Éditrice du Journal de sa tante Hélène Berr, Mariette Job s'est construite dans son sillage, malgré de multiples embûches. Elle a voulu raconter son cheminement personnel, les difficultés rencontrées pour faire sortir dans la lumière cet écrit familial intime exceptionnel, reconnu pour sa qualité littéraire et historique.
Comment résistent-ils au développement de cette « nouvelle raison du monde », le néolibéralisme, qui s'infiltre dans tous les interstices de la société ? En quoi le processus continu d'institutionnalisation de leurs pratiques leur confère-t-il une reconnaissance tout en fragilisant la portée critique de leur projet ?
C'est à toutes ces questions que cet ouvrage tente de répondre en montrant, à partir d'une enquête historique et sociologique de l'évolution des réseaux alternatifs de développement agricole, que le processus de normalisation des alternatives au productivisme agricole réinterroge les rapports de domination dans l'agriculture.
Si les paysans alternatifs sèment un autre avenir que celui tracé par l'agriculture industrielle, cet avenir reste fragile...
David Graeber, anthropologue atypique, à la fois professeur à la London University et l'un des initiateurs d'Occupy Wall Street, a fait une entrée fracassante à la fois sur la scène scientifique et sur la scène politique en montrant comment un des facteurs qui maintiennent les peuples sous le pouvoir des banques est le sentiment moral que toutes les dettes doivent être remboursées. Un sentiment né il y a 5000 ans en même temps que l'État, le marché, les grandes religions... et l'esclavage.
La thèse fascine et appelle à la discussion. Notamment sur le point de savoir au nom de quelle conception de la démocratie elle peut être tenue. Sur cette question, dans un texte écrit en 2005 pour La Revue du MAUSS semestrielle et repris dans ce livre, l'érudition et le brio de D. Graeber font encore merveille. Non, montre-t-il, l'Occident est loin d'avoir le monopole de la démocratie, et, contrairement à l'opinion omniprésente, ce n'est sûrement pas la "culture occidentale" qui l'a fait apparaître et prospérer.
Si on entend le mot culture au sens anthropologique, il apparaît en effet que la culture occidentale est introuvable (d'où une réfutation savoureuse et convaincante des thèses de Samuel Huntington). Et si on entend par culture la culture des lettrés, alors il n'est pas difficile de se convaincre que ceux-ci, en Occident comme ailleurs, se sont constamment opposés à la démocratie. Celle-ci, en réalité, ne naît et ne vit que dans les marges des systèmes de pouvoir.
Où l'on voit toute la force d'une anthropologie anarchiste, revendiquée comme telle, et qui n'avait rien produit d'aussi puissant depuis Pierre Clastres. Reste, cependant, que tout le monde ne peut pas vivre dans les marges et hors pouvoir, et qu'il faut donc se demander ce qu'il peut et doit subsister de l'esprit de la démocratie dans le cadre des sociétés étatiques.
Gilles Savary propose une grande loi des mobilités de proximité et en esquisse le contenu (mise en ordre de la décentralisation, gouvernance locale, financement des transports).
Eros et libido, sexe et genre : Les mots se succèdent depuis un peu plus d'un siècle pour dire la dualité et le rapport entre hommes et femmes.
Si l'on cherche l'objet philosophique, on trouve l'expression " différence des sexes ", " Geschlechterdifferenz " sous la plume hegelienne. Quant au genre, ce mot fait le pari de brouiller les pistes des représentations contraintes qui assignent chaque sexe à sa place. Et si, toute terminologie confondue, on s'en tenait à ce que la " différence des sexes " est une catégorie vide ? Alors, on se situerait " à côté du genre ", à côté des affaires de définition et d'identité, pour établir le repérage des lieux où sont pensés les sexes, dans leur tension, leur décalage, leur disparité au regard du contemporain démocratique.
Au fond, la démarche est inversée : il ne s'agit pas de voir ce qu'il en est du sexe et du genre, mais de dire ce qui surgit dans la pensée quand égalité et liberté révèlent des enjeux sexués dans la politique et la création, l'économique et le corps, la pensée et l'agir.
Les jeunes adultes et les quadragénaires des « quartiers » éprouvent un fort sentiment d'injustice à l'encontre des institutions et du politique. Les mobilisations des adolescents et des jeunes adultes des cités populaires, bien souvent, se concrétisent par des révoltes urbaines, par des formes d'« incivilités » ou de provocations à l'encontre des agents des institutions locales, par des esquives face à la police ou « les fuites en avant » devant les structures où l'on doit rendre des comptes ou encore par des différentes configurations de « radicalisations » (religieuses, anti-institutionnelles, « complotismes », délinquances violentes et/ou crapuleuses, etc.) sans oublier enfin des formes multiples de dépressions (repli sur soi, évitement du monde du travail, etc.).
Ce récit est celui d'une femme qui a connu dans son enfance la loi d'un père brutal, seul maître à bord dans l'espace familial. Au moment où elle termine son analyse, elle porte un regard rétrospectif sur son enfance, sur la violence telle qu'elle peut être perçue par un enfant, sur les traces qu'elle laisse et comment la psychanalyse peut permettre de se dégager des effets d'une violence domestique sournoise, invisible et certainement plus ordinaire qu'on l'imagine.
Et si l'extrême-droite était en chacun de nousâ??? Déjà-làâ??? Informant nombre de nos goûts et de nos dégoûtsâ??? Telle est l'hypothèse que fait Michel Latour, de gauche depuis toujours. Par sa lucidité sur ses propres troubles et par sa franchise sur ses doutes concernant le monde nouveau qui s'annonce, il nous tend un miroir. Et invite à ne pas s'en tenir à l'indignation morale. En pointant nos démissions, il dessine la possibilité d'un autre engagement politique. Pour déjouer ce qui s'annonceâ??: une prochaine et inévitable étrange défaite.
Auréolé par un accueil critique et institutionnel extrêmement favorable, Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve (2017) a inspiré de nombreux travaux anglophones, mais n'a fait l'objet à ce jour d'aucun ouvrage universitaire en langue française. L'oeuvre est pourtant parvenue à s'imposer, auprès de nombreux commentateurs, non seulement comme une suite brillante du film de Ridley Scott (1982), mais comme une médita-tion sur le gouffre la séparant de cette référence majeure de la culture populaire du XXe siècle, et comme un aboutissement cinématographique à part entière. Ce volume de la collection « Cinéfocales » rassemble des contributions interrogeant Blade Runner 2049 au prisme d'approches complémentaires : écono-mique et industrielle, générique, technologique, esthétique, musicologique, actorale, socio-culturelle, gender. Ces analyses permettent d'évaluer le positionnement et l'originalité du film face aux tendances les plus actuelles du cinéma contemporain : effets visuels, sound design, marketing de star et d'auteur, stratégies de suite et de franchise, relecture des années Reagan, féminisation des personnages héroïques, re-nouveau du cyberpunk et du future noir. Elles s'attachent enfin à la diversité des ré-ceptions que le film a permis de susciter, notamment en France.
L'exil forcé de plusieurs millions de Syriens, qui ont fui les zones de combats et les répressions des différentes factions impliquées dans la guerre, a mis à l'épreuve le droit international des réfugiés dans son application concrète.
La plupart des pays ont réactivé les frontières comme opposition à l'accueil de ces « indésirables », et certains ont même criminalisé la condition de réfugié en la qualifiant « d'invasion massive de migrants » clandestins pendant que d'autres, se pensant plus « modérés », préféraient parler de « crise des migrants », faisant fi eux aussi du statut de réfugié, des conventions et autres traités internationaux qui garantissent la protection à ceux dont la vie est menacée.
Les pays européens ont fait le choix de sous-traiter l'accueil de ces exilés et le contrôle de leur mobilité aux pays voisins de la Syrie, le Liban, la Jordanie et la Turquie donnant naissance à une nouvelle géopolitique migratoire dont l'instrumentalisation dans les rapports de force internationaux s'est confirmée dans les contentieux entre l'Europe et la Turquie, l'Europe et la Biélorussie ou encore entre l'Espagne et le Maroc.
Voyage en Anthropocène est une mise en bulle colorée des problématiques liées au changement climatique et à l'évolution de l'humanité, contée à travers les yeux bienveillants d'une jeune fille embarquant pour un voyage initiatique, intergénérationnelâ€- et spatiotemporel !
L'ouvrage de l'historien américain Philip Nord, After the Deportation. Memory battles in Postwar France, publié en 2020 à Cambridge University, éclaire d'un jour nouveau l'histoire de la commémoration de la déportation en France, de 1945 à nos jours. Tout d'abord sur le fond : l'auteur, spécialiste de l'histoire politique et culturelle française du XX siècle, révise la lecture dominante qui a été faite de l'histoire de cette mémoire, en vertu de laquelle les Français ont imaginé les déportés comme des victimes antifascistes et patriotiques du régime nazi jusque dans les années 1960 et 1970, lorsqu'une jeune génération a remis en question la complicité française dans l'Holocauste, ainsi que le racisme et le colonialisme français. En conceptualisant la mémoire de la déportation comme un récit polyphonique aux motifs changeants et multiples, où la voix des juifs n'était ni absente ni inaudible, et ce dès l'immédiat après-guerre, il reformule la lecture historiographique dominante d'une libération soudaine de la parole des juifs déportés et des représentations de l'Holocauste (silence-to-voice narration) non pas en demandant pourquoi la mémoire de la déportation juive a été refoulée jusqu'en 1968,mais pourquoi la génération de 1968 a cru découvrir des voix qui étaient en fait là depuis toujours.
Il nous faut donc réparer la Terre par le bas. Nous n'avons pas le choix, ni les moyens de faire face aux changements requis à une échelle globale. Ce qui est à notre portée, en revanche, est de transformer la réalité telle qu'elle s'offre, et dans nos environnements ordinaires, d'agir sur le mode de l'acupuncture. Pourquoi ? Parce qu'il est primordial de redonner confiance dans l'action collective et sa capaciteÌ à changer le cours des choses.
Amoureux de Portia, belle et riche héritière, Bassanio, gentilhomme désargenté, s'efforce d'obtenir sa main. Pour l'aider, son ami Antonio marchand chrétien, emprunte une somme de 3000 ducats à l'usurier juif Shylock qui lui demande, en cas de non remboursement de la dette, une livre de sa chair. Le jour de l'échéance, la dette n'étant pas réglée, Shylock exige l'exécution de la clause. Mais l'habileté de Portia, déguisée en « docteur de droit civil», confond l'usurier retors et sauve Antonio Shylock, ridiculisé, spolié et trahi par sa fille qui a rejoint le camp des Chrétiens, s'en va seul tandis que les jeunes gens, loin des tracas du commerce et du fracas des procès, s'abandonnent à la félicité, aux sons - joyeux et graves à la fois - d'une musique qui évoque non seulement l'harmonie terrestre retrouvée mais aussi l'harmonie céleste dont elle est l'écho.
Le retour de l'universalisme dans la redistribution ne pourrait-il pas être la réponse appropriée aux promesses constitutionnelles d'égalité et de liberté ?
C'est ce que soutient ici avec force Guillaume Mathelier, en proposant d'instaurer un revenu d'existence et un capital d'émancipation pour la jeunesse. Cela permettrait d'assurer une redistribution juste et adéquate. Juste parce que son fondement premier est l'égalité avant toute chose. Adéquate car elle entend s'adapter à la réalité des besoins individuels.
Partant d'un fondement moral simple, partagé par tous les êtres humains, le fait de la naissance, l'auteur défend, dans une approche résolument plus philosophique qu'économique, l'idée que le revenu d'existence est un droit et non une aide sociale ! Il est inconditionnel, individuel et sans contrepartie.
Pour Guillaume Mathelier, l'objectif est de garantir à chaque individu la dignité lui permettant d'assurer son émancipation. Il est aussi de proposer une façon de lutter plus efficacement contre les inégalités sans déployer toute une industrie de contrôle administratif qui rapetisse et stigmatise les individus.
Fut un temps où les intellectuels (artistes, avocats, comédiens, écrivains, journalistes, médecins, philosophes, scientifiques, universitaires, voire politiques) avaient quelque retenue vis-à-vis du football. Si certains le regardaient en catimini à la télévision, pour beaucoup le football ne pouvait constituer une présence au monde originale et encore moins relever d'une forme artistique. Au mieux, il était une distraction du dimanche. Cette époque est révolue depuis la victoire de l'équipe de France sur celle du Brésil en finale de la Coupe du monde de football en 1998. Les intellectuels sont désormais engagés dans la défense inconditionnelle d'un football paré de toutes les vertus.Dans le prolongement de ses travaux sur la critique du sport, l'auteur veut montrer comment la puissance du football a renversé toutes les barrières intellectuelles, esthétiques, politiques, sociales, idéologiques... jadis élevées sur la base de la raison, de la faculté de jugement, de l'émancipation sociale et de la critique des idéologies. Autrement dit, comment le football a réussi à contaminer en profondeur - l'air de rien et en quelques années - les professions intellectuelles a prioriles moins enclines à se bercer d'illusion sur ce spectacle de mercenaires et à subir la magie des buts ou encore à intégrer la fantasmagorie de quelques gestes dits techniques de footballeurs aux dribbles inouïs, aux shoots si puissants.Que diront les intellectuels au moment de la Coupe du monde du Qatar ?
L'auteur met en relief les divergences fondamentales entre le judaïsme et le christianisme et analyse ce différend qui ne disparaîtra peut-être jamais.
Ce qui fait encore et toujours surface, ce sont les différences et même l'impossibilité de faire quelque synthèse que ce soit, malgré le dialogue interreligieux qui s'est instauré depuis quelques décennies. Des deux côtés, il existe une incapacité de dépasser les grandes questions théologiques, ne fût-ce que par rapport à la Loi juive qui, selon le christianisme, a été remplacée par le sacrifice de Jésus. Benoît XVI le dit tout au long de ses écrits et de ses discours. Pour lui, la Loi est en fin de compte caduque. Du côté juif, on ne bouge pas non plus d'un iota, comme le penseur juif Yeshayahou Leibowitz le dit dans ses livres. À travers cette analyse comparative, l'auteur arrive à la conclusion qu'il faudrait « reconvertir le dialogue théologique » et lui donner d'autres défis, ayant pour but d'améliorer dans l'immédiat la vie des hommes.
Voici une chronologie extrêmement détaillée qui attirera toutes celles et tous ceux qui « veulent en savoir plus » sur Léo Ferré, ses mots, sa musique. Elle constitue aussi une mine pour tous les commentateurs à venir de son « oeuvre-vie ».
Ce livre propose les résultats d'une enquête sociologique sur un moment clef de l'histoire de l'Europe occidentale (ce que Jacques Le Goff désignait comme le « long treizième siècle »). Ce moment est celui où se sont élaborées et affirmées les « valeurs » ou les « catégories de pensée » -- l'individu, l'art, l'amour, l'État, le marché (et donc le capitalisme), etc.
-- qui fondent ce qu'on désigne du terme de modernité.
Nous sommes donc toujours modernes, c'est-à-dire que nous fonctionnons, pensons, etc. toujours sur ces catégories qui, certes, ont connu des évolutions, des réélaborations, etc. mais restent le socle intellectuel de notre temps.
Woody Allen serait-il mort ? C'est ce qu'une cabale, venue des États-Unis, voudrait faire croire à ses admirateurs du monde entier. On en démonte ici la fausseté, mais on voudrait surtout, film par film, montrer la vigueur, la vivacité d'une oeuvre assez comparable aux comédies de Molière, qui comme celles de Woody sondent tant de drames. Et survivent au passage des années.
On a souvent confronté la tradition critique issue de l'École de Francfort (incarnée notamment par Habermas) et la pensée critique de Foucault, autour de la problématique de la modernité et de la rationalité. Ce volume prend un autre chemin pour proposer des croisements entre les « pensées critiques ». Il met en dialogue l'École de Francfort, entendue dans la pluralité de ses courants, depuis le projet d'Adorno et Horkheimer jusqu'à son renouvellement par Habermas et Honneth, avec d'autres pensées qui ont émergé en France, issue de Foucault et d'Althusser, du poststructuralisme et de la déconstruction, mais aussi des penseurs défendant un « retour au politique » (Lefort, Castoriadis et Rancière). Il rend compte de la recherche en train de se faire sur la pensée critique, par des chercheuses et chercheurs de renoms (Oliver Marchart, Harmut Rosa, Axel Honneth, Daniel Loick et Eva von Redecker) mais aussi par de jeunes chercheurs développant des problématiques nouvelles.