"Depuis deux siècles, on parle beaucoup des amours et peu de l'amour. Tandis que toutes les époques, depuis les beaux temps de la Grèce, ont eu une grande théorie des sentiments, les deux derniers siècles en sont totalement dépourvus. Oublions les gesticulations romantiques. L'état amoureux est tout d'abord un phénomène de l'attention, un état anormal de l'attention qui se produit chez l'homme." (José Ortega y Gasset)
La culture, qui avait libéré l'homme de sa forêt primitive, le propulse de nouveau dans une forêt, de livres cette fois-ci, non moins confuse et étouffante.
Jean Cassou disait d'Ortega y Gasset qu'il ne craignait pas la frivolité, voire la recherchait. Ce n'est pas le moindre des paradoxes, quand on lit ce texte-ci, mélange de critique "sérieuse" et de fascinationrépulsion pour un art devenu aux yeux de l'auteur futile.
L'auteur s'attaque à une tendance de l'art de l'époque (ce texte est publié pour la première fois en 1925) à éliminer la figure humaine de ses sujets au point de devenir autocritique, voire un jeu entre artistes. Cela conduit à le rendre impopulaire. Dégagé du sérieux et de tout pathos, l'art perd sa transcendance au profit de la superficialité, du divertissement. Il est le symptôme d'une crise culturelle, qui annonce la décadence d'une société de plus en plus tournée vers le spectacle.
Qu'est-ce que la technique ? Pour répondre à cette question simple, Ortega Y Gasset revient à ce qui, fondamentalement, s'impose à tout homme : la nécessité de vivre. Or, pour satisfaire ses besoins vitaux, l'homme développe un répertoire de techniques et, au contraire de l'animal, parvient à produire ce qui n'existe pas dans la nature. Mais ces actes le démarquent de l'état naturel et démontrent sa capacité à se détacher des stricts besoins vitaux. Là réside aussi sa particularité : sa promptitude à pourvoir à son bien-être mais, par là même, à lui-même créer ses besoins. Ce à quoi répond la technique. Par une succession de raisonnements limpides, le philosophe madrilène en vient à évoquer une «crise des désirs» engendrée par la technique.
La technique représente l'ensemble des moyens par lesquels l'homme modifie le monde naturel. À ce titre, elle constitue aux yeux d'Ortega y Gasset un palliatif pour l'humanité malade de son imagination. Pour le philosophe, nous sommes ces «enfants de l'imaginaire», faculté chez nous si puissante qu'elle fait déborder nos désirs bien au-delà de notre capacité à les satisfaire. Et la technique entend être ce «gigantesque appareil orthopédique». L'homme s'exclut de la nature en cherchant à la transformer par la technique. Il se trouve perpétuellement en quête d'un monde autre, entièrement nouveau et capable de combler ses désirs. Ortega y Gasset renverse le paradigme du progrès, démontrant que le développement des civilisations humaines n'est que le symptôme de leur agonie.
D'après Ortega y Gasset, toute science doit avoir pour objet les croyances qu'on en a. Le philosophe distingue croyance inerte et croyance vive, notions ô combien stimulantes pour la pensée. La foi en Dieu à la Renaissance constituait une croyance inerte, au contraire de la raison cartésienne, croyance vive à l'origine d'une confiance nouvelle dans les sciences. Or, cette croyance est désormais en danger. Si la nature se fonde sur des lois invariables, la science ne peut fournir de modèle d'explication de l'homme, insoumis à de telles lois. D'après l'auteur, l'idée de nature n'est qu'un concept projeté sur le réel, alors que l'homme est fondamentalement changement ; il traverse des formes de vie qui accouchent de nouvelles formes. Il n'a donc pas de nature immuable mais une histoire.
Paru en 1937 dans sa traduction française, soit sept ans après sa publication en Espagne (1930) sous le titre La rebellion de las masas, La révolte des masses demeure un opus majeur de la littérature intellectuelle mondiale. Et son auteur, le philosophe José Ortega y Gasset (1883-1955), professeur de métaphysique à l'université de Madrid de 1910 à 1936 et fondateur de l'influente Revista de Occidente, est considéré comme l'un des plus éminents représentants de l'humanisme libéral européen du xxe siècle.
Bien qu'il ait publié beaucoup d'autres ouvrages notables (dont L'Espagne invertébrée et Le thème de notre temps), c'est dans cette Révolte des masses à l'immense retentissement que la pensée d'Ortega s'expose avec le plus de saillance. Son rude diagnostic sur la nature de la maladie qui ronge l'Europe n'a rien perdu de sa pertinence : l'irruption de l'« homme-masse », un « enfant gâté » conformiste et égalitariste qui rejette le passé, la raison et l'exigence morale - corrélée à une inquiétante « étatisation de la vie » et à l'« idolâtrie du social ». Mais il y esquisse aussi ce qui peut l'en guérir : l'avènement d'« un libéralisme de style radicalement nouveau, moins naïf et de plus adroite belligérance », et l'édification culturelle d'une Europe réellement unie.
En 1938, Ortega publie un Épilogue pour les Anglais prolongeant et actualisant la réflexion de La révolte des masses : la présente réédition inclut ce texte capital à la diffusion jusqu'alors demeurée confidentielle.
Paru en 1923, soit un an après L'Espagne invertébrée et alors même qu'Ortega y Gasset (1883-1955) créait sa célèbre revue La Revista de Occidente, le bref ouvrage qu'est Le thème de notre temps signe une étape fondatrice et décisive dans l'itinéraire intellectuel du professeur de métaphysique en plaçant au coeur de sa philosophie la notion de « raison vitale ». Vouée à dépasser l'opposition entre le rationalisme de la raison pure et le vitalisme, celle-ci entend enraciner la raison dans l'effort vital qui caractérise l'existence humaine afin d'en faire son moyen d'action privilégié. C'est son impérative intégration dans la pensée contemporaine qui doit devenir le souci majeur des meilleurs esprits :
Le thème de notre temps.
Enfin disponible dans une élégante traduction nouvelle pour le lecteur français, Le thème de notre temps annonce ce qui constituera l'inspiration sous-jacente du mondialement renommé La Révolte des masses (1930/ 2010, Les Belles Lettres) : l' « hommemasse » décrié par Ortega n'est autre que celui qui ignore désastreusement la « raison vitale ». C'est pourquoi la lecture de cet opus s'avère indispensable à qui veut pleinement connaître les préoccupations fondamentales ayant animé celui qui fut l'un des plus grands philosophes européens.
Traduit depuis longtemps dans de nombreuses langues, Misère et splendeur de la traduction de José Ortega y Gasset n'avait encore jamais été publié en France. Ce célèbre essai fut pourtant rédigé en 1937 à Paris où le philosophe espagnol, fuyant la guerre civile, avait trouvé refuge. C'est une contribution majeure à la pensée de la traduction, due à un grand intellectuel polyglotte qui, en tant que directeur de la Revista de Occidente de 1923 à 1936, avait puissamment contribué à ouvrir l'Espagne à l'Europe. Misère et splendeur de la traduction se présente comme la transcription - sans doute en partie véridique - d'une séance entre savants au Collège de France. Dans cette conversation parfois houleuse, certains intervenants sont nommés, mais la plupart restent anonymes. Selon l'un des plus prolixes, la traduction n'appartient pas au même genre littéraire que le texte traduit, et elle n'a pas à être belle, mais à être claire : « La traduction n'est pas l'oeuvre, mais un chemin vers l'oeuvre. » Ortega n'est ici qu'une voix parmi d'autres, même si c'est lui qui introduit et conclut le dialogue, sur un modèle inspiré des dialogues platoniciens de la Renaissance. Nouveau Socrate, il ouvre dans cet essai riche en aperçus saisissants un débat sur la traduction qui n'a pas cessé depuis de susciter controverses et commentaires.
Les cinq textes réunis dans ce volume apportent des éléments précieux sur la manière dont Ortega y Gasset salue les gestes de Hegel et de Dilthey, qu'il admire pour être respectivement le grand précurseur de la philosophie de l'histoire et le grand découvreur de l'Idée de vie. Mais les rapports qu'il entretient à ces deux figures importantes de la philosophie de l'histoire sont pour le moins ambigus. Les éloges se doublent ainsi rapidement d'une prise de distance qui permet au philosophe espagnol de préciser ses propres thèses dans ce domaine, et tout particulièrement de réaffirmer sa volonté de saisir le mouvement réel de l'histoire, refusant à la fois les schémas déterministes et relativistes de celle-ci.
En 1925, face à ce qu'il perçoit comme une crise culturelle de 1'occident, josé ortega y gassez s'interroge sur l'évolution des formes artistiques vers un " art nouveau " sans forme humaine oú prédominent le jeu et le non-sens.
La déshumanisation de l'art explore. les conséquences esthétiques et sociales du conflit entre ces avant-gardes et la culture bourgeoise triomphante. ortega proclame la décadence des genres traditionnels, mais montre qu'elle implique une rupture entre minorités et masse. et il pose une question qui dérange: " pourquoi les vieux auraient-ils maintenant toujours raison contre les jeunes ?".
Paru à titre posthume en 1957, el hombre y la gente, dont la genèse s'étale sur plus de vingt ans (1934-1955), occupe une place quelque peu atypique au sein du vaste corpus ortéguien.
Réflexion libre et volontiers iconoclaste sur la sociologie, ce livre illustre parfaitement la conception que se faisait le penseur espagnol de l'intercommunication et de la vie sociopolitique. mais l'homme et les gens nous offre d'abord et avant tout le vivant témoignage d'une pensée curieuse, enthousiaste, saisie dans son cheminement parfois ondoyant ; on y retrouve ce bonheur de la digression qui caractérise toute l'oeuvre d'ortega.
De Parménide à nos jours, nous retrouvons dans ce livre les principales étapes par lesquelles a passé ce dont procède «l'esprit scientifique» : la volonté de connaissance. Chacun de ces «moments», plutôt que décrit dans sa complexité, y est analysé, démonté, mis à nu. Chacun des penseurs-jalons de cette histoire y est en quelque sorte accusé, poussé dans ses derniers retranchements, où apparaît ce qu'il avait de génial et d'aveugle.
En ce début de XXIe siècle, la chasse n'a pas bonne presse. Mais pourquoi donc l'Homme contemporain pratique-t-il encore cette activité immémoriale qui apparaît anachronique à certains? Le philosophe espagnol José Ortega y Gasset répond à cette question en explorant l'âme humaine et en révélant les pulsions profondes et identitaires qui animent le chasseur. À l'instar des animaux, celui-ci, une fois dans la nature, devient l'homme en alerte qui retrouve le sens profond de sa place dans la cohorte des vivants. Pour y arriver, selon Ortega, le chasseur doit librement renoncer à la suprématie de ses moyens. Redevenir un noble prédateur passe donc par un dépouillement, voire une certaine austérité, sans laquelle l'humain se rebranche difficilement sur le plaisir profond de la chasse et la communion intime avec la nature. À l'animal prédateur, la chasse procure la nourriture, donc la vie. À l'homme elle propose une véritable expérience intérieure.Considéré en Espagne comme le maître incontestable, le philosophe José Ortega y Gasset a connu une brillante carrière universitaire et internationale. Sa pensée occupe une position privilégiée dans la philosophie espagnole du XXe siècle. Il était avant tout un pédagogue qui cherchait à influencer l'évolution sociale et politique de son pays. Il a laissé une oeuvre considérable et fondé plusieurs institutions et fondations culturelles.Récipiendaire de nombreux prix, le chroniqueur Louis-Gilles Francoeur commente et décrit l'actualité environnementale depuis plus de vingt-cinq ans dans les pages du quotidien montréalais Le Devoir. Défenseur de la biodiversité, amant de la nature et pourfendeur des pollueurs, Louis-Gilles Francoeur pratique aussi la chasse, la pêche et plusieurs autres activités de plein air.