On pensait le débat sur le travail terminé : la « fin du travail » n'était-elle pas relativement proche, grâce à l'intelligence artificielle et à la robotisation ? Assurément. On s'est donc attaché à en réduire de plus en plus la durée légale (du moins en France), en vue de s'en absoudre un jour. Or l'inflation aidant, on se rend compte que les conflits salariaux n'appartiennent pas qu'au vieux monde. On s'aperçoit que la question de la retraite et du « travailler plus longtemps » réapparaît et divise. Quelques déclarations ont suffi pour que ressurgisse l'ancestral débat sur la « valeur travail ». Quelle est l'actualité du débat sur le travail ? Le travail a-t-il une « valeur » ? Faut-il définitivement en finir avec le travail ? Il s'agira de voir ce qui se passe en France et au-delà de nos frontières (Asie, USA...).
«J'ai pris de la boue et j'en ai fait de l'or». Baudelaire est le premier poète du monde «moderne». Le nôtre. Un «vilain monde» qui «va finir» car il n'a plus rien à faire sous «le ciel». Un monde où le culte du progrès et la passion de l'argent ont «atrophié en nous la partie spirituelle», où la mécanique nous a tellement «américanisés» que rien parmi «les rêveries sanguinaires» des utopistes n'atteint les horreurs de la réalité positive. Un monde où la «beauté» n'a plus cours. À moins que l'artiste ne puisse l'extraire du Mal, la faire apparaître sous forme de «beauté interlope», tel un «soleil agonisant», brillant d'une «splendeur triste». Condamné pour Les Fleurs du Mal par la justice de son temps, vivant comme un paria, Baudelaire - comme le montre ici Robert Kopp - a fait de l'art son idéal, mais il ne croit plus au pouvoir rédempteur de la poésie. Le soleil noir de la modernité est aussi celui de la mélancolie.
Assurer à quelques romanciers la même liberté dont ils avaient eux-mêmes bénéficié, leur épargner les «besognes de fonctionnaires» ou les «basses oeuvres du journalisme», tel est le but que visaient Edmond et Jules de Goncourt par la création d'une «Société littéraire» portant leur nom. La vente de leurs collections devait assurer à chacun des dix membres une rente annuelle de 6 000 francs or; un prix de 5 000 francs or était destiné au meilleur volume de prose publié dans l'année. Des perspectives attisant de nombreuses convoitises. Mais les dévaluations successives ont réduit très tôt à néant les montants des rentes et du prix. C'est désormais grâce à sa notoriété que le prix Goncourt génère des tirages très importants et assure ainsi aux lauréats la liberté que voulaient leur procurer les frères Goncourt. Un retournement spectaculaire, raconté par Robert Kopp dans ce livre qui fait défiler, à travers l'histoire de l'académie et du prix, toute la vie littéraire française de la Belle Époque à aujourd'hui.
La vie parisienne des frères Goncourt. Ayant hérité de quelques rentes, Edmond et Julse de Goncout décident « de ne rien faire » et entrent en littérature par le journalisme. Dans L'Eclair et Paris, ils veulent « chaque matin éveiller Paris » avec quelques nouvelles fraîches, sur la vie des théâtres, des caf'conc, des restaurants courus par les actrices, les gens de presse, les politiques. Faire le portrait des silhouettes à la mode, de la lorette, de la partageuse, de la lionne, de la grisette. Rapporter la rumeur de la rue. Ils parcourant sans cesse les rues de ce Paris que Haussmann transforme sous leurs yeux, pour prendre des notes, et faire des portraits au vitriol de la bourgeoisie louis-philipparde, de bohême littéraire du Second Empire, du monde de hôpitaux, des prisons, des lupanars. Journalisme, histoire, roman : écritures tournées vers la vie concrète, quotidienne, à la manière des naturalistes, qu'ils précèdent. Et tout au long de leur vie tenant un Journal, qui est à la République des lettres ce que sont les Mémoires de Saint-Simon à la cour de Versailles. Une galerie de portraits sans complaisance, une dénonciation d'une rare méchanceté des intrigues et des bassesses de la ménagerie humaine, préfigurant les intrigues du Prix qu'ils ont fondé et qui porte leur nom.