (Les Vêpres siciliennes), Halévy (Jaguarita l'Indienne), Gounod (La Nonne sanglante) tandis qu'à l'Opéra-Comique et au tout nouveau Théâtre-Lyrique s'affichent, à un rythme soutenu, des ouvrages dont le public est friand, de Reber, Massé, Clapisson, Grisar, Adam, Ambroise Thomas ou Eugène Gautier.
À cette activité lyrique foisonnante s'ajoutent les publications d'albums et de livres savants, l'émergence de sociétés musicales comme celle que fonde Pasdeloup, les concerts parisiens en tous genres où brillent Ernst, Vieuxtemps, Bottesini et tant d'autres, sans oublier les tournées triomphales à l'étranger « qui nous enlèvent nos étoiles ».
Enfin, signant anonymement un article de 1855, Berlioz prend le temps de se faire le chantre discret de son propre Te Deum, enfin joué à la veille de l'ouverture de l'Exposition universelle de Paris, tandis que, sur toile de fond de guerre de Crimée, il relate son voyage en Russie de 1847, exprimant sa reconnaissance aux Russes, qui l'accueillirent si chaleureusement.
Dans ce nouveau volume, la plume de Berlioz sait une fois encore captiver le lecteur en faisant revivre avec panache nombre de musiques et musiciens parfois tombés dans l'oubli et montrer ainsi toute la richesse de la vie musicale parisienne de l'époque.
L'art musical est sans contredit celui de tous les arts qui fait naître les passions les plus étranges, les ambitions les plus saugrenues, je dirai même les monomanies les plus caractérisées. Parmi les malades enfermés dans les maisons de santé, ceux qui se croient Neptune ou Jupiter sont aisément reconnus pour monomanes ; mais il en est beaucoup d'autres, jouissant d'une entière liberté, dont les parents n'ont jamais songé à recourir pour eux aux soins de la science phrénologique, et dont la folie pourtant est évidente. La musique leur a détraqué le cerveau. Je m'abstiendrai de parler à ce sujet des hommes de lettres, qui écrivent, soit en vers, soit en prose, sur des questions de théorie musicale dont ils n'ont pas la connaissance la plus élémentaire, en employant des mots dont ils ne comprennent pas le sens ; qui se passionnent de sang-froid pour d'anciens maîtres dont ils n'ont jamais entendu une note ; qui leur attribuent généreusement des idées mélodiques et expressives que ces maîtres n'ont jamais eues, puisque la mélodie et l'expression n'existaient pas à l'époque où ils vécurent ; qui admirent en bloc, et avec la même effusion de coeur, deux morceaux signés du même nom, dont l'un est beau en effet, quand l'autre est absurde ; qui disent et écrivent enfin ces étonnantes bouffonneries que pas un musicien ne peut entendre citer sans rire. C'est convenu, chacun a le droit de parler et d'écrire sur la musique ; c'est un art banal et fait pour tout le monde ; la phrase est consacrée. Pourtant, entre nous, cet aphorisme pourrait bien être l'expression d'un préjugé. Si l'art musical est à la fois un art et une science ; si, pour le posséder à fond, il faut des études complexes et assez longues ; si, pour ressentir les émotions qu'il procure, il faut avoir l'esprit cultivé et le sens de l'ouïe exercé?; si, pour juger de la valeur des oeuvres musicales, il faut posséder en outre une mémoire meublée, afin de pouvoir établir des comparaisons, connaître enfin beaucoup de choses qu'on ignore nécessairement quand on ne les a pas apprises ; il est bien évident que les gens qui s'attribuent le droit de divaguer à propos de musique sans la savoir, et qui se garderaient pourtant d'émettre leur opinion sur l'architecture, sur la statuaire, ou tout autre art à eux étranger, sont dans le cas de monomanie. Ils se croient musiciens, comme les autres monomanes dont je parlais tout à l'heure se croient Neptune ou Jupiter. Il n'y a pas la moindre différence.
Quand Balzac écrivait son Gambara et tentait l'analyse technique du Moïse de Rossini, quand Gustave Planche osait imprimer son étrange critique de la Symphonie héroïque de Beethoven, ils étaient fous tous les deux. Seulement la folie de Balzac était touchante ; il admirait sans comprendre ni sentir, il se croyait enthousiasmé. L'insanité de Planche était irritante et sotte, au contraire ; sans comprendre, ni sentir, ni savoir, il dénigrait Beethoven et prétendait lui enseigner comment il faut faire une symphonie.
Je pourrais nommer une foule d'autres écrivains qui, pour le malheur de l'art et le tourment des artistes, publient leurs idées sur la musique, en prenant constamment, comme le singe de la fable, le Pirée pour un homme. Mais je veux me borner à citer divers exemples de monomanie inoffensive et par cela même essentiellement plaisante, que l'histoire moderne me fournit.
En ces années 1856-1859, Paris retentit de concerts en tous genres. « C'est un temps de musique acharnée », s'exclame Berlioz qui, bien qu'au faîte de sa carrière de musicien avec son élection à l'Institut, le grand succès de L'Enfance du Christ et la composition des Troyens, continue d'honorer ses obligations au Journal des débats.
L'orgue-Alexandre est l'instrument du jour et l'on s'arrache les billets pour entendre l'étonnant corniste Vivier, très apprécié à la cour. D'autres instrumentistes exceptionnels comme Bülow, Litolff ou le jeune Wieniawski se distinguent parmi les centaines d'artistes qui se produisent. Berlioz ne fréquente plus la Société des concerts du Conservatoire, trop « endormie », mais salue le dynamisme de la Société des jeunes artistes dirigée par Jules Pasdeloup et la création de nouvelles formations de musique de chambre.
Si l'Opéra se contente de créer des ouvrages de compositeurs « installés », avec La Magicienne d'Halévy et Herculanum de David, ou de reprendre des valeurs sûres comme Le Prophète, La Reine de Chypre et Guillaume Tell, l'Opéra-Comique affiche Le Pardon de Ploërmel de Meyerbeer, à la réussite éclatante. Quant au Théâtre-Lyrique, il vit ses plus belles heures, avec la création du Faust de Gounod, la mise à l'honneur d'opéras de Mozart et Weber, et la reprise de l'Orphée de Gluck dans une version de Berlioz, avec l'inoubliable Pauline Viardot.
Malgré une gastralgie qui le mine, Berlioz garde, comme toujours, son humour incisif qu'il distille à travers ses articles et dont il tire un recueil d'anecdotes, Les Grotesques de la musique.
Dans ce mini traité à l'usage des mélomanes, l'auteur de la " Symphonie fantastique " passe en revue chacune des familles instrumentales de l'orchestre, commentant les caractéristiques de chaque instrument et celles des différentes voix humaines.
Hector Berlioz publia cet ensemble en 1841 et 1842 dans la " Revue et Gazette musicale de Paris ". Dans ces textes, il cherche avant tout à sensibiliser le lecteur à la diversité des sonorités et à leur utilisation musicale. De l'instrumentation montre également que Berlioz fut très tôt intéressé par les coloris instrumentaux. Ces écrits étonnants ont été regroupés ici pour la première fois en volume.
On a imprimé, et on imprime encore de temps en temps à mon sujet des notices biographiques si pleines d'inexactitudes et d'erreurs, que l'idée m'est enfin venue d'écrire moi-même ce qui, dans ma vie laborieuse et agitée, me paraît susceptible de quelque intérêt pour les amis de l'art. Le public s'inquiète peu, je n'en saurais douter, de ce que je puis avoir fait, senti ou pensé. Mais un petit nombre d'artistes et d'amateurs de musique s'étant montrés pourtant curieux de le savoir, encore vaut-il mieux leur dire le vrai que de leur laisser croire le faux. Je n'ai pas la moindre velléité non plus de me présenter devant Dieu mon livre à la main en me déclarant le meilleur des hommes, ni d'écrire des confessions. Je ne dirai que ce qu'il me plaira de dire ; et si le lecteur me refuse son absolution, il faudra qu'il soit d'une sévérité peu orthodoxe, car je n'avouerai que les péchés véniels.
Laquelle des deux puissances peut élever l'homme aux plus sublimes hauteurs, l'amour ou la musique ?...
C'est un grand problème. Pourtant il me semble qu'on devrait dire ceci : l'amour ne peut pas donner une idée de la musique, la musique peut en donner une de l'amour... Pourquoi séparer l'un de l'autre ? Ce sont les deux ailes de l'âme. H. B.
Les soirées de l'orchestre (3e éd.) / par Hector Berlioz http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k101876m
La damnation de Faust : légende dramatique en 4 actes / poème et musique de Hector Berlioz.... ; mise à la scène par M. Raoul Gunsbourg Date de l'édition originale : 1893 Ce livre est la reproduction fidèle d'une oeuvre publiée avant 1920 et fait partie d'une collection de livres réimprimés à la demande éditée par Hachette Livre, dans le cadre d'un partenariat avec la Bibliothèque nationale de France, offrant l'opportunité d'accéder à des ouvrages anciens et souvent rares issus des fonds patrimoniaux de la BnF.
Les oeuvres faisant partie de cette collection ont été numérisées par la BnF et sont présentes sur Gallica, sa bibliothèque numérique.
En entreprenant de redonner vie à ces ouvrages au travers d'une collection de livres réimprimés à la demande, nous leur donnons la possibilité de rencontrer un public élargi et participons à la transmission de connaissances et de savoirs parfois difficilement accessibles.
Nous avons cherché à concilier la reproduction fidèle d'un livre ancien à partir de sa version numérisée avec le souci d'un confort de lecture optimal. Nous espérons que les ouvrages de cette nouvelle collection vous apporteront entière satisfaction.
Pour plus d'informations, rendez-vous sur www.hachettebnf.fr
Le chef d'orchestre : théorie de son art : extrait du grand Traité d'instrumentation et d'orchestration modernes (2e éd.) / par Hector Berlioz Date de l'édition originale : 1902 Le présent ouvrage s'inscrit dans une politique de conservation patrimoniale des ouvrages de la littérature Française mise en place avec la BNF.
HACHETTE LIVRE et la BNF proposent ainsi un catalogue de titres indisponibles, la BNF ayant numérisé ces oeuvres et HACHETTE LIVRE les imprimant à la demande.
Certains de ces ouvrages reflètent des courants de pensée caractéristiques de leur époque, mais qui seraient aujourd'hui jugés condamnables.
Ils n'en appartiennent pas moins à l'histoire des idées en France et sont susceptibles de présenter un intérêt scientifique ou historique.
Le sens de notre démarche éditoriale consiste ainsi à permettre l'accès à ces oeuvres sans pour autant que nous en cautionnions en aucune façon le contenu.
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Société des concerts populaires de Nantes. La Damnation de Faust, de Hector Berlioz, telle qu'elle sera exécutée pour la première fois à Nantes, au théâtre de la Renaissance, le 13 avril 1883...
Date de l'édition originale : 1883 Appartient à l'ensemble documentaire : PaysLoir1 Le présent ouvrage s'inscrit dans une politique de conservation patrimoniale des ouvrages de la littérature Française mise en place avec la BNF.
HACHETTE LIVRE et la BNF proposent ainsi un catalogue de titres indisponibles, la BNF ayant numérisé ces oeuvres et HACHETTE LIVRE les imprimant à la demande.
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