La petite géographie réinventée de Leos Carax est une traversée topographique et littéraire dans la filmographie d'un cinéaste rare et essentiel, à travers différents lieux récurrents (la chambre, le pont, la limousine, le corps de Denis Lavant...). Pour parcourir cette constellation, Jérôme d'Estais a choisi comme compagnon de route Pierre Reverdy, dont la poésie, fécondée par l'espace, semble organiquement reliée à l'univers de Carax.
En émane un texte sensible, un guide nécessaire, tout autant qu'une déclaration d'amour à l'oeuvre du père de Mauvais Sang, Holy Motors et Annette.
De l'incontournable Dernier Tango à Paris qui a vu naître et mourir Maria Schneider, en passant par les règlements de compte (Delon/Melville, Depardieu/Beinex...) ou les rivalités (d'Adjani/Huppert à Signoret/Vera Clouzot), ce livre explore les méandres de la création cinématographique. En cinquante histoires de tournage, Jérôme d'Estais raconte les luttes de pouvoir, l'évolution des moeurs et les rapports entre les créateurs et leurs créatures dont la mise à nu a souvent laissé des séquelles. A travers cette galerie de portraits, il propose une autre histoire du cinéma.
Ce livre, c'est l'histoire d'un artisan du cinéma et de son petit magasin, tel celui de Leonor dans Brooklyn Village, loin des modes, au temps de tous les bouleversements. Pas une histoire folle, sans climax, juste le parcours d'un cinéaste citoyen qui filme le monde, son intimité, partageant son goût affirmé pour un certain cinéma, sans esbroufe, avec simplicité, honnêteté et transparence.
Possession (1981) d'Andrzej Zulawski est un film tentaculaire et sans cesse régénéré, traversé par une actrice (Isabelle Adjani) en transe. L'ouvrage que lui consacre Jérôme d'Estais approche le mystère d'une oeuvre abstraite et physique devenue culte, en commençant par investir les lieux où elle vit le jour, à Berlin, en pénétrant dans son cosmos, gorgé de sens et de signes. Mais tout comme aucune vision ne l'a jamais asséché, aucune interprétation n'enlèvera jamais au film ni sa force, ni son mystère. Conscient qu'il a été pour son réalisateur son double autant qu'une exorcisation mise en images, cet essai est une tentative de dompter ce monstre magnifique devenu le nôtre, avec des images d'une intensité telle qu'elles continuent à bousculer notre théâtre intérieur.
Réalisateur culte et pourtant méconnu, Jean Eustache n'a eu de cesse, dans la douzaine de films réalisés au long de sa courte carrière, de brouiller les pistes, de mélanger les genres et les idées, de cultiver l'ambiguité entre la vérité et les apparences. En jouant ainsi sur les idées de vrai et de faux, Eustache peut ainsi redéfinir les genres cinématographiques, rétablir la vérité sur l'époque et la société dans laquelle il vit et, en toute confiance, laisser seule sa mise en scène, faire surgir la vérité.
Inspiré par le cinéma américain de son adolescence tout autant que par le classicisme de Ford ou d'Eastwood, Jeff Nichols, entre productions indépendantes et collaboration avec les studios, mais toujours entouré par la même fidèle équipe de collaborateurs ainsi que par Michael Shannon, son comédien fétiche, s'est imposé en cinq films comme l'un des cinéastes américains les plus importants de sa génération. Immense conteur et cinéaste de l'empathie, Nichols filme l'Homme du Sud en proie aux crises économiques, écologiques ou identitaires et aux peurs diffuses qu'elles engendrent, privilégiant le quotidien, l'infime et l'intime, pour atteindre à l'universel et faire naître et partager avec le plus grand nombre l'émotion et la croyance toujours renouvelée dans les forces du cinéma.
Réalisateur célébré ou décrié, Andrzej Zulawski n'a jamais laissé personne indifférent. Alors qu'il revient aujourd'hui au cinéma, après quinze années loin des plateaux, il est enfin temps de s'intéresser à un cinéaste qui, à l'instar de certains de ses compatriotes, comme Polanski ou Skolimowski, n'a pas fini de chercher, d'expérimenter. D'étonner. Temps de se pencher sur une uvre forte, dérangeante, excessive. Immédiatement reconnaissable. Sur treize films, traversés par des thèmes récurrents, des obsessions communes. La vision d'un cinéaste intransigeant qui, en convoquant tous les arts, tous les sens, tente de s'approcher au plus près du mystère. De la vérité.
Cinéaste majeure, seule réalisatrice oscarisée (pour Démineurs), Kathryn Bigelow reste mal identifiée par la presse et le public. Sans doute parce qu'elle est à la fois populaire et avant-gardiste, classique autant qu'expérimentale, post-féministe et politique. En redessinant à travers dix films (entre autres, Aux frontières de l'aube, Point Break, Blue Steel, Strange Days, Zero Dark Thirty) les frontières éthiques, physiques et sexuées, les limites entre la vie et la mort, la réalité et la virtualité, Bigelow a fait exploser les genres cinématographiques. Son cinéma, voué aux cauchemars étasuniens, est tour à tour claustrophobe et libérateur, frontal et viscéral, entre fresque et spectacle, hyperréalisme et abstraction, intime et collectif.
De More à Amnesia, en passant par General Idi Amin Dada, Maîtresse ou Barfly, du documentaire à la fiction, de la Nouvelle Vague à Hollywood, les films de Barbet Schroeder nous entraînent, sur près d'une cinquantaine d'années, au-delà des genres, des catégories et des frontières, vers des territoires vierges, une marge, dans laquelle morale, évolutions et pouvoirs sont observés et questionnés, sans rien imposer. Avec élégance et distance. Ironie et bienveillance. Un cinéma tout en ombres et clarté.
De More à Amnesia, en passant par General Idi Amin Dada, Maîtresse ou Barfly, du documentaire à la fiction, de la Nouvelle Vague à Hollywood, les films de Barbet Schroeder nous entraînent, sur près d'une cinquantaine d'années, au-delà des genres, des catégories et des frontières, vers des territoires vierges, une marge, dans laquelle morale, évolutions et pouvoirs sont observés et questionnés, sans rien imposer. Avec élégance et distance. Ironie et bienveillance. Un cinéma tout en ombres et clarté.
177 comédiens français réunis sur une même photo, une dizaine de cimetières à travers le Monde, six décennies, deux frères ... Autant de pièces pour reconstituer le puzzle. Celui d'une vie. D'une ville aussi. Scindée. Éclatée.
A l'occasion des vingt ans du film culte qui a fait connaître son père, Paula accepte d'écrire la biographie du «Yul Brynner de la RDA», comme on appelait celui-ci, Thomas Liebmann, jeune premier du Berliner Ensemble et star de la DEFA, dont la carrière s'est brutalement arrêtée après le difficile passage qu'a été pour lui, la réunification allemande. Alors qu'elle tente de démêler le vrai du faux, en confrontant les souvenirs d'un père qu'elle a peu connu avec ceux de ses proches, Paula voit ses certitudes s'envoler les unes après les autres, à la découverte d'un passé dont elle ignorait tout.