Tout sujet humain plongé dans un environnement excluant est susceptible, pour se protéger de cette souffrance, de développer un syndrome d'auto-exclusion : une sorte de grève de la subjectivité avec soi-même et avec autrui, qui arrête le mouvement du temps dans une forme de disparition du sujet. Le conflit entre les droits de l'homme et les flux abstraits d'argent, de marchandises et d'individus, en attente d'une régulation nouvelle des grands groupes humains, est affirmé comme le déterminant majeur de l'auto-exclusion, qui touche non seulement les plus démunis, mais aussi ceux qui semblent avoir « tout pour être heureux » : en effet, la précarité ici définie se différencie radicalement de la pauvreté, qu'elle peut à l'évidence accompagner et produire. La précarité, dans sa forme actuelle, est la misère des pays riches, exportable dans le monde entier.
Trois éléments sont essentiels pour la reconstruction psychologique des personnes ayant subi un ou plusieurs traumatismes : le lien, la loi symbolique et le sens. Un être en souffrance peut créer du sens dans son existence lorsqu'il a la possibilité de s'appuyer sur d'autres êtres qui sont en lien avec lui. Certains, notamment parmi les travailleurs sociaux, sont de véritables « tuteurs de résilience » qui jouent un rôle central dans l'émergence de la résilience d'autres êtres humains. Une métaphore qui rend bien compte de deux aspects importants de leur rôle : ils constituent un repère solide pour autrui tout en le laissant se développer à sa manière.
« Un livre sert à celui qui l'écrit, rarement à celui qui le lit, c'est pourquoi les bibliothèques sont pleines de livres inutiles. » Ainsi s'achève l'autobiographie de Luigi Pintor, texte pourtant parmi les plus essentiels qu'il puisse être donné de lire, pudique, profond, bouleversant. Dans une vie, que devons-nous à nous-mêmes et qu'est-ce qui tient à l'époque où nous vivons ? Traversant un demisiècle d'histoire, de l'enfance heureuse à l'expérience décisive de la Seconde Guerre mondiale, de la Résistance au rêve d'une société différente, du journalisme engagé aux épreuves politiques et personnelles, ces pages sensibles, imagées et volontairement sobres dressent le portrait d'un homme fidèle à lui-même, à ses engagements et à ses idéaux, dans une écriture à l'ironie vibrante digne des plus grands - La Rochefoucauld, Leopardi, Rilke ou Calvino.
« Si je devais donner le nom de tous ouvrages américains qui promettent d'avoir une longue, même une très longue vie, je dirais sans hésiter La Lettre écarlate, Huckleberry Finn et Le Pays des sapins pointus. » Ces mots de Willa Cather tirés de sa préface de 1925 au livre de Jewett (1re éd. 1896) étonneront sans doute le lectorat français qui connaît mieux, de la cartographie littéraire de la Nouvelle-Angleterre, le Boston de Henry James, le Salem de Hawthorne ou le Walden de Thoreau. Jewett a ancré ses récits dans son Maine natal, modelant son écriture sur ces « arpents de granite » qu'évoquait avant elle Emily Dickinson. Mais il est un autre « pays » qui s'esquisse dans ces pages écrites à l'aune du féminin et dans les marges critiques d'une nation en passe de devenir un empire. Loin de la carte désuète d'un monde disparu, Le Pays des sapins pointus est un livre frontière qui inquiète la pensée cadastrée, fait bouger les identités et troubles les appartenances.
Les Méditations sur le bonheur (1763), dont le destin éditorial se mêle étroitement à celui des Délits et des peines de Beccaria (1764), inaugurent la carrière littéraire de Verri. Synthèse de sa formation intellectuelle nourrie de la philosophie politique et morale du xviiie siècle européen, de Locke à Helvétius, de Hutcheson à Rousseau, elles sont aussi un vivier d'idées et de thèmes qui vont forger l'identité de l'École de Milan, l'un des grands foyers italiens des Lumières.
Ce petit traité offre une leçon d'humanité mue par un idéal égalitaire. Assignant la quête du bonheur, fondée sur un travail d'analyse de soi et de connaissance des autres, comme objectif de la vie sociale, de la politique et de la législation, l'auteur expose les prémisses de sa pensée réformatrice et progressiste, qui traversa le siècle jusqu'aux lendemains de la Révolution. C'est l'avènement de l'économie politique comme science du bonheur public.
Parue au soir de sa vie alors que Darío se trouvait dans une situation physiquement et financièrement précaire, cette autobiographie d'un poetaerrante, premier écrivain latino-américain au destin véritablement universel, embrasse d'un regard à la fois mélancolique et lucide son itinéraire mouvementé. Dictée tambour battant, c'est un témoignage précieux sur son existence cosmopolite et la genèse de son oeuvre, sur les sociétés latino-américaines dans leur dimension politique, socioéconomique et culturelle, et sur le tournant du xxe siècle.
" Le problème du XXe siècle est le problème de la ligne de partage des couleurs.
" Telle est l'intuition fondamentale de Du Bois dans Les Ames du peuple noir, oeuvre majeure de la littérature nord-américaine. Dans ce recueil d'essais publié en 1903, Du Bois évoque avec une puissance inégalée l'étendu du racisme américain et donne à voir au monde la réalité de l'expérience quotidienne afro-américaine dans l'Amérique de la ségrégation. Cette nouvelle traduction montre, inscrits dans la langue, tous les enjeux philosophiques d'un texte qui se veut également " littéraire ".
L'écriture élégante et passionnée de Du Bois tisse les souvenirs autobiographiques et les paraboles épiques avec les analyses historiques et sociologiques, construisant ainsi l'unité culturelle et politique du peuple noir à partir de la multiplicité de ses âmes individuelles. Le livre a inspiré l'essentiel de la conscience collective noire et des mouvements en faveur des droits civiques dans les années soixante et continue d'avoir un retentissement considérable sein de la communauté afro-américaine et au-dehors.
Dans Les Forêts du Maine Henry David Thoreau a rassemblé les récits des voyages qu'il fit dans les forêts du nord-est des États-Unis en 1846, 1853 et 1857.
Ce triptyque singulier de textes écrits en l'espace d'une quinzaine d'années, couvrant le coeur de la vie créatrice de l'écrivain, offre un accès privilégié à la complexité de sa vision du monde et de sa pensée. Du jeune romantique doué et ambitieux à l'observateur parvenu dans sa maturité, en passant par le prophète de la protection de la nature, s'y dessine l'image d'un homme pour qui l'exploration de la nature sauvage avait de larges résonances personnelles et collectives.
En le suivant pas à pas à travers ces vastes espaces naturels d'une beauté fascinante, à la rencontre des pionniers et des Indiens, le lecteur contemporain est entraîné dans une aventure intellectuelle qui l'invite à réfléchir au rapport moderne de l'homme à son environnement.
Ce premier roman (1949) retrace l'ascension puis la chute d'un fils de fermier de l'East Mississippi - Hugh Bart, l'intrus aux talents éminents. Il parvient à intégrer la classe des grands planteurs du Delta et à restaurer dans sa splendeur d'antan Solitaire, fief de l'illustre lignée des Jameson qui compte parmi les siens l'un des fondateurs du comté et un héros de la guerre de Sécession. Il revient à son petit-fils de narrer la geste d'un aïeul victime de son penchant pour le romantique et le chevaleresque - véritable Don Quichotte du Delta et grand chasseur devant l'éternel, qui s'efforça en vain de maintenir les valeurs du Vieux Sud, sapées par l'irruption du progrès et de la modernité, et emportées par le vent de l'Histoire.
L'intrigue se déroule pendant la période charnière d'un demi-siècle comprise entre la guerre de Sécession et la Première Guerre mondiale, où l'Amérique perd définitivement son innocence originelle de « Peuple élu de Dieu ».
Le propos de ce livre repose sur une conviction, qui vaut comme méthode lorsqu'il s'agit d'aborder la critique d'art de Baudelaire : on ne peut penser la bonne peinture qu'au miroir de la mauvaise. On ne comprend pas complètement la valeur propre qu'une oeuvre réussie prend aux yeux du poète si l'on ne possède pas de contre-exemple auquel l'adosser ou la confronter. Ce qui est moqué, ce qui est tourné en dérision, tout ce qui se trouve relégué dans ce que Baudelaire nomme « l'hôpital de la peinture » offre une diversité lexicale bien plus riche que l'appréciation, si complexe fût-elle, d'un idéal propre au critique.
« Faut-il comprendre la poésie d'Emily Dickinson ? » Par l'audace d'une telle interrogation, Pascal Aquien avait posé d'emblée à la poésie de Dickinson la question qui traverse ce livre, en établissant avec force l'évidence obscure de cette poésie, comme s'approchant de celle du monde. Il signalait, d'entrée de jeu, le danger qui menace l'herméneute, affronté à l'épreuve de l'inexpliqué, au poids de non-sens du poème, qui exige pourtant d'être lu à la lettre. On trouvera ici des lectures qui se sont nourries d'une longue fréquentation poétique. On fera profit de très belles « explications de texte » qui sont autant d'approches du sens. Surtout, chacun se trouvera relancé dans sa lecture personnelle, fortifié et démuni, invité à reprendre la tâche, à refaire ces parcours afin d'en découvrir d'autres. En vue de nouveaux et précaires « arrangements » du sens et de ses éclipses.
Est-il possible de mesurer le bien-être subjectif des Français en analysant les messages qu'ils publient sur Twitter ? Quels sont les avantages et les limites de cette approche ? Et que peut-on apprendre de l'analyse de leurs émotions à partir de cette nouvelle source de données ? Cet opuscule présente les résultats d'un travail de recherche original issu de l'analyse de plusieurs dizaines de millions de messages publiés sur Twitter entre 2010 et 2021. L'auteur commence par décrire une méthodologie susceptible de construire des indicateurs de sentiment et d'émotion de manière automatique. L'analyse des mots clés et des hashtags permet de révéler les principaux sujets qui intéressent les Français et les émotions associées au traitement de chacun. Des indicateurs désagrégés sont aussi présentés - par genre, âge et catégorie socio-professionnelle -, qui permettent d'analyser de manière plus fine les déterminants des variations du bien-être subjectif. L'analyse des messages illustre un net décrochage du moral des Français - et une hausse de leur colère - à partir de la fin de l'année 2018, au moment du mouvement des Gilets jaunes. Après une forte montée de la peur quand s'est déclarée la Covid-19, la colère est l'émotion qui a repris le dessus depuis le milieu de l'année 2020, autour des thématiques de la #politique et de la #santé, en dépit d'une augmentation des émotions relatives à l'#économie.
Cuore (« Coeur »), que les Italiens appellent couramment Le livre Coeur, a été le texte le plus lu en Italie entre sa publication en 1886 et la fin des années 1960. Reconstituant les multiples événements d'une année scolaire vécue par des enfants de Turin, il a connu une immense fortune littéraire avant de susciter chez certains intellectuels comme Umberto Eco une profonde et spirituelle aversion. Depuis sa traduction incomplète et approximative en 1892, on ne disposait d'aucune édition critique intégrale en français de ce livre, dont la portée pédagogique et politique pour l'Italie de la fin du XIXe siècle est comparable à celle du Tour de la France par deux enfants sous la IIIe République, et qui permet d'appréhender l'alchimie rêvée des vertus individuelles, civiques et patriotiques dans l'Italie libérale et bourgeoise une génération après son unification. Lire Le livre Coeur aujourd'hui, que l'on soit captivé ou irrité par l'abondance des bons sentiments qui s'y expriment, c'est d'abord vouloir retrouver une société où les apprentissages personnels prennent leur sens en incarnant une communauté nationale idéale.
Un empereur, un général, un historien... Trois destins se croisent dans l'Europe des débuts de notre ère. Au même moment, aux frontières, la guerre sévit contre les barbares. L'Empire romain va-t-il enfin triompher une fois pour toutes des Britanniques ? La résistance s'organise chez ces habitants des confins du monde connu, les derniers à être libres. Mais l'île n'est pas l'unique théâtre d'une lutte sans merci... L'aventure d'Agricola se poursuit à Rome. Le fil de sa destinée n'a jamais cessé de s'y tramer. L'ancien gouverneur de Grande-Bretagne finit-il empoisonné par Domitien ?
Avec une lucidité mordante, son gendre, le grand historien Tacite (vers 55-vers 120 après J.-C.) livre son propre témoignage, rendu ici dans la langue d'aujourd'hui. Nourri des dernières avancées de la recherche en études anciennes, cet album puise dans l'iconographie du monde romain mais emprunte aussi aux époques ultérieures quelques représentations familières pour transposer le De uita Agricolae pour la première fois en images. www.tacitusincomics.com
Comment mesurer les enjeux politiques de la traduction dans un monde fracturé, du point de vue de sa pratique comme des réflexions théoriques qu'elle appelle ? C'est le défi relevé par ce livre. Revenant sur « la tâche du traducteur » (W. Benjamin), il articule deux ordres de problème : le premier concerne l'inscription des traductions dans l'histoire et la prise en considération d'un double contexte - celui du texte original dans son moment propre et celui de leur écriture dans une autre aire culturelle et un temps différé, avec des risques toujours possibles de décontextualisation. Le second a trait à un « humanisme de la traduction » (B. S. Diagne) dans un monde d'échanges inégal. Les traductions sont le vecteur privilégié d'un autre accès au monde : mais comment en corrigent-elles l'injustice ?
Traduit une première fois en 1953, ce roman faulknérien servi par une écriture splendide devait être réédité. Il égale, à plus d'un titre, les plus belles réussites de la littérature sudiste contemporaine, et c'était celui de ses six romans que Shelby Foote préférait.
Ampleur de la période historique embrassée, de la fin de la guerre de Sécession à la Seconde Guerre mondiale, ingéniosité de l'intrigue, personnages inoubliables, subtilité de l'analyse psychologique, richesse des thématiques abordées, exigence non dénuée d'humanité, portée par un humour parfois désespérant - L'Amour en saison sèche démontre de manière exemplaire ce que peut être une fidélité vraiment créatrice.
L'oeuvre nous transporte dans ce Sud qui a toujours fasciné les lecteurs français à travers ses plus brillants représentants : Edgar Poe, Eudora Welty, Flannery O'Connor, Truman Capote, Erskine Caldwell, William Styron...
Une redécouverte.
Paru chez Einaudi en 1962 et régulièrement réédité depuis, La Guerre des pauvres fait revivre, à partir du journal tenu par l'auteur, un chapitre héroïque méconnu de l'histoire de l'Italie, depuis la campagne de Russie (il s'engage en juillet 42) jusqu'à la Libération (Cuneo est libérée fin avril 45).
Officier du corps expéditionnaire italien sur le front de l'Est dans la division Tridentina, Revelli raconte l'immense défaite et la retraite tragique qui, à la suite de la contre-offensive russe sur le Don, jettent à travers la steppe gelée des dizaines de milliers d'hommes, dont peu survivront. Après, écrit-il, sa vie ne sera plus la même. Quittant l'armée, il prend les armes dans le maquis des Alpes et mène au jour le jour, comme chef partisan puis en tant que commandant de l'une des brigades antifascistes Giustizia e libertà, un autre combat - contre les détachements mussoliniens de la République de Salò et contre les troupes hitlériennes.
Au fil des jours et des pages de ce livre-vérité s'affirment la cohérence d'un destin individuel, la dignité des humbles pris dans la folie absurde de l'histoire, la force du témoignage sur « la guerre vue d'en bas ». Portées par une prose sèche et abrupte, une écriture blanche de mémorialiste qui s'invente en marchant et en luttant, loin de la rhétorique du combat ou du sentiment.
Entre Le Sergent dans la neige de Mario Rigoni Stern (1953) et La Guerre sur les collines de Beppe Fenoglio (1968), une autre voix s'élève, qui confère à ces anti-mémoires de guerre une puissance quasi physique et la dimension d'une épopée.
Si la pandémie à la Covid-19 a eu des conséquences importantes sur l'économie du football, la riche actualité (économique) de ce sport va bien au-delà de la crise sanitaire. Au niveau européen, l'annonce de la création (avortée) de la Super League en avril 2021 a provoqué un petit séisme et suscité l'ire des supporters. L'atonie du marché des transferts sur les deux dernières saisons a mis en difficulté les clubs dont le modèle économique repose sur le trading joueurs. Les problèmes financiers de certains gros clubs européens ont incité l'UEFA à revoir le fair-play financier avec l'introduction d'un « salary cap ». L'arrivée du fonds souverain saoudien à Newcastle en octobre 2021 a bousculé les clubs de Premier League et l'entrée des fonds d'investissements dans le football, non seulement dans les clubs, mais aussi au niveau des ligues, interroge. Du côté français, la période a été marquée par la défection du diffuseur Mediapro, mais le football a pu se réjouir du transfert de Lionel Messi au PSG à l'été 2021. L'hypothèse soutenue dans ce livre est que le football entre dans une nouvelle ère : l'hypermodernité. On en donne les arguments et les outils. En particulier, les thèmes des inégalités et de la croissance, comme d'ailleurs dans la société, sont centraux pour envisager l'avenir du football, notamment l'émergence de la Super League européenne. NB. Coupe du monde hommes : 21 novembre - 18 décembre 2022
Ce texte est né d'une idée originale de De Amicis : faire des tramways à chevaux de Turin à la fin du XIXe siècle un sujet d'écriture romanesque. Pendant les douze mois de l'année 1896 (une année marquée par la funeste guerre d'Afrique entre l'Italie et l'Éthiopie), ces « carrosses de tout le monde » qui sont un lieu de rencontre de toutes les classes sociales, serviront à l'écrivain d'observatoire privilégié. Dans ce roman « expérimental » - qui pourrait aussi être défini comme un singulier récit de voyage et un livre-enquête -, les personnages sont les passagers, dont certains, au gré de leurs apparitions répétées, vont composer une véritable galerie : leurs personnalités, révélées par le regard pénétrant du narrateur, forment un roman choral où les trajectoires des uns et des autres se trouvent reliées au sein d'une structure unitaire. La simplicité de l'invention est compensée par la précision avec laquelle est décrite la société d'une grande ville italienne, fière des gloires du Risorgimento mais vivant à l'enseigne d'une activité intense et de la culture de masse naissante. La « question sociale » joue un rôle fondamental et constitue l'un des filtres du jugement de De Amicis, qui venait d'adhérer au parti socialiste ; sa vision du socialisme ici n'est pas celle de la lutte des classes, mais plutôt d'une collaboration apaisée.
Le 11 janvier 2013, dans une allocution télévisée, le président François Hollande annonçait que la France intervenait militairement pour venir en aide au Mali, alors que des groupes armés qualifiés de terroristes semblaient se diriger vers la capitale, Bamako. Cela marquait le début de l'opération Serval. Quoi de plus proche, en apparence, d'une décision souveraine et individuelle que cette annonce ? Le propos de cet ouvrage, appuyé sur un travail de terrain de plusieurs années (sources ouvertes, archives classifiées, entretiens, prosopographie...), est pourtant à rebours d'une perspective qui prétendrait isoler des moments discrets de la décision en en faisant une substance, saisissable et traçable : il s'attache à déplier ce que sont toutes les conditions plus générales de possibilité d'une entrée en guerre, et à identifier les luttes politiques et bureaucratiques au sein de l'appareil d'État dans lesquelles elle s'encastre. Il entend aussi montrer que l'on peut travailler empiriquement sur les sommets de l'État, fût-ce dans des domaines que l'on imagine verrouillés par le « secret défense », et que les relations internationales relèvent, en cela, du travail ordinaire des sciences sociales.