Le jeune Franz aide souvent ses parents lors des réceptions organisées à l'auberge familiale, dans le Tyrol. Quand une jeune femme est retrouvée morte le lendemain de son mariage, près de l'établissement, Franz est interrogé en tant que témoin, mais l'affaire restera non-élucidée. Quelques années plus tard, Franz s'exile aux Etats-Unis et devient moniteur de ski. Dans sa mémoire, la mort de cette femme - qu'il avait prise en photo - s'agrège à un autre incident qu'il ne parvient pas à oublier, car c'est au même endroit qu'il avait volé un baiser à une très jeune fille. Les saisons passent, Franz vit chichement en donnant des leçons de ski, notamment à un professeur d'origine tchèque qui revient tous les hivers dans cette station du Colorado. Lorsque ce dernier meurt lors d'un accident de ski, dans des conditions suspectes, une enquête est ouverte. Des rumeurs de scandale sexuel circulent. Franz est mal à l'aise. Une blessure au genou fait le reste : il rentre en Autriche.
A peine revenu chez son frère dans le Tyrol, il découvre qu'un policier a repris l'enquête sur la mort, survenue 12 ans plus tôt, de la jeune mariée, et qu'il fait désormais partie des suspects. Sa tranquillité est tout autant perturbée par le souvenir obsédant de l'adolescente qu'il avait embrassée contre son gré ...
Norbert Gstrein se sert habilement des mécanismes empruntés au polar pour amener le lecteur au coeur d'une réflexion très contemporaine et complexe sur la sexualité. Les abus commis ou subis par les différents protagonistes, la question du consentement, celle du rapport entre désir et violence - tout cela est enchâssé dans une intrigue à rebondissements multiples. Quand j'étais jeune apporte ainsi un renversement des perspectives des plus intéressants, le tout porté par une narration très maîtrisée.
Anton, le narrateur du dernier roman de Norbert Gstrein, est professeur de lettres et d'histoire dans un lycée quelque part en Autriche. Un jour, en voyant une photo floue dans un article du journal local, il croit reconnaître l'un de ses anciens élèves, Daniel. L'article évoque des lettres anonymes, des menaces, une alerte à la bombe. Anton est troublé et commence à enquêter, car Daniel n'était certes pas un élève banal. Mais peut-il être devenu un terroriste en puissance ? Retour en arrière : Daniel est l'un des meilleurs élèves de son lycée, et c'est lui qui provoque son professeur en lui demandant pourquoi il ne l'aime pas, puis en exigeant des conseils de lecture. Petit à petit, leur relation s'intensifie et Daniel lit avec avidité les livres que son professeur lui prête - sans ignorer que la plupart de ces volumes ont appartenu au frère d'Anton qui s'est suicidé au bord de la rivière quelques années plus tôt - mais il est aussi sous l'influence du curé de la ville avec qui il fait un voyage en « Terre Sainte ». Il se cherche, fait du théâtre, vit un amour malheureux avec Judith. Pendant l'été du baccalauréat il s'invite presque quotidiennement chez son professeur, au bord du fleuve, là où ce dernier possède une petite propriété, souvent accompagné de son camarade Christophe, pour se baigner, jouer aux cartes, lire, être ensemble. Leur amitié inhabituelle suscite la méfiance des notables de la ville, mais elle restera néanmoins gravée comme un moment hors du temps dans la mémoire d'Anton, et cette parenthèse lui offre - alors qu'il éprouve lui aussi des difficultés à maîtriser sa vie - un ancrage très fort dans un souvenir pleinement heureux. Peu de temps après, Daniel disparaît presque complètement de sa vie. Norbert Gstrein nous raconte une relation de maître à élève sur un ton plutôt mélancolique, mais l'introspection du professeur qui se demande si son ancien élève n'est pas devenu un dangereux terroriste se traduit aussi par un récit qui n'est pas dénué de suspense. De nombreux personnages secondaires (le directeur du lycée, le policier chargé de l'enquête, le camarade de classe Christoph, la serveuse du café de la ville, le révérend américain et sa famille etc) peuplent ce roman pourtant structuré essentiellement par la mémoire qui afflue. Une des grandes réussites de Gstrein est de parvenir à évoquer des questions de société comme l'extrémisme religieux, le Proche-Orient, le racisme, la médiocrité des notables d'une ville de province, à travers un récit que l'on pourrait presque qualifier d'intimiste. Au-delà de cette recherche très proustienne, écrite dans une langue chatoyante et souple, on lit aussi la confession d'un homme en quête de sa propre vérité.
En 1999, le journaliste autrichien Christian Allmayer, qui a couvert l'effondrement de la Yougoslavie depuis les premiers échanges de tirs, meurt au Kosovo dans une embuscade. Paul, écrivain contrarié auteur de récits de voyage, décide alors d'écrire un roman sur la vie et la mort tragique de cet homme. Pour ce faire, il retrouve un seigneur de la guerre, qu'Allmayer avait interviewé sur le front serbo-croate et auquel il pose la même question qu'Allmayer à l'époque : " Qu'est-ce que ça fait, de tuer quelqu'un ? " Finalement, c'est un troisième homme, " je ", narrateur anonyme, qui, intrigué par les motivations de Paul et amoureux de sa compagne Helena, se laisse entraîner sur les traces d'Allmayer dans un voyage à travers des régions de Bosnie et Croatie encore très marquées par la guerre et écrit le roman du roman qui ne se fera jamais. Un grand roman sur les dernières guerres des Balkans, dans lequel Norbert Gstrein tourne et retourne la question de savoir comment on peut arriver à relater les pires horreurs tout en sachant qu'il est d'avance trop tard et que l'écriture ne ressuscitera plus les morts. Ce livre a reçu le prix Uwe-Johnson 2003.
Norbert Gstrein auf der Höhe seiner Kunst Auf dem Bahnhof in einer Provinzstadt wird eine Bombe gefunden. Ein Lehrer glaubt auf einem Fahndungsfoto seinen Lieblingsschüler Daniel zu erkennen, der sich nach einer Israel-Reise in religiöse und politische Phantastereien verrennt. Ist Daniel dem amerikanischen Endzeitprediger verfallen, der eines Tages in ihrem Ort aufgetaucht war und dann nach Jerusalem ging? Oder hat ein gemeinsamer Sommer den Jungen auf Abwege geführt, als der Lehrer und Daniel ganze Tage außerhalb der Zeit verbrachten?
Épuisé
Comment raconter aujourd'hui ? Comment fonder une éthique artistique au droit et au devoir d'écrire sur le passé et sur la guerre ? Comment transmettre en travestissant le moins possible ? Telles sont les questions qui guident la réflexion de Norbert Gstrein. A qui appartient une histoire ? fut écrit en réponse aux réactions souvent violentes déclenchées par la publication du roman, Le métier de tuer. Avec brio, véhémence, passion et sans craindre la polémique, Norbert Gstrein retrace ici quelques événements " réels " liés à la genèse du livre et à sa réception. Il dialogue avec des auteurs ayant travaillé sur la mémoire ou se situe par rapport à d'autres - comme Peter Handke ou Bernard-Henri Lévy - qui ont consacré aux guerres de Yougoslavie ou à la guerre en général des ouvrages de " fiction " ouvertement fondés sur des expériences réelles. Il revient aussi avec décence et respect sur la mort tragique de Daniel Pearl. Norbert Gstrein livre ainsi une analyse passionnante des frontières entre fiction et vérité, littérature et journalisme.