Lorsque Jan van Toch, capitaine du navire hollandais Kandong Bandoeng, découvre, à l'ouest de Sumatra, au large de la petite île de Tana Masa, une espèce de salamandre douée d'une certaine forme d'intelligence et susceptible de l'aider dans l'exploitation des perles, il est loin d'imaginer que cette découverte sera à l'origine d'un bouleversement complet de l'ordre mondial. Et pourtant. Publié en 1936, lors de la montée du national-socialisme et du stalinisme, La Guerre des salamandres de Karel Capek brosse, avec un regard plein d'humour, une satire sans concession des individus et de la société. Mêlant la parodie au récit fantastique, ce roman se révèle être, sous une apparente légèreté de ton, extrêmement lucide et sombre. Parmi les thèmes abordés, il s'attaque au capitalisme, au nationalisme et au militarisme mais aussi à la science, au journalisme et même à l'industrie du cinéma ! Inventeur du mot " robot ", Karel Capek compte parmi les principaux précurseurs de la science-fiction et La Guerre des salamandres est un livre culte traduit dans de très nombreuses langues.
La Guerre des salamandres, plus célèbre livre de Capek, est une des excellentes et très actuelles anti-utopies du XXe siècle et certainement la plus drôle.
Avec un désenchantement chirurgical et une ironie savamment dissimulée, Alice Ceresa dresse le portrait intimiste d'une famille ordinaire et aliénée, et décrit les rapports entre chaque composant - un père, une mère et deux soeurs -, le jeu de forces et de tensions qui les agrègent, dans le quotidien partagé au fil des années, de l'enfance à l'âge adulte. Proche de l'Agota Kristof du Grand Cahier, Bambine (Einaudi, 1990) est servi par une écriture limpide et féroce.
Douze articles rédigés pour des journaux estoniens servent de prétextes à Dovaltov pour nous raconter les coulisses de ses reportages, et le bras de fer permanent auquel le journaliste doit se livrer face à la censure et aux directives que le Parti entend bien lui faire suivre. Douze «compromis» savoureux qui nous laissent entrevoir, derrière la façade idéologique mâtinée de mensonges, des histoires, des tranches de vie - absurdes, tendres, cruelles, drôles.
Avec son inégalable goût de la satire, Sergueï Dovlatov conte les tragi-comédies du quotidien. Ceux qui se laissent encore et malgré tout guider par l'amour de la littérature et de la vérité survivent comme ils peuvent face aux injonctions idéologiques. Certains ploient, d'autres se rebellent, la plupart s'abîment dans la vodka.
Ce court essai critique le radicalisme de la religion et de la science pour s'engager sur la voie instable du scepticisme. Le monde des forts et des puissants est celui de la vérité, de la certitude et d'une foi renouvelée. Le monde des faibles est celui du doute, de l'observation et de la joie profonde du lien à la nature. John Cowper Powys nous apprend dans cet essai à faire partie des "faibles".
"Car le secret universel de la réussite consiste à présumer que tout ce qui est efficace, pratique et exploitable représente ce qu'il est convenu d'appeler la vérité."
Ce court roman invente quatre façons de mettre Volodia à mort, dédiée chacune à l'un des quatre éléments: celle de l'archétype de la bête dans un labyrinthe souterrain ;
Celle de la tour aérienne d'un laboratoire ; celle de la passivité liquide d'une assemblée aux Nations unies ; et celle - ancestrale - d'un grand feu purificateur. Chacune des méthodes est ensuite analysée par un panel de scientifiques et soumise à l'approbation du public.
Nourri de récits médiévaux obscènes, de l'anticipation brutale de Vladimir Sorokin et de l'ostalgie poétique et caustique d'Antoine Volodine, ce roman rappelle que la mise à mort, même brutale, est un des contes possibles face à la réalité et à l'existence d'un certain dictateur paranoïaque.
Ce livre rassemble deux textes autobiographiques du grand écrivain russe d'après-guerre. Le premier, Le Livre invisible, retrace ses aventures éditoriales dans la Russie communiste et son impossibilité d'y publier son premier livre ; le second, Le Journal invisible, fait état de la non moins impossible tentative de monter un journal russe à NewYork dans le monde capitaliste.
Dans le Livre invisible, il conte le règne de la bêtise des dernières décennies poststalienniennes, dans le Journal invisible, les déboires des immigrés russes dans la métropole américaine entre une poétique des marges à la Bukowski et la grande tradition auto-ironique russe.
Daniel de Roulet a rassemblé des portraits de vingt-trois écrivains, femmes et hommes, qui comptent pour lui. Il ne les aborde pas en critique littéraire, mais évoque des vies dans lesquelles l'écriture a joué un rôle décisif si ce n'est exclusif.
Ces portraits très documentés dérivent souvent d'une anecdote, à partir de laquelle s'ancre une admiration, se pose une question inédite sur l'oeuvre. Ils sont présentés dans l'ordre chronologique des dates de naissance de leurs auteurs.
Clandestins ils le sont parce qu'il s'agit de portraits non autorisés, écrits sans se prévaloir d'aucune autorité. Les auteurs présentés ne sont pas eux-mêmes des clandestins bien que certains d'entre eux, tel Cendrars, aient feint de ne pas connaître le tarif du voyage.
« Une fête se savoure deux fois. Avidement la première. Freinant, hallucinant, décelant partout des présages, la deuxième. »
Jeune, fauché et noceur, le narrateur décide de se ranger en devenant, un été, guide au Domaine Pouchkine à Pskov, laissant femme et enfant à Leningrad. Sa femme profite de son éloignement pour prépaper son imigration en Amérique avec leur fille.
Pressé de partir avec elles, le narrateur, malgré son désespoir, oppose un refus catégorique de s'éloigner de son pays et de sa langue qui, dit-il, fait quatre-vingt pour cent de sa personnalité.
Observateur hors pair du quotidien et conteur royal, Dovaltov narre, avec son ironie et son humour habituels, un été de travail au Domaine Pouchkine dans la Russie de Brejnev où la vodka coule à flot et les familles se déchirent face au choix radical de l'exil.
"Jim Jarmush disait à propos du cinéma, qu'autrefois, lorsqu'un personnage montait dans un taxi, il en redescendait déjà à la scène suivante. Cette omission était justement ce qui l'intéressait ! J'ai eu la même frustration lorsque j'ai appris que David B.
Tour d'horizon plonge le lecteur dans des conversations avec le monde naturel à travers quatorze récits autobiographiques rendus par une écriture exquise et sans romantisme. Que ce soit dans les récits sur les fous de Bassan, les icebergs de l'Arctique, au chevet de sa mère ou dans le monumental musée de squelettes de baleines de Bergen, Kathleen Jamie convoque un champ d'investigation extrêmement vaste, qui inclut la nature humaine, notre propre finitude. Avec un réel souci de précision et une modestie remarquable, elle ajuste ses focales inlassablement et réenchante le monde. Si ses récits suivent une trame narrative et dissèquent l'ordinaire, elle prend aussi de la distance, interroge le ciel, scrute l'univers microscopique et thématise la notion de nature.
Après trente ans de carrière à l'Ecole de Médecine, le brillant docteur Fléchère est toujours en butte à un problème en apparence insoluble : alors que les découvertes scientifiques progressent à une allure effrénée, l'être humain reste désepéréement limité èar ses capacités biologiques et intellectuelles. Aussi se met-il à rêver à l'homme du futur, celui du prochain stade évolutif. Dans un écliar de génie - ou de folie- Fléchère entrevoit la possiblilité de provoquer lui-même, par une intervention humaine, cette mutation, afin de préfciiter la création d'un nouvel Adam. Au risuqe de se voir dépassé par cet être supérieur qui voit trop loin, et se révèle rapidement inarrêtable... Cent ans après Mary Shelley, à l'aube du XXe siècle, Noëlle Roger livrait un roman prométhéen qui résonne aceec les problématiques actuelles liées au culte de la science et à l'idéal risqué du transhumanisme.
Frank Dillon, petit revendeur d'un bazar à cent sous, a un coeur en or et une conscience en béton. Ce n'est absolument pas sa faute si toute la société, et les femmes en tête, le plonge dans le crime et l'argent sale. D'une ironie mordante et d'une profondeur psychologique exceptionnelle, ce texte de l'un des pionniers du roman Noir américain, plonge dans la tête de Frank Dillon et nous emmène très loin.
Richement illustré par Thomas Ott, cette édition grand format au graphisme vintage présente ce roman comme si s'agissait d'un pulp américain des années 80.
Vendredi, 24 juillet 2020. Une marée humaine afflue dans le quartier de Sultanahmet pour assister à la reconversion de la basilique Sainte-Sophie au culte musulman. Venu à Istanbul pour revoir une femme, le narrateur-journaliste se faufile parmi la foule. En quelques minutes, les rues se métamorphosent.
Huit objets sortis de la valise de Dovlatov lors de son exil sont autant de prétextes à des récits autobiographiques:
- Les chaussettes finlandaises - Les chaussures du maire - Un costume croisé convenable - Le ceinturon d'officier - La veste de Fernand Léger - La chemise en popeline - La chapka - Les gants d'automobiliste Chacun de ces objets lui rappellera une histoire particulière de sa vie en URSS; des histoires qu'il racontera avec concision dans des textes haletants, drôles et au rythme nerveux.
La Valise a une composition particulière («cubique» dira le critique Elisseïev) qui lui donne un cadre très intime où affleurent plus que jamais nostalgie et tristesse face à l'absurde. Mais, comme toujours chez Dovlatov, c'est la dérision et l'ironie tendre qui l'emportent.
Un deuil. De cette séparation brutale renaît progressivement un chaos de souvenirs fait de lieux revisités, de rencontres, de conversations à bâtons rompus, où la stricte chronologie cède aux caprices de la mémoire. Dans ce récit tout d'émotion et de pudeur contenue, les poètes, russes, grecs, italiens ou de l'hémisphère sud s'interpellent par-dessus les siècles et la spiritualité chrétienne s'entrelace à la tradition hébraïque.
Émigré en 1914 à 16 ans aux États-Unis, Emanuel Carnevali veut à tout prix devenir poète. Il apprend l'anglais en déchiffrant les enseignes des magasins et lit Whitman, Poe, Sandburg, Twain.
Rédigés en anglais, ses poèmes seront publiés dans les principales revues de poésie et il se fait remarquer avant de sombrer dans la maladie en 1922.
Le Splendide lieu commun rassemble en version bilingue tous ses poèmes publiés (1919-1931); écrite en vers libre, la poésie d'Emanuel Carnevali présente à ses débuts des traces de lyrisme avant que les éclats de l'expression d'un anglais simple et rageur ne donnent un nouveau souffle sauvage aux lettres américaines.
Emprunté aux Mille et une nuits, le Sindbad de Krúdy, - ce Hongrois rêveur et las -, « navigue » à travers les rues de Buda et de Pest, les villes et les bourgs de la province hongroise tantôt dans le rêve, tantôt dans la réalité. Il va où le désir le porte : vers ses amours de jeunesse. Ce sont ces aventures amoureuses qui constituent les véritables étapes de ses voyages. Il est donc aussi un voyageur dans le temps, les souvenirs, les réminiscences, sont des contrées chères à son coeur.
Le Sindbad de Krúdy est un aventurier du XXe siècle, un descendant de Don Juan ou de Casanova sans les traits démoniaques ni mondains de ces derniers. Sindbad est tantôt un chevalier romantique et galant, tantôt un vrai bourgeois, tantôt un séducteur pressant et sans coeur.
Cet entretien de 1999, enregistré à Boston, traverse le XXème siècle. Des origines familiales juives de Russie des parents de Saul Bellow, forcés de fuir le régime tsariste et d'émigrer au Canada, à sa vie américaine à Chicago. Il s'y dessine les tensions fécondes de son enfance entre la nostalgie et la tradition juive des parents, l'éveil à l'altérité et la volonté inébranlable de son grand frère de devenir américain. La guerre des langues et l'importance de la possession de chacune est évidemment soulignée.
C'est aussi une discussion sur le grand roman contemporain, sur la littérature juive-américaine dont Saul Bellow a été l'un des créateurs, sur ses rapports avec les autres écrivains, Isaac Singer et Philip Roth en tête.
Fruit d'un voyage en Italie réalisé par l'auteur en 1949-1950, Des Cités détruites au monde inaltérable se propose comme un journal extrospectif sur les traces fugitives de la beauté et de l'unité perdues, dans l'aprèsguerre. Les villes italiennes offrent un parfait écrin pour un surgissement d'images et de métaphores, confinant parfois au fantastique; les foules et les visages entrevus, les anecdotes entendues, s'avancent comme autant d'énigmes, de seuils, de départs pour la pensée ou pour le silence attentif.
Le récit s'écrit aussi en dialogue avec les chefs d'oeuvre de la peinture médiévale, de Giotto à Carpaccio : si la beauté des choses nous heurte ou nous rebute, c'est parce que le monde vient quotidiennement se mesurer à l'aune de l'amour et de la patience soigneuse de l'homme.
D'abord il y a un voyage au Caire de plus d'un mois. Un dépaysement total. Une confrontation entre la vulnérabilité de la voyageuse et l'injonction de la découverte.
Et puis il y a un deuxième temps: ce que ce voyage initiatique a laissé quelques années après. Le souvenir encore précis de situations, souvent inquiétantes.
Enfin il y a ce troisième temps: le voyage quelques années après. Ce qu'il en reste encore de chair à vif et de lumière mais surtout comment l'écriture du présent remplace l'écriture du journal.
Ce texte porté par une langue éblouissante de clarté, pose des questions rarement traitées. Quelles sont les peurs et surtout quel est l'imaginaire de l'agression de la voyageuse? Comment voyage une femme en pays arabe? Et enfin, que reste-t-il de ces voyages si formateurs ?
Remigio, un jeune homme, reçoit en héritage un domaine agricole que lui disputent sa belle-mère et la maîtresse de son père, soudainement décédé. Remigio rejette le modèle autoritaire que lui proposait son père mais, par trop naïf, névrosé et dépourvu d'expérience, il ne parvient pas à lui trouver une alternative valable. Il ne devient pas un bon maître, il ne sait ni commander ni se faire respecter par ses ouvriers agricoles.
Sa bonté naturelle et ses nombreuses maladresses sont autant de poisons. C'est le type même de l'inadapté rêveur voué à endurer la cruauté humaine. Son double, Berto, un ouvrier agricole non moins inadapté que son maître qu'il déteste ouvertement, l'abat d'un coup de hache sans vrai motif.