Un siècle ne fut pas de trop pour embrasser toutes les vies de l'Allemande Irene (1921-2021) :
Aventurière lettrée, voyageuse transatlantique et travailleuse infatigable, elle fit de la bibliothèque de Babel la clé de voûte de son univers intérieur et de sa vocation professionnelle tout comme le théâtre de ses péripéties.
C'est un nouveau regard sur la sortie des guerres de Religion que ce livre propose : au lieu de redire les hauts faits d'Henri IV, comme maintes biographies les répètent à l'identique, il fait ressortir la grande incertitude liée à l'avènement d'un protestant pour révéler les mécanismes qui ont permis à la monarchie de se réinventer au moment où elle fut confrontée à une crise sans précédent. Ainsi, par le biais des acteurs de l'ombre, des hommes d'Église aux côtés d'Henri, il est possible de se détacher de la figure figée du roi vainqueur, et de redonner leur dimension problématique à des événements comme le sacre royal. L'étude du travail de légitimation du premier Bourbon permet alors d'appréhender la monarchie en tant qu'oeuvre collective d'acteurs travaillant à assurer sa survie.
L'empire de la nature retrace l'histoire des jardins botaniques coloniaux entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XXe siècle. En partant de ces sites spécifiques, enclaves de nature ordonnée créées dans les capitales ou à proximité des lieux de pouvoir, il analyse la manière dont est instituée une forme de domination coloniale liée à la maîtrise du monde naturel.
Lieux de diffusion des connaissances botaniques, sites de vente, espaces de sociabilité, les jardins botaniques permettent ainsi d'examiner les rapports entre savoirs, pouvoirs et constructions sociales en situation coloniale. Articulé autour des lieux et de leurs usages, mais aussi des acteurs qui y travaillent, l'ouvrage montre la dimension savante globale des jardins, leur fonction politique et leurs usages économiques.
Dédaigné par les histoires de la culture - littérature et arts confondus - le « Fumisme » n'en a pas moins modelé une sensibilité dont nous sommes les dépositaires.
Il s'est diffusé à la fin du XIXe siècle dans des réunions privées et des groupes de la bohème qui ont pris les noms de Zutiques, Hydropathes ou Incohérents. Le cabaret du Chat noir et le magazine du même nom leur donneront dans les lettres et les arts une visibilité longtemps privée de légitimité.
Par toutes sortes de manifestations et de productions comme la caricature, les salons fantaisistes, les contes noirs et absurdes ou les monologues, le Fumisme a démantelé le grand Art. Il s'est imposé jusqu'à nos jours avec les rires d'Alfred Jarry ou l'« ironisme » de Marcel Duchamp qui l'ont fait passer de la marge au centre.
" Les lieux, je les visite.
Les années, je les vis. Ceci est un livre sur les rendez-vous et ce que l'on en conserve. (Il en est que j'ai manqués, mais ce serait une autre histoire.) Chaque évocation commence par une image suscitant quelque chose du lieu où le rendez-vous a eu lieu. Certains de ces lieux ne sont pas faciles à trouver sur une carte, d'autres, oui. Mais tous, bien entendu, d'autres voyageurs que moi les ont vus. J'espère que les lecteurs se surprendront à dire : " Moi aussi, j'ai été là...
". " Qu'il s'agisse d'une méditation sur l'oeuvre de Jackson Pollock ou de J.M.W. Turner, de la contemplation de Paris, de la découverte du Palais idéal du facteur Cheval, de la conduite à moto ou de l'ultime visite à sa mère mourante, le rendez-vous le plus significatif est toujours celui de l'auteur et de son lecteur. Les lumineux essais de Fidèle au rendez-vous, nous offrent à voir le monde tel que le voit John Berger.
Dans son mystère et sa merveille.
L'ouvrage traite, de façon comparative, du rapport qu'entretiennent les pratiques sexuelles, les normes sociales en général et, enfin, la procréation. La première partie critique le déni de l'anthropologie de la sexualité tout en montrant que la signification de celle-ci varie selon les cultures. La seconde se focalise sur l'Occident. Elle introduit une dimension historique.
L'Occident comme aire culturelle se distingue par une double rationalisation en matière de la procréation, perçue tantôt, selon la doctrine chrétienne, comme providence divine, tantôt, comme le résultat d'un appariement des individus qui se calque sur le modèle de l'élevage. La troisième partie soutient que les évolutions sociétales récentes consacrent ce dernier penchant, tout en imposant son refoulement collectif
Ponce Pilate ne fut pas un personnage falot, pusillanime, ou seulement politique. La publication de ses lettres fait connaître sa dignité et lui confère une envergure nouvelle. Bien après son retour de Judée, l'ancien préfet habite ses villas, regarde le monde en poète, vit quelques aventures et réfléchit, aspirant à une paix procurée par la raison. Il comprend peu à peu sa rencontre avec le Christ.
Au crépuscule du siècle des Lumières, 35 000 chiens furent anéantis à la masse et au poison par les gardes nocturnes dans les rues de Mexico. Cet ouvrage est une enquête historique sur les canicides à Mexico et dans les villes occidentales. Au cours du XIXe siècle, les autorités municipales s'acharnèrent à éliminer les chiens errants moins pour des raisons sanitaires - la terrible rage - que civilisationnelles. Le chien errant, à l'image du vagabond, cristallise tous les maux urbains (liberté, saleté, dangerosité). Une ville civilisée est une cité qui parvient à réguler ses populations canines et à imposer des normes de conduite aux propriétaires. Le chien promené en laisse à qui l'on parle comme à un enfant est finalement l'avatar de décennies de canicides.
Van Gogh peut être considéré comme le peintre le plus célèbre au monde. Entémoignent les innombrables reproductions et usages de son oeuvre. Mais, à lire les multiples biographies qui lui sont consacrées, l'homme reste l'objet de représentations que tout oppose : tantôt on en fait une victime de la société, tantôt un manipulateur ; mais aussi un individu formant avec son frère Theo un couple de spéculateurs, misant sur le succès final de sa production ; ou encore un anarchiste et un anticlérical. Fondé sur la correspondance de Van Gogh, cet ouvrage se propose, à travers un choix de thèmes, d'entendre la voix de Vincent et ce qu'elle permet de saisir de sa personnalité complexe, de ses positions contradictoires, de ses goûts et de ses passions. En somme, la vie d'un homme dans son siècle.
Ce livre porte sur un aspect méconnu de la Révolution française. A Paris les policiers professionnels de la monarchie absolue sont remplacés en 1789 par des commissaires de police élus par leurs concitoyens. Ils doivent maintenir l'ordre public dans une immense ville en révolution. Cet ouvrage revient sur l'expérience de ces policiers élus et leurs relations avec le peuple de Paris. Il s'interroge aussi sur les spécificités du maintien de l'ordre en révolution. Il étudie le quotidien des commissaires, mais aussi leurs destins contrastés, au gré des crises politiques et des « journées » révolutionnaires auxquelles ils contribuent. Le Directoire met fin à cette expérience, en transformant ces « citoyens-policiers » en serviteurs de l'Etat
Une Odyssée pour Denver est un récit en deux parties, attribué à Norwich Restinghale (personnage central du roman Du bruit dans les arbres, Gallimard 2002). Il s'agit d'un assemblage de souvenirs digressifs rythmant la relation d'un itinéraire jadis effectué par le narrateur dans un pays disparu, sans doute l'ex-Yougoslavie. Ces souvenirs, sans réelle chronologie ni durée narrative, tournent autour de la figure d'une soeur morte (Denver Restinghale), à quoi renvoient les lieux traversés (villes, musées, paysages), ainsi que les personnes rencontrées ou évoquées. Tel que le texte est établi, il s'agit d'un chant de deuil, d'un hommage à la jeunesse enfuie, d'une odyssée du souvenir dans laquelle le passé est l'action, et le flot ininterrompu des souvenirs la péripétie.
À l'aube du XXème siècle, l'invention du cinéma permet au célèbre fakir Chandra et à sa marionnette maudite de déjouer le soupçon d'imposture. Plus tard, à Hollywood, dans les années 1930, la blonde fatale Verona Stanger découvre le secret de la jeunesse éternelle dans l'accident de voiture qui la défigure. Au même moment, ou à peu près, le chat Sandy devient la vedette d'un studio, tandis que Giulia Gibson, l'héroïne italienne de thrillers fantastiques des années 1970, renonce aux sunlights pour enseigner la philosophie... Cette suite de destins romanesques d'acteurs et de réalisateurs nous promène de Los Angeles à Rome et de Tokyo à Moscou, mais nous invite aussi à une séance de ciné-club dans un fauteuil, voire à une rêverie pleine de fantaisie sur les mystères du cinématographe.
Comment une institution prend-elle son essor en période de guerre civile, de conflit politique et religieux?? Comment l'information politique et diplomatique circule-t-elle dans le champ de force des relations internationales de l'Europe de la première modernité?? Quelles techniques administratives nouvelles les souverains mobilisent-ils pour faire face aux contestations radicales et violentes de leur légitimité?? Quel rôle, enfin, l'administration joue-t-elle dans la mise en ordre politique d'une réalité rétive et oppositionnelle??
Jérémie Ferrer-Bartomeu pose ces questions à la foisonnante production écrite des hommes de plume de la monarchie des derniers Valois et du premier Bourbon et relit l'histoire politique de la première modernité. Il montre comment ce conflit civil puis européen devint le creuset d'une nouvelle gouvernementalité. Au bruit des armes s'ajouta progressivement le crissement de mille plumes au renfort de la gloire du roi, participant ainsi à la réduction à l'obéissance et à la pacification d'un royaume déchiré par la guerre. Secrétaires de la main, des commandements, clercs du secret et du conseil privé, espions, transfuges et grands officiers allaient former le socle de l'État.
Temps de chaos et de confrontation politique et religieuse, le second xvie siècle est ici relu comme une séquence d'innovations administratives majeures. Les professionnels de l'écrit forment la pointe avancée de la société politique. Ils contribuent à l'élargissement des domaines d'intervention de l'État et assurent, concrètement et quotidiennement, l'exercice de l'autorité. Cette république européenne des bureaux en formation traduit la mise en circulation transnationale de savoirs administratifs et le transfert de modèles de gouvernement entre puissances adverses et alliées.
Il y a quatre-vingt-dix ans, Paul Doumer, fils de cheminot né à Aurillac, était élu président de la République. Audace d'un régime, la IIIe République, qui consacre l'ascension méritocratique par l'école comme une possibilité de justice sociale. Audace d'un homme incarnant ce fondement par l'exemple de son parcours :
Placé à 14 ans comme apprenti par sa mère veuve, le jeune Auvergnat passe son bac en blouse d'ouvrier.
Inclassable politiquement, Doumer participe au régime pendant près de cinquante ans (1887-1932), au carrefour de la droite et de la gauche, à la jonction de la politique, de l'industrie, de la finance, de la diplomatie. Un parcours marqué par la tragédie : cinq de ses enfants meurent entre 1914 et 1923, avant que le président luimême ne soit assassiné le 6 mai 1932.
Dans ses livres précédents, J.-B. Puech a imaginé un écrivain contemporain, Benjamin Jordane, sa vie, ses oeuvres et leur glose par des critiques concurrents. Il nous livre ici trois nouvelles études sur son auteur supposé. Une recension de la biographie de Jordane par Yves Savigny, avec rectifications et compléments. Une étude de Sébastien Lemarchand sur l'exposition consacrée à « Jordane et son temps » par l'Université de Bourgogne. Et enfin une étude du même Lemarchand qui nous fait comprendre dans quelle mesure tout le « cycle Jordane » est une transposition de la « vraie vie vécue » de l'auteur réel. Trois entretiens complètent l'ensemble, dont deux, en introduction et en conclusion, reviennent sur ce parcours, de la fiction à ses bases secrète
A rebours d'une tradition interprétative qui veut que l'indépendance politique de l'Italie se serait faite sans l'aide de la France, ce livre prend l'exact contre-pied en affirmant que la modernité politique a été apportée en Italie par le jeune général républicain ; que l'Italie a bénéficié des leçons de la Révolution française de 1789 à 1794 pour élaborer des projets républicains fédéraux ou unitaires, sans passer par la Terreur ; que la période impériale ne fut pas spoliation ou autoritarisme mais construction d'une classe administrative, au fondement lointain d'un Etat tourné vers un XIXème siècle moderne.
C'est la maturité démocratique et républicaine italienne que l'auteur dévoile entre 1796 et 1820, faisant de l'Italie un laboratoire central de la modernité politique.
L'enquête porte sur le rôle des curés dans le règlement des conflits du quotidien, sous l'Ancien Régime. Sans que cela fasse partie de leurs devoirs au sens strict, les curés sont encouragés, à partir du XVIIe siècle, à apaiser les différends de leurs paroissiens :
Querelles familiales, successorales, problèmes de bornage, de dettes non remboursées, de fiscalité, ou échange d'insultes. À partir de sources inédites, l'ouvrage examine de quelle manière ces prêtres utilisent leur responsabilité pastorale pour apaiser les querelles afin d'éviter qu'elles dégénèrent en procès, proposer une solution aux litiges ou amener les parties à trouver un terrain d'entente permettant de terminer un procè
Marie dit la vie la vie tu n'as que ce mot aux lèvres c'est vrai j'avoue la vie est le seul refuge, je ne sais plus trop à force si "j'écris sur vous au lieu de mourir" ou pour rejoindre un verbe au présent "et me sentir mille choses heureuses à la fois" ayant atteint "la bienveillance du réel" du genre ces bras entre nous respirés alors c'est gagné la vie la vie
Colbert, Louvois ou Pontchartrain : les noms des proches conseillers de Louis XIV sont bien connus, autant que leurs personnalités et leurs oeuvres politiques. Leur histoire conjugale et familiale, elle, comporte de larges parts d'ombre, pour les historiens comme pour le grand public. Cet ouvrage propose un portrait dynamique des femmes qui ont épousé un ministre sous le règne personnel de Louis XIV, en envisageant leur place dans leur couple, dans leur famille, dans l'entourage du roi et dans la société française du XVIIe siècle. Capacité d'action, concertation conjugale et stratégies lignagères se trouvent au coeur des réflexions dans une perspective genrée, afin de dessiner à la fois une histoire des femmes, du couple et de la noblesse dans la France moderne.
Dès 1525 monte en France l'angoisse du châtiment divin. Dans le ciel et sur la terre apparaissent des signes qui disent l'imminence du Jugement. Voici le temps des guerriers de Dieu: d'une violence d'abord intérieure surgit la force conquérante d'un prophétisme panique qui ordonne la mise à mort des hérétiques.
S'opposant à la violence désacralisatrice des huguenots, la violence mystique des catholiques culmine en août 1572 lors du double massacre, royal et populaire, de la Saint-Barthélemy. La Ligue marque l'ultime retour de l'angoisse prophétique. Henri II, en pacifiant le royaume, est l'artisan d'un désangoissement et d'un désenchantement du monde. La « félicité du royaume », ordonnée par le roi de raison d'une monarchie absolue et resacralisée, est à la source de notre modernité.
Robert Marteau écrivait ses sonnets dans des petits carnet au fil de ses longues promenades. Il les mettait dans leur forme définitive des mois, voire des années plus tard. Décédé en 2011, il n'a pas eu le temps de le faire pour les poèmes écrits en 2007.
Sa fille Françoise, à l'origine de l'édition des oeuvres posthumes, a retranscrit ces poèmes à partir des carnets manuscrits, peu avant son décès en 2019, avec l'aide de Jean-François Rollin.
" Ad nauseam. Nous ne parlons plus que de ça : la disparition de Leu et celle d'Alexis de Saint-Ours, plus vu depuis. Enfin du neuf à remâcher. Il faut dire que dans le monde du tango, rien ne se passe jamais. Quelques chassés-croisés, les années d'abondance. Des amourettes foirées. Plus qu'à notre tour, nous attendons, et rien ne vient. " Voyage dans le monde clos et moite du tango parisien, dans lequel les aficionados se jettent à corps perdu et vivent la danse comme une addiction, Ego tango est aussi un chassé croisé amoureux entre quatre personnages dont les rapports sont ceux qui s'expriment, sur un plan métaphorique, dans le tango lui-même (j'avance, tu recules).