«À la capture, au rapt, à la fascination ou à l'affirmation qui caractérisent le rapport du poème au lecteur pour l'oeuvre d'autres poètes qui sont ses pairs, Jean Tardieu substitue l'aveu, la retenue, le signe dont la discrétion ne fait que rendre plus éperdu l'appel si l'on sait enfin percevoir celui-ci. L'oeuvre de Tardieu s'impose donc en lenteur, en douceur, par toutes les nuances merveilleusement sensibles, émouvantes et savantes, fraîches et raffinées, qui fondent l'originalité de cette poésie tour à tour confiante et tragique, tendre et solennelle, subtile et cocasse. Elle semble l'aboutissement d'une parfaite civilisation du langage plutôt qu'une réponse obsessionnelle à une obsédante question. Ce n'est point qu'on n'entende pas et qu'on ne réponde pas souvent dans les poèmes de Jean Tardieu. Tout au contraire. Mais le ton des questions et des réponses varie si leur message demeure le même. Autrement dit, la voix est faite ici des possibilités mêmes de ses métamorphoses. Analogues aux transpositions qu'un musicien fait subir à ses thèmes, ou aux modulations qu'un peintre confère à ses couleurs, les études de voix permettent à Jean Tardieu, dans ses poèmes comme dans ses pièces, de dépersonnaliser, par pudeur, par courage, par peur aussi - et dans ce cas pour tenter de conjurer Ie sort - une angoisse et une joie qui lui sont, comme à nous tous, consubtantielles. Tantôt il semble que ce soit la sérénité légère d'un jeu qui mène le poète à suivre puis à quitter telle ou telle pente de sa voix ; tantôt l'on croit déceler une fondamentale incertitude sur soi-même et le monde dans cette vocation de la variation. Au vrai, cette attention passionnée à l'espace de la musique, au chant de la peinture, est façon indirecte mais essentielle d'atteindre la poésie, comme si le plus court chemin du poète au poème était non pas la ligne droite, mais la courbe qui passe par les autres langages sacrés, par la gamme sonore ou lumineuse, par le dialogue dramatique, et au terme de cette courbe le poète se retrouve tel qu'en poème enfin une langue inconnue l'a changé.» Georges-Emmanuel Clancier.
De la poésie la plus grave à l'humour le plus débridé, cet écrivain aux multiples facettes ne cesse de nous surprendre.Pourtant, d'après un de ses commentateurs, «il n'y a qu'un seul Tardieu, qui rit ou qui pleure des mêmes angoisses fondamentales».Cet ouvrage regroupe quelques-unes de ses oeuvres de théâtre le plus fréquemment représentées en France et ailleurs et correspond à une volonté initiale de l'auteur.Sous le titre La comédie du langage (un de ses thèmes favoris) on retrouve ici huit pièces brèves ou longues, comiques ou non, depuis le célèbre Un mot pour un autre jusqu'à Une soirée en Provence. La deuxième partie du recueil : La triple mort du Client réunit trois pièces, elle aussi très souvent jouées, où le même personnage évolue entre le burlesque et le tragique, ce qui fait dire à son ami Jacques Réda : «Il y a de la magie dans la métamorphose délibérée de Tardieu.»
Jean Tardieu avait commencé à écrire dès l'âge de 7 ans. «Il me semble que je lisais beaucoup plus que les enfants de mon âge. J'aimais lire la nuit. Et j'aime toujours la nuit, je me sens très calme, à l'abri. J'aime la paix, la sérénité de la nuit», disait-il, lui qui écrivait la nuit.
Jean Tardieu a toujours beaucoup aimé les enfants et se sentait proche d'eux : il a eu un public fidèle de jeunes lecteurs. Les enfants lui envoyaient des lettres, des dessins et des poèmes.
Mon théâtre secret Le lieu où je me retire à part moi (quand je m'absente en société et qu'on me cherche, je suis là) est un théâtre en plein vent peuplé d'une multitude, d'où sortent, comme l'écume au bout des vagues, le murmure entrecoupé de la parole, les cris, les rires, les remous, les tempêtes, le contrecoup des secousses planétaires et les splendeurs irritées de la musique. Ce théâtre, que je parcours secrètement depuis mes plus jeunes années sans en atteindre les frontières, a deux faces inséparables mais opposées, bref un «endroit» et un «envers», pareils à ceux d'une médaille ou d'un miroir. De ce côté-ci, voyez comme il imite, à la perfection, l'inébranlable majesté des monuments : il semble que je puisse compter toutes les pierres, caresser de mes mains le glacis du marbre, les fractures des colonnes, la porosité du travertin... Mais, attendez : si je fais le tour du décor (quelques pas me suffisent), alors, de l'autre côté de ces apparences pesantes, de ces voûtes et de ces murailles, mon regard tout à coup n'aperçoit plus que des structures fragiles, des bâtis provisoires et partout, dans les courants d'air et la pénombre poussiéreuse, auprès des câbles électriques entrelacés et des planches mal jointes, la toile rude et pauvre, clouée sur des châssis légers. Telle est la loi de mon théâtre : à l'endroit, les villes et les paysages, la terre et le ciel, tout est peint, simulé à merveille. À l'envers, l'artisan de ce monde illusoire est soudain démasqué, car son oeuvre, si ingénieuse soit-elle, révèle, par transparence, la misère des matériaux qui lui ont servi à édifier ses innombrables «trompe-l'oeil» . (Souvent je l'ai vu qui gémissait, le pinceau à la main, mêlant ses larmes à des couleurs joyeuses.) Pourtant, bien que je sois dans la confidence, je ne saurais dire où est le Vrai, car l'envers et l'endroit sont tous deux les enfants du réel, énigme qui me cerne de toutes parts pour m'enchanter et pour me perdre.
Trois pièces facétieuses, drolatiques, qui, avec un esprit inégalé, explorent les possibilités du langage et ses rapports avec la scène.
La comédie de la comédie comprend des parodies de certains usages désuets (les conventions bourgeoises, les «apartés», etc.) ainsi que quelques fables modernes, comme Faust et Yorick. La deuxième partie du livre, La comédie des arts, loin de prétendre se moquer de la peinture ou de la musique (on sait la fascination qu'elles exercent sur l'auteur), se borne à faire rire ou sourire - parfois avec tendresse et nostalgie - de la façon dont, parfois, on en parle. La troisième, Poèmes à jouer, est une gerbe imprévue où éclatent les dons contradictoires de Jean Tardieu, son humour et sa profondeur. Pour lui la poésie est, à la fois, la solitude et la rencontre, le livre et le théâtre. Elle passe de l'un à l'autre en ouvrant toutes les portes.
«Le présent ouvrage rassemble tout ce que l'on sait actuellement du Professeur Froeppel:le journal de sa folie, le récit de sa mort, ses oeuvres théâtrales, scientifiques, poétiques et pédagogiques connues, mais revues corrigées et augmentées de nombreux inédits.La première découverte de ses oeuvres se situe entre 1944 et 1947. Leur première publication, aux Éditions Gallimard, date de 1951, sous le titre:Un mot pour un autre.Outre les ouvrages publiés il y a plus de trente ans, comme le Journal intime, la célèbre comédie Un mot pour un autre, Le Dictionnaire des Mots Sauvages de la Langue Française, les Petits problèmes et travaux pratiques, l'édition que voici comporte de nombreux inédits récemment retrouvés, tels que les esquisses comiques:Finissez vos phrases et De quoi s'agit-il?, La Poésie usuelle, un essai mnémotechnique:Au chiffre des grands hommes, diverses adjonctions aux oeuvres pédagogiques, ainsi que la principale oeuvre plastique du Professeur:les Variations sur une ligne.»
Dossier réalisé par Nicolas Saulais. Lecture d'image par Sophie Barthélémy
La cité sans sommeil (Fiction fantastique, en trois tableaux), Le petit voleur (Rêve de banlieue, en deux actes), Pénombre et chuchotements (Mélodrame à voix basse, en un acte), L'épouvantail (Monologue de plein air) sont suivis d'une farce brève inédite. Telles sont les oeuvres à la fois atroces et drolatiques conviant le lecteur à l'univers singulier d'un des plus cruels et plus audacieux poètes de notre temps. L'humour y est grinçant, soutenu et comme irradié par un défi lancé en permanence à la créature humaine avec ses émotions, ses rages, ses lâchetés et, par-dessus tout, ses révoltes en face d'une société que l'époque, abominablement, lui impose.
« Ce petit livre, constitué de quatre nouvelles (ou poèmes ?) symboliques, mérite de figurer au premier rang des bibliothèques, auprès de Nerval ou de Borges. On ne sait trop ce qu'il a de plus admirable : la splendide énergie de ses phrases labyrinthiques, enveloppantes comme des phrases de rêve, ou l'éclat d'une imagination jamais à court de formes imprévues et inquiétantes, ou encore une réflexion sur l'envers et l'endroit, le possible et l'impossible, le clair et le sombre, dont l'identité s'affirme tout naturellement. «Ce qui est contradictoire devient le même», dit Jean Tardieu dont les monstres mentaux recèlent des secrets de faste, d'humour et d'énormité. » Lionel Ray.
«La poésie de Jean Tardieu étonne par sa transparence. À quoi tient cette transparence ? D'abord, à la familiarité du fond unie à la singularité des formes qui l'expriment. Comme, le plus souvent, chez les fantaisistes, on entend ici un écho de la poésie populaire qui est devenue en France une poésie de la ville : les grilles et balcons, le Tintoret dans la cour de l'immeuble, l'intérieur bourgeois avec, encore, son tube acoustique, ou petit-bourgeois avec ses poufs, pompons et falbalas, le simple bistrot de banlieue, où mangeaient deux plâtriers couverts de triangles de soleil, et une vieille femme en fichu rayé rouge, noir et or. Les sentiments - émerveillement de l'enfance, crainte de l'inconnu - chacun de nous les a éprouvés. Et qui ne s'est pas interrogé sur l'espace, le temps, le soleil, la vie, la mort, le langage ? Oui, au fond, rien que de commun à tous les hommes. Et pourtant, sur ces lieux communs, Jean Tardieu étonne - au sens où Diaghilev disait : Étonnez-moi ! - par l'ingéniosité de ses mises en scène. [...] En prêtant l'oreille, on entend apparaître, selon l'admirable formule de Jean Tardieu. Tout est transparence en ce style qui donne à entendre ce qu'il donne à voir et à voir ce qu'il faut entendre ; qui fait de nous, à la lecture, des comédiens, des imagiers, des penseurs et des musiciens ; qui, prenant le langage dans toute son ampleur, lui rend la créativité du verbe. Enfin, la transparence est celle d'une prose qui ne s'approfondit en poésie qu'en maintenant l'écart entre la signification et le sens. Que nous enseigne par là Jean Tardieu ? Il n'y a pas de transparence en soi, elle est un relatif, le rapport à un fond ; en poésie, il n'y a de simplicité que multivoque et elle n'est réelle que si elle singularise la complexité inépuisable du langage, du ciel, de l'espace, du temps, - que si une voix sans personne peut être la voix de chacun. Un poète nous parle de nous.» Yvon Belaval.
Sa poésie, souvent irrésistiblement drôle, nous mène parfois aux rives de l'étrange. Jean Tardieu explore les contraires et les fascinantes ambiguïtés du langage. Un humour subtil, une voix amie.
"Ce que parler veut dire ou Le Patois des familles", "De quoi s'agit-il ou La Méprise", "Le Meuble", "Le Guichet". Dans les quatre pièces de ce recueil, se mêlent rires, éclats de voix, apparitions furtives, répliques brèves. Tout un monde se dessine en arrière-plan. Le ton est souvent cocasse ou franchement burlesque, l'humour subtil et savoureux.
«La tentation est grande, pour un apprenti dramaturge, d'aborder le théâtre par ses moyens plutôt que par ses fins, de s'intéresser à l'objet scénique plus encore qu'au sujet» de la pièce, de commencer chaque fois par un prétexte formel et de s'efforcer ensuite, mais ensuite seulement, de faire entrer dans ce cadre les significations et les valeurs, bref de chercher l'humain par et à travers le rituel. En effet, personnages et situations, lumières et ténèbres, murmures, sourires, soupirs et cris, tout ce jeu de cache-cache dans les corridors de mes songes ne me semblait avoir d'autre raison d'être que de justifier un parti pris rigoureusement et exclusivement esthétique.» Jean Tardieu.
C'est dans le Paris des tramways et des fiacres que Jean Tardieu vécut son enfance. La rue Chaptal (son domicile), la rue Ballu où l'on venait, en fin d'après-midi, «chercher Monsieur Jean» chez sa marraine, bien d'autres lieux sont, pour lui, peuplés de souvenirs.Plus tard, ce seront les misères, les travaux et les jours, le hasard des rencontres (notamment au «Club d'essai» de la radio, les amitiés fidèles, les seules qui comptent.Une modestie exemplaire, une générosité de coeur et d'esprit, une présence aux autres et au monde qui n'exclut pas la rêverie caractérisent ce grand poète dont le propos, où le sérieux se cache sous l'humour, est de se «demander sans fin comment on peut écrire quelque chose qui ait un sens».
La cité sans sommeil (Fiction tragi-comique, en trois tableaux), Le rite du premier soir ou Le petit voleur (Rêve de banlieue, en deux actes), Pénombre et chuchotements (Nouvelle sentimentale, en un acte), L'Épouvantail (Monologue de plein air) sont suivis de trois farces brèves. Telles sont les oeuvres à la fois atroces et drolatiques conviant le lecteur à l'univers singulier d'un des plus cruels et plus audacieux poètes de notre temps. L'humour y est grinçant, soutenu et comme irradié par un défi lancé en permanence à la créature humaine avec ses émotions, ses rages, ses lâchetés et, par-dessus tout, ses révoltes en face d'une société que l'époque, abominablement, lui impose.
Janvier 1928, Hanoï, le soldat de 2? classe Jean Tardieu commence une lettre à Roger Martin du Gard. Il est secrétaire d'état-major, sous le commandement du frère de Marcel Aymé, au moment même où il publie ses premiers poèmes dans la N.R.F. Il a vingt-cinq ans. Cette publication posthume, baignée par l'exotisme des lieux, contient bien avant l'heure une critique vive du colonialisme, ainsi qu'une méditation pertinente sur l'identité des cultures.
Dédicace à personne Pour recueillir, comme au futur. Pour perdre dans le passé. Pour attendre, pour piétiner, pour se morfondre, comme au présent. Une suite de jours dispersée, déchirée, entre l'insomnie et le songe. Une vie qui n'appartient à personne, pas même à moi. Une route qui ne conduit nulle part ailleurs qu'en ce point où tout se dissipe et disparaît. (Est-ce la récompense ?) Au vertige vécu. À l'immobile. Au retour sans fin. À la suite irrémédiable, peinte aux couleurs de l'espoir. Aux portes fermées de la sagesse. (Elles tremblent, elles vont céder.) A la conscience maintenue, arc-boutée contre le souffle de l'abîme. Puissent la suie, la poussière, le sang des heures, la colère du monde, l'oubli de tout - ne pas ternir le miroir ! À toutes les personnes que nous sommes et ne serons plus. À tous les temps du verbe. Jean Tardieu.
Dans les dix-sept esquisses dramatiques du Théâtre de chambre, Tardieu avait, en quelque sorte, cerné de pointillés le renouvellement des formes scéniques et du langage théâtral, tel qu'il l'avait lui-même pressenti et amorcé vingt ans auparavant. Farces, parodies, poèmes ou cauchemars, ces brèves pièces, sous un aspect à la fois étrange et presque enfantin, allaient plus loin qu'il n'avait paru tout d'abord. Les théâtres de recherche et les troupes de jeunes ne s'y sont pas trompés qui, de plus en plus nombreux, traduisent et jouent ses oeuvres dans le monde entier. Un peu plus tard, si Tardieu intitulait le deuxième volume de son Théâtre : Poèmes à jouer, c'est qu'à la faveur de l'«alibi» poétique, il faisait un pas de plus sur sa propre lancée, surtout dans L'ABC de notre vie, Rythmes à trois temps, Une voix sans personne : des «arguments», des «thèmes» (mais non des «sujets») diversement associés se substituaient de plus en plus aux événements, à la «trame», à l'«intrigue». Ce n'était pas là seulement, de sa part, une volonté d'abstraction, mais plutôt la poursuite d'une nouvelle sorte de structure, non moins stricte et non moins exigeante que celle du théâtre traditionnel. La présente réédition des Poèmes à jouer a été revue et augmentée de pièces de même venue (mais d'inégale longueur). On y trouve un court monologue qui est, en fait, un «crescendo» vocal : Malédictions d'une furie, un oratorio lyrique dont le thème central est la dialectique entre l'immobilité et la mobilité : Des arbres et des hommes, enfin un dialogue : Trois personnes entrées dans les tableaux, où, comme dans ses Portes de toile, Jean Tardieu cherche à évoquer l'univers poétique de trois grands peintres d'aujourd'hui, aussi différents que possible : Braque, Chagall, Miró.
«Ce petit livre, constitué de quatre nouvelles (ou poèmes ?) symboliques, mérite de figurer au premier rang des bibliothèques, auprès de Nerval ou de Borges. On ne sait trop ce qu'il a de plus admirable : la splendide énergie de ses phrases labyrinthiques, enveloppantes comme des phrases de rêve, ou l'éclat d'une imagination jamais à court de formes imprévues et inquiétantes, ou encore une réflexion sur l'envers et l'endroit, le possible et l'impossible, le clair et le sombre, dont l'identité s'affirme tout naturellement. Ce qui est contradictoire devient le même, dit Jean Tardieu dont les monstres mentaux recèlent des secrets de faste, d'humour et d'énormité.» Lionel Ray.
L'expérimentation a été la constante de la création dramatique de Jean Tardieu.
Chaque " essai " apportait sa pierre à la construction d'un instrument neuf où il estimait retrouver la racine même de l'art théâtral. Les commentaires dont il ne manquait pas de les accompagner, notes, préfaces, à-propos, les reprises de son argumentation, les nuances de forme qu'il leur prêtait soulignent son souci d'en éclairer, d'en préciser le sens, et d'abord auprès des " amis-censeurs, écrivait-il, les quelques-uns dont l'opinion importe seule pour moi ".
Il avait besoin d'obtenir leur adhésion et ressentait la difficulté de voir justement comprise son " entreprise ". Dans ses " Cahiers de jeunesse ", de seize à vingt ans, apparaissaient aussitôt la préoccupation et la volonté de rompre avec la " convention figurative et académique " du siècle et d'ouvrir des pistes. Il dénonçait le manque de vérité théâtrale qui avait choqué son esprit d'enfant spectateur devant les décors de carton-pâte du Châtelet.
Lui, si ouvert aux novations contemporaines de la peinture et de la musique, était frappé par le retard de l'art dramatique sur les autres arts, " l'espèce de banalité, de faux réalisme, de formalisme académique de la comédie moderne ". La pratique quotidienne de la critique à partir de 1944, la fréquentation, d'un soir à l'autre, des salles parisiennes de boulevard accusèrent ce sentiment. Sans doute discernait-il le moyen d'échapper à toute esthétique réaliste, comme, plus tard, dans ses " essais " ou " gammes ", il partirait d'un " objet, emprunté à l'arsenal des "effets " de théâtre, " en laissant toujours entrevoir autre chose, à travers les actes et les paroles en apparence les plus naturels ".
Suggérer la pensée secrète sous les discours de circonstance, établir des niveaux différents de réalité, jouer de la double perspective du cauchemar et de ce qu'il peut refléter de l'état de veille, le rendre sensible par des déformations vocales et insolites du langage, par le choix de mots courts et de monosyllabes. Autant d'esquisses d'une dramaturgie un quart de siècle avant de lui donner forme en scène.
Jean Tardieu a réuni dans ce volume la plupart des textes qu'il a écrits sur l'art et les artistes. Tout d'abord, «Une vie ponctuée d'images», avec un texte datant de la jeunesse de l'auteur, inspiré par une gravure du célèbre poète chinois du VIII? siècle, Wang Wei. Ensuite, un recueil publié en 1969, Les portes de toile, repris ici intégralement. Puis, «La création sans fin», qui comporte tous les textes épars ou inédits entre 1970 et 1992. À chaque fois - et c'est ce qui donne son unité à ce livre -, il s'agit pour Jean Tardieu de «traduire en poésie quelques-unes des oeuvres, célèbres ou moins connues, portées à la lumière du jour par l'arbre des arts créateurs aux branches innombrables». Bien que l'ouvrage comporte dans son ensemble plus de textes en prose qu'en vers, tout ce qui concerne les arts est «traduit en poésie», de Poussin à Max Ernst, en passant par Ravel ou Satie, et du Tintoret à Alechinsky.
L'anglais oral repose sur un système de sons et d'accentuations bien différent de celui du français. La prononciation de l'anglais vous permet de le maîtriser par l'étude : des différents sons (consonnes, voyelles, diphtongues) ; des règles de la prononciation, de l'accentuation et de leurs exceptions ; du rapport entre l'orthographe et la prononciation ; des variantes nationales (G-B, US) et régionales (Londres, Ecosse, New York, etc) ; des fautes traditionnelles faites par les francophones, afin de les éviter.
Grâce à La prononciation de l'anglais, vous émettrez sur la bonne longueur d'onde.
«Margeries, mot inventé, écrit Tardieu en Note liminaire. Mais l'auteur d'Un mot pour un autre et d'Une voix sans personne est-il si sûr de ce qui est réel et de ce qui ne l'est pas ? Prendre appui sur les marges de l'ici pour s'aventurer aux bords de l'ailleurs, telle est bien au fond pour lui l'activité poétique, et l'essentiel est peut-être cette désinence en -ries, dont la gentillesse un peu archaïque, un peu paysanne, rappelle l'ancien terme danceries. Elle évoque aussi broderies, et l'amateur de fantaisies et de variations - sur le modèle de la musique - ne pouvait qu'en être satisfait. Mais il y a aussi un sous-titre, Poèmes inédits 1910-1985. Proche du terme de sa carrière d'écrivain, Jean Tardieu éprouve le besoin non pas de constituer une somme, ou un bilan, mais au contraire de la réinventer, d'en faire jouer autrement les articulations. Peut-être est-ce là le privilège exorbitant de la longévité, écrit-il dans l'Avant-propos, que de donner un sens, plus ou moins imaginaire, à notre passé, comme si nous inventions notre vie au moment de la perdre. À cette tâche, il va s'adonner avec un plaisir évident et d'une jeunesse retrouvée, celle d'un enfant qui parle déjà de sa vieillesse, ou d'un vieillard qui parle encore de son enfance.» Jean-Yves Debreuille.