Parmi les manuscrits de Louis-Ferdinand Céline récemment retrouvés figurait une liasse de deux cent cinquante feuillets révélant un roman dont l'action se situe dans les Flandres durant la Grande Guerre. Avec la transcription de ce manuscrit de premier jet, écrit quelque deux ans après la parution de "Voyage au bout de la nuit" (1932), une pièce capitale de l'oeuvre de l'écrivain est mise au jour. Car Céline, entre récit autobiographique et oeuvre d'imagination, y lève le voile sur l'expérience centrale de son existence : le traumatisme physique et moral du front, dans l'"abattoir international en folie". On y suit la convalescence du brigadier Ferdinand depuis le moment où, gravement blessé, il reprend conscience sur le champ de bataille jusqu'à son départ pour Londres. À l'hôpital de Peurdu-sur-la-lys, objet de toutes les attentions d'une infirmière entreprenante, Ferdinand, s'étant lié d'amitié au souteneur Bébert, trompe la mort et s'affranchit du destin qui lui était jusqu'alors promis. Ce temps brutal de la désillusion et de la prise de conscience, que l'auteur n'avait jamais abordé sous la forme d'un récit littéraire autonome, apparaît ici dans sa lumière la plus crue. Vingt ans après 14, le passé, "toujours saoul d'oubli", prend des "petites mélodies en route qu'on lui demandait pas".
Mais il reste vivant, à jamais inoubliable, et Guerre en témoigne tout autant que la suite de l'oeuvre de Céline.
Denis Podalydès déploie toute l'étendue de son talent dans cette interprétation brillante de l'oeuvre de Céline.
Un roman foisonnant où Céline raconte son enfance et sa jeunesse :
"C'est sur ce quai-là, au 18, que mes bons parents firent de bien tristes affaires pendant l'hiver 92, ça nous remet loin.
C'était un magasin de "Modes, fleurs et plumes". Y avait en tout comme modèles que trois chapeaux, dans une seule vitrine, on me l'a souvent raconté. La Seine a gelé cette année-là. Je suis né en mai. C'est moi le printemps."
En 1932, avec le Voyage au bout de la nuit, Louis-Ferdinand Céline s'imposait d'emblée comme un des grands novateurs de notre temps. Le Voyage était traduit dans le monde entier et de nombreux écrivains ont reconnu ce qu'ils devaient à Céline, de Henry Miller à Marcel Aymé, de Sartre à Jacques Perret, de Simenon à Félicien Marceau.
D'un château l'autre pourrait s'intituler «le bout de la nuit». Les châteaux dont parle Céline sont en effet douloureux, agités de spectres qui se nomment la Guerre, la Haine, la Misère. Céline s'y montre trois fois châtelain : à Sigmaringen en compagnie du maréchal Pétain et de ses ministres ; au Danemark où il demeure dix-huit mois dans un cachot, puis quelques années dans une ferme délabrée ; enfin à Meudon où sa clientèle de médecin se réduit à quelques pauvres, aussi miséreux que lui.
Il s'agit pourtant d'un roman autant que d'une confession, car Céline n'est pas fait pour l'objectivité.
Avec un comique somptueux, il décrit les Allemands affolés, l'Europe entière leur retombant sur la tête, les ministres de Vichy sans ministère, et le Maréchal à la veille de la Haute Cour.
"Le monde n'est, je vous l'assure, qu'une immense entreprise à se foutre du monde." Louis-Ferdinand Céline
Paul Chambrillon propose pour la première fois une anthologie de Louis-Ferdinand Céline, avec lequel il a réalisé des enregistrements dès 1955. Cet enregistremment regroupe des textes de Céline lus par Michel Simon, Arletty, Pierre Brasseur et des entretiens d'Albert Zbinden et Louis Pauwels avec Céline.
"De ce document sensationnel, dont nous conseillons l'achat à tous les admirateurs de Céline, la face que nous préférons est celle du Voyage au bout de la nuit. Le texte, sous la voix de bronze un peu gouailleuse de Michel Simon, est encore plus percutant qu'à la lecture et nous révèle, cette fois par l'oreille, quel maître prodigieux fut Céline dans la vision directe, et dans cette refonte de la syntaxe qui donne à chacune des phrases l'éclat de la vérité brute."
Théophile BRIANT, avril 1956
Lucette Destouches le lui a dit un jour après l'avoir entendu lire le Voyage au bout de la nuit : "Céline ne l'aurait pas lu autrement."
C'est dire à quel point, depuis que Fabrice Luchini lit Céline, il en est littéralement habité. L'extraordinaire parcours de l'acteur est aussi celui d'un amoureux passionné de la langue, d'un chercheur en écriture essentielle qui, depuis plus de trente ans, arpente les plus grands textes de la littérature.
À propos de Céline, il le dit lui-même : "Céline invente une langue." Lui, Fabrice Luchini, se fait inlassablement le chantre et l'interprète de cette langue. Avec la puissante notion de ce que sont les mots en littérature, selon l'expression de Paul Valery : "des planches jetées sur un abîme."
Dire Céline est au risque de cet abîme dans lequel jamais Fabrice Luchini n'a craint de s'aventurer. Et sans doute est-ce ainsi, au-dessus de l'abîme, qu'il nous propose aujourd'hui de nous risquer, avec lui, dans l'écoute de cette nouvelle interprétation de l'oeuvre célinienne.
Fabrice Luchini nous livre une saisissante lecture d'extraits choisis et mis en forme par lui-même. Ils sont suivis d'une interview du comédien qui éclaire son travail face à cette langue et cette écriture de Céline qui le passionnent depuis longtemps.
"Voyage au bout de la nuit, chef d'oeuvre littéraire incontesté dont Denis Poadalydès nous restitue toute la force brute, est présenté pour la première fois en version numérique (en coédition avec l'Historial de la Grande Guerre, et en accord avec Gallimard et la Succession Céline).
« Louis-Ferdinand Céline est entré dans la grande littérature comme d'autres pénètrent dans leur propre maison. Homme mûr, muni de la vaste provision d'observations du médecin et de l'artiste, avec une souveraine indifférence à l'égard de l'académisme, avec un sens exceptionnel de la vie et de la langue, Céline a écrit un livre qui demeura, même s'il en écrit d'autres et qui soient au niveau de celui-ci. »
Léon Trotsky (The Atlantic Monthly, octobre 1935)
« Denis Podalydès, une science de la lecture, une lecture non intervenante, c'est magnifique. Sur une profondeur de 16 heures, la lecture la plus extraordinaire ! » Daniel Pennac (sur France Inter - Interview Vincent Josse). "