A l'occasion de l'adaptation de l'un de ses romans au cinéma, Philippe Mezescaze est invité sur le tournage à La Rochelle. Cette expérience, profondément bouleversante, l'amène à croiser les acteurs qui interprètent sa mère, sa grand-mère, et lui-même. Entre jeux de miroirs et métamorphose de sa propre enfance, les souvenirs ressurgissent au gré des scènes et des rencontres avec son jeune alter ego, Noah, enfant perspicace et sensible.
Cet épisode a amené le romancier à écrire une dernière confession sur Irène, sa mère encore enveloppée d'un mystère. "Je ne sais rien d'elle" retrace à la fois la construction d'une identité et l'épopée d'un tournage. Ce récit autobiographique, inspiré par l'enfance de Philippe Mezescaze, est un témoignage émouvant et troublant.
Je découvrais Nice. Je dégringolais d'une autre vie, j'en voulais une nouvelle, j'étais rassasié de la précédente, j'étais en apesanteur. C'était avril, le printemps régnait. À notre descente de l'avion des effluves fleuris inconnus irisaient l'air, cela montait des vagues toutes proches aussi et se mélangeait, c'était nouveau, je pressentais des jours heureux. Milieu des années 70. Récemment arrivé à Nice, le narrateur de vingt-trois ans se laisse vivre au gré des rencontres, sans se préoccuper de l'avenir. Sa courtoisie et son détachement font son charme. Le jour il travaille dans un musée, fréquente la crique nudiste de Coco Beach, la nuit il traîne dans les jardins Albert-Ier en quête d'aventures amoureuses... Lorsqu'il rencontre Paulina, Georges et Gaspard dans une boîte de nuit, c'est le coup de foudre. Bientôt, il s'installe avec eux dans une joyeuse colocation, formant désormais avec Paulina et Georges une «triade exquise», une sorte de fratrie amoureuse. Leur vie insouciante ressemble alors au bonheur...Empreint d'une douce mélancolie, et porté par une écriture sensible, le roman de Philippe Mezescaze décrit une parenthèse enchantée, celle où de jeunes gens reculent le moment de devenir des adultes...
Après cinq années passées en prison à Nice, le narrateur du roman de Philippe Mezescaze saute dans un train de nuit pour rejoindre Paris. Il a 20 ans, nous sommes en 1976. Hébergé ici ou là, chez un amant d'une nuit ou un ami d'ami, il semble insouciant... De Saint-Germain-des-Prés à la rue Sainte-Anne, du Sept au Palace, il fréquente les hauts lieux gays de la nuit parisienne de l'époque, où se côtoient anonymes et célébrités : voyous, comédiens, prostitués, professeurs, cinéastes. Il est très à l'aise dans ce milieu. Mais les apparences sont trompeuses : en quête de lui-même, le jeune homme ressent une certaine mélancolie. Les étreintes nocturnes et furtives ne comblent pas sa solitude...
PHILIPPE
Irène et Émile, un garçon et sa mère à La Rochelle. Qu'imagine un enfant devant le désir des autres, devant l'amour de sa mère pour le marin polonais ?
Avec beaucoup de calme, une tenue sans raideur, Philippe Mezescaze explore une sensualité gracieuse et grave, s'insinue dans les plis de mystère enfantin et, bien que l'anecdote n'ait rien à voir, ni même la lumière, ici plus diurne, la seule référence qui me soit venue à l'esprit en lisant ce livre, c'est, pour son innocence et sa ruse, La nuit du chasseur, le film de Charles Laughton. (Emmanuel Carrère)
" Ma mère avait déjà été folle, je le savais.
Ca correspondait à des périodes où elle ne m'écrivait pas, où je ne recevais rien d'elle. a mes questions, on répondait : - En ce moment, ta mère a besoin de calme, elle est dans une maison de repos. Dès qu'elle ira mieux, on t'enverra la voir, peut-être même elle viendra te chercher.
Elle en revenait, oui, mais changée, dolente, silencieuse, légèrement bouffie. Quand elle allumait sa cigarette, sa main tremblait, elle aspirait la première bouffée comme on prend son souffle, profondément, longtemps, poumons bloqués.
Je restais devant elle, sans respirer moi non plus ; mes épaules retombaient avant les siennes. [...] Tandis qu'il me racontait l'histoire, Piero me regardait dans les yeux de manière indéterminée. Ses yeux disaient autre chose, manifestaient son indépendance, me faisaient comprendre que lui, le joli garçon, devant moi, il pouvait se lever et qu'il n'était pas en mon pouvoir de le retenir. Puis il a demandé à ce qu'on se balade.
Ensuite, je n'ai eu qu'à l'écouter.
- je parie que tu pourrais être mon père, j'ai le double de moins que toi, je suis sûr, enfin la moitié, je veux dire. L'autre jour, en rangeant ma chambre, j'ai retrouvé des lettres que mon père m'écrivait quand j'étais gamin. Il m'appelait son petit bouton de rose... "
Le Maroc. Un port balayé par les alizés glacés de l'Atlantique. Un garçon de quinze ans peut-être qui vit sur les quais dans une ancienne casemate d'essence. Il s'est inventé un père français et se souvient que le fantôme de sa mère l'a abandonné enfant au désir des hommes qui chaque année louent les dernières belles maisons du mellah. Il veut partir, s'enfuir, quitter sa vie, mais il restera et aidera à mourir une vieille femme qui, comme lui, n'a plus de pays.
Les maisons du mellah sont vides, moi je suis gonflé d'amertume. J'appelle le vent, qu'il sorte du fond de la mer et roule dans mes veines, comme autrefois. Je me sens vieux, je me vois mort.
La petite pute des rochers m'a ramassé à la porte du Trou, il paraît que j'étais englué là depuis deux jours à pleurer sur la vie. On m'avait fait boire, j'avais raconté des choses que même les mouchards ne lâchent pas. Maintenant, on me marchait dessus. La petite pute m'avait extirpé à temps, j'avais prononcé son nom et quelqu'un était allé le chercher. Il m'avait ramené à Shell Marine, m'avait fichu des claques pour me ressusciter. Après, quand je suis revenu à moi, j'ai eu honte. Lui, il a minimisé et puis il avait une nouvelle à m'annoncer, Salamandra madame était revenue.
Voici un texte de glace qu'irrigue un feu caché.
La glace c'est la qualité, cristalline de la phrase, le feu est celui, secret, de deux corps amants et aimantés. Mais la menace rôde, lame qui va se précisant, de la maladie séparatrice. C'est un texte écrit dans une urgence lente et langoureuse. L'urgence est celle qui cogne, du temps tout à coup compté et qui viendra peut-être à manquer aux amants. Et cependant, dans la découpe vive des souvenirs prélevés, le narrateur prend le temps de déposer le recel précieux des sensations saisies une à une et les riches heures de l'amour partagé.
Ce récit est traversé de bout en bout par le motif du voyage, qu'il s'agisse des périples effectués au sein d'une Afrique saturée de sensualité miséreuse, ou du voyage, tout intérieur du narrateur. Que devient l'amour, que deviennent les corps des amants quand, tout à coup, la mort serre l'un des deux d'un peu trop près ? A cette question Philippe Mezescaze répond, au travers d'une langue très pure, par un texte d'une élégance aristocratique et d'une grande pudeur morale.
Un texte d'une éblouissante nudité.
Avec beaucoup de calme, une tenue sans raideur; Philippe Mezescaze explore une sensualité gracieuse et grave, s'insinue dans des plis de mystère enfantin et, bien que l'anecdote n'ait rien à voir ni même la lumière, ici plus diurne, la seule référence qui me soit venue à l'esprit en lisant ce livre, c'est, pour son innocence et sa ruse, La Nuit du chasseur, le film de Charles Laughton.
philippe mezescaze vit à paris, il arrive qu'il voyage, de l'eau glacée contre les miroirs est son septième roman.
Le garçon vit dans le quartier des Champs-Elysées, entre le grand appartement déserté d'Eva Carson, vieille femme impotente dont s'occupait sa mère, et l'étage des bonnes, désormais désert, qui va bientôt être transformé en appartements. Obsédé par le souvenir d'un élève rencontré au pensionnat chic où Marlene Dietrich, amie d'Eva, l'avait inscrit, le garçon ne sort que le soir, et déambule au gré de rencontres plus ou moins recommandables, qui l'aident à grandir et à trouver un chemin peut-être intranquille, mais apaisé.
Il s'appelle Hervé. Je lui lis les notes que j'ai inscrites dans les marges, les indices psychologiques, je lui montre les dessins qui esquissent les déplacements de Caligula et Scipion. Je renie les limites, je bascule, Hervé chavire avec moi. Je déverse sa tête sur mes cuisses, je m'enroule autour de son corps qui ploie et quand je le repousse c'est la folie de Caligula qui l'arrache à moi. Ma bouche essuie sa bouche, ma main s'insinue dans ses lèvres, mes doigts retiennent l'odeur de sa respiration, un parfum de fruit écrasé.
Hervé s'abandonne à tout ce que je décide. Le narrateur a dix-sept ans et vit à La Rochelle chez sa grand-mère lorsqu'il croise le jeune Hervé Guibert, quatorze ans, à un cours de théâtre. L'attirance est immédiate et réciproque. Dans un scène de Caligula toute en intensité et en fureur, leur entourage subjugué découvre l'évidence en même temps qu'eux : la rage et la passion dépassent largement la scène.
Les deux garçons viennent de se reconnaître, comme si leur rencontre était programmée de toute éternité. Dans ce récit au jour le jour d'un premier amour, Philippe Mezescaze évoque avec beaucoup de sincérité la passion naissante entre deux adolescents qui ne doutent jamais de leurs désirs.
Denis Dailleux, qui vit au Caire, ne cesse de montrer le peuple égyptien, dont il est tombé amoureux voilà quinze ans. « Mère et fils » est certainement sa série la plus personnelle et la plus troublante. Avec pudeur et délicatesse, il nous emmène dans l'intimité de familles où l'amour absolu que le fils voue à sa mère résonne comme une ode universellement touchante.
Il pose un regard tendre et sans faux-fuyant qui laisse entrevoir les frontières ténues entre protection et domination, tendresse et soumission, qui régissent les rapports mère/fils, et peut-être plus largement, les rapports entre les femmes et les hommes dans le monde méditerranéen.
Ces vingt portraits photographiques d'une subtilité rare sont ici accompagnés d'un texte d'un texte littéraire de Philippe Mezescaze qui connaît bien l'oeuvre de Denis Dailleux.
Philippe Mezescaze, lauréat des Missions Stendhal du Ministère des Affaires Etrangères pour son dernier roman paru aux éditions du Seuil, a séjourné trois mois au Caire. Et plutôt que de rapporter un récit de voyage dans la tradition de Flaubert ou de Gérard de Nerval, il a lié dans un même livre deux projets :
"Je voulais convoquer mes morts, accueillir mes morts intimes dans mon séjour au Caire ; le premier amour d'adolescence à la Rochelle, Hervé Guibert, plus tard l'amitié de Roland Barthes, celle encore d'amis disparus, mes parents, ma grand-mère... Poussière d'or, parce que Le Caire est un enfer de poussière, de bruit et de miel. La poussière des morts, la poussière de la mémoire... une poussière d'or." Son ami, le photographe Denis Dailleux, agrémente chaque chapitre par son regard sur la vie quotidienne d'un pays qu'il affectionne tant.