L'auteur, sociologue et historien, traque dans les correspondances, carnets et autres témoignages d'Henri Barbusse, Marc Bloch, Maurice Genevoix, Apollinaire, Georges Duhamel ou Léon Werth... toutes les mentions, jusqu'aux plus infimes et apparemment anodines, qui racontent l'état des rapports sociaux dans les tranchées. Ce sont elles qui composent l'essentiel de la matière de ce livre. Car en décrivant le monde des tranchées, et l'épreuve de la boue ou des bombardements, ces intellectuels livrent un témoignage sur leur découverte des classes populaires, leurs perceptions des soldats côtoyés, qu'il s'agisse de « camarades » ou de « leurs hommes », et donc sur les écarts et les différences sociales à la fois maintenues et déplacées durant le conflit.
Une profonde remise en cause de la Grande Guerre comme creuset d'une osmose entre groupes sociaux.
Mobilisé en août 1914, Robert Hertz a entretenu avec sa femme Alice une correspondance quotidienne où se lit la flamme d'un engagement sans limites. Pour se hisser à la hauteur de son idéal patriotique, Robert se porte volontaire afin de quitter sa première affectation, éloignée des combats, et rejoindre le front, où il trouve la mort quelques semaines plus tard. La guerre de ce jeune sociologue - l'élève préféré de Durkheim - n'aura duré que huit mois.
Les pages de ce livre constituent une longue promenade à travers la forêt de mots fébrilement jetés sur le papier par Robert et Alice Hertz. Elles donnent à lire le pas de deux d'un sacrifice, la fabrique épistolaire d'un martyre. « Aimée, ne crois pas que je gémis et que je doute. J'irai jusqu'au bout, si long que soit le chemin », écrit Robert fin octobre 1914. Un mois avant d'être tué encore, le serment est répété : « Nous avons fait voeu d'aller jusqu'au bout. Ce sera encore très long, très dur. » La correspondance creuse un tourbillon de « si je ne reviens pas... » Cette radicalisation intime est le coeur même du livre : il s'agit de tenter de comprendre pourquoi, à chaque fois qu'il reçoit une mise en garde, Robert passe outre et choisit de franchir un pas supplémentaire dans l'engagement sans retour. Il s'agit de prendre à bras-le-corps ce que veut dire « mourir pour des idées ».
Henri Barbusse, Marc Bloch, Maurice Genevoix, Apollinaire, Georges Duhamel ou Léon Werth : les intellectuels combattants ont laissé à la postérité des textes où la guerre est superbement décrite et analysée. Ils ont été abondamment cités par les historiens pour rendre compte de l'expérience des tranchées. Nicolas Mariot les relit ici non comme des illustrations exemplaires de "la" guerre des soldats français, mais au contraire pour y repérer les très nombreux décalages entre leur expérience de la guerre et celle de la grande majorité des combattants.
L'auteur, sociologue et historien, traque dans les correspondances, carnets et autres témoignages toutes les mentions, jusqu'aux plus infimes et apparemment anodines, qui racontent l'état des rapports sociaux dans les tranchées. Ce sont elles qui composent l'essentiel de la matière de ce livre. Car en témoignant du monde des tranchées, et de l'épreuve de la boue ou des bombardements, ces intellectuels livrent un témoignage sur leur découverte des classes populaires, leurs perceptions des soldats côtoyés, qu'il s'agisse de "camarades" ou de "leurs hommes", et donc sur les écarts et les différences sociales à la fois maintenues et déplacées durant le conflit.
Une profonde remise en cause de la Grande Guerre comme creuset d'une osmose entre groupes sociaux.
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La disciplinarisation des corps intéresse les sciences sociales depuis longtemps. Ce numéro de Genèses choisit un angle d'attaque nouveau : l'interdépendance entre "apprendre à obéir" et "apprendre à faire obéir" dans des institutions dont la dimension disciplinaire est évidente :
- sur l'armée française de la Première Guerre mondiale, Emmanuel Saint-Fuscien saisit la distorsion entre les catégories d'autorité construites avant la guerre, et les pratiques observées ensuite au combat ;
- dans son ethnographie à l'École nationale de police de Paris, Cédric de Bellaing montre en quoi la manière dont les policiers sont disciplinés est intimement liée au caractère public de la force policière en démocratie ;
- enfin, Nicolas Fischer interroge le rapport complexe aux pratiques disciplinaires des centres de rétention administrative, utilisés en France depuis 1981 pour la surveillance des étrangers visés par l'expulsion.