Pendant vingt-huit ans, Nelly G. a été violée et torturée par son père. De cet inceste sont nés six garçons. Dans le petit village tranquille comme dans la cité populaire où le père travaillait, on savait et on en parlait. Pour comprendre le laisser-faire général, l'ethnologue Léonore Le Caisne a, pendant une année complète, rencontré Nelly, les habitants, les commerçants et les élus, décryptant l'incessant commérage sur la famille G. et l'indignation collective suscitée par la prise de parole publique de Nelly, mais aussi la mise en scène de ce fait divers par la presse. Son analyse montre que la relation incestueuse entre le père et sa fille n'est pas qu'une affaire familiale mais aussi une affaire collective : cet inceste s'est inscrit dans le cours de la vie du village et de la cité jusqu'à en devenir un élément presque ordinaire.
Léonore Le Caisne
Poissy, la maison centrale.
Plus de deux cent cinquante condamnés y sont emprisonnés, parfois " à perpète ", vrais voyous ou délinquants, braqueurs de banque ou trafiquants de drogues, escrocs ou violeurs. Qui sont-ils ? Comment vivent-ils ? Que disent-ils d'eux ? Quelle est vraiment l'action de l'administration et des magistrats face à ces hommes qu'il faut à la fois enfermer et réinsérer ? Léonore Le Caisne les a observés, en promenade ou au travail, en salles d'activité ou au parloir, chaque jour pendant deux ans.
Ils se sont confiés à elle, ils ont raconté leur parcours, leurs relations entre eux, leurs compromis avec les gardiens, leurs espoirs et leurs révoltes. Un document exceptionnel sur la réalité de la vie carcérale. Où l'on voit que le " problème de la prison " ne tient pas seulement à la vétusté des locaux, à la promiscuité ou à la violence physique...
La récidive et l'incarcération des mineurs sont au coeur de l'actualité. Pendant un an, Léonore Le Caisne a arpenté le quartier des mineurs du Centre de jeunes détenus (CJD) de Fleury-Mérogis, où sont incarcérés, selon les périodes, entre 50 et 100 adolescents. L'ethnologue décrit et décrypte le bruit, la circulation, les attitudes, les échanges et plus généralement les relations que les jeunes établissent entre eux et avec l'encadrement ou les détenus adultes. Elle montre comment les garçons transforment le " quartier mineurs " en une annexe de la cité, avec ses groupes, ses valeurs, ses lieux... Comment et pourquoi, en l'absence de tout travail socio-éducatif effectué au sein de l'institution, ils banalisent leur expérience - jusqu'à la récidive - et détournent le sens que donnent les magistrats à l'incarcération. Notre société évolue vers une répression accrue, aux effets inconnus et aux résultats aléatoires. A l'heure des premiers bilans des nouveaux Etablissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), le travail de Léonore Le Caisne constitue une base indispensable à la réflexion sur la délinquance des jeunes et sur les réponses à y apporter.