Dans la mégapole d'une superpuissance mondiale, Winston Smith vit, cadenassé dans sa solitude, sous le regard constant du télécran. Employé au ministère de la Vérité, il réécrit quotidiennement les archives de presse pour les rendre conformes avec la ligne officielle du moment. Mais un jour, le petit employé de bureau se rebelle, commence un journal, tombe amoureux et flâne dans les quartiers où vivent les proles, soustraits à la discipline du Parti. Dans ces lieux où subsistent quelques fragments du passé aboli, il va s'engager dans la rébellion.
En août 1940, un jeune journaliste américain, varian fry, est envoyé à marseille.
Sa mission : faire évader les artistes, les intellectuels et militants politiques de gauche, souvent juifs, menacés par la gestapo. la modeste organisation qu'il met sur pieds s'oppose à l'article 19 de la convention d'armistice entre la france et l'allemagne : " le gouvernement français est tenu de livrer sur demande tous les ressortissants désignés par le gouvernement du reich. " en treize mois, avant que la police de vichy n'expulse varian fry - avec l'aval des états-unis -, le centre américain de secours aura, par des moyens légaux ou illégaux, sauvé plusieurs milliers de personnes.
Mais cette action relève aussi de ce qu'on a appelé " la résistance avant la résistance ", et de ce qui apparaît aujourd'hui comme un mouvement de solidarité internationale impulsé par les vestiges du mouvement ouvrier. c'est l'aspect le moins connu mais aussi le mieux à même d'introduire le témoignage de fry, et d'éclairer un moment historique singulier en même temps que l'héroïsme de l'individu ordinaire face à la déraison d'état.
« En 1841, dans son discours de réception à l'Académie française, Victor Hugo avait évoqué la «populace» pour désigner le peuple des quartiers pauvres de Paris. Vinçard ayant vigoureusement protesté dans un article de La Ruche populaire, Hugo fut très embarrassé. Il prit conscience à ce moment-là qu'il avait des lecteurs dans les milieux populaires et que ceux-ci se sentaient humiliés par son vocabulaire dévalorisant. Progressivement le mot «misérable», qu'il utilisait au début de ses romans pour décrire les criminels, changea de sens et désigna le petit peuple des malheureux. Le même glissement de sens se retrouve dans Les Mystères de Paris d'Eugène Sue. Grâce au courrier volumineux que lui adressèrent ses lecteurs des classes populaires, Eugène Sue découvrit les réalités du monde social qu'il évoquait dans son roman. L'ancien légitimiste se transforma ainsi en porte-parole des milieux populaires. Le petit peuple de Paris cessa alors d'être décrit comme une race pour devenir une classe sociale. » La France, c'est ici l'ensemble des territoires (colonies comprises) qui ont été placés, à un moment ou un autre, sous la coupe de l'État français. Dans cette somme, l'auteur a voulu éclairer la place et le rôle du peuple dans tous les grands événements et les grandes luttes qui ont scandé son histoire depuis la fin du Moyen Âge : les guerres, l'affirmation de l'État, les révoltes et les révolutions, les mutations économiques et les crises, l'esclavage et la colonisation, les migrations, les questions sociale et nationale.
Cette histoire des Etats-Unis présente le point de vue de ceux dont les manuels d'histoire parlent habituellement peu. L'auteur confronte avec minutie la version officielle et héroïque (de Christophe Colomb à George Walker Bush) aux témoignages des acteurs les plus modestes. Les Indiens, les esclaves en fuite, les soldats déserteurs, les jeunes ouvrières du textile, les syndicalistes, les GI du Vietnam, les activistes des années 1980-1990, tous, jusqu'aux victimes contemporaines de la politique intérieure et étrangère américaine, viennent ainsi battre en brèche la conception unanimiste de l'histoire officielle.
Cet essai est le procès d'une absence, celle de la gauche, reléguée au second plan dans la presse depuis 2017. L'autrice analyse la façon dont le débat public a été verrouillé par les médias dominants, qui ont reboublé d'efforts pour bipolariser les champs politique et journalistique autour des figures d'Emmauel Macron, de Marine Le Pen et de leurs thématiques sécuritaires et économiques. Basé sur une documentation précise, ce livre retrace l'effondrement intellectuel du « journalisme politique », qui a perdu tant en substance qu'en consistance, laissant le storytelling remplacer l'information. L'autrice aborde notamment le traitement des différents projets de réformes par les chefs-lieux éditoriaux, souvent transformés en SAV du gouvernement... S'appuyant sur l'émergence de la comm' comme cadre politique et journalistique, Pauline Perrenot dévoile le monopole absolu de la pensée libérale dans les médias et l'imbrication de la profession avec le monde patronal. Un président créé de toutes pièces par les médias, la croisière journalistique de l'extrême droite, une kabbale réactionnaire qui ponctue les séquences des chaînes d'information... drôle d'état que celui de la presse dans l'Hexagone. Pauline Perrenot s'appuie sur le traitement des thèmes qui ont « fait » l'actualité : maintien de l'ordre, sondages, loi sécurité globale, gilets jaunes, violences policières, émergence de Zemmour. Pour que la disparition de la gauche ne passe plus inaperçu.
Ce livre analyse l'abandon par les « nouveaux démocrates » des classes populaires et des syndicats au profit des classes aisées et cultivées. Ce choix pour l'« économie de la connaissance » a condamnées les travailleurs manuels et les catégories peu diplômées à la relégation sociale et à une forme de plus en plus agressive de mépris culturel. Dépréciées par le parti qui leur servait autrefois de véhicule politique, les classes populaires sont devenues plus attentives aux thématiques identitaires de démagogues réactionnaires. L'histoire mondiale récente - des mandats de Trump et de Bolsonaro aux élections de Biden et de Macron - n'a fait que confirmer les analyses de l'auteur. Aux États-Unis comme en France, la méritocracie s'est installée sans complexes, mettant à mal les services publics, faisant du marché du travail un marché contractuel profondément défavorables aux petits salariés, démantelant le syndicalisme. En cajolant les hauts salaires, la « gauche » a pavé la voie (royale) à l'extrême droite.
Que nous apprend le regard d'un grand historien quand il se pose sur l'avenir et non sur le passé ? Dans un va-et-vient entre le xixe et le xxie siècles, Éric Hobsbawm se prend au jeu de l'anticipation, dressant les grandes lignes qui caractérisent notre époque. À travers un entretien suivi d'un essai sur les enjeux du xxie siècle, textes rassemblés ici pour la première fois, ce recueil se penche sur l'héritage d'un siècle à l'autre. Ces legs se nomment terrorisme, démocratie, guerre et paix, impérialisme, environnement, conséquences de la chute de l'URSS, futur des États-nations. Autant d'inquiétudes d'alors qui sont toujours d'actualité et sur lesquelles l'auteur conjoncture. Que ses spéculations aient été plus ou moins visionnaires, elles nous éclairent sur l'état du monde. Sans évidemment jamais tomber dans la politique-fiction, l'historien analyse méthodiquement les tensions qui se dessinent et nous donne l'occasion de faire un bilan, alors que nous entrons bientôt dans le quart de notre siècle.
Une plongée dans l'histoire du racisme aux États-Unis, écrite par une universitaire et militante membre du mouvement BLM. L'autrice revient sur l'« économie politique du racisme » depuis la fin de l'esclavage, le reflux des mouvements sociaux des années 1960 et l'essor d'une élite noire prompte à relayer les préjugés racistes et anti-pauvres. Elle défend le potentiel universaliste de BLM : afro-américain et tourné contre les violences policières, il peut parfaitement rallier d'autres groupes et s'étendre à une lutte générale pour la redistribution des richesses.
L'édition est la grande absente des analyses du rôle de l'industrie des relations publiques dans l'« éternel combat pour le contrôle des esprits ». Pourtant, comme les autres médias, le secteur est depuis longtemps aux mains de grands groupes, et il remplit la même fonction dans le maintien de l'ordre idéologique. Suivant la logique de croissance par acquisition : chacune prépare la suivante, les grands éditeurs perpétuent l'existence d'un type d'acteur qui, du seul fait de sa taille et de son mode d'organisation, forge un monde social et économique face auquel les idées de changement ne pèsent pas grand-chose. La distinction artificielle entre « groupes de communication » et « groupes éditoriaux » occulte le rôle de ces entreprises dans une société à caractère de masse : transformer les lecteurs en consommateurs et limiter la capacité d'agir du plus grand nombre. Un phénomène qui va en s'amplifiant. Écrit par un éditeur, ce livre propose à la fois une anti¬légende de l'édition et les bases d'une réflexion sur les responsabilités sociales et politiques de tout métier. Alors que Madrigall a racheté Minuit et qu'Editis est sur le point d'absorber Hachette, une nouvelle édition s'imposait !
Les niveaux très élevés d'inégalité semblent moralement contestables. Mais les raisons pour lesquelles ils le sont et pour lesquelles il faudrait les réduire ou les éliminer sont-elle si évidentes ? Nous avons donc besoin d'une conception claire des raisons de combattre les inégalités.
La liberte´ de la presse a ceci de commun avec la Re´publique qu'elle est aujourd'hui de´fendue me^me par les forces politiques qui ont le plus fe´rocement ferraille´ contre elle dans un passe´ pas si lointain. Les avocats de la critique de la presse, eux, sont beaucoup moins nombreux. Passe encore de fle´trir l'autoritarisme d'un magnat tout-puissant. Mais au-dela` ? Sugge´rer qu'il n'y aura pas de liberte´ de la presse tant que les me´dias sont accapare´s par une minorite´ fortune´e suscitera des regards suspicieux : complotisme ?... A` l'heure des amalgames faciles, rappeler que la lutte pour la liberte´ de la presse a aussi remis en cause, parfois avec fracas, le pouvoir de ses proprie´taires, n'est pas inutile. Car a` trop attribuer aux seuls libe´raux les acquis de ce combat, on en oublierait presque que ce dernier avait aussi partie lie´e avec la lutte des classes. La concentration actuelle des grands me´dias entre les mains d'une poigne´e de grandes fortunes suffit a` e´valuer les limites de leurs mobilisations. Mais ces dernie`res n'en ont pas moins marque´ l'histoire de la presse, en menant sur le terrain e´conomique un combat loin d'e^tre termine´. Contre la « presse bourgeoise » possédée par ceux qui cherchent à s'enrichir encore davantage, des intellectuels, des journalistes, des hommes politiques, des syndicalistes et une infinité de militants anonymes ont écrit, débattu, fait grève, imaginé des manières plus démocratiques de produire de l'information.
La scène se déroule le 24 avril 1933, dans la petite école de Saint-Paul dirigée par Célestin Freinet, quelques minutes après la fermeture des portes. Depuis des mois, l'instituteur subit une campagne de diffamation menée par le maire, soutenue par quelques habitants du village, qui veulent le chasser.
Cette petite affaire locale a pris une envergure nationale grâce à de solides appuis via la presse d'extrême-droite. En cause, la pédagogie de Freinet, qui favorise une totale liberté dans l'expression écrite des enfants. Quelques mois plus tôt, un enfant avait donné le récit, qui fut imprimé sans aucune censure de l'instituteur, d'un rêve où le maire était attaqué par les élèves.
Le prétexte était tout trouvé pour se débarrasser de cet encombrant militant communiste : ce rêve révélait bien la pédagogie subversive de Freinet. Mais celui-ci tient bon, contre-attaque systématiquement, conteste, fait appel, mobilise tous ses soutiens politiques, pédagogiques et syndicaux. Las de devoir attendre une décision administrative qui n'arrive pas, le maire et ses ouailles décident de déloger Freinet manu militari. Mais Freinet, informé, était prêt à les accueillir, armé.
Ce moment peut être envisagé comme le point culminant de la situation ayant mené à la démission d'Elise et de Célestin Freinet, qui iront fonder une école privée à Vence. Au-delà de sa puissance lyrique, l'évènement témoigne à la fois de la passion d'un homme pour la pédagogie populaire (au point de la défendre arme au poing) mais aussi de la pression fasciste que connaît alors le pays.
Après une restitution des faits, fondée sur les archives (notamment policières), ce livre interroge ce qui peut mener un instituteur pacifiste à brandir une arme dans la cour de son école ; puis, sur la base de l'histoire de l'éducation et des controverses pédagogiques, il montre l'importance de la surveillance et de la criminalisation des pratiques dérogeant aux normes gouvernementales.
Au final, l'ouvrage vise à une compréhension de la-dite « pédagogie Freinet » dans le cadre d'une analyse de la mission de service public et d'une contribution à une autre histoire de l'école républicaine.
L'actualité des Chiens de garde, nous aurions préféré ne pas en éprouver la robuste fraîcheur.
Nous aurions aimé qu'un même côté de la barricade cessât de réunir penseurs de métier et bâtisseurs de ruines. Nous aurions voulu que la dissidence fût devenue à ce point contagieuse que l'invocation de Nizan au sursaut et à la résistance en parût presque inutile. Car nous continuons à vouloir un autre monde. L'entreprise nous dépasse ? Notre insuffisance épuise notre persévérance ?
Souvenons-nous alors de ce passage par lequel Sartre a résumé l'appel aux armes de son vieux camarade : "Il peut dire aux uns : vous mourez de modestie, osez désirer, soyez insatiables, ne rougissez pas de vouloir la lune : il nous la faut.
Et aux autres : dirigez votre rage sur ceux qui l'ont provoquée, n'essayez pas d'échapper à votre mal, cherchez ses causes et cassez-les." Serge Hamili Extrait de la préface.
Alliant un panorama des diverses solutions urbanistiques adoptées par la plupart des pays sur les cinq continents et de nombreux exemples précis sur la situation française (ainsi s'ouvre-t-il sur la rue d'Aubagne à Marseille), ce livre démonte les fausses solutions et traite des pistes réalistes souhaitables. Il propose un diagnostic du pire à bannir et du meilleur à développer à une époque où ce qui reste à sauver d'un mode de vie vivable peut encore l'être.
Foxconn est le plus grand fabricant du monde dans le domaine de l'électronique. Ses villes-usines font travailler plus d'un million de Chinois, produisent iPhone, Kindle et autres PlayStation. Elles ont été le théâtre de suicides d'ouvriers qui ont rendu publiques des conditions d'exploitation fondées sur une organisation militarisée de la production, une taylorisation extrême, l'absence totale de protection sociale et une surveillance despotique jusque dans les dortoirs. Ce livre propose une analyse du système Foxconn à partir du portrait que fait la sociologue Jenny Chan d'une ouvrière qui a survécu à sa tentative de suicide en 2010. Complété par le témoignage de Yang, un étudiant et ouvrier de fabrication à Chongqing, il retrace également le parcours de Xu Lizhi, jeune travailleur migrant chinois à Shenzen, qui s'est suicidé en 2014 après avoir laissé des poèmes sur le travail à la chaîne, dans L'atelier, là où ma jeunesse est restée en plan.
Seule une critique radicale des formes actuelles de circulation de l'information peut permettre de sortir du désenchantement de la politique. Paradoxalement, les appareils de parti conçus comme des instruments de libération, individuelle et surtout collective, ont très souvent fonctionné comme des instruments de domination, à travers notamment la violence symbolique qui s'exerçait en leur sein. C'est pourquoi la priorité doit être d'élever la conscience critique des mécanismes de violence symbolique qui agissent dans la politique ; et, pour cela, de divulguer largement les armes symboliques pour se défendre contre la violence symbolique - et de se libérer, si besoin, des « libérateurs ».
Édité pour la première en français en 1968, épuisé depuis la fin des années 1970, ce classique oublié rappelle la relégation toujours d'actualité des enfants pauvres. Mais ici la critique de l'école reproductrice d'un ordre social injuste est formulée par ceux qui le subissent.
« Chère Madame, Vous ne vous rappellerez même pas mon nom. Il est vrai que vous en avez tellement recalés. Moi, par contre, j'ai souvent repensé à vous, à vos collègues, à cette institution que vous appelez l'«école», à tous les jeunes que vous «rejetez». Vous nous rejetez dans les champs et à l'usine, et puis vous nous oubliez.
Il y a deux ans, en première année à la Normale, vous m'intimidiez. J'ai d'abord pensé que c'était une maladie que j'avais, ou que peut-être ça tenait de ma famille. Plus tard j'ai cru que la timidité était un mal des pauvres, que les ouvriers laissent aux fils à papa tous les postes de commande dans les partis et tous les sièges au parlement. La timidité des pauvres est un mystère qui remonte à loin... » Extrait de l'avant-propos de Pier Paolo Pasolini.
C'est un livre qui m'a immensément plu parce qu'il m'a tenu constamment en haleine, entre éclats de rire, véritables, physiques, et noeuds à répétition dans la gorge. C'est ce qu'on ressent devant des livres qui redécouvrent quelque chose de manière inédite et neuve, et qui offrent comme un sens de vertige, de liberté, par leur jugement du monde qui nous entoure. Avec ce livre, je me suis retrouvé plongé dans l'un des plus beaux que j'ai lu ces dernières années : un texte extraordinaire, pour des raisons littéraires aussi. On y trouve d'ailleurs l'une des plus belles définitions de la littérature que j'ai jamais lues : la poésie serait une haine qui, une fois examinée en profondeur et clarifiée, devient de l'amour.
Dans son court avant-propos ( inédit en français), Pier Paolo Pasolini présente la singularité de l'école de Barbiana, fondée sur une culture rurale, pour en montrer les vertus et les limites.
Dans sa préface, Laurence De Cock revient sur l'histoire de ce livre, son contexte de production, sa réception en Italie et en France, analysant ce point de vue « de classe » sur le système scolaire, sa singularité et son universalité.
Eric Hobsbawm corrige les amnésies nées de la chute du mur de Berlin. Refusant la vision désespérée d'un XXe siècle réduit à une succession de guerres et de massacres, l'historien rappelle les grandes avancées de l'humanité : non seulement la chute des empires coloniaux, mais aussi les conquêtes sociales issues des luttes ouvrières, ainsi que l'élargissement des droits politiques - dont l'avancée sans précédent de l'émancipation des femmes -, et bien sûr les révolutions dans les domaines des sciences, des techniques et des arts. Synthèse sans équivalent, ce livre s'oppose au pessimisme de la fin de l'histoire et maintient ouvertes les perspectives de changement des rapports sociaux.
Cette réédition s'ouvre sur une préface de Serge Halimi : la question révolutionnaire a-t-elle ou n'a-t-elle pas disparu de l'histoire ? Elle inclut également un dossier de presse sur la difficile réception de l'ouvrage en France - notamment du fait des réticences des éditions Gallimard - et une postface synthétique de Nicolas Chevassus-au-Louis sur ce même aspect.
Jack Common fac¸onne une vision sensible de la classe ouvrie`re sur un mode auto- biographique, domine´ par l'ironie, l'humour et l'auto-de´rision. Un mariage entre style litte´raire et expression culturelle populaire, depuis les re´parties et les plaisanteries locales jusqu'au formalisme du monologue et du music-hall. « La voix authentique de l'homme ordinaire », George Orwell
« De nos jours, la politique se résume à une course aux mandats électoraux, où des partis hiérarchisés et bureaucratiques se battent à grands coups de programmes de «justice sociale» ineptes qu'ils brandissent à chaque campagne pour capter un «électorat» quelconque. Une fois aux affaires, leurs programmes dégénèrent en autant de «compromis». À cet égard, la plupart des partis verts d'Europe n'ont été que marginalement différents des partis parlementaires traditionnels. Les partis socialistes, quels que soient les noms qu'ils se sont donnés, ne se sont pas non plus montrés bien différents de leurs adversaires capitalistes. Ainsi, la déprimante indifférence de l'opinion publique européenne et américaine - son caractère «apolitique» - est bien compréhensible : ne s'attendant pas à ce que leur bulletin ait beaucoup d'effet, les gens qui votent se tournent généralement vers les partis bien établis car, en tant que centres de pouvoir, ces derniers semblent en mesure de produire des semblants d'avancées dans des domaines concrets. Quitte à voter, raisonne-t-on, pourquoi gaspiller son bulletin pour une organisation marginale alors qu'elle présente toutes les caractéristiques des organisations d'envergure et que, si jamais elle rencontre le succès, elle finira elle aussi par se corrompre ? » Pendant plus de quarante ans, Murray Bookchin a imaginé une politique de gauche qui s'appuierait sur des assemblées populaires et répondrait ainsi aux aspirations démocratiques de la population. Son travail a influencé un large éventail de penseurs politiques et de mouvements sociaux.
Avec un avant-propos de l'autrice des Dépossédés, Ursula K. Le Guin, La Révolution à venir rassemble pour la première fois les essais de Bookchin sur la liberté et la démocratie directe, offrant une vision politique audacieuse qui vient alimenter la discussion à un moment où la question du renouveau de la démocratie est de plus en plus débattue.
« Sur le terrain de la «race», toute prise de position est perçue comme une concession à l'adversaire, voire à l'ennemi. L'urgence d'y voir clair n'en est que plus grande. D'abord parce que le langage identitaire est devenu incontrôlable et peut servir toutes les manipulations. Ensuite parce que dans les discours publics, la «race» fonctionne désormais comme une variable bulldozer qui écrase toutes les autres. Enfin parce que le langage identitaire prive le combat anti-raciste de son référent universaliste. Notre ambition est d'éclairer comment les sciences sociales d'aujourd'hui peuvent subir cette évolution ou y contribuer, et de rappeler qu'on ne peut rien comprendre au monde dans lequel nous vivons si l'on oublie que la classe sociale reste le facteur déterminant auquel s'arriment les autres dimensions de l'identité des personnes. »
Jamais le démantèlement de l'école publique n'a été aussi brutal et implacable que sous le mandat d'Emmanuel Macron. Peut-être la perte du sens de l'enseignement public n'a-t-elle pas permis d'y opposer les résistances nécessaires du côté des enseignants et des parents, des médias et de l'administration. Toujours est-il que les enfants des catégories populaires ont été les premiers sacrifiés. Même si la promesse de la démocratisation scolaire n'a jamais été complètement tenue, il ne faut pas en abandonner l'ambition, sans laquelle aucune société égalitaire n'est possible.
Après avoir posé l'état des lieux (déplorable) laissé par la dernière mandature, ce livre revient sur les fondements des principes d'une éducation nationale, ceux des révolutionnaires de 1793 - principes généreux et audacieux, repris sous le Front populaire et après la Libération. Qu'en reste-t-il ? Sur quoi refonder une école qui retrouve son ambition de servir les masses ? Aux anciens défis se sont ajoutés des dangers tout aussi redoutables : puissance destructrice de l'idéologie néolibérale, obscurantismes religieux, enjeux de santé liés à la crise environnementale.
Ils questionnent la réalité coloniale mais ne se voient pas encore comme des « sociologues ». Cette discipline encore mineure jouit d'un trop faible crédit symbolique pour intervenir et se positionner dans le débat. Ce qu'ils entendent faire est de fonder une connaissance capable d'informer les métropolitains et la population sur la situation coloniale. Il s'agit de montrer tout autant les limites que les possibles pouvant transformer la réalité. De dire la vérité au pouvoir, pour paraphraser Gérard Noiriel. Pour Bourdieu, normalien et rédacteur-concepteur pour le Gouvernement général d'État en Algérie pendant son service militaire, il s'agit de trouver une autre voie d'engagement que celle de l'intellectuel total à la Jean-Paul Sartre. Pour Sayad, il s'agit d'établir une réflexion plus fine à partir de son expérience militante dans les rangs nationalistes et libéraux afin d'envisager des pistes de sortie intellectuelles et politiques à cette situation de domination. Un programme de sociologie de la révolution va alors naître.
La rencontre de Pierre Bourdieu et d'Abdelmalek Sayad en 1958, en pleine guerre d'Algérie, est une date majeure de l'histoire de la sociologie. Il en ressort une amitié de quarante ans et une longue collaboration, décisive pour le renouveau de la discipline. Tiré d'une thèse rédigée sous la direction de Gérard Noiriel, l'ouvrage d'Amín Pérez se concentre sur les premiers moments de ce parcours commun, pendant le temps d'exception de la guerre elle-même. Il souligne le caractère improbable de la rencontre entre le jeune normalien d'origine béarnaise et le jeune instituteur d'origine kabyle et reconstitue leurs parcours antérieurs, aussi atypiques l'un que l'autre. Il nous fait ainsi comprendre ce que l'un et l'autre s'apportaient réciproquement d'irremplaçable : l'un forme l'autre à l'Algérie et aux arcanes politique du moment, tandis l'autre forme le premier au métier de sociologue. On les voit ensuite s'efforcer de mettre en pratique ensemble le projet d'une vraie science au service du combat pour l'émancipation des Algériens.
En exploitant des sources inédites tirées des archives Sayad et Bourdieu, et notamment leur correspondance dont l'ouvrage reproduit de très larges extraits, Amín Pérez montre comment s'est formée une amitié et comment les deux chercheurs travaillaient. Il montre surtout le caractère décisif de ce travail en situation
Ouvrage majeur de Paulo Freire, ce livre présente quelques aspects d'une pédagogie élaborée non seulement pour les opprimés, mais avec eux, et dans le cadre même de leur lutte perpétuelle pour affirmer leur humanité. À l'image d'autres grands pédagogues, en premier lieu Célestin Freinet, Freire rappelle que projet éducatif et projet social sont indissociables. Selon lui, le but de l'éducateur est de donner aux opprimés les moyens de construire une conscience claire de leur position, et de rechercher avec eux les moyens de transformer le monde. Écrit en 1968 au Chili, ce texte irrigue encore aujourd'hui la pensée de la pédagogie critique partout dans le monde.