Depuis une vingtaine d'années, on commence à mieux connaître en France la vie et l'oeuvre de Victor Klemperer, ce philologue juif allemand qui a décrypté la langue du Troisième Reich et lui a miraculeusement survécu. Ses carnets, dans lesquels il a consigné pendant plus d'une décennie les distorsions que les nazis faisaient subir à la langue allemande, sont devenus un document incontournable pour saisir ce qu'est le totalitarisme. L'expérience singulière et tragique de cet homme qui a trouvé son salut dans l'étude obsessionnelle de l'idiome nazi est ici le point de départ d'une réflexion sur la situation actuelle du langage. Pour peu qu'on l'écoute vraiment, la langue dit toujours la vérité d'une époque. À travers ses transformations, dans la confusion des sentiments et l'ambiguïté´ des mots, s'imposent certaines idées et représentations qu'on a longtemps qualifiées d'idéologie avant que ce terme ne tombe en disgrâce. Cet ouvrage collectif entreprend de montrer les modalités suivant lesquelles l'idéologie se déploie aujourd'hui, en croisant l'approche linguistique héritée de Klemperer, la tradition critique en sciences sociales qui a su historiquement la conceptualiser, et une problématisation des systèmes techniques qui permet d'analyser l'automatisation du langage. Faire de Klemperer notre contemporain, c'est nous confronter au discours publicitaire et aux algorithmes du web mondialisé en nous armant du principe d'exactitude qui guidait l'écriture de son journal intime. Observer froidement ce que la langue subit, pour avoir une chance de lui rendre sa richesse, sa polysémie et sa force poétique.
L'irruption de Donald Trump dans la vie politique américaine a brutalement mis en lumière le fossé d'incompréhension et de rancoeur qui sépare aujourd'hui les classes populaires blanches rurales ou périurbaines et les cadres supérieurs libéraux des grandes métropoles. Cette polarisation a également touché la France et une grande partie de l'Occident, dont elle redéfinit à une vitesse déconcertante le paysage politique. Joan Williams s'efforce ici de renouer le dialogue entre des populations qui se sont tourné le dos. À travers une série de questions sociétales portant notamment sur le travail, l'éducation et les valeurs, elle restitue les modes de vie, les ambitions et le devenir d'une classe ouvrière blanche en déclin démographique, durement touchée par la crise économique et en partie abandonnée par le Parti démocrate. S'appuyant sur une riche tradition d'études sociologiques dont il fait la synthèse, ce livre illustre la centralité des problématiques de classe et affirme que venir en aide aux blancs ruraux n'est nullement incompatible avec la lutte pour l'égalité raciale ou le féminisme. Au coeur de ce nécessaire effort de médiation émerge la figure du transfuge social, acteur malgré lui mais aussi témoin privilégié de la tectonique des classes. Dans les jours qui ont suivi l'élection de Donald Trump à la présidence, Joan Williams a d'abord publié un essai dans la Harvard Business Review expliquant comment l'indifférence ou le mépris pour la classe ouvrière contribuent à la montée du populisme. Le succès historique de cet article, lu par plusieurs millions d'américains, l'a encouragée à développer sa pensée dans ce plaidoyer pour la classe ouvrière qui est un document de première importance sur l'histoire contemporaine des États-Unis.