Aller à rome avec stendhal en 1829, c'est rencontrer trois villes superposées : la rome romaine, ce champ de fouilles permanentes dont on espère encore des trésors de beauté, ce peuple qui a conservé l'orgueil et la dureté antiques; la ville des papes, cité de l'art, ville-musée, ville-oeuvre d'art dans l'harmonie de son climat, de ses édifices, de ses habitants, création des grands papes de la renaissance; enfin, rome est alors la capitale d'un etat, où règne l'archaïsme politique et social d'une théocratie moribonde.
Au service de ces trois villes, stendhal a écrit un guide nonchalant, une série de contes, le journal intime d'une âme sensible au milieu des chefs-d'oeuvre.
Il rêve ce qu'il a vu, il voit ce qu'il a rêvé: nous pouvons toujours suivre, dans la cité sublime, ce génie de la flânerie.
Le lecteur ne trouvera pas ici une nouvelle histoire de l'hystérie. Il en existe déjà, rarement entièrement satisfaisantes tant l'exercice est difficile, l'historien ne disposant pour toute archive que de très rares témoignages (toujours sujets à caution), de transpositions littéraires indirectes et surtout d'une production médicale pléthorique, à la fois contradictoire et répétitive, dont sont extraites généralement quelques formules enlevées, quelques recettes farfelues...
C'est précisément cette parole médicale à la fois foisonnante et en apparence homogène que nous avons voulu faire entendre. Les médecins furent les inventeurs de l'hystérie, les auteurs d'une mystification (toujours vivante) du féminin. Ce sont eux qui pendant des siècles brandirent cette maladie supposée menacer les femmes, tout en reconnaissant souvent n'avoir que rarement rencontré ni soigné de vraies hystériques.
Il faut lire et relire les textes des médecins autant pour leur contenu, un diagnostic et une thérapeutique qui de Paré à Charcot, tous héritiers de Galien, ne se modifia qu'à la marge, que pour ce que leur écriture nous fait entendre d'eux-mêmes, de leur pratique de la médecine, de l'autorité qu'ils exercent vis-à-vis de leurs patientes et de celle qu'ils s'octroient comme « auteurs », toutes questions qui innervent encore maints débats contemporains.
Le livre a en vue trois grands penseurs du XIXe siècle, Hegel, Kierkegaard et Nietzsche. Si les analyses n'ont pas manqué décrivant cet épisode de la philosophie arrivée à un tournant de son histoire, Jacques Colette étudie ici ce qui unit l'un à l'autre, leur intime affinité.
Tandis qu'elle dictait sa vision à son confesseur, car elle ne savait pas écrire, le texte s'écoule dans la lumière crépusculaire de l'âme engorgée pour l'éternité dans la conscience du mal irréparable. On y distingue des animaux stéréotypés, le lion, les serpents, le dragon, occupés à mettre à mal les corps des réprouvés. Ce sont les cauchemars d'une femme nourrie de sermons apocalyptiques et de lectures pieuses. Au fil de son cheminement dans l'au-delà, elle observe ce qui lui est donné de voir, fait moisson de scènes éprouvantes. Elle enregistre sans ciller l'enchaînement des scènes auxquelles elle assiste. Il y a place, en enfer, pour les orgueilleux, les homicides, les voleurs, les luxurieux, mais c'est la catégorie entière qui se trouve soumise à un supplice exemplaire, sans aucune prédilection de traitement particulier.
Il y a dans L'Art de se taire un appel à la réserve, à la réfl exion, à la retenue, qu'il n'est peutêtre pas sans intérêt de rappeler en un temps où l'exigence de communiquer tend à se plier aux lois d'un marché où la pensée devient une marchandise. C'est l'intérêt du traité de Dinouart de rappeler, après d'autres, que le silence est une composante fondamentale de l'éloquence. Qu'on ne saurait comprendre l'e et d'un discours à partir de la seule invention verbale qu'il sait déployer, comme on ne saurait restreindre la rhétorique à une taxinomie des tours et des fi gures.
Un appel à la réserve et à la distance pour tous ceux chez qui le désir de s'exprimer semble plus fort que celui de se taire.
Citée par Bachelard et Breton, largement sollicitée par Cendrars, La Lévitation est un classique de l'anthropologie religieuse et de la phénoménologie mystique. L'auteur y dresse un catalogue raisonné et une étude érudite de ce qui reste comme un phénomène universel et transculturel : la perte de la pesanteur corporelle liée à des mouvements imprévisibles et aberrants. Connue aussi bien dans le monde asiatique qu'au fil de la tradition chrétienne, orthodoxe et catholique, dans l'univers des médiums qu'en Islam, la lévitation participe de la mystique et de l'illusionnisme, du surnaturel et du truquage. Si le regard qu'Olivier Leroy porte sur la lévitation reste pondéré et rationnel, la quantité impressionnante de récits qu'il présente fait de son livre une nouvelle Légende dorée.
Il ne s'agit pas seulement ici de rendre compte de la philosophie de la technique que l'on trouve chez Platon et chez Simondon, et de quelques autres parmi les plus importantes, mais d'affronter véritablement la question : qu'est-ce que la technique ? On voudrait faire apparaître d'abord le caractère exemplaire et décisif de Platon pour la compréhension de ce qu'a été la réalité technique de son temps aussi bien que pour la compréhension, aujourd'hui encore, de la réalité technique actuelle, des problèmes qui sont liés à son identification comme telle et à la démarche qui convient pour son étude. C'est aller contre la tradition qui en fait un ignorant et un ennemi de la technique, préoccupé avant tout d'un monde d'Idées « coupées » du monde sensible. Cette tradition, quasiment aussi ancienne que Platon lui-même, est toujours vivante, fondée désormais sur une représentation de la technique qui se voudrait moderne (la technique comme « application de la science »). C'est un des intérêts de la pensée de la technique de Gilbert Simondon (prolongeant et systématisant une tradition qui passe en France notamment par Henri Bergson et Georges Canguilhem), que de délivrer de l'idée précipitée selon laquelle l'essence de la technique serait d'être une application de la science, idée dont la faiblesse est la plus évidente quand il s'agit d'une époque où la science n'existait pas encore au sens actuel. La lecture de Platon n'est pas seulement libérée par la compréhension de la technique que propose Simondon, elle est elle-même une préparation très utile à la lecture de ce dernier, reposant sur des exemples plus simples. Ce qu'apprend une philosophie de la technique, on le voit exemplairement chez Platon et chez Simondon, n'est pas seulement comment organiser des concepts et des idées (dont l'importance politique et sociale est évidente), c'est comment regarder précisément le réel, penser son existence et son évolution.
Au début du XVIIIe siècle, des femmes sont prises de convulsions, transes mystico-religieuses, sur la tombe du prêtre Pâris au cimetière de St Médard. Le mouvement convulsionnaire, par son côté spectaculaire et déroutant, intéresse les médecins.
Hecquet considère ces mouvements comme ceux de corps affectés, perturbés par leur propre sexualité. Les puncta diabolica, qui marquaient la possession démoniaque des corps, sont devenus des puncta medica, qui en révèlent les obsessions désirantes. La sexualité est au coeur de l'affaire, en particulier la sexualité féminine, toujours considérée comme une prédisposition pathologique, qui rejoue dans le champ médical la vieille d'une association secrète entre la sexualité et la sorcellerie, l'érotique et le diabolique, le désir et la tromperie.
Dès le Moyen Âge, alors que les mouvements religieux cathares et vaudois, réclamant un retour à la pureté du message évangélique, se diffusent, l'Église catholique met en place une institution judiciaire exceptionnelle, l'Inquisition qui mène une véritable traque des hérétiques. Dans toute l'Europe, à l'exception de l'Angleterre, les inquisiteurs parcourent le territoire et recherchent les hérétiques, font office de juge de foi et emploient tous les moyens nécessaires pour les conduire à faire pénitence.
Maîtrisant le latin, l'allemand, l'espagnol et l'italien, Henry Charles Lea a parcouru les archives de l'Europe tout entière, brossant un tableau complet et impartial de l'institution.
L'Histoire de l'Inquisition reste une référence chez tous les historiens.
À l'origine du livre, 25 feuillets reliés en un petit cahier écrit à l'encre noire, sans presqu'aucune rature, agrémenté de nombreux croquis et plans : médecin militaire féru d'archéologie, Paul Camichel (1868-1936) consigna presque jour après jour, pendant dix ans jusqu'au seuil de la Grande Guerre, ses recherches sur le terrain et ses découvertes.
En suivant pas à pas les entreprises de Paul Camichel, en les éclairant par une analyse précise du contexte de leur élaboration, Alain Beyneix contribue avec bonheur à l'histoire d'une période décisive de l'archéologie en France.
Outre son intérêt historiographique, la publication de cette chronique jette quelque lumière sur une foule de sites préhistoriques mais aussi protohistoriques et antiques de départements du midi de la France.
Un recueil posthume des textes (certains écrits à deux, trois, mains) interrogeant la pratique rituelle du sacrifice dans la culture grecque de l'Antiquité classique. Voyage à travers les temps, les cultures et les dieux ; Jean-Louis Durand parle depuis des régions qu'il ressuscite, comme chez lui dans cette Athènes du Ve siècle avant J.-C., qu'il regrettait ne pouvoir arpenter, « magnétophone en main ».
L'ouvrage se conclut par une partie sur l'articulation du sacrificiel et du possessionnel, à partir de l'expérience de terrain de Jean-Louis Durand auprès des communautés possessionnelles en Tunisie et chez les Winye, société voltaïque du Burkina Faso, qui ont nourri sa réflexion et son enseignement.
Religion et magie : deux puissances, divine et diabolique, qui s'opposent depuis toujours. La magie caricaturée n'apparaît plus que sous une forme défigurée et dégénérée. C'est, dans notre folklore populaire, l'image effrayante de la sorcière préparant ses mixtures pour d'inavouables entreprises.
Pour l'auteur la question du couple trop opposé religionmagie semble inséparable d'une réflexion plus générale sur l'histoire et le fonctionnement de la discipline qui a en charge l'étude des « religions ». Quitte à soulever et à remuer beaucoup de poussière, dit l'auteur, le présent ouvrage entend montrer que le problème de la magie est l'une des clés qui, convenablement utilisée, peut permettre de repenser une bonne partie de la vaste fresque édifiée par l'histoire des religions.
Il n'y pas de maladies, rappelle avec force Hildegarde, mais des hommes malades, et ces hommes sont intégrés dans un univers qui, de même qu'il participe à leur malheur, doit aussi prendre sa part dans la guérison ; ils doivent être soignés dans leur corps et leur âme, et, même si la nature peut et doit venir à leur aide, c'est bien souvent dans leur propre sagesse, leur modération, leur maîtrise d'eux-mêmes, qu'ils trouveront les forces qui soutiendront le processus de guérison.
Pour Hildegarde, si les causes premières du mal sont en l'homme, comme le dit le récit de la chute originelle, c'est aussi en lui que, avec l'aide de la nature et le secours de Dieu, peuvent se trouver les causes de la guérison, les remèdes. La première traduction française des oeuvres médicales de la moniale.
Un répertoire de toutes les bizarreries de l'autre monde, qui traite des spectres, des démons, des fées, des monstres, de l'occultisme en général et de tout ce qui a trait au surnaturel. Où on apprend qui sont Abd-et-Azys, Abrahel, les Adelites, les aboyeurs, les Mokissos. que sont la Margaritomancie, la Nairancie, la Pégomancie ?.
LE DICTIONNAIRE INFERNAL fait partie des oeuvres majeures de l'occultisme et de la démonologie. Apparenté à Danton, influencé par Voltaire et la philosophie des Lumières, l'auteur veut faire la part entre le folklore ou les épouvantails agités par l'Église et les faits réellement troublants, et ce, dans tous les domaines du surnaturel.
« Maintenant, c'est à vous ! ». C'est ainsi qu'Henri Maldiney s'était adressé en 2012 aux personnes présentes pour son centième anniversaire. Un colloque organisé à Lyon en mars 2018 au Centre Hospitalier St-Jean de Dieu réunissait ceux-là même, psychiatres, psychanalystes, philosophes, parfois les deux, que le philosophe avait convoqués. Ils font ici mémoire d'une oeuvre dont la densité est peu commune et l'intérêt, exceptionnel, mais aussi rendent sensibles ses jours, laissant ainsi entrevoir quelques-unes des possibilités qu'elle recèle. Un hommage à celui qui s'est tenu à l'écart des hommages mondains, à celui qui a passé sa vie de penseur à interpeller les traditions de pensée, qu'elles soient philosophiques, métaphysiques, phénoménologiques, esthétiques ou psychiatriques.
Cet ouvrage se propose de pénétrer dans le mystère de l'écriture à son niveau le plus immatériel, l'écriture divine, et la naissance même de l'écriture et les questions qu'elle soulève. Les différents mythes font état d'une révélation divine, mise en images de la parole humaine permettant de la faire circuler en tant qu'objet. Selon divers auteurs et d'après des découvertes importantes effectuées dans le désert du Sinaï, lieu par excellence du sacré, ce serait là le creuset, dans les mines de turquoise, de cette écriture dite sinaïtique, ancêtre d'un alphabet non représentatif.
À la fin du XVIIIe siècle, la question de l'éducation des femmes est posée de manière insistante. Pour Laclos, il s'agit de combattre les idées établies et d'opérer une véritable révolution afin de libérer la femme, réduite par l'homme à l'état d'esclavage. La femme naturelle de ce livre, élevée dans la tranquille jouissance d'un corps libre, est le pendant de madame de Merteuil gagnant son autonomie dans une société pervertie par le mensonge et une connaissance des rapports de force, ce qui lui permet de développer des vues plutôt féministes sur l'égalité des sexes et l'éducation des jeunes filles. De l'éducation des femmes dénonce l'éducation donnée alors aux jeunes filles qui ne vise, selon lui, « qu'à les accoutumer à la servitude, et à les y maintenir ».
le marteau des sorcières, malleus maleficarum, a été le bréviaire des chasseurs de sorcières pendant deux siècles à travers toute l'europe.
michelet en avait bien saisi l'importance, qui notait en 1862 : " aux anciens pénitentiaires, aux manuels des confesseurs pour l'inquisition des péchés succédèrent les directoria pour l'inquisition de l'hérésie qui est le plus grand péché. mais pour la plus grande hérésie qui est la sorcellerie, on fit des directoria ou manuels spéciaux, des marteaux pour les sorcières. ces manuels ont atteint leur perfection dans le malleus de sprenger.
" michelet précise, en outre, l'emploi de ce livre avec une sûre intuition de la pratique judiciaire : " le malleus, qu'on devait porter dans sa poche, fut imprimé généralement dans un format rare alors, le petit in-huit. il n'eût pas été séant qu'à l'audience, embarrassé, le juge ouvrît sur la table un in-folio. il pouvait, sans affectation, regarder du coin de l'oeil, et sous la table, fouiller son manuel.
" de ce livre, capital pour la compréhension des contagions de sorcellerie du xve au xviie siècle, on trouve des passages chez les démonologues comme jean bodin, le médecin jean wier, mais point le texte complet, qui apporte sur la vision du monde propre aux inquisiteurs et sur les fantasmes des sociétés médiévales un témoignage d'une richesse exceptionnelle. amand danet, qui en a fait la traduction avec scrupule et probité, a rédigé une présentation qui explore les principales voies d'interprétation suggérées par une longue familiarité avec ce grand texte.
robert mandrou.
Comme dans l'Apocalypse, lorsque les cieux s'ouvrent et se découvrent pour Hildegarde, ils sont pleins de chant et de musique :
La lumière parle et ses paroles sont comme une flamme brillante. De ces voyages intérieurs, Hildegarde rapporte des visions à écrire et des chants à retranscrire pour enrichir la liturgie des heures du monastère qu'elle dirige. Pour elle, la musique est l'expression du divin et l'étouffer reviendrait à tuer la vie, à arracher l'homme à l'harmonie céleste et aux délices du paradis. Ce recueil d'antiennes, de répons, d'hymnes et de séquences nous transporte dans l'univers particulier de Hildegarde, mélange d'archaïsme et de libertés innovantes. Cet ensemble à la fois poétique et dramatique - puisqu'il inclut L'ordo virtutum, drame liturgique qui fut certainement interprété à l'intérieur du couvent par les moniales de Hildegarde - nous emmène au plus secret de la vie quotidienne du couvent et nous livre intact toute la fraîcheur, l'insolite et l'intimité de l'univers mystique de la sainte.
Autres titres disponibles aux éditions Jérôme Millon : Le Livre des subtilités (tomes I et II), et Les Causes et les remèdes.
Poursuivant son évaluation de l'histoire humaine comme entrelacs de signes divins, plaçant Napoléon entre ses méditations sur Marie-Antoinette, Louis XVII, Mélanie la voyante de La Salette et Jeanne d'Arc, Bloy fait de Napoléon un éclaireur du Saint-Esprit, un essaim de signes dont toutes les décisions, bonnes et mauvaises, les paroles et les pensées relèvent d'une mission sacrée, d'un sacerdoce apocalyptique.
Bloy communie avec le Grand Homme offrant son âme au destin. Ce n'est pas la "volonté" qui le gouverne ; c'est la grâce, un absolu qui le dépasse et auquel il s'abandonne tout entier, jusqu'à perdre tout ce qu'il avait conquis. Napoléon n'a rien à perdre car il ne possède rien ; c'est lui qui est possédé.
Docteur en philosophie, historien de l'art, Henri Maldiney a enseigné à Gand puis à l'université de Lyon la philosophie générale, l'anthropologie phénoménologique et l'esthétique. Il est l'auteur, entre autres, de Le vouloir dire de Francis Ponge (Encre Marine, 1993) ; L'Art, éclair de l'être (Comp'Act, 1993) ; Aux déserts que l'histoire accable (Deyrolle, 1993) ; Regard, Parole, Espace (L'Âge d'homme, 1973).
Dans ce recueil d'études où s'est condensée, au fil des dernières années, sa réflexion, Henry Maldiney se propose de penser ensemble l'énigme de l'humanité et l'énigme de la « catastrophe » qui survient à certains d'entre nous. Double décentrement de la pensée, qui la met à la fois hors de l'anthropologie, fût-elle philosophique, et de son envers dans les théories psycho-pathologiques. Double décentrement où s'éprouvent donc au mieux la tradition philosophique - et en particulier celle qui est issue de Heidegger - et la tradition de la Daseinanalyse et de la Schickalsanalyse, telle qu'elle est représentée par Binswanger, Straus, Minkowski, von Weizsäcker et Szondi.