diane meur
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Dans une lettre à son petit-fils, un ancien soldat raconte sa guerre et aborde la question indicible : que vaut la vie d'un homme quand notre propre survie est en jeu ?
Longtemps, les questions posées par Callum à son grand-père allemand sur la guerre sont restées sans réponse. Et, un jour, Meissner s'est décidé à raconter. Sa vie de soldat sur le front de l'Est, les débuts triomphants, l'esprit de corps, l'ivresse des batailles, et puis le froid, la faim, la misère. Et surtout l'année 1944 quand lui et ses camarades ont compris que la guerre était perdue ; que tout ce en quoi ils avaient cru, tout ce qui les faisait tenir, l'appartenance à une nation, l'espoir d'une guerre rapide, les rêves de retour, tout était en train de s'écrouler ; que dans la déroute, les hommes ne sont plus des hommes ; que le désespoir vous fait accomplir le pire et que rien, jamais, ne permettra d'expier la faute de tout un peuple. -
Rien ne semble pouvoir troubler le calme du grand-duché d'Éponne. Les accords financiers y décident de la marche du monde, tout y est à sa place, et il est particulièrement difficile pour un étranger récemment arrivé de s'en faire une. Accueillir chez lui un migrant, et rendre compte de cette expérience, le journaliste vedette Jean-Marc Féron en voit bien l'intérêt : il ne lui reste qu'à choisir le candidat idéal pour que le livre se vende. Ailleurs en ville, quelques amis se retrouvent pour une nouvelle séance d'écriture collective : le titre, Remonter le courant, critique de la déraison capitaliste, sonne comme un pavé dans la mare endormie qu'est le micro-État. Petit à petit se dévoile la vérité de ces personnages, liés par des affinités que, parfois, ils ignorent eux-mêmes.
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1821.
En galicie, alors rattachée à l'empire habsbourgeois, l'obscure famille zemka reconquiert le domaine fondé par un ancêtre issu de la noblesse et s'engage fiévreusement dans la lutte d'indépendance de la pologne. pour retracer son ascension puis sa décadence, diane meur convoque une singulière narratrice : la maison elle-même qui, derrière sa façade blanche et son fronton néoclassique, épie ses habitants.
Indiscrète et manipulatrice, elle attise les passions, entremêle les destins, guette l'écho des événements qui, des révolutions de 1848 aux tensions annonciatrices du désastre de 1914, font l'histoire de l'europe. les femmes surtout, condamnées à la réclusion dans la sphère domestique, la fascinent. l'une d'elles, enfin, va réussir à s'en aller. prix rossel 2007, prix du meilleur roman adaptable au cinéma 2008, prix du roman historique 2008.
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Mes fantômes et moi
Gabriel Byrne
- Sabine Wespieser Éditeur
- Litterature Etrangere
- 8 Septembre 2022
- 9782848054551
Gabriel Byrne a grandi dans une famille modeste des faubourgs de Dublin, où il est né en 1950, l'aîné de six enfants : son père était tonnelier chez Guinness, sa mère infirmière. Enfant introverti, il a tôt trouvé refuge dans l'imaginaire, au milieu des collines qui entouraient alors la maison familiale, ou dans les salles de cinéma où l'emmenait sa grand-mère. À onze ans, il répond à l'appel de la prêtrise, se voyant déjà missionnaire.
Mais il déchante vite, notamment quand il apprend que l'équipe de foot de Birmingham, ville la plus proche du séminaire où il va tout de même passer quatre années de sa jeune vie, a été reléguée en deuxième division? Renvoyé pour rébellion, il se retrouve, à quinze ans, dans sa ville natale, y collectionne les petits boulots, et les échecs : « Je me sentais un raté, comme plombier et comme prêtre », écrit-il. Sa passion pour le cinéma et le théâtre, où il passe l'essentiel de son temps libre, l'encourage à surmonter sa timidité et à s'engager dans une troupe d'amateurs, décision qui change sa vie.
Grâce au feuilleton Les Riordan, que le pays entier regardait toutes affaires cessantes sur l'unique chaîne de télévision, il devient vite une célébrité. Et John Boorman, qui l'a vu sur les planches à Dublin, lui propose bientôt un rôle dans Excalibur. Pourtant, son livre n'a rien de ces mémoires de star où s'enchaînent les anecdotes avantageuses.
Bien au contraire : construisant son récit de manière non linéaire, Gabriel Byrne revient sans cesse à l'enfant qu'il a été, à son attachement pour sa famille, à l'évocation des figures excentriques qu'il côtoyait dans son quartier, avouant qu'elles ont été les premières à lui donner l'amour de la scène. Et quand, dans le récit, surviennent les faits marquants de sa vie de comédien, c'est avec un humour discret mais constant qu'il les évoque :
Sa leçon d'équitation à Hyde Park, avec une Américaine jurant comme un charretier, qui se révélera être Ava Gardner ; sa cuite mémorable avec Richard Burton sur un balcon du palais Gritti à Venise, alors qu'il venait d'être défiguré lors d'un incident sur le tournage d'une série consacrée à Wagner. Il y jouait un petit rôle : « j'allais travailler avec quelques-unes des plus grandes stars du monde : Burton, Richardson, Olivier, Gielgud et Redgrave. Ou, du moins, j'allais pouvoir les regarder travailler. J'avais dix lignes à dire dans six pays différents. » Mal à l'aise avec la notoriété, au point de s'enfuir de Cannes, en 1995, au moment où tous les objectifs sont braqués sur lui lors de la projection d'Usual Suspects, Gabriel Byrne ne cache rien non plus, malgré une profonde pudeur, de ses dérives, de ses angoisses ni de son addiction à l'alcool.
Remarquable par la qualité de sa prose et la fluidité de sa construction, ce livre poignant, où l'autodérision le dispute à une véritable force poétique, est une magnifique confession sur l'ambivalence de la gloire, en même temps qu'un très bel hommage aux êtres et aux paysages familiers à qui l'on doit tout. -
Je savais que Felix Mendelssohn le compositeur (1809-1847) était le petit-fils de Moses Mendelssohn le philosophe (1729-1786), et longtemps je n'en ai pas pensé grand-chose. Un jour pourtant, j'ai pensé à l'homme qui avait été le père du premier et le fils du second. Quel merveilleux sujet de roman, m'étais-je dit alors.
D. M.
S'interrogeant sur l'un des membres de la famille Mendelssohn, Diane Meur se lance dans une ambitieuse enquête, une quête des origines et des filiations. Happée par son sujet, et mêlant sa propre vie à la matière de son livre, elle nous entraîne avec elle et nous enchante par ses libres variations sur les figures rencontrées au fil des siècles. Et peu à peu l'arbre généalogique se transforme en une vaste carte, qui couvre quatre des cinq continents : La Carte des Mendelssohn.
Un roman qui défie toute idée de déterminisme. Un vrai hymne à la liberté. Jeanne de Ménibus, Elle.
Une folle entreprise, un livre-monde. Claire Julliard, L'Obs. -
Dans une civilisation antique imaginaire, mais qui éveille en nous un curieux sentiment de familiarité, le scribe Asral se voit chargé de produire une copie neuve des lois. Grâce aux questions naïves de son garde Ordjéneb, il s'avise bientôt que la langue sacrée qu'il transcrit est vieillie et que la vraie fidélité à l'esprit du texte consisterait à le reformuler, afin qu'il soit à nouveau compris tel qu'il avait été pensé quatre ou cinq siècles plus tôt. Peu à peu, cependant, le doute s'installe. Qui était Anouher, législateur mythique dont on a presque fait un dieu ? Ces lois qui soumettent à un contrôle de chaque instant la vie publique, les relations privées et jusqu'au corps des femmes, sont-elles toutes de sa main ? Et Asral a-t-il plus de chances de le savoir un jour que de se faire aimer de Djinnet, un jeune chanteur du faubourg des vanniers ?
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En matière de traduction, on peut légitimement s' inquiéter de ce que deviendraient les cultures humaines et la pensée humaine, le jour où tout échange inter-linguistique serait confié à une intelligence artificielle. Il s' ensuivrait un cloisonnement et un repli sans précédent dans l' histoire, une histoire qui, aussi loin que remonte la mémoire écrite, est faite de migrations d' idées, d' usages et d' hommes, de fécondation du même par l' autre, de transferts, de réinterprétations et de réappropriations.
[...] La traduction n' est pas seulement mon travail alimentaire.
C' est mon métier, et je suis attachée à ce mot avec tout ce qu' il connote de soin, de savoir-faire, de travail minutieux sur la trame de l' écrit. La traduction est mon métier, elle a forgé ma personnalité, y compris en tant qu' autrice : j' écrirais sans doute autre chose, et autrement, si je ne passais pas une partie de mon temps à traduire depuis deux langues étrangères, si j' étais ancrée dans une seule langue, une seule culture, un seul territoire. Cesser de traduire, ce serait renoncer à ce qui m' a faite telle que je suis.
Voilà pourquoi je n' ai pas hésité à accepter la proposition de mes collègues. Dans ce volume qu' on m' offrait de rédiger, je matérialiserais mon bilan, j' explorerais les liens entre la traduction qui (je le maintiens) est une écriture, et l' écriture qui, à mes yeux, est un peu une traduction. J' y évoquerais mon sentiment d' être toujours « entre les rives » - je pense moins ici à l' image désormais classique du traducteur comme passeur, qu' au voyageur qui a quitté les eaux territoriales de son continent d' origine, n' est pas encore entré dans celles du continent d' en face et n' a peut-être même pas l' intention d' y pénétrer un jour. Préférant la pleine mer, là où les eaux appartiennent à tous et n' appartiennent à personne.
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A travers le mur - un conte et trois paraboles, precedes de "notre enfant" par martha arendt
Arendt/Biro
- Payot
- 20 Septembre 2017
- 9782228918763
Un conte et trois paraboles, suivis de "Notre enfant" par Martha Arendt.
Le 4 décembre 1975, lorsque Hannah Arendt meurt, assise devant sa machine à écrire, un carnet repose sur l'étagère, soigneusement recouvert d'un tissu bleu gris. Rédigé par sa mère Martha, y sont consignées, de 1906 à 1918, les douze premières années de la future grande philosophe. Publié ici pour la première fois, il dessine le portrait d'une fillette surdouée puis rebelle, exprimant peu ses émotions et passionnée de littérature dès son plus jeune âge. Il est suivi de quatre textes totalement inédits de Hannah Arendt : un conte de 1929 et trois paraboles énigmatiques, denses, riches en métaphores, qui, écrites vers 1938, lors de son exil parisien, annoncent une pensée politique qui prendra son envol quelques années plus tard.
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Figura ; la loi juive et la promesse chrétienne
Erich Auerbach
- Macula
- Argo
- 6 Septembre 2017
- 9782865890989
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Stolp est un marginal, un sympathique bon à rien qui aime sa liberté avant tout. Ayant hérité d'un minus-cule appartement à Paris, il y pose ses bagages un peu malgré lui et, plutôt que de prendre possession des lieux, laisse Paris l'apprivoiser. A travers rues et cafés, il faut fuir l'atmosphère pesante de ce nouvel habitat, mais aussi les désespoirs latents d'un amour perdu. En chemin, il croise et recroise Carmen, esquisse avec elle les figures d'un duo éphémère. Car Stolp descend d'une lignée d'acrobates audacieux. Il veut jeter du lest. Ses pensées se délient, se libèrent, bondissent. Dans le nouveau roman de Paul Nizon, les intuitions les plus existentielles sont portées par une écriture aérienne : une voltige littéraire où l'humour entraîne le lecteur dans l'élan d'un récit qui mot à mot s'invente. Comme la vie.
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La vie de Mardochée de Lowenfels écrite par lui-même
Diane Meur
- Sabine Wespieser Éditeur
- Litterature Etrangere
- 26 Août 2002
- 9782848050027
De Gênes où sévit la grande peste, alors que ses forces déclinent et qu'il attend un improbable bateau, Mardochée se souvient.
Héritier du nom juif d'un vieux talmudiste qui sauva la vie d'un de ses ancêtres lors de la troisième croisade, Mardochée reçoit l'éducation d'un jeune garcon voué au destin d'évêque. Mais voici que Rodolphe, son frère aîné, disparaît, vraisemblablement enlevé par les Tatars, et que le duché familial devra échoir au jeune garçon. Quelques revers du destin plus tard - son frère a reparu -, il n'est plus ni évêque ni duc. À la suite d'un combat singulier, où il croit avoir tué Rodolphe, Mardochée doit fuir, ses illusions envolées.
Il mène alors une vie d'errance, avec quelques compagnons de hasard : un moine débauché, un truand au grand coeur, une fille de menuisier aux moeurs légères. Mais son précepteur vénéré Venetius, théologien de haut vol, le retrouve et l'entraîne alors sur d'autres routes, celles du savoir, avec en toile de fond les controverses entre les trois religions du Livre. Après avoir pendant de longs mois de pénitence recopié la Bible dans le monastère d'Ulm, Mardochée rencontre la Rabbi Meïr ben Yehuda à Spire, puis fréquente le cercle de Marsile de Padoue à Munich. Un autre personnage croise alors sa route : Conradino, flamboyant petit-fils de Frédéric de Hohenstaufen, décidé à reprendre le pouvoir en Sicile pour y instituer une république. Mardochée le suivra sur les chemins tortueux de la politique, où querelles entre guelfes et gibelins alimentent un quotidien d'invraisemblables rebondissements.
Admirablement maîtrisé, ce premier roman nous entraîne sur les terres peu connues du Saint-Empire germanique au quatorzième siècle. En forme de faux mémoires d'un narrateur à la mélancolie narquoise, à laquelle se superpose l'ironie de l'Histoire, le récit joue magnifiquement avec les conventions du roman historique. Roman initiatique, roman philosophique, La vie de Mardochée de Löwenfels, écrite par lui-même est aussi un formidable roman d'aventures dont pas un instant la tension ne nous lâche.
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Un sultan à Palerme
Tariq Ali
- Sabine Wespieser Éditeur
- Litterature Etrangere
- 1 Février 2007
- 9782848050515
Palerme, 1153. Les Normands gouvernent la Sicile, mais la culture et la langue arabes sont encore très présentes dans l'île et le roi Roger (1101 - 1154) - alias sultan Rujari -, entouré d'une cour cosmopolite, protège et écoute les intellectuels musulmans, au nombre desquels le géographe al-Idrisi (1100 - 1165).
Le roman s'ouvre sur la dernière navigation d'al-Idrisi autour de la Sicile avant l'achèvement de sa Géographie universelle, un projet de cartographie du monde connu initié des années auparavant, grâce au soutien de Rujari. La complicité des deux hommes date en effet de l'époque où, jeune érudit, al-Idrisi venait travailler dans la bibliothèque du palais. Son père, qui lui-même le tenait de son grand-père, lui avait confié qu'un des seuls exemplaires de la traduction arabe de l'Odyssée devait être caché dans un compartiment secret de la bibliothèque : le jeune homme met la main sur ce trésor et sa découverte lui vaut d'être remarqué par le sultan. Les deux hommes dès lors se retrouvent pour confronter leurs lectures, échanger leurs points de vue, et très vite Rujari décide d'aider al-Idrisi dans son entreprise. Il lui fournit un bateau, un logement près du palais, et subvient à ses besoins.
Tout au long de ces années, leurs conversations se poursuivent. Roger confie à son conseiller son mépris pour les croisades, son admiration pour la culture de son peuple - il a fait construire l'église de Céfalu sur des plans d'architectes arabes -, son dédain pour les pauvres Normands régnant sur la venteuse Angleterre. Cette confiance met pourtant al-Idrisi en porte-à-faux avec ses coreligionnaires, soucieux d'assurer la suprématie des Arabes en Sicile et bien conscients de la fragilité de leur situation, qui dépend du bon vouloir d'un souverain éclairé. Nombre d'entre eux fuient Palerme pour Bagdad ou Cordoue. mais al-Idrisi reste auprès de Rujari, même si celui-ci lui a volé son grand amour, Mayya, pour en faire sa concubine.
Mais il est vrai que le roi Roger est forcé de donner des gages aux barons et aux évêques normands, dont l'influence grandit à la cour. En cette année 1153, il est affaibli et la fin de son règne est imminente. Il accueille Idrisi, de retour à Palerme, en lui annonçant qu'il est forcé de sacrifier un de ses plus proches conseillers arabes.
Si l'extraordinaire amitié entre deux hommes de culture différente est la toile de fond de ce roman, les rebondissements y sont multiples : intrigues familiales - al-Idrisi a trois enfants, dont un fils qui a fui à Venise -, secrets d'alcôve et intrigues de harem - où le géographe se réfugie souvent, complots politiques, manipulations, aventures et voyages.
Un sultan à Palerme explore sur le mode romanesque une période charnière de l'histoire des relations entre Arabes et Chrétiens, au moment où la tolérance qui a permis le formidable rayonnement de la Sicile du XIIe siècle le cède à la violence. Et c'est bien le propos de Tariq Ali, romancier mais aussi essayiste et intellectuel engagé, que de tenter, en explorant la grande histoire, de comprendre les convulsions du monde contemporain : Un sultan à Palerme s'achève sur une réflexion d'al-Idrisi, caressant le projet de partir à Bagdag, " la ville qui ne tombera jamais "...
Ce roman, le premier dans l'ordre de la chronologie historique (mais le quatrième dans l'ordre de l'écriture), s'inscrit dans un projet plus vaste : c'est en entendant, au moment de la guerre du Golfe, un commentateur affirmer que les Musulmans n'avaient pas de culture que Tariq Ali a décidé de son Quintet de l'Islam. Les cinq romans qui le constitueront se passent chacun à un moment où éducation et culture étaient synonymes d'Islam, en parfaite coexistence avec le monde chrétien.
Après Un sultan à Palerme, Le Livre de Saladin met en scène la vie de Salah al-Din, qui libéra Jérusalem des croisés. À l'ombre du grenadier revient sur l'expulsion des Maures d'Espagne. La Femme de pierre est une chronique de la fin de l'empire ottoman. Et le cinquième volume reste à venir. Tous paraîtront en français chez Sabine Wespieser éditeur.
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Les carnets du coursier ; journal 1990-1999
Paul Nizon, Diane Meur
- Actes Sud
- Memoires, Journaux, Temoignage
- 26 Février 2011
- 9782742796465
Consacré à la décennie 1990-1999, le quatrième tome du journal de Paul Nizon témoigne de la profusion de ses sources et révèle la diversité de ses inspirations. S'il a atteint l'âge de la maturité et de la consécration, il n'en reste pas moins un créateur en perpétuel devenir, toujours à la recherche de la forme d'expression la plus juste. Paul Nizon est à présent un auteur reconnu, récompensé par de nombreux prix prestigieux et enfin honoré par la publication de ses oeuvres complètes en allemand en sept volumes. Ni l'âge ni la gloire n'interrompent pourtant sa quête artistique, son existence restant toute entière dédiée à l'art littéraire. De jour en jour s'impose à l'auteur le besoin de mettre des mots sur le monde pour mieux le comprendre ou tout simplement le faire sien. Mais Paul Nizon rend aussi compte de ses voyages, en Toscane, à Madrid, à Alger, en Allemagne, aux Etats-Unis, à l'occasion de lectures ou bien en compagnie de ses proches. Il aime être en partance. Sa double appartenance suisse et française est d'ailleurs évoquée dans ce tome. Pour la première fois, il livre les questionnements engendrés par son double héritage linguistique. Les notes prises au cours de ces dix années retracent la genèse de son roman Chien. Confession à midi. Un travail de longue haleine, commencé en 1992, abandonné pour un temps, puis repris en 1997 pour finalement paraître simultanément en Allemagne et en France en 1998. L'année 1994 sera jalonnée de longs séjours à Bergen-Enkheim, commune dont il a été élu Ecrivain d'honneur. C'est aussi l'année de la parution de L'oeil du coursier, texte qui tient une place importante dans son Journal. Aux souvenirs d'enfance, de jeunesse et de sa vie de famille d'autrefois se mêlent des méditations plus générales sur ses relations avec les femmes. En érudit passionné par toutes les formes d'art et par les artistes eux-mêmes, il dissémine au fil du Journal ses propres analyses de films (Fellini), ses réflexions sur la musique et bien sûr celles sur les lectures qui accompagnent le processus d'écriture. Dans ce volume, il revient aussi sur le rôle fondamental des journaux dans le processus créatif, les définissant comme l'«Autre face» de ses livres. Plutôt qu'une oeuvre achevée, Paul Nizon nous donne ici à voir un «déballage impitoyable», un portait de l'artiste au travail, en plein chantier. L'auteur lui-même présente son journal comme «des coups d'oeil dans l'atelier de l'écrivain», pour reprendre les termes de Wend Kässens, qui explique dans sa postface que «le titre Les Fiches du coursier renvoie aux milliers de pages de journal qui sont le fruit du travail créateur de Paul Nizon sur le texte littéraire, le précèdent, l'accompagnent et le complètent». Les textes publiés ici ne représentent qu'une partie de cette activité d'écriture, la plus passionnante pour le lecteur.
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Ce jeune dandy cherchait à être quelqu'un, plus qu'à faire quelque chose.
Il comprenait que la vie elle-même est un art ayant ses propres styles, tout comme les arts qui cherchent à l'exprimer. Thomas Griffith Wainewright (1794-1847) fut une figure clé du Londres littéraire des années 1820. Ami de nombreux écrivains et poètes, il fut critique d'art, chroniqueur, collectionneur... mais il fut aussi escroc, faussaire et empoisonneur, et c'est à ce titre qu'il entra dans la postérité, sous la plume de Wilde.
Cet esprit brillant et pervers, personnage fin-de-siècle avant l'heure, connut une chute aussi brutale que son ascension fut rapide. Le destin de ce dandy assassin ne pouvait que fasciner Oscar Wilde, qui en dresse ici un portrait subtil et nuancé.
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De la passion aux passions : Pascale, Racine, Descartes, Molière, la Fontaine
Erich Auerbach
- Rue D'Ulm
- Versions Françaises
- 5 Mai 2023
- 9782728808175
Pascal ? « Il greffe sur l'augustinisme la doctrine de la raison d'État et parvient ainsi au paradoxe de la force pure et mauvaise à laquelle il faut docilement obéir. » La tragédie classique ? « C'est l'expression la plus parfaite de la déchristianisation ; elle crée un monde nouveau de la vie sublime, indépendant de toute pensée chrétienne. » Descartes ? « Il construit la sphère de la liberté humaine non pas en Dieu mais contre Dieu. » Molière ? Il met en scène l'« honnête homme » et son nouveau statut. Sécularisation, recherche d'une morale autonome, loin des préceptes de la religion : tel est le mouvement qu'Auerbach repère tout au long du XVIIe siècle français, à la fois du côté des productions intellectuelles et du côté des comportements sociaux. Il décrit les lieux de la vie artistique où se mêlent et s'affrontent, à Paris, les classes sociales ; il étudie les origines familiales des élites intellectuelles, analyse les mutations du parterre au théâtre et le glissement progressif de la bourgeoisie productive vers les conforts de la rente. Qu'il réfléchisse sur « la théorie politique de Pascal », sur « la cour et la ville », sur le « sourire hospitalier » de La Fontaine ou sur l'évolution sémantique du mot « passion », l'auteur de Mimésis déploie comme à l'accoutumée, dans ces essais, une érudition prodigieuse, en même temps qu'il révèle un XVIIe siècle tout tendu vers de nouvelles raisons d'être.
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La maison enchantée
Robert Musil
- Desjonqueres
- Litterature Allemande Desjonqueres
- 18 Février 2010
- 9782843211225
Avec une précision parfois clinique, presque cruelle, Musil exprime ici sa fascination pour la femme, le corps de la femme, et surtout la perception qu'elle-même peut en avoir, dans le vain écoulement de sa vie ou dans le brusque éveil de ses sens.
La «maison enchantée», ce n'est donc pas seulement la grande demeure vide où se consume Victoria, l'héroïne d'un de ces quatre récits (tous inédits en français). C'est la tour imprenable qu'est pour Musil le corps de l'autre, cet espace intime que l'on peut certes explorer, mais non voir avec les yeux de son habitante; investir, saturer, mais jamais véritablement posséder.
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Le livre de Saladin
Tariq Ali
- Sabine Wespieser Éditeur
- Litterature Etrangere
- 7 Février 2008
- 9782848050607
Depuis que le sultan du Caire et de Damas, Salahal-Din, a pris la décision de déloger les croisés de Jérusalem, l'érudit juif Ibn Yakoub rédige la geste de la reconquête. Dans le secret des palais, sous les tentes des campements ou dans la poussière des routes, il rend compte de l'intelligence stratégique, du courage et de la générosité de celui qui en 1187 entrera dans la Ville sainte.
Mais le souhait du mémorialiste est aussi de brosser le portrait du jeune Kurde devenu monarque : il recueille ses souvenirs, les confronte aux confidences de ses proches, et notamment du vieux serviteur Chadhi, dont la version du roman de formation du sultan, entre frasques et dépucelage, est nettement plus décapante. Au fil des années, Ibn Yakoub lève le voile sur le quotidien de la cour : les érudits paillards y lutinent les jeunes scribes tandis qu'au harem les favorites du sultan filent entre elles le parfait amour, la sultane Jamila suit la troupe habillée en homme, quand elle ne se consacre pas à l'écriture de traités subversifs...
Secrets licencieux, rivalités politiques, petites histoires mêlées à la grande histoire donnent chair à ces personnages dont le point de vue bouscule notre vision occidentale des événements qui ont marqué le Moyen Âge : et c'est bien le propos de Tariq Ali que de confronter, dans son Quintet de l'islam, la tradition arabe à la tradition chrétienne. Après Un sultan à Palerme, évocation de la Sicile cosmopolite du XIIe siècle (Sabine Wespieser éditeur, 2006), Le Livre de Saladin éclaire des enjeux qui restent très contemporains. Il a été traduit dans de nombreuses langues, y compris l'hébreu.
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Les premieres editions des sentiments. journal 1961-1972
Paul Nizon
- Actes Sud
- Memoires, Journaux, Temoignage
- 30 Décembre 2005
- 9782742758937
Ce premier volume du journal de Paul Nizon permet d'assister à la naissance d'un écrivain, puis à l'apparition des premiers doutes, dus au mauvais accueil reçu par Canto. Il faut dès lors parvenir à prendre le dessus, pour revenir à l'écriture. En 1961, Paul Nizon est un jeune homme d'une trentaine d'années. Son premier livre, un recueil de nouvelles, fait sensation, et la critique prend la mesure de son talent. Il se met alors à écrire Canto, belle oeuvre inspirée par son séjour à Rome. Une grande maison d'édition se propose de le publier. L'auteur, qui laisse derrière lui son métier et sa famille pour se consacrer exclusivement à l'écriture, croit voir se réaliser ses espoirs les plus fous.
Or le livre, publié en 1963, rencontre une incompréhension totale. Canto, fulgurante prouesse littéraire, se voit rejeté, ce qui plonge son auteur dans un état de crise. Au début de ce premier tome de ses journaux, il retrace la manière dont il parvient progressivement à reprendre le dessus et à revenir à l'écriture. La richesse des pensées, la précision et la passion avec lesquelles Nizon parle de la genèse d'oeuvres comme Immersion ou Dans la maison les histoires se défont, ses rencontres avec d'autres écrivains (Max Frisch par exemple), ses colères, ses brouilles et ses désespoirs, mais aussi son éternel combat pour pouvoir se consacrer exclusivement à son art... : tout ici concourt à une matière vivante exceptionnelle, un plaisir de lecture ininterrompu. Voici un journal d'artiste de grande qualité qui peut être lu par tout public mais sera bien sûr encore plus apprécié par les fidèles de Nizon.
Nous devons ce "concentré de journal" au travail d'un germaniste allemand qui a sélectionné environ dix pour cent des journaux de Nizon afin d'établir cette chronique "d'une montée en puissance d'un écrivain". Les journaux des décennies suivantes seront traités de la même façon. Ceux des années 1980 (comme L'Envers du manteau) bénéficieront d'une nouvelle édition revue et corrigée dans ce sens. Le but étant d'offrir aux lecteurs un condensé des réflexions, des émotions et de la vie de l'écrivain. Le résultat enchante.
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L'amour a le goût des fraises
Rosamund Haden
- Sabine Wespieser Éditeur
- Litterature Etrangere
- 6 Mai 2016
- 9782848052045
Tous ceux qui ont fréquenté l'atelier du peintre Ivor Woodall, au Cap, s'interrogent sur les causes de sa mort brutale, à quarante-deux ans. Notamment deux formidables figures féminines : Stella, obsédée par la chanson de Miriam Makeba - Love Tastes Like Strawberries - et Françoise, une jeune Rwandaise, qui avec sa soeur Doudou, tente de retrouver un équilibre.
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Paris vers 1840.
Martin est à la recherche de son père. Au détour des ruelles, il rencontre une bande de gamins qui vivent de petits vols et de débrouilles en tous genres. Martin est admis comme l'un des leurs et découvre que leur fief, sur lequel la prison de Sainte-Pélagie jette son ombre, a encore bien des secrets à livrer.
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Paris, milieu xix.
Dans les rues tortueuses et mal éclairées du quartier de la bièvre, la terreur s'immisce dans tous les foyers. depuis plusieurs nuits, une femme vêtue de blanc, pâle comme une morte, apparaît à minuit sur les berges de la rivière. à chacune de ses visites, un meurtre est commis. les enragés, guidés par leur chef clovis, vont remonter le cours de l'histoire, réunir les indices pour découvrir la véritable et tragique histoire de la dame blanche.
La dame blanche de la bièvre, deuxième épisode des aventures des enragés, plonge le jeune lecteur dans un monde de légendes urbaines, de brumes épaisses et de secrets enfouis. un véritable cadeau pour l'imaginaire !.
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le livre marquant de la période que couvre ce journal est stolz.
ce roman, qui fait "consciemment écho au lenz de büchner", lui a valu en 1975 le prix de littérature de brême.
dans le journal, nombre de pages témoignent de sa lutte pour se libérer de cette figure de stolz. il n'est pas étonnant que la fureur amoureuse de l'année 1977, sur laquelle s'étend le journal, ait été ressentie par nizon comme une régression et aussitôt mise en relation avec stolz. mais voilà longtemps que paul nizon n'est plus stolz.
c'est aux scènes de la vie conjugale d'ingmar bergman que lui font penser ses tiraillements entre les deux femmes, tiraillements que lui-même ressent comme une catastrophe existentielle. il affronte la crise avec un humour et une autodérision qu'on ne saurait méconnaître.
réflexions sur son travail passé, sur "la grande ville", sujet d'espoir et de désillusion : sur les américains et avant tout thomas wolfe, mais aussi tolstoï, rilke, kafka, joseph conrad et peler handke - lectures, analyses, prédilections.
rencontres avec d'autres auteurs jalonnent également ce volume, qui livre de nizon une tout autre image : l'écrivain dompte le chaos de ses expériences existentielles en se défaisant du passé, en se remémorant le présent, en le réinventant et en produisant, grâce à cela, littérature et vie.
ce second volume du journal de paul nizon, qui embrasse les années 1973 à 1979, montre un auteur de plus en plus maître de ses moyens, en passe de devenir cet écrivain consacré qui bientôt.
avec le roman l'année de l'amour, gagnera sa place dans la littérature européenne.
né à berne eu 1929, le plus grand écrivain contemporain suisse allemand, paul nizon. vit à paris. l'essentiel de son oeuvre est publié eu france par les éditions actes sud et jacqueline chambon. de multiples prix littéraires lui ont été décernés en suisse. en france et en allemagne.
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Les dilemmes de Lénine
Tariq Ali
- Sabine Wespieser Éditeur
- Litterature Etrangere
- 5 Octobre 2017
- 9782848052298
Le culte de Lénine, dont lui-même abhorrait jusqu'aux formes les plus embryonnaires, a été un désastre pour sa pensée. Ses textes, qui n'avaient jamais été conçus comme un catéchisme, ont été momifiés, empêchant de comprendre ce qu'avait été sa formation politique. Celle-ci doit être replacée à la confluence de deux processus historiques. Lénine était un produit de l'histoire russe et du mouvement ouvrier européen, qui l'une et l'autre posaient des problématiques de classe et de parti, de force agissante et d'instrument. La synthèse opérée par Lénine a donc été déterminée par l'interpénétration de deux courants très différents, que l'on peut caractériser grosso modo comme l'anarchisme et le marxisme. Lénine a joué un rôle essentiel dans le triomphe du second.
Voilà pourquoi je m'attarderai longuement sur l'histoire et la préhistoire de ces deux courants, avant d'en venir à certains problèmes spécifiques auxquels Lénine et les bolcheviks ont eu à faire face. Sans cette plongée dans le passé, on saisit mal les dilemmes rencontrés par Lénine.
Tariq Ali, dès son introduction, pose les enjeux de son nouveau livre : s'il y brosse un portrait acéré de Lénine, et de son rôle capital dans l'avènement de la révolution d'octobre 1917, il se livre également à une passionnante analyse des conditions qui ont rendu possible cette révolution. Plongeant au plus près des préoccupations de l'homme d'État et du théoricien politique, dont il souligne la prescience - Lénine était très isolé dans son parti avant octobre 1917 -, ainsi que la rigueur et la limpidité des écrits, il jette un éclairage inédit sur sa vie, et particulièrement ses deux dernières années.
Avec Les Dilemmes de Lénine, Tariq Ali - lui-même intellectuel engagé et activiste politique - explore les questions auxquelles Lénine a été confronté, et qui restent d'une troublante actualité : le terrorisme est-il une stratégie ?
Est-il acceptable de soutenir les guerres impérialistes ? une action politique est-elle possible sans un appareil de parti ? quelle justification morale y a-t-il à s'emparer du pouvoir ? quelle influence les choix intimes - amoureux ou amicaux - de Lénine ont-ils eu sur son action ?
Au fil de ses interventions publiques, de ses articles, de ses essais politiques et de son oeuvre romanesque, Tariq Ali ne cesse d'en appeler à une alternative au libéralisme. Ce livre de non-fiction, par son ton très personnel, par l'ouverture de champ qu'il propose - c'est l'utopie révolutionnaire mondiale qu'interroge l'intellectuel d'origine pakistanaise - s'inscrit dans la cohérence de son oeuvre, et notamment de ses six romans publiés chez Sabine Wespieser éditeur.
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Raptus prolonge certains des thèmes de La Vie de Mardochée de Löwenfels, écrite par lui-même, le premier roman remarqué de Diane Meur, paru pour la rentrée littéraire 2002 : la filiation, historique et familiale, les liens entre politique et religion, la question de la double vérité. Pour autant, le cadre et l'argument en sont radicalement autres : nul exotisme géographique ou temporel, mais la scène française.
Reprenant (très librement) la figure du militant révolutionnaire chargé d'infiltrer un parti réformiste et finissant par y dissoudre son idéalisme radical, l'histoire retrace le parcours moral du fils de cet homme, fils unique, dont la mère est morte en lui donnant le jour. Toute son enfance, bercée par les confidences de son père, il a partagé le secret de Jean-Claude Wirth : l'évolution vers une gauche de gouvernement est vécue par lui comme une trahison. Trahison à sa mère, jeune et ardente militante dont il ne cesse de se demander comment aujourd'hui elle jugerait son compagnon d'alors. Trahison à son enfance et aux refrains révolutionnaires chantés à tue-tête avec un père enthousiaste et chevelu devenu un triste et terne hiérarque de parti.
Le roman suit le progressif développement, chez ce fils déchiré, d'une folie mystique dans laquelle tous ces éléments politiques et familiaux retrouvent sens au sein d'un délire théologique de plus en plus cohérent. La narration, menée à la troisième personne mais en point de vue subjectif, s'astreint à un grand réalisme de détail, de façon que le lecteur puisse s'identifier au personnage et être lui-même gagné par son angoisse, à mesure que ce monde, qui semble pourtant toujours le nôtre, se teinte d'une inquiétante étrangeté.
La dimension pathologique de la première scène, par exemple - où l'on voit Mathieu faire irruption dans une réunion politique tenue à huis clos dans l'appartement familial, revêtu de la vieille robe de pasteur de son grand-père protestant et jetant l'anathème - n'apparaît qu'a posteriori, au moment où les indices d'une paranoïa religieuse chez ce fils perturbé s'accumulent : au premier abord, l'effet comique est saisissant, et ce n'est pas là une des moindres qualités de ce roman dont la tonalité générale est pourtant grave.
Car c'est bien d'une plongée dans la folie qu'il s'agit, traitée par Diane Meur non sans humour, mais avec une véritable compassion pour son personnage. La fin du livre notamment est saisissante, sorte d'apothéose dans un paysage grandiose de montagne. On sent chez l'auteur une grande familiarité avec les textes phares de la littérature psychiatrique, en particulier les lettres d'Artaud et les mémoires du Président Schreber.
Partant de l'analyse caustique d'une déception politique, déterminante pour ce fils qui a cru aux rêves de son père, Diane Meur a aussi posé un personnage extrêmement contemporain dans son choix confus du religieux comme ultime recours. Et c'est là le véritable tour de force de ce roman : sa valeur universelle.