Le protagoniste s'appelle Protag. Il est dans le Service et il a un supérieur. Le supérieur s'appelle Sous-Sol. Il est question d'une taupe. Il est question d'une bande magnétique et d'un microfilm. On n'y comprend rien. Le photocopieur cosmique est détraqué. Protag est dans le photocopieur. Protag est à la recherche de dix-huit scientifiques hongrois. Faut-il vraiment croire à cette histoire ?
Insolites, énigmatiques ou délirants, les fragments non-linéaires dont ce livre fantasque, plein d'humour, est constitué sont de véritables aberrations.
On les qualifierait volontiers d'absurdes, ils semblent pourtant suivre une logique, bien à eux certes, mais une logique...
« Je ne m'intéresse pas au réel, dit Pierre Barrault, mais aux possibilités des réalités. Elles sont à la fois restreintes et multiples, infinies tout autant qu'incomplètes. Chaque perception du monde n'est qu'une quantité de trous. Ici, la narration est trouée comme peut l'être celle du rêve, les liens de causalité volontairement obscurs. Le sens échappe, de prime abord, mais pour peu qu'on s'autorise un lâcher-prise avec ce que nous croyons savoir, un nouveau sens émerge, une nouvelle raison, une nouvelle logique... »
A l'issue de la lecture de cette prose en fragments, peut-être en saurez-vous plus au sujet du tardigrade dont le nom vous est familier sans doute, mais à peine. Un peu plus ? Pas forcément.
Des informations vous seront délivrées au moment voulu - douze pour être exact, ce qui est un bon début, une base assez solide à laquelle vous pourrez ajouter si vous le souhaitez quelques recherches personnelles. Ce qui est vivement recommandé.
Disons-le tout de suite, ce livre n'entend pas combler vos lacunes en ce qui concerne le tardigrade. De cet extrêmophile invertébré qui peuple nos profondeurs aussi bien que nos sommets, il sera en fin de compte très peu question ici. On essaiera même à plusieurs reprises d'éviter le sujet de manière assez flagrante afin d'en aborder d'autres tels que l'amour, la mort, le temps, la calvitie, les transports en commun, le parasitisme et l'altérité, en somme ce qui nous préoccupe réellement.
Le tardigrade est pourtant là.
Sa présence s'affirme, son influence sur le monde paraît sans limite.
Il faudrait ne pas le nier plus longtemps.
Le tardigrade est un marcheur lent mais il arrive toujours à destination. Il résiste à tout et peut s'approcher de la mort comme aucun être vivant sur cette terre.
Aughrim et Podostrog sont envoyés à Clonck. Par qui et pourquoi ? Perstorp aussi est envoyé à Clonck.
Pourquoi ? Nous le saurons bien assez tôt, ou même pas, mais il importe d'expliquer ceci dès maintenant : Clonck est un volume délimité, et la réalité de Clonck est entièrement contenue à l'intérieur de ce volume dont on ne voit que la surface, laquelle ne permet d'observer qu'une projection en trois dimensions de la réalité de Clonck. Et même si personne ici ne songerait à s'en plaindre, force est de reconnaître que cela ne fonctionne pas très bien.
La revue L'autoroute de Sable se donne pour ambition de diffuser régulièrement des nouvelles de fiction ; mystérieuses, drôles, absurdes, ou un subtil mélange des trois. À chaque numéro est associé un thème, une porte vers des interprétations échevelées, par des auteur.es reconnu.es ou en construction. Il soumet chacun à un défi créatif dont les différents résultats excitent la curiosité. Nous nous efforçons, à chaque numéro, de fournir un sujet dont le caractère courant, absurde ou ambigu saura inspirer, du moins intriguer. Ce premier numéro a pour thème: La Photocopieuse.