« Pâle comme cire, avec sur le visage des marques et des signes aussi nombreux et fins que s'ils avaient été gravés par une aiguille, elle était l'image même d'un sphinx serein et raffiné ».
Henry James sonde l'équivoque de l'attrait entre un homme et une femme, qui ne peut s'accomplir que dans la mort ou par le culte des disparus que l'on va bientôt rejoindre. Inspirations pour Marguerite Duras (La Maladie de la mort), François Truffaut (La Chambre verte) ou encore Bertrand Bonello et Patric Chiha qui ont adapté La Bête dans la jungle au cinéma, ces nouvelles continuent de hanter le monde contemporain.
Henry James (1843-1916) est reconnu comme le grand précurseur du roman moderne. L'Autel des morts (1895) et La Bête dans la jungle (1903) sont parmi ses écrits les plus célèbres, ayant frappé la génération des auteurs du Nouveau Roman.
« La connaissance de l'histoire, vous la posséderez comme les héros de Henry James, quand elle sera terminée. » Marguerite Duras, Emily L. (1987).
Le huis clos d'une vieille demeure dans la campagne anglaise. Les lumières et les ombres d'un été basculant vers l'automne. Dans le parc, quatre silhouettes - l'intendante de la maison, deux enfants nimbés de toute la grâce de l'innocence, l'institutrice à qui les a confiés un tuteur désinvolte et lointain. Quatre... ou six ? Que sont Quint et Miss Jessel ? Les fantômes de serviteurs dépravés qui veulent attirer dans leurs rets les chérubins envoûtés ? Ou les fantasmes d'une jeune fille aux rêveries nourries de romanesque désuet ? De la littérature, Borgès disait que c'est « un jardin aux sentiers qui bifurquent ». Le Tour d'écrou n'en a pas fini d'égarer ses lecteurs.
Henry James débute l'écriture d'Un portrait de femme en 1880, alors qu'il réside à Florence. Son héroïne, Isabel Archer, est une jeune Américaine récemment devenue orpheline qui, à l'invitation de sa tante, part découvrir l'Europe. Au cours d'un voyage qui la mène de l'Angleterre à l'Italie, Isabel, idéaliste et innocente, fait l'apprentissage, parfois douloureux, de la vie, du mariage et de la compassion. Mais jamais elle ne se départit d'une irrépressible soif de liberté.
À travers une galerie de personnages inoubliables, Henry James nous livre une formidable peinture de l'aristocratie du XIXe siècle, et décrit avec brio la confrontation entre l'Amérique et la vieille Europe. Avant-gardiste et lumineux, ce Portrait de femme est l'un de ses plus grands chefs-d'oeuvre.
Édition présentée et annotée par Annick Duperray.
Belle, libre, intelligente, Isabel n'en reste pas moins orgueilleuse et naïve. Cette Américaine en mal d'aventure va découvrir la vie en accéléré sur les bords de la Tamise. Entre passion et confusion des sentiments, elle entame un voyage initiatique dans la haute société de la fin du XIXe siècle. Parcours intemporel et tragique, Portrait de femme est le monument d'Henry James.
Frank Saltram est un des plus brillants orateurs que l'Angleterre ait connu ; bien lancé, il peut tenir en haleine n'importe quel auditoire, sur n'importe quel sujet. A ses qualités, il joint malheureusement de nombreuses tares: il est mauvais mari, mauvais père, porté sur la boisson, et plus généralement indigne de toute confiance. Quand son talent est découvert par une petite coterie appartenant à la meilleure société londonienne, débutent les vraies difficultés : comment protéger cet oiseau rare de ses propres défauts, et comment le faire accéder à la notoriété qu'il mérite ? Le chemin de croix de ses bienfaiteurs sera long, et mènera certains d'entre eux bien plus loin qu'ils ne l'auraient souhaité... Paru en 1894, Le Fonds Coxon est l'une des plus célèbres nouvelles d'Henry James (1843-1915), ici dans une nouvelle traduction.
La plus célèbre des « Histoires de fantômes » de l'auteur britannique publiée pour la première fois en 1898, et rééditée à l'occasion de son adaptation en série diffusée sur NETFLIX.
Dans une vieille et vaste demeure anglaise hantée par des fantômes, une jeune gouvernante est engagée pour veiller sur deux petits orphelins...
Suivie de l'étonnante nouvelle L'autel des morts, Le tour d'écrou est la plus remarquable des « histoires de fantômes » écrites par Henry James.
Le Tour d'écrou a fait l'objet de neuf adaptations au cinéma dont la plus connue est certainement celle du réalisateur espagnol Alejandro Amenabar avec Les Autres en 2001. L'oeuvre fut autant adaptée pour la télévision.
Après l'énorme succès sur NETFLIX de la série d'anthologie de Mike Flanagan The Haunting of Hill House, inspirée du roman de Shirley Jackson (La maison hantée), la saison The Haunting of Bly Manor s'inspire de la nouvelle d'Henry James.
Compte tenu de l'engouement pour la série et pour l'édition parue en 2020, une deuxième édition est proposée aux éditions OKNO.
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Après que le maître lui eut révélé l'existence d'un " motif " dans son oeuvre, un jeune critique littéraire londonien n'a de cesse que de relever le défi, d'élucider le mystère.
La quête inlassable du " tuyau " qui permettrait de comprendre le sens profond de l'oeuvre du grand Hugh Vereker se transforme bientôt en une véritable obsession, pour lui, pour son ami Corvick, critique lui aussi et pour la jeune femme de celui-ci. S'ensuit un enchaînement extraordinaire d'événements, de voyages et de péripéties, conséquences d'une enquête quasi policière... C'est à vrai dire une brillante variation sur la lecture et sur le rôle de la critique que cette énigme littéraire mise en scène par Henry James.
« Lire Mr. James », disait l'un de ses contemporains, « c'est faire l'expérience d'un plaisir spirituel léger et continu. C'est être intellectuellement émoustillé. » L'« éblouissante agilité mentale » de James transparaît dès Roderick Hudson (1875), qui relève déjà du « thème international ». Tout en se dégageant de « la grande ombre de Balzac », l'histoire tragique de la chute de Hudson, sculpteur américain emmené à Rome par un mécène devenu son ami, doit encore beaucoup au mode allégorique dont Hawthorne avait fait sa marque de fabrique. Les Européens (1878) plonge le lecteur dans une comédie humaine aiguisée par le tranchant de l'ironie : toujours sous le signe des échanges transatlantiques, deux Américains européanisés regagnent leur pays d'origine pour nouer des liens (intéressés) avec leurs cousins de Nouvelle-Angleterre.
Les romans de James ne cessent de poser de manière complexe et ambiguë la question des rapports entre Europe et Amérique. Le thème international est au second plan dans Washington Square (1880) dont l'action se déroule majoritairement à New York, et qui offre déjà un portrait de femme paradoxal et poignant, celui d'une héroïne à l'avenir brisé par les atermoiements d'un chasseur de dot et la lucidité cruelle d'un père déterminé à l'en protéger.
Mais l'exploration des parcours transatlantiques reprend avec Un portrait de femme (1881).
Farouchement attachée à son indépendance, Isabel Archer quitte les États-Unis et fait son éducation sentimentale en Angleterre, puis en Italie. Salué à sa parution comme un chefd'oeuvre, le livre déconcerta pourtant. Peu de critiques mesurèrent la complexité de ce « monument littéraire » érigé autour de la figure d'une « jeune fille affrontant sa destinée ».
Chez James, les héroïnes éprises de liberté payent toujours leurs illusions au prix fort - celui du renoncement et de la douleur.
Édition établie par Évelyne Labbé, avec la collaboration d'Anne Battesti et Claude Grimal Né aux États-Unis dans une famille d'ascendance irlandaise, Henry James (1843-1916) a reçu une éducation baignée de culture européenne. Après un séjour prolongé à Paris à partir de 1875, il se fixe définitivement à Londres en 1878. Ses romans et ses nouvelles lui valurent un immense succès qui ne s'est jamais démenti.
Au divorce de ses parents, maisie est l'objet d'un jugement de salomon, " coupée par moitié, et les tronçons jetés impartialement aux deux adversaires ".
Enjeu et instrument de la haine que se vouent ses géniteurs avant d'être rejetée comme un témoin gênant, elle est la spectatrice passive de l'égoïsme des adultes. a travers son regard innocent et lucide, henry james compose une peinture ironique des passions humaines. ce roman est le tour de force d'un maître en psychologie, la recréation d'une âme enfantine et du monde qui l'entoure, où l'analyse minutieuse des sentiments, d'une profondeur remarquable, laisse le lecteur émerveillé.
New-York, milieu du XIXe siècle. Catherine Sloper est une jeune fille sans grande beauté et à l'esprit simple, mais elle est l'unique héritière du docteur Sloper qui a acquis une fortune importante. Lors d'un bal, elle rencontre le beau Morris Townsend. Il la courtise, elle tombe amoureuse et jure de l'épouser... Mais tiendra-t-elle son engagement, contre l'avis de son père qui menace de la déshériter, et le jeune homme est-il vraiment sincère ? Amour, argent et faux-semblants ; Washington Square, publié en 1881, dresse le portrait d'une société figée à l'aube d'une ère nouvelle.
Londres, années 1870-1880. Le héros, Hyacinth Robinson, est un jeune homme d'origine modeste, engagé politiquement dans les milieux anarchistes. Un soir où il se rend au théâtre avec sa fiancée, il rencontre la belle princesse Casamassima, une aristocrate qui a tourné le dos à son milieu d'origine, vit séparée de son mari et fréquente désormais les radicaux. Il en tombe amoureux. Au même moment, il se retrouve impliqué dans un complot terroriste. Il est alors face à un dilemme : doit-il se consacrer à son amour pour la princesse, ou aller jusqu'au bout de son engagement politique et commettre l'assassinat politique qu'il projette ?
En 1891 paraît L'Élève. Henry James explore la relation ambigüe entre un enfant maladif d'une fascinante intelligence, dernier-né d'une famille d'américains déclassés, et son précepteur, irrémédiablement lié à lui par une affection sans mesure. La finesse de l'analyse des personnages et un sens aigu de la dramatisation font de cette nouvelle, conçue avec la minutie d'une tragédie, un des textes les plus marquants d'Henry James.
Le romancier américain lui-même considérait ce grand roman, paru en 1903, donc appartenant à sa dernière période, comme son chefd'oeuvre.
Il l'écrit en 1909 dans la préface qu'il rédige pour l'édition dite de New York de ses oeuvres, et qui ne figurait pas dans la précédente édition française : « Par bonheur, je me trouve en mesure de considérer cet ouvrage comme franchement le meilleur, «dans l'ensemble», de tous ceux que j'ai produits. » Et de fait, c'est un de ses romans les plus brillants, les plus séduisants aussi. L'intrigue en est simple, même si l'analyse de ce qui va se jouer entre les divers personnages est, comme toujours chez James, extrêmement subtile. L'auteur la résumait ainsi : « En tout cas, cela me donne la petite idée d'un personnage d'homme âgé qui n'a pas «vécu», pas du tout, dans le sens des sensations, des passions, des élans, des plaisirs - et qui, en présence de quelque grand spectacle humain, quelque grande organisation pour l'Immédiat, l'Agréable, la curiosité, l'expérience, la perception, en un mot, la Jouissance, s'en rend, sur la fin ou vers la fin, tristement compte. » Ce personnage, ce sera Lambert Strether, un Américain envoyé comme « ambassadeur » à Paris pour y récupérer Chad, le fils d'une riche amie, dont on craint qu'il soit en perdition morale. S'il parvient à ramener le jeune homme en Amérique pour qu'il se voue à l'entreprise qui lui est destinée, sa récompense sera d'épouser ladite amie qui, déjà, finance la revue littéraire qui est la seule identité de cet homme incapable d'action.
Mais l'on comprend très vite, dès les premières pages du livre, que Strether va faire des rencontres susceptibles de modifier le sens de sa mission.
Et qu'il ne sera lui-même pas insensible aux séductions du « grand spectacle humain » qu'est Paris - « le Paris des boulevards, contemplés du second étage des balcons haussmanniens et des toiles impressionnistes » (Mona Ozouf) - merveilleusement évoqué ici par James.
Né en 1843 à New York, non loin de Washington Square, Henry James effectue de longs séjours en Europe avant de quitter définitivement les États-Unis, à l'âge de trente-deux ans, pour s'installer à Londres où il mourra en 1916.
Les conflits de points de vue entre l'Ancien et le Nouveau Monde lui inspirent le thème cosmopolite de ses premiers romans : L'Américain, Daisy Miller, Les Bostoniens, mais son art de romancier atteindra sa véritable mesure avec les chefs-d'oeuvre de la maturité, dont notamment Ce que savait Maisie (1879), Les Ailes de la colombe (1902) ou Les Ambassadeurs (1903). Écrivain de l'introspection, ami de Flaubert, Maupassant et Tourgueniev, Henry James est considéré comme l'un des précurseurs du roman moderne.
« Elle pourrait mourir la semaine prochaine, elle pourrait mourir demain : alors je pourrais m'emparer de ses papiers. » Critique sans scrupules, le Narrateur découvre que Juliana Bordereau, ancienne maîtresse du poète Jeffrey Aspern, vit recluse avec sa nièce Tita dans un palais vénitien délabré. Certain qu'elle a conservé des papiers intimes de son amant décédé soixante ans plus tôt, il invente, afin de s'en emparer, un stratagème meurtrier qui se retournera contre lui.
« Est-ce que Charlotte Stant va nous rendre plus grandioses ? ? Oui, je pense. Parce qu'elle est grandiose. Grandiose par sa nature, par son caractère, par son esprit. Grandiose par sa vie. » Prince romain ruiné, Amerigo espère sauver la réputation familiale grâce à son mariage avec Maggie, héritière du richissime collectionneur d'art Adam Verver. Mais l'union d'Adam avec Charlotte risque de briser cet arrangement. Seule leur confidente, Fanny Assingham, sait qu'Amerigo et Charlotte ont eu une relation aussi passionnée qu'impossible. Elle va observer, impuissante, les tourments de ce quatuor amoureux qui s'enfonce dans le drame avec tout le raffinement et la discrétion dont les gens de leur condition sont capables.
Bien au-delà des années dites «d'apprentissage», Henry James (1843-1916), romancier prolixe, trouva dans la forme courte un champ d'expérimentation privilégié. Il lui arrivera même de se la donner pour modèle : «Écrire comme si, à n'importe lequel de ses stades, mon récit devait être une nouvelle. Seul moyen d'avancer et de tout inclure.» En effet, s'il ne cesse de succomber avec délices à la tentation de développer, l'exigence de brièveté répond à un idéal de maîtrise indissociable pour lui de la création littéraire, de sorte que chaque nouvelle tentative vient ressusciter le rêve d'un «triomphe de concision vigoureuse et vivante», d'un «pouls ou rythme très bref», d'«un petit joyau à la forme éclatante, rapide, vive».
Au-delà de la forme, les cent douze nouvelles de James, d'ailleurs plus ou moins brèves, répondent à un même souci : «Dépeindre la vie des gens n'est rien, tant que l'on n'a pas décrit leurs perceptions». D'incise en parenthèse, d'emboîtements en bifurcations, d'hypothèse en analogie, leur lecteur s'engage dans les méandres de la conscience et du texte, guidé par un art où, selon Maurice Blanchot, «tout est mouvement, effort de découverte et d'investigation, plis, replis, sinuosité, réserve, art qui ne déchiffre pas mais est le chiffre de l'indéchiffrable».
La colombe c'est Milly Theale, une jeune orpheline qui a hérité d'une fortune immense.Face à elle, Kate, réfugiée chez sa tante, amie de Milly Theale.Entre ces femmes, quelques hommes, dont Merton Densher, amoureux de Kate, et Lord Mark, qui doit l'épouser. Une intrigue complexe, que Henry James a su animer avec une virtuosité inégalée. Les secrets des amoureux, la jalousie, les sentiments contradictoires du désir et de la haine, de la confiance et de la trahison sont décrits d'une manière minutieuse et si pittoresque que le lecteur s'attache immédiatement à ces singuliers personnages.De leur première apparition jusqu'à leur dernière invective, le roman tout entier nous apprend à aimer et à craindre, à espérer et à douter, à comprendre à coup sûr un peu mieux la richesse que tout homme recèle au fond de son âme.
Mrs. Gereth a consacré son existence à réunir des oeuvres d'art incomparables pour orner son manoir de Poynton, devenu célèbre dans toute l'Angleterre.
Quand son fils et unique héritier décide de se marier, elle se voit contrainte de lui céder sa demeure, ce à quoi elle pourrait se résigner si le brave garçon, au coeur d'or mais sans grand discernement, n'avait choisi pour épouse une parvenue au goût résolument vulgaire Laisser l'oeuvre de sa vie aux mains d'une béotienne est un supplice pour la machiavélique Mrs. Gereth, d'autant qu'elle est certaine d'avoir trouvé pour son fils - et pour ses collections - la compagne idéale en la personne de Fleda Vetch, belle jeune femme désargentée..
Publié en 1897, la même année que Ce que savait Maisie, Les Dépouilles de Poynton s'inscrit dans la lignée des grands chefs-d'oeuvre d'Henry James.
Je ne connais pas d'homme qui s'intéresse honnêtement au fond de son coeur à la cause que nous voulons faire triompher.
Les hommes haïssent cette cause, ils n'ont que du mépris pour elle : ils essayent de l'anéantir partout où ils la rencontrent...le monde regorge de beaux messieurs qui seraient bien contents de vous fermer la bouche avec des baisers ! le jour où vous deviendrez une menace pour leur égoïsme, leurs intérêts, ou leur immoralité - et je demande chaque jour au ciel, mon amie, que vous le deveniez - ce serait une fameuse victoire pour l'un d'entre eux de réussir à vous persuader qu'il vous aime.
C'est alors que vous verrez ce qu'il fera de vous et à quelles extrémités son amour l'entraînera !
Il a donne au roman américain ses lettres de noblesse. il l'a imposé au monde. il est le premier américain à prendre sa place, d'égal à égal, à côté des européens, georges eliot, thackeray, galsworthy, flaubert, tourgueniev. il n'appartient pas à l'amérique, mais à la littérature.
Après que le maître lui eut révélé l'existence d'un " motif " dans son oeuvre, un jeune critique littéraire londonien n'a de cesse que de relever le défi, d'élucider le mystère.
La quête inlassable du " tuyau " qui permettrait de comprendre le sens profond de l'oeuvre du grand Hugh Vereker se transforme bientôt en une véritable obsession, pour lui, pour son ami Corvick, critique lui aussi et pour la jeune femme de celui-ci. S'ensuit un enchaînement extraordinaire d'événements, de voyages et de péripéties, conséquences d'une enquête quasi policière... C'est à vrai dire une brillante variation sur la lecture et sur le rôle de la critique que cette énigme littéraire mise en scène par Henry James.
Le secret. La mort. Ce sont sans doute les deux clés de toute l'oeuvre de Henry James. En ce sens, Les Papiers de Jeffrey Aspern est peut-être le plus exemplaire de ses romans. Dans un palazzo de Venise à moitié en ruine, la vieille miss Bordereau n'en finit pas de mourir. Elle a été, dans sa jeunesse, le grand amour de Jeffrey Aspern, célèbre poète anglais, et la rumeur veut qu'il lui ait légué de nombreux manuscrits inédits. Le narrateur, qui écrit un livre sur Aspern, est prêt à tout pour les acquérir. Prêt à tous les mensonges, toutes les bassesses, toutes les ruses, y compris tenter de séduire la malheureuse nièce de la vieille dame. Mais il n'a pas mesuré la force de celle qui, au fil des pages, devient peu à peu le plus redoutable des adversaires.
On a souvent considéré ce livre envoûtant comme l'un des ancêtres du roman « à suspense », où le secret à préserver est aussi d'ordre mental. Tout l'amour, toute la vie d'un être se jouent en quelques instants dans le silence. Et puis le silence se brise et, avec lui, la vie de celui qui le gardait.
Bien au-delà des années dites «d'apprentissage», Henry James (1843-1916), romancier prolixe, trouva dans la forme courte un champ d'expérimentation privilégié. Il lui arrivera même de se la donner pour modèle : «Écrire comme si, à n'importe lequel de ses stades, mon récit devait être une nouvelle. Seul moyen d'avancer et de tout inclure.» En effet, s'il ne cesse de succomber avec délices à la tentation de développer, l'exigence de brièveté répond à un idéal de maîtrise indissociable pour lui de la création littéraire, de sorte que chaque nouvelle tentative vient ressusciter le rêve d'un «triomphe de concision vigoureuse et vivante», d'un «pouls ou rythme très bref», d'«un petit joyau à la forme éclatante, rapide, vive».
Au-delà de la forme, les cent douze nouvelles de James, d'ailleurs plus ou moins brèves, répondent à un même souci : «Dépeindre la vie des gens n'est rien, tant que l'on n'a pas décrit leurs perceptions». D'incise en parenthèse, d'emboîtements en bifurcations, d'hypothèse en analogie, leur lecteur s'engage dans les méandres de la conscience et du texte, guidé par un art où, selon Maurice Blanchot, «tout est mouvement, effort de découverte et d'investigation, plis, replis, sinuosité, réserve, art qui ne déchiffre pas mais est le chiffre de l'indéchiffrable».
Henry James, le plus grand romancier américain de son époque, a durant toute sa vie voyagé en Europe comme dans son pays natal, pour promener « un désir aux yeux ouverts », désir de noter tout ce qui pouvait alimenter ses sensations, son érudition, son inspiration et ses fictions. Il a rassemblé ses notations considérables dans de mémorables essais et récits de voyage.
Sous le titre de Voyages d'une vie se trouvent ici regroupés trois grands volumes : Heures anglaises (1905), Heures italiennes (1909) et La Scène américaine (1907). Heures anglaises et Heures italiennes sont des recueils de textes écrits au fil du temps, avec d'admirables variations d'humeur au gré des époques. Les « livres d'heures » étaient, à la fin du Moyen Âge, des manuels de dévotion privée ornés d'enluminures. Or c'est bien une dévotion que James éprouve pour ses deux pays de prédilection : l'Angleterre, qu'en quelque sorte il a épousée, et l'Italie, qui est comme sa maîtresse idéale. Dans les Heures italiennes, il célèbre la « bienheureuse péninsule » sous ses aspects et dans ses profondeurs les plus intimes, les plus ardents, et aussi les plus sensuels.
La Scène américaine est le fruit d'un périple d'une douzaine de mois qu'accomplit James en Amérique à partir d'août 1904 après plus d'une vingtaine d'années d'absence, ou plutôt, comme il l'écrit, d'« absentéisme ». Il avait quitté un New York encore quasiment provincial. Il y découvre le surgissement des gratte-ciel, les flots d'immigrés de toutes origines, les constitutions de fortunes colossales, bref, l'explosion du XXe siècle et les prémices de la future domination planétaire des États-Unis. Ici comme en d'autres lieux, la perspicacité du regard de l'écrivain a quelque chose de prémonitoire, et par là d'intemporellement actuel.