«Il vit, là, en face de chez vous. Sur le même palier. On ne saurait dire si c'était lui, ou vous qui viviez là en premier. Pas spécialement voyeur, mais à chaque bruit dans l'escalier, vous collez votre oeil au judas, en veillant bien à éviter les lattes tremblantes du plancher. Trahi par un grincement de plancher, non merci. Vous le voyez toujours de dos, dans son long manteau sombre, quand il entre chez lui, tranquille.»
Ils venaient d'avoir trente ans. Ça leur était tombé dessus sans crier gare. Ils s'aimaient, ils avaient un fils de vingt mois qui leur ferait bientôt sentir qu'ils étaient trop vieux pour le comprendre. Leur situation professionnelle était plus qu'incertaine - mais souvent enviée. Ils avaient des projets de voyages, un plan d'épargne logement comme les gens raisonnables - alimenté très irrégulièrement parce qu'ils n'étaient pas vraiment des gens raisonnables.
Ils avaient, croyaient-ils, l'avenir devant eux.
En pleine nuit, Soren reprend conscience au milieu de son jardin, comme s'il s'éveillait d'un cauchemar. La soirée a été difficile, il a annoncé à sa femme, Paloma, qu'il avait besoin de « faire le point ». Après cette conversation ? C'est le trou noir. Il est dans un état second. Sa vie lui échappe. Il monte dans sa voiture, prend la route pour rejoindre son frère Mathurin, gravement handicapé. Les kilomètres défilent, comme la vie de Soren dont nous découvrons la lente descente vers l'enfer de cette nuit : la mort de sa mère dans un accident de voiture quand il avait douze ans, la vie difficile avec son père dépressif, l'existence chaotique de Mathurin qui, avant la sclérose en plaque, souffrait de troubles psychiques... Quelques souvenirs plus heureux surviennent aussi, comme la rencontre avec Paloma avec qui il a eu deux filles. Mais petit à petit, se tisse la trame d'un récit qui voit sombrer le monde de Soren. Il a de graves problèmes financiers, dont il n'a pas osé parler à Paloma. Il rumine de vagues projets de documentaires, se focalise sur la montée en puissance de Daech, et lutte contre l'idée du suicide. Sans doute ne tient-il plus à la vie qu'à cause de Mathurin, dont il se sent responsable. Ce soir-là, tout s'est mis à tourner plus mal : Paloma lui a annoncé qu'elle quittait son travail et Lise, une amie dont il commençait à tomber amoureux, lui a révélé qu'elle et son compagnon attendaient un enfant... Se sentant pris au piège d'une existence de plus en plus inextricable, Soren glisse vers l'irréparable... Jean-Baptiste Gendarme nous donne un récit de la solitude moderne. La vie de Soren est prise dans l'engrenage d'une fatalité de plus en plus prenante, mais tellement insidieuse qu'on ne voit pas venir le désastre. Le style concis, limpide, factuel, tendu, accuse le caractère implacable de cette trajectoire.
Regarder le balancement d'un hamac entre deux pins ; trouver une vieille table en Formica sur le trottoir ; tomber de cheval et sauver la tête d'un roi ; attendre que le temps passe en regardant la mauvaise herbe pousser ; louer un bungalow sous les pins - et s'en accommoder ; se retrouver l'été entre amis ; partir, vieillir, se souvenir... Neuf nouvelles traversées par l'amour, la haine, la mort, la fuite. Neuf histoires où les relations humaines sont disséquées avec une férocité désolée, et où les personnages sont décrits sans mépris mais sans indulgence.
Selon les sondages, plusieurs millions de manuscrits dorment dans les tiroirs des Français. Autant dire que les places sont chères pour retrouver son roman en librairie.
Ce livre se propose de décrypter les us et coutumes du milieu littéraire. Riches de conseils mais aussi d'anecdotes recueillies auprès d'écrivains, vingt-sept chapitres, de la découverte de la passion de la lecture au bizutage des salons, en passant par la lettre de refus et l'attente fébrile du coup de fil de l'éditeur qui acceptera enfin le fameux manuscrit, au service de presse et ses arcanes., autant de cailloux blancs pour trouver son chemin à travers le monde des lettres.
Jean-Baptiste Gendarme, avec humour et impertinence, accompagne l'aspirant écrivain dans le marathon qui mène à la publication d'un livre.
Le Battle-Book littéraire c'est d'abord un livre. On y lit des mots qui forment des phrases ; on y apprend des choses (ou on fait semblant de les savoir ), on y trouve d'éminentes références qu'on peut ensuite citer lors de dîners en ville (comme la doublette goncourienne de gary ou la définition du mot litote).
Mais le Battle-Book littéraire, c'est aussi un jeu. Parce qu'il y a un but (gagner). Et qu'affronter votre adversaire au petit bac littéraire, à la bataille navale ou au mime, le tout en compagnie de Duras et Saint Ex' est indéniablement cool (surtout si vous êtes rapide et perspicace).
Et puis surtout, le Battle-Book littéraire, c'est littéraire. Chaque page ravira ceux que la langue française émoustille, ceux qui pensent que la littérature est aussi un divertissement et qui considèrent qu'elle n'a pas dit son dernier mot. Comme vous.
C'est à partir d'un impressionnant travail sur les archives que Jean-Baptiste Gendarme évoque la Première Guerre mondiale. Inspiré par les noms gravés sur des monuments aux morts, il s'est plongé dans les journaux officiels de bataille pour retracer les dernières heures des soldats, livrant dans une écriture contemporaine les stratégies militaires et le récit des combats. Tous les personnages ont existé mais le romancier a pris la liberté d'inventer ce qu'ils ressentaient. Au fil des pages, apparaît l'intensité tragique d'un conflit démesurément meurtrier qui modifia l'équilibre mondial. Pour tisser des liens avec notre siècle, le photographe Olivier Placet a promené son regard sur les monuments aux morts, ces objets de mémoire devenus communs, à tel point qu'on oublie leur présence.
La Pause naît de la rencontre autour d'une table de ping-pong de l'écrivain Jean-Baptiste Gendarme et l'illustrateur Alban Perinet. « La littérature n'intéresse plus personne ! dit l'un. - Mais pas du tout, il suffirait de trouver une nouvelle façon d'en parler ! répond l'autre. - 12-19 », réplique le premier après un smash impeccable. Ensemble, autour d'une citronnade bien fraîche, ils imaginent un moyen de rendre la littérature vivante, de la désacraliser. Côté texte, la forme du dialogue s'impose d'emblée pour donner à la critique littéraire un ton vif et ludique. Côté dessin, la « restriction graphique » (une seule case répétée douze fois) permet au texte de rester prédominant sur l'image. Dans chaque planche, les situations et les personnages se succèdent comme pour mieux dire que les livres s'adressent à tous et concernent tout le monde. Des jeunes, des vieux, des chauves, des animaux. devisent, sur un mode tantôt décalé tantôt sérieux, mais toujours enthousiaste, des ouvrages qu'ils viennent de lire. Deux catcheurs mexicains évoquent ainsi En finir avec Eddy Bellegueule d'Édouard Louis, deux amis discutent de La Fête de l'insignifiance de Milan Kundera, et Barack et Michelle Obama parlent du dernier livre d'Emmanuel Adely sur la traque de Ben Laden. Au final, près de 90 planches comme une petite bibliothèque idéale. Il y a des oublis, des injustices, mais chaque livre a été lu du début à la fin - sous l'oeil attentif d'un gros chat qui aurait pu être huissier.