Aujourd'hui propriétaire d'une sportive allemande, la BMW K1200S; hier, sillonnant l'Europe et l'Afrique sur le dos d'une italienne virile, la 1000 Laverda ; un autre jour, couché sur une fusée japonaise, la ZZR 1100 Kawasaki... Paul Ardenne, historien de l'art, n'a jamais cessé de voir dans ses motos l'objet de tous les plaisirs, de tous les dépassements. Enfant déjà, il enfourchait avec son père une splendide 1000 Ariel Square Four. Une légende. Témoignage intime, presque sacré, histoires de vies, de morts, ce livre s'adresse à la horde des motards qui voue un culte à cet étalon mécanique, dispensateur de sensations vertigineuses, révélateur de personnalité. " Ma moto est un corps vif. Elle est mon corps, je suis le sien. Nous communiquons, nous nous comprenons. Nous endurons ensemble et devenons solidaires, amis, amants." La moto n'est pas une simple machine, un véhicule uniquement fonctionnel. C'est une arme qui forge le corps du motard, centaure d'une mythologie moderne. C'est la fusion érotique d'un être avec son animal totem. C'est la liberté convoitée, la solitude consentie. Paul Ardenne se livre, avoue ses crimes, ses pleurs, ses joies. II dit ce corps à corps brutal, sauvage, plein de jouissance et d'effroi qui fait le quotidien du motard chevronné. Jamais on n'a écrit sur la moto avec cette tendresse impudique et cette passion effrénée.
Passer de l'immobilité à la plus rapide possible des mobilités : cette obsession humaine est immémoriale. De tous temps les humains ont cherché à se mouvoir le plus vite possible, à quitter le statut d'êtres immobiles, posés là quelque part à la surface du monde, pour conquérir celui d'êtres mouvants, en déplacement - un déplacement autant que faire se peut exceptionnel par sa vitesse, par la distance parcourue en un éclair, par la capacité à faire valoir l'espace contre le temps et le temps contre l'espace.
Le dragster, dans cette entreprise anthropologique, est le vecteur par excellence approprié. Qu'il compte deux, trois ou quatre roues, cet engin mécanique né avec le XXe siècle est conçu pour l'accélération et pour elle seule. Le dragster, ce sont des prises de vitesse insensées, un parcours sur piste, en ligne droite, réduit au minimum (quelques centaines de mètres tout au plus) et, pour son pilote, des sensations à la fois brutales et complexes. Brutales, car le corps du dragstériste, lors du « run », peut encaisser en quelques secondes 7 G - sept fois la charge de son propre poids - ou plus encore. Complexes, car la compétition dragstérienne vise cet objectif aussi héroïque qu'absurde, annuler le temps écoulé en ne gardant que l'espace conquis.
Challenge problématique d'office et quête d'un absolu inaccessible.
Le dragstériste ? Il touchera au bonheur quand le drag strip sur lequel il élance sa machine aura été parcouru, comme le dit la formule, « en un rien de temps », dans l'abolition de toute durée, pour le plus grand triomphe de l'intensité.