" Je fais encore des cauchemars. D'ailleurs, j'en fais si souvent que je devrais y être habitué depuis le temps. Ce n'est pas le cas. Personne ne s'habitue vraiment aux cauchemars. " Ainsi parle Johnny Errand au seuil de cette Maison des feuilles , et de poursuivre sa mise en garde : " Ça ne se produit pas immédiatement, mais sans prévenir vous vous apercevrez que les choses ne sont pas telles que vous pensiez qu'elles étaient.
" Dans son introduction, Johnny explique comment il a trouvé un mystérieux manuscrit à la mort d'un vieil homme aveugle, décidé de le mettre en forme et de l'annoter de façon très personnelle. Le texte se présente comme un essai sur un film, le Navidson Record, réalisé par Will Navidson, un photoreporter, lauréat du prix Pulitzer. Will, qui vient d'emménager avec sa famille dans une maison en Virginie, filme son installation, réalisant une sorte de "home movie".
Tout s'annonce bien jusqu'à ce qu'il découvre une pièce qui jusqu'alors n'existait pas. Passé l'étonnement, il se rend à une évidence troublante : la maison est plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur. Navidson tente d'explorer les lieux mais, après avoir manqué se perdre, il engage des explorateurs professionnels. L'horreur commence alors. Aussi bien pour les membres de l'expédition que pour le lecteur - lui-même égaré dans le dédale des notes qui envahissent les pages comme un lierre maléfique.
Que cache la maison ? Quel est ce grondement qu'elle émet de temps en temps ? Pourquoi Johnny a-t-il ces cicatrices ? Pourquoi le manuscrit de Zampanù semble-t-il le rendre fou ? A la fois jeu de piste, récit fantastique, dérive personnelle, essai faussement académique, La Maison des feuilles a pour effet de changer progressivement le lecteur en apprenti sorcier, monteur de salle obscure, détective amateur, spectateur.
Une lecture littéralement habitée.
De l'Institut psychiatrique Whalestoe, où elle passe les dernières années de sa vie, Pelafina H.
Lièvre envoie à son fils, Johnny Truant, une série de lettres. Une correspondance magnifique et tragique, d'une intense émotion, qui révèle la profondeur de la relation instable et changeante qui unit une mère à l'esprit brillant, bien que malade, à son talentueux fils qu'elle n'a jamais cessé d'aimer. Originellement contenues à l'intérieur du monumental La Maison des feuilles, ces lettres se suffisent à elles-mêmes pour brosser l'étonnant portrait de Pelafina et Johnny.
Le corpus original est augmenté d'une préface de Walden D. Wyrtha et de onze lettres inédites.
L'Epée des Cinquante Ans est une histoire de fantômes pour adultes, racontée par des enfants, cinq orphelins qui forment une sorte de choeur antique. Le soir d'Halloween, une couturière thaïlandaise, Chintana, se rend à une soirée où elle se retrouve nez à nez avec la femme pour laquelle son mari l'a quittée six mois plus tôt. L'apparition des cinq orphelins apaise son chagrin et ses fantasmes de vengeance.
Elle accueille avec eux un mystérieux Conteur aux allures maléfiques, qui leur narre une aventure terrible: sa quête à travers d'étranges contrées de l'Epée de l'An Cinquante, dont la coupure n'agit que cinquante ans exactement après la naissance. Aujourd'hui, il a retrouvé cette Epée et, par un retournement inattendu, l'Epée viendra frapper ladite rivale, née justement cinquante ans plus tôt. L'Epée magique met ainsi en acte la vengeance que Chintana avait résolu d'étouffer.
Celle-ci est amenée à réfléchir sur le pouvoir qu'elle possède également de "réparer", de "recoudre" une réalité qui menace sans cesse de se défaire, ainsi que les mots mal compris qui viennent créer des appels dans la narration. La fin est ouverte.
Deux adolescents de 16 ans, Sam et Hailey, quittent tout pour traverser les États-Unis en voiture. Après leur rencontre épique, le coup de foudre qui les unit pour le meilleur et pour le pire, vient le temps de la fuite en avant, dans une Amérique contemporaine en constant bouleversement où, de rencontres en accidents, de surprises en déceptions, ils vont défier le monde adulte du haut de leur jeunesse folle. Un tel résumé pourrait laisser imaginer une sorte de road movie assez classique, dans la lignée de Kerouac - il n'en est rien, même si Danielewski s'inscrit clairement dans une tradition littéraire où planent les ombres de William Carlos Williams, Mark Twain ou Thoreau. Car l'auteur a mis au point, pour narrer les mésaventures de ces Roméo et Juliette d'un genre nouveau, un dispositif particulièrement ingénieux, servi par une langue où se donnent rendez-vous tous les champs lexicaux, tous les argots et toute l'invention verbale des adolescents du milieu du XIXe siècle à nos jours.
Le roman peut se lire « par les deux bouts », nous offrant presque en simultané les deux versions d'une même errance. Soit l'histoire vue par Sam, soit celle vue par Hailey - ces deux récits correspondant entre eux à de très nombreux niveaux : lexicaux, typographiques, narratifs, etc., dans un jeu d'échos à la fois savant et efficace qui confère au roman une dynamique des plus troublantes. La lecture devient ainsi une affaire de « révolutions », au sens copernicien, le lecteur devant sans cesse tourner le livre à 360 degrés pour passer d'un narrateur à l'autre. Mais Sam et Hailey ne se contentent pas de traverser le continent nord-américain : leur périple est également historique, chacun se voyant assigné, en marge, dans ce que l'auteur appelle des « chronomosaïques », une série d'événements, de données, de citations, qui, tel un murmure en coulisses, une voix de souffleur, déploient sous les yeux du lecteur presque un siècle et demi de l'histoire mondiale. Cette « histoire » parallèle débute du côté de Sam par l'abolition de l'esclavage aux États-Unis pour s'achever sur l'assassinat de Kennedy, date qui coïncide avec le début du récit de Hailey, lequel se clôt de nos jours.
Tour à tour - ou plutôt simultanément - rébellion contre un pays, une histoire, une langue, chant d'amour et chronique de la débrouille ordinaire, exploration des possibilités infinies du langage, O Révolutions est une odyssée proprement stupéfiante et jubilatoire aux confins de l'histoire et la conscience moderne. Enchanteur, captivant, et finalement dévastateur, O Révolutions ne ressemble à aucun autre livre. Véritable prouesse d'émotion et d'intelligence, le voyage de ces deux gamins, éternels adolescents baignés sous d'éternels cieux d'été, qui renoncent peu à peu à tout sauf à l'aimé, est proprement bouleversant.