Les Ze-Ka ou Zeks (abréviation écrite sous la forme « z/k » de « zaklioutchonny kanaloarmeets ») ce sont les « détenus-combattants du canal », ces esclaves d'un des grands chantiers soviétiques du début des années 1930, le canal mer Blanche-Baltique. Le terme désigne par la suite tout détenu des camps du Goulag. Comme l'écrit Julius Margolin : « Le pays des Ze-Ka ne figure sur aucune carte soviétique et ne se trouve dans aucun atlas. C'est le seul pays au monde où il n'y a aucune discussion sur l'URSS, aucune illusion et aucune aberration. » Enfin publié par nos soins dans son intégralité en 2010, sous son titre original, le Voyage au pays des Ze-Ka est l'un des plus bouleversants témoignages jamais écrits sur le Goulag. Le livre était précédemment paru, abrégé, en France en 1949 sous le titre La Condition inhumaine, bien avant les chefs-d'oeuvre de Soljénitsyne et de Chalamov. Cet hallucinant récit de cinq années passées dans les camps soviétiques ne le cède en rien à ceux de ses célèbres successeurs, ni pour la qualité littéraire, ni pour l'acuité de pensée et la hauteur de vue avec lesquelles l'auteur s'efforce de donner un sens à son expérience, aux limites de l'humain. « Il est absurde et incompréhensible qu'un livre de l'importance de Voyage au pays des Ze-Ka, [...], n'ait jusqu'ici jamais pu figurer à sa place dans les bibliothèques : aux côtés de Si c'est un homme, de Primo Levi et des Récits de la Kolyma, de Varlam Chalamov (entre autres, mais avant tout) ; autrement dit, aux limites et au coeur de ce que la littérature peut révéler de l'espèce humaine », écrivait dans Libération, Philippe Lançon au moment de sa parution. Douze ans plus tard, notre seul best-seller est devenu un classique de la littérature sur les camps, il a été traduit chez de grands éditeurs en Allemagne, en Pologne, et aux États-Unis (préfacé par l'auteur de Terres de sang, Timothy Snyder). Dans sa présentation du livre, en 2010, Luba Jurgenson écrivait : « Margolin fut témoin de cette page de l'histoire encore insuffisamment connue en France qui fait suite au pacte Molotov-Ribbentrop, à savoir la répression soviétique contre les citoyens polonais affluant massivement de la Pologne occidentale et, plus généralement, le nettoyage des confins pratiqué dès le début de l'occupation soviétique sur les territoires destinés à faire partie de l'URSS. Ces purges, qui visaient à la russification des populations, devaient assurer en premier lieu la destruction des élites et des institutions démocratiques, étape déjà réalisée partout ailleurs en Union soviétique. » La Russie de Poutine, en se livrant à nouveau à ce qui s›apparente au « nettoyage des confins » de sinistre mémoire, s'est hélas chargée de rendre au Voyage au pays des Ze-Ka une brûlante actualité, et il était donc urgent de rééditer dans une collection de grande diffusion. Pour cette réédition, le livre est augmenté des neuf chapitres dans lesquels, sous le titre « Le chemin vers l'Occident », l'auteur relate son retour en Palestine depuis Slavgorod, en Asie centrale, où Margolin s'était rendu à sa sortie du goulag, jusqu'à son embarquement à Marseille, en passant par la Pologne où il retourne à Lódz, où il marche au milieu des ombres de ses concitoyens juifs disparus « comme un somnambule ». Et des repères cartographiques qui permettent de suivre ses tribulations.
Présages, prémonitions, intuitions et déceptions : toutes les cultures humaines ont connu des techniques et des formes d'inspirations autorisant à deviner l'avenir, qui souvent ne se réalisent pas exactement comme prévu. Serions-nous devenus totalement sourds à de telles perceptions, ou cette capacité est-elle seulement enfouie ? L'ouvrage convie à un voyage à travers la mythologie, la littérature et des épisodes de la vie quotidienne. De la tragédie grecque ou des devins des anciennes dynasties chinoises aux rêves prémonitoires de Franz Kafka, mobilisant des descriptions de rituels oraculaires, confessions d'écrivains, souvenirs d'amis, collages émotionnels, le livre dessine par petites touches les figures de cette inéliminable puissance de connaissance de l'avenir.
Féminismes islamiques : un titre qui en fera sursauter beaucoup, y compris parmi celles et ceux qui se pensent à l'abri de tout préjugé.
C'est que le stéréotype « islam = oppression de la femme » croise partout comme un sousmarin, tantôt en surface et pavillon haut, tantôt dans les profondeurs de l'inconscient.
Les deux upanishad (litt. : enseignements, doctrine) présentées dans ce volume sont les plus anciennes et les plus importantes parmi la centaine de textes que compte ce corpus. Elles transmettent à la fois des données essentielles sur le rituel védique, ses formules, ses gestes et son sens, mais elles constituent aussi une source d'information de premier ordre sur les cosmologies des anciens Indiens. Témoins du passage d'une société ancienne très ritualisée à un monde qui se dote d'institutions et de nouvelles conceptions religieuses, elles sont une source d'information précieuse sur l'histoire religieuse, sociale et intellectuelle de l'Inde ancienne.
L'introduction de Patrick Olivelle permet de comprendre ce que sont les upanishad, quand, où et par qui elles ont été composées et d'appréhender leur place dans le corpus védique.
« L'Évangile selon Marie », « L'Apocalypse selon Lilith » et « L'Arche de Noréa ». Ces trois textes s'inscrivent formellement dans la tradition liturgique chrétienne qu'ils mettent à distance de manière subversive et critique. S'entrechoquent ainsi parole religieuse et discours politique, dans la société moldave patriarcale qui est celle où Nicoleta Esinencu a grandi, où le rôle créatif des femmes se cantonnait à la procréation et aux tâches ménagères. Elle évoque l'oppression subie par les corps féminins, violences, viols, et fait s'élever un chant païen de libération à travers la parole. Détrônant Père et pères, elle célèbre la libération de la parole féminine, mêlant souvenirs d'enfance, détournement de prières traditionnelles et écriture de nouveaux versets parodiant la parole biblique. Elle déconstruit ainsi les piliers religieux et sociaux d'un monde occidental essoufflé en faveur de la reconstruction poétique du monde.
Le Yi Jing est l'une des sources fondamentales de la culture chinoise. Il en a accompagné les soubresauts depuis ses origines jusqu'à devenir au XXème siècle un ouvrage de portée universelle. De ses premiers rudiments de l'âge du bronze à son intégration en tant que Classique au corpus littéraire chinois, le Yi Jing a condensé les aspects principaux de cette pensée pour devenir la véritable grammaire du Yin-Yang, le langage commun à toutes les disciplines auxquelles s'intéresse aujourd'hui l'Occident (médecine traditionnelle, arts martiaux, tai-chi chuan & qi gong, feng-shui, calligraphie, etc.).
Pour les personnes intéressées par les cultures orientales cependant, le Yi Jing demeure souvent une énigme. La traduction qui a fait référence pendant des années, celle de Richard Wilhelm (1924) est aujourd'hui dépassée. Après l'éphémère mode des années 60 à laquelle elle a donné lieu, et malgré les tentatives de restitution qui ont suivi, il restait d'actualité d'en donner une version claire, qui ne soit pas réservée aux seuls spécialistes, sans pour autant tomber dans les facilités de vulgarisations qui en abîment le texte et en édulcorent l'esprit.
Cet ouvrage propose une nouvelle traduction de l'original chinois, accompagnée de commentaires actuels, propres à faciliter l'entrée dans le monde des Mutations. Le corps principal du livre est la traduction commentée des 450 paragraphes du texte original (les 64 hexagrammes) et de textes rattachés lors de sa canonisation sous les Han (Grandes et Petites Images, Dixième Aile). Il comprend également :
· des tableaux explicatifs placés à la fin de chacun des 64 chapitres (le déroulement en six temps de l'hexagramme, ses différents sens, les défis qu'il invite à relever), ainsi que des éclairages comparatifs avec d'autres figures · l'explication des deux méthodes permettant d'effectuer des tirages · une étude des 64 figures regroupées par familles nucléaires · un historique intitulé Les quatre temps du Yi Jing · la traduction de plusieurs des commentaires officiels rattachés au livre, les Dix Ailes.
Cet ouvrage se situe dans le prolongement de ce que l'on peut désormais appeler une tradition occidentale du Yi Jing, laquelle a commencé au XXème siècle sous l'impulsion de C.G. Jung. Il invite le lecteur à se positionner de manière juste en toute circonstance, ce qui a toujours été et reste l'objet de cet instrument, qui tient autant de la boussole que du livre. Le lecteur pourra se rendre compte par lui-même que les descriptions fournies par le Yi Jing se révèlent toujours d'une étonnante pertinence. Ni retour à l'obscurantisme, ni démission de la raison, le Classique des Mutations est au contraire un moyen pour comprendre les dispositifs du présent et discerner, dans chaque situation particulière les germes du devenir.
La Vie de Christine l'Admirable ressemble à un roman gothique d'Italo Calvino, à ceci près que l'ouvrage fut rédigé en 1232 à Saint-Trond en Hesbaye par un jeune dominicain, huit ans après son décès, sur la foi de témoignages recueillis sur place avec la plus grande circonspection. La protagoniste du récit est l'une de ces nombreuses femmes du diocèse de Liège qui avaient choisi de mener une vie sainte sans entrer dans une institution établie. Elle constitue en même temps une anomalie, tant les pénitences qu'elle s'inflige sortent de l'ordinaire et s'apparentent parfois au comportement de chamanes. Son cas invite ainsi à réfléchir à la persistance dans les dévotions médiévales de mémoires plus anciennes. Ses manières étranges, auxquelles Nick Cave a été sensible en lui consacrant une chanson, conduisent à poser la question de la réalité du merveilleux dans l'histoire. L'ouvrage se compose d'une traduction de sa Vie, dont le texte latin fait l'objet d'une édition critique présentée en annexe, de commentaires historiques et d'un essai d'interprétation anthropologique.
L'auteur met en relief les divergences fondamentales entre le judaïsme et le christianisme et analyse ce différend qui ne disparaîtra peut-être jamais.
Ce qui fait encore et toujours surface, ce sont les différences et même l'impossibilité de faire quelque synthèse que ce soit, malgré le dialogue interreligieux qui s'est instauré depuis quelques décennies. Des deux côtés, il existe une incapacité de dépasser les grandes questions théologiques, ne fût-ce que par rapport à la Loi juive qui, selon le christianisme, a été remplacée par le sacrifice de Jésus. Benoît XVI le dit tout au long de ses écrits et de ses discours. Pour lui, la Loi est en fin de compte caduque. Du côté juif, on ne bouge pas non plus d'un iota, comme le penseur juif Yeshayahou Leibowitz le dit dans ses livres. À travers cette analyse comparative, l'auteur arrive à la conclusion qu'il faudrait « reconvertir le dialogue théologique » et lui donner d'autres défis, ayant pour but d'améliorer dans l'immédiat la vie des hommes.
Dans les années qui suivirent la mort de François d'Assise en 1226, les frères mineurs - ses fils spirituels - prirent soin de rassembler et de copier ses écrits, de rédiger et de diffuser ses biographies : l'enseignement qu'il avait laissé à la fois par ses mots et par son exemple. Tous les groupes qui souhaitent s'institutionnaliser ressentent ce besoin de s'ériger en « communauté textuelle », fondée sur un corpus qui fasse consensus, « sens commun ». Mais il est rare que la figure du fondateur y occupe un telle place, confinant ici au culte de la personnalité. Le paradoxe est que cette élaboration textuelle s'est développée autour d'un homme qui, en son temps, était considéré comme un illettré, un idiota, puisqu'il ne maîtrisait pas parfaitement le latin. Quelques décennies plus tard, au regard des constitutions de 1239, François aurait eu le plus grand mal à se faire recruter dans sa propre fondation et un abysse culturel le sépare d'un frère lettré comme Bonaventure, théologien à l'université de Paris et ministre général à partir de 1257. Pourtant, toutes les anthologies d'écrits franciscains (écrits de François et sur François), qui existent aujourd'hui dans la plupart des langues modernes, présentent comme un corpus homogène cet agglomérat improbable de niveaux de culture, couvrant la totalité des degrés d'alphabétisation distingués par le grand paléographe italien Armando Petrucci, notamment dans Promenades au pays de l'écriture (Zones sensibles, 2019). La première originalité de Corpus franciscanum est de mettre en évidence cette bigarrure, plutôt que de chercher à l'estomper, et de tenter d'en comprendre les multiples implications. Des paroles dictées par François en ombrien et retranscrites en latin par un scribe plus instruit que lui sont-elles vraiment un écrit de François ? Où commence un texte ? Où s'arrête-t-il ? Une légende insérée dans l'office fait-elle partie du texte de l'office ? Un recueil de miracles posthumes prolongeant la biographie du saint fait-il partie de la légende ? Du moment où l'on accepte ces remises en cause, on se rend compte que la fameuse « question franciscaine » - ce puzzle des écrits franciscains que l'on tente de reconstituer depuis quelque cent vingt ans - a été posée sur des bases tout aussi artificielles, plus idéologiques que codicologiques. Si l'on prend en compte la seule réalité dont nous disposions - la réalité « codicologique », celle des codices manuscrits -, il apparaît soudain que tous les scénarios élaborés depuis plus d'un siècle, opposant telle légende dissidente à telle autre officielle, n'ont aucune base réelle puisque ces deux textes sont transmis par le même volume manuscrit et ne risquent guère de provenir de factions adverses. Corpus franciscanum comporte deux parties. Dans la première, Jacques Dalarun conte une nouvelle histoire des origines franciscaines au travers du corpus des écrits et des légendes. La seconde partie consiste en 45 double-pages où, dans chacune d'entre elles, est reproduit en très haute définition et à l'échelle 1/1, un manuscrit dont il est question dans la première partie de l'ouvrage. Chaque manuscrit est succinctement présenté et analysé, de sorte que l'on puisse consulter les manuscrits indépendamment du texte de la première partie, ou lire le texte indépendamment des manuscrits.
« Me tournant alors vers l'expérience de mes parents, je rapporte et essaie de comprendre leur choix de vie, leur décision de ne pas quitter la Pologne après la guerre, eux, rescapés de la Shoah. Mon père et ma mère sont devenus, tous deux, éditeurs et journalistes. L'un et l'autre se sont adaptés à la République populaire de Pologne, d'abord ensemble : puis mon père est resté seul là-bas, tandis que ma mère, en est partie après 1968 et s'est installée aux États-Unis. » Joanna Kubar, en interrogeant la vie de ses parents, tente de répondre à une question universelle : quel est le sens de notre attachement à notre terre d'origine?
Elle-même se pense comme Française d'origine « Juive polonaise ».
APPARUS dans l'Histoire au tout début de notre ère, originaires d'une petite région localisée dans le cours supérieur du Dniepr, sur les actuelles Ukraine et Biélorussie, les Slaves, par le biais d'une expansion qui fut particulièrement rapide, ont occupé avant le Xe siècle une très large partie de l'Europe. À l'Ouest, ils se sont installés sur des terres laissées quasi-vides par les Germains. Au Sud, dans le sillage des Goths puis des Bulgares, ils se sont implantés dans l'Empire romain, jusqu'à coloniser une large part des campagnes de la Grèce. À l'Est, ils ont petit à petit repoussé des populations baltiques et finno-ougriennes
D'un côté, la révolution néolithique correspond à l'avènement d'un pouvoir qui s'exerce sur le travail humain, l'imperium, d'où procède l'antagonisme entre maîtres et esclaves, oppresseurs et opprimés. De l'autre, elle constitue l'amorce d'un processus d'émancipation, celui par lequel les êtres humains commencent à s'affranchir de l'empire des forces naturelles avec une détermination absolument nouvelle. Certains en ont déduit que la domination de l'homme sur l'homme était une condition de la transformation du monde. Telle est du moins l'idée que véhiculent les mythes des civilisations impériales de l'Antiquité, selon lesquels les humains auraient été créés pour servir les dieux ; celle dont témoignent aussi bien les thuriféraires du capitalisme. Où donc situer le point de rupture avec cette antique justification de la servitude ?
Interrogeant, à la suite de Foucault, « la vérité sur ses effets de pouvoir et le pouvoir sur ses discours de vérité », Ivan Segré situe celui-ci non pas dans l'émergence de la rationalité occidentale, mais dans le récit biblique de la création du monde et de l'humain. Car prise à la lettre, la Bible hébraïque se présente en effet comme un acte de subversion sans précédent des mythes impériaux. Nourri par une connaissance encyclopédique tant de la tradition philosophique que de l'histoire du judaïsme, cet essai propose une exploration inédite de l'injonction anarchique, ou adamique, à destituer le principe de domination.
L'oeuvre de Maurice Blanchot est entrée dans l'ère du soupçon. Sa trajectoire - de l'engagement nationaliste et des articles antisémites d'avantguerre à la fascination pour le judaïsme et à la solidarité jamais démentie pour Israël - continue de provoquer l'incompréhension. Blanchot aurait, selon certains critiques, effectué un retournement analogue à celui qui l'a mené de l'extrême droite à l'extrême gauche et au « communisme de pensée » des années d'après-guerre. L'antisémitisme des années trente se serait inversé en philosémitisme - terme aux connotations tendancieuses. Des essais récents ont réactivé le soupçon, allant jusqu'à faire de Blanchot un Heidegger français.
À dix-sept ans, j'étais anti-conformiste, empoisonnant, impossible, incrédule, coupeur de cheveux en quatre, intransigeant, colérique, plein d'idées délirantes, et toujours prêt à me disputer avec mes camarades et à conduire mes aînés au bord de la rage et du désespoir.
Tout de même, je devais aussi avoir quelques qualités.
J'étais aussi innocent - pas seulement inexpérimenté, mais innocent dans la mesure où la haine m'était étrangère. C'était aussi le cas de mes deux frères ; nous n'avions aucune haine. Quant à l'expérience, c'est une qualité que tout le monde acquiert en cours de route.
Et j'étais devenu écrivain ; j'entendais le rester. Je n'avais jamais imaginé être quoi que ce soit d'autre, c'était bien la seule chose dont j'étais capable dans cette vie.
Qu'est-ce que voir ? Et que voit-on surgir quand on y regarde d'un peu plus près, quand on prête attention à l'expérience de la vision ? À l'occasion de certaines percées dans la trame habituelle des choses, d'ouvertures dans le cours ordinaire du monde, comme un simple coucher de soleil illuminant la ville, l'acte même de voir devient tout à coup sensible. Nous acquérons alors une connaissance intuitive à la première personne qui excède la simple objectivité, pour découvrir la profondeur du réel. Dans un tel regard, le sujet voyant et l'objet vu ne sont plus perçus comme deux pôles opposés et séparés, mais au contraire comme reliés, impliqués l'un dans l'autre. Afin d'explorer ce qui émerge lors de telles expériences, Damien Brohon invite à se tourner vers les enseignements des traditions contemplatives, en particulier ceux du bouddhisme qu'il pratique de longue date. Artiste et enseignant d'arts plastiques, il mène à petites touches une interrogation philosophique sur la nature de la réalité et notre accès à celle-ci - ou comment valider nos expériences intérieures et faire de celles-ci une réelle connaissance, partageable. Destiné à un large public, l'ouvrage est constitué d'une succession de brefs paragraphes où alternent des récits d'événements personnels, des réflexions philosophiques et des exercices proposés à la lecture, auxquels des oeuvres contemporaines servent de supports. Cette interrogation patiente, laboratoire du regard et de l'attention, convie au partage d'un cheminement à travers le visible, vers l'au-delà de toute apparence, de la vision à la contemplation.
Les trois volumes des Lettres à Didier parues aux éditions du Cerf entre 2010 et 2015 ont permis d'imposer le nom de Vincent La Soudière (1939-1993) commecelui d'un témoin majeur de la crise spirituelle de la fin du vingtième siècle, qui reste plus que jamais d'actualité. Quelques publications antérieures avaient auparavant attiré l'attention sur le destin de cet homme inquiet qui, ayant écrit toute sa vie, n'aura publié qu'un seul ouvrage de son vivant. Eschaton, le livre que nous éditons aujourd'hui, correspond au grand projet qui l'a occupé pendant les vingt dernières années de sa courte existence. Sylvia Massias en a transcrit et ordonné les fragments en se conformant minutieusement aux plans et projets laissés par l'auteur. On y suit un trajet spirituel qui, sous le signe d'une grande souffrance morale, vise à restaurer la confiance en la vie à la lumière de la foi chrétienne, en réaction contre le « nihilisme de notre siècle » qu'il combat en des pages d'une intensité prophétique. Dans la lignée de Pascal et de Nietzsche, il apparaît à la fois comme un penseur et un écrivain d'une force exceptionnelle.
Voilà près de cinquante ans que l'on attend la traduction française du livre de Phyllis Cohen Albert, La Modernisation du judaïsme français. Le Consistoire et la communauté juive au XIXe siècle. Non seulement parce qu'il s'agit d'un ouvrage d'une remarquable érudition mais plus encore parce que sa publication a marqué un tournant dans l'historiographie du judaïsme français et la vision que nous en avons. En rompant avec la présentation donnée par la philosophe Hannah Arendt, ce livre engage en effet le grand tournant des études juives en France, lequel se poursuit jusqu'à aujourd'hui.
Par l'originalité de sa documentation, l'étonnante diversité de ses sources et l'ampleur de son érudition, suétone nous a livré des portraits passionnants des empereurs du 1er siècle de l'empire romain.
Soucieux de présenter la complexité de leur personnalité et de leur caractère, il fouille leur vie privée dans ses moindres détails. avec lui, un nouveau genre littéraire et historique voit le jour : la biographie impériale, qui témoigne de la personnalisation du pouvoir. grâce à suétone, nous découvrons les disgrâces physiques de claude (41-54 ap. j. -c. ), ses talents littéraires ; nous savons tout de néron (54-68 ap.
J. -c. ), jeune empereur perverti par le pouvoir, sanguinaire et cruel, mais aussi esthète et artiste adulé.
- Joseph Moingt est l'auteur d'un bestseller chez Temps Pre%sent : « Croire quand me)me », vendu a- 20 000 exemplaires. C'est un the%ologien de re%putation internationale., une personnalite% du monde catholique. Il est a)ge% de 102 ans.
- Le livre paraî)t a- la pe%riode des cadeaux de Noe4l.
Salomon Ibn Gabirol, philosophe néoplatonicien, et poète prolifique hébraïque de l'Espagne musulmane, est né à Malaga vers 1021/1022. Son livre de l'amélioration des qualités morales est un petit traité écrit dans un langage populaire. Les pages originales de cet ouvrage mêlent l'écriture cursive arabe à l'alphabet hébraïque, utilisé pour citer la Torah. L'auteur y a intercalé un grand nombre de sentences puisées dans la Bible, chez les auteurs profanes de l'Antiquité et chez les poètes arabes.
Signe de la coexistence, riche en savoirs, mais d'une période tout aussi tourmentée qui régna entre musulmans, juifs et chrétiens durant l'histoire médiévale d'Al-Andalus, la traduction de ce livre, écrit en arabe par un philosophe juif en terre espagnole, sous califat musulman, ne célèbre pas seulement le millénaire qui nous sépare de la naissance d'Ibn Gabirol (1021/1022-2022). Elle se veut témoignage, sinon des dialogues directs qui ont marqué ces diverses cultures, de leurs riches échanges et emprunts culturels, témoignage d'une époque que Roger Arnaldez qualifia d'«?heureuse rencontre des esprits?».
Soulever la question de la religion en prison en France, c'est immédiatement évoquer la surreprésentation supposée des musulmans, ainsi que celle de leur non moins supposée dangerosité potentielle.
La cause semble entendue : la prison est le creuset de la radicalisation.
Les antécédents judiciaires des auteurs des massacres commis au nom de l'islam en France depuis 2012 ont très largement alimenté cette thèse. Bien que les trajectoires de radicalisation ne passent pas nécessairement par la prison, le débat public laisse penser que les prisons sont devenues des « universités du jihad ». L'incarcération de plus de 500 personnes pour faits de terrorisme islamiste depuis 2014 et les agressions de surveillants par des détenus radicalisés n'ont fait qu'amplifier ce climat d'anxiété générale. Quel que soit le traumatisme provoqué par le terrorisme, la peur est mauvaise conseillère. Car c'est bien le spectre du terrorisme qui, des années 1990 aux années 2000, a fait émerger l'idée que l'islam est la première religion carcérale et surgir les décomptes à la rigueur douteuse des musulmans incarcérés.
C'est encore elle qui a été le moteur de l'organisation d'une offre institutionnalisée d'islam, livré jusqu'au début de ce siècle à l'attentisme et aux traitements discrétionnaires des acteurs de terrain.
Cet ouvrage ne se contente pas de pointer les effets pervers de la politique carcérale concernant l'islam telle qu'elle s'est mise en place depuis les années 2000. Il interroge aussi la manière dont l'univers carcéral conditionne la pratique religieuse. Si la prison produit une intensification du rapport au religieux, c'est peut-être que celui-ci s'offre comme une ressource pour affronter l'épreuve carcérale. À travers cette intensification, dont on montrera qu'elle peut se faire pour le pire comme pour le meilleur, se lit aussi la faillite de notre prison qui n'a de républicaine que le nom. La question de la radicalisation, qui aurait pu être l'occasion de réfléchir à notre vision de la peine, est une nouvelle illustration de l'abandon de l'ambition resocialisatrice de la prison au profit de ses seules fonctions d'expiation et de neutralisation.
Sacrifices humains, siège de Tenochtitlan, serpent à plumes : la civilisation aztèque a ses images d'Épinal, qui tendent à masquer des réussites plus subtiles. À la tête d'un grand empire politique et économique, mais aussi héritiers des cultures antérieures à la leur dont ils ont brillament fait la synthèse et parfois même amélioré les apports, les Aztèques ont su développer une pensée et une vision du monde profondément originales, qui trouvent des échos jusque dans la culture du Mexique contemporain.
Deux mille ans de monothéisme nous ont habitués à croire que Dieu ne pouvait être qu'unique, exclusif, vrai. En revanche, les polythéismes antiques envisageaient la possibilité de faire correspondre entre eux dieux et déesses provenant de différentes cultures (l'Artémis grecque et la Diane romaine, l'Égyptienne Isis et la Grecque Déméter), ou même d'accueillir des divinités étrangères dans leur propre panthéon. Cette disposition à l'ouverture a fait que le monde antique, même s'il a connu les conflits, voire les carnages, est resté étranger à la violence de nature religieuse qui a, au contraire, ensanglanté les cultures monothéistes et continue de le faire. Serait-il possible aujourd'hui de puiser aux ressources du polythéisme pour rendre plus faciles et sereines les relations entre les différentes religions? Si l'on part du principe que les dieux sont nombreux, il n'est plus nécessaire d'affirmer que ceux des autres sont de faux dieux ou des démons... On peut dès lors se demander si l'adoption de certains cadres mentaux propres au polythéisme ne contribuerait pas à réduire, au sein de nos sociétés, le taux de conflictualité entre les diverses religions monothéistes et entre leurs subdivisions internes.