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Chemin De Ronde
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à l'ombre de l'autre langue ; pour un art de la traduction
Antonio Prete
- Chemin De Ronde
- Stilnovo
- 26 Août 2013
- 9782905357083
Fruit d'une rencontre privilégiée entre deux langues, deux histoires propres, deux sensibilités, la traduction a pour but, par les vertus d'hospitalité, d'écoute, d'imitation, de musicalité, d'imagination, de transposition, non de pâlement copier le texte original - bien qu'elle prenne corps à son ombre - mais d'opérer sa pleine et entière métamorphose. Elle est ainsi la meilleure interprétation que l'on puisse donner d'une oeuvre littéraire, le plus bel hommage rendu à sa force et un véritable acte de création.
C'est ici ce que développe Antonio Prete, à la lumière d'abord de Leopardi et de Baudelaire, auxquels il associe dans ses réflexions sur l'acte de traduire d'autres écrivains : Cervantes, Borges, mais aussi Mallarmé, Rilke, Jabès, Bonnefoy (qu'il a traduits) et Benjamin.
Dans À l'ombre de l'autre langue son propos n'est pas tant de proposer une théorie du traduire que d'interroger, du point de vue du poète, prosateur, exégète et praticien fervent de la traduction qu'il est lui-même, la relation intime qui s'établit entre un traducteur et un auteur et ce qui se joue alors ; ce qui lui fait dire : « Traduire un texte poétique a la même intensité qu'une expérience amoureuse. »
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L'ordre animal des choses est caché dans les plis du pouvoir humain sur le monde. Ouvert à la mémoire et à l'imaginaire, il est son contrepoint secret, et comme innocent :sans le moi, habité par le silence des origines, dont les hommes sont exilés. Maintenant intacte la force initiale de la présence, il fait se croiser des animaux réels, mythiques, fantastiques, et quelques humains.
Dans les récits qui composent L'Ordre animal des choses Antonio Prete nous invite à parcourir un univers parallèle à celui qui pour la plupart d'entre nous est seul à exister. Univers où les repères soudain sont perdus - les certitudes abolies, les points de vue modifiés. Il revient là au coeur des thèmes qui parcourent son oeuvre, fondent sa réflexion : le sentiment d'étrangeté, d'éloignement, la nostalgie (celle d'abord d'une pureté perdue), la frontière entre nature et culture, la relation entre l'animal et l'humain, ses porosités - la clé de voûte de l'ensemble étant le langage, véritable instrument de métamorphose.
Passant de la gravité à la légèreté, de la mélancolie à l'humour, sa phrase incarne cette mise en crise d'un monde sûr de son pouvoir dont elle redessine les contours grâce au regard porté sur lui par des êtres qui parlent une autre langue. Labile, inventive, elle offre une fresque subtile, toute de correspondances, dont la contemplation nourrit les parts les plus rêveuses de notre esprit.
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Odetta, Romaine d'âge mûr qui, ancienne libraire, loue une partie de son appartement du quartier San Lorenzo à des étudiants, se livre, dans cette première fiction de Michele Tortorici, à deux longues conversations : d'abord avec un électricien venu réparer une panne à son domicile entre midi et deux puis avec un nouveau locataire, arrivant ce même après-midi d'un dimanche d'hiver.
Dialogues ? Pas vraiment car elle est seule à parler : une loghorrée où elle passe du coq à l'âne et dont elle renoue les fils avec une parfaite maestria. Monologues ? Pas vraiment non plus : ses phrases laissent constamment deviner les réponses de ses interlocuteurs ainsi que leurs gestes ou mimiques.
Sûre d'elle, ne redoutant ni sujet grivois ni confession intime, l'intarissable logeuse est dotée d'une vaste culture embrassant les moindres répliques de Totò, le football, la linguistique, l'oeuvre de Dante - qu'elle peut citer de tête et commenter -, la philosophie, l'économie, bien sûr la politique, etc. Un savoureux pêle-mêle de cocasseries, réflexions fines, jugements à l'emporte-pièce et, surprenantes pour les deux " parfaits inconnus " qu'elle a en face d'elle à tour de rôle, confidences sur sa vie privée - celles-ci livrant à la fin un étonnant secret.
Texte d'un allant continuel, tout d'humour et d'écoute et qui parfois n'est pas sans rappeler Au but, l'une des grandes pièces de Thomas Bernhard, Deux parfaits inconnus met en scène, littéralement, ce personnage remarquablement vivant et complexe qu'est Odetta et, par sa virtuosité narrative, sait faire du lecteur un autre interlocuteur - le troisième, comme caché mais non le moindre.
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Le 9 août 1914, Ludwig Wittgenstein, qui s'est engagé deux jours plus tôt, rejoint son régiment stationné à Cracovie. Après une brève formation, il est affecté sur un aviso-torpilleur, le Goplana, à bord duquel il fait l'expérience de la guerre. Les notes qui composent les présents carnets datent de cette période. Initialement rédigées dans un code qui lui permettait de soustraire certains passages aux éventuels regards indiscrets, elles s'étendent du 9 août au 30 octobre 1914, du 30 octobre 1914 au 22 juin 1915 et du 28 mars au 19 août 1916. Les réflexions personnelles, voire intimes qui en font partie s'y entrelacent à ses méditations philosophiques, plus spécifiquement liées aux problèmes qui devraient donner naissance au Tractatus logico-philosophicus, achevé en 1918, autant qu'à son souci permanent du «travail» dans un contexte qui n'aurait pu être pire. Le Wittgenstein «secret» qui s'y révèle n'est sans doute pas celui que le Tractatus permet spontanément d'imaginer ; il permet toutefois d'entrevoir un visage qui n'est pas étranger à celui de sa philosophie - un visage qui s'accorde avec la dimension morale que revêtaient à ses yeux les problèmes intellectuels.
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Exercices sur le tracé des ombres ; Walter Benjamin
Anne Roche
- Chemin De Ronde
- 8 Septembre 2010
- 9782905357021
Exercices sur le tracé des ombres s'inscrit de façon originale dans le champ des publications consacrées à Walter Benjamin.
S'appuyant principalement sur Sens unique et le Livre des passages - soit, dans le temps, les oeuvres extrêmes de l'auteur d'Origine du drame baroque allemand -, mais aussi sur sa correspondance (notamment ses échanges essentiels avec Scholem et Adorno), l'ouvrage prend en compte des points peu traités quant à lui par la critique française, dont la mise en question de la personne (de la personnalité), la construction du moi au travers des objets, des lieux, du frayage même de l'impersonnel.
Y est reconsidérée - selon une perspective qui met en exergue un écrivain-philosophe foncièrement politique - sa conception du temps et de l'histoire ; soulignée la puissance, pour elle, de l'idée de révolution, loin des palinodies des interlocuteurs et amis les plus chers (Adorno, Scholem). L'essai accorde toute sa place au régime de l'inactuel (cette déchronicité aussi prégnante chez Benjamin que chez Nietzsche) et s'attarde, naturellement mais avec invention, au travail de la citation : " espace-rupture ", cour intense, dans le geste d'écrire, de l'opération de minage du corps-auteur qui aura constamment mobilisé une pensée dont Anne Roche veut et sait garder vifs tous les éclats, toutes les tensions.
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Zazous et resistants, nos vingt ans
Marie-Made Malochet
- Chemin De Ronde
- 16 Février 2000
- 9782909789088
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Dès 1926 des milliers d'enfants tsiganes ont été déportés dans des centres « d'accueil » sans jamais revoir leurs parents. L'OEuvre de bienfaisance «Pro Juventute» a agi en toute légalité, soutenue par l'Allemagne nazie. A partir de ces événements, Mario Cavatore construit l'histoire d'un personnage emblématique, Lubo Reinhardt, Tsigane et citoyen suisse dont la femme a été assassinée et les enfants enlevés. Reinhardt décide de se venger : on lui a pris ses enfants, il séduira le plus grand nombre de femmes et donnera naissance au plus d'enfants possible. En eux coulera du sang tsigane : sa communauté ne sera pas anéantie. Le roman se déroule sur trente ans : après le premier geste de Lubo, suit le destin déchirant d'un de ses fils, Hugo, de son demi-frère, Hans, de leur mère et de plusieurs figures importantes.
Le Geste du semeur a été accueilli dans un bel article de Serge Airoldi publié dans Le Matricule des Anges de mai 2011 ; et le centre culturel italien de Paris le classe parmi ses meilleures nouveautés.
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En écho de Court traité du fragment - l'essai décisif qu'elle a donné à l'esthétique en 1986 -, Anne Cauquelin propose, avec De la nature des lièvres et à partir d'une attention vive et affectueuse à l'oeuvre de Daniel Arasse, une réflexion aiguë, enjouée, sur la question du pan, du fragmentaire, de la diffraction du sens en peinture, en art, dans le texte. Interrogation générique se portant à sauts et à gambades sur les petites formes, sur le paragraphe et les isolats, sur la suspension, sur le dandysme du retrait et quelques singularités animales; affaire elle-même coupée-découpée, elle-même fragmentaire comme il ne pouvait en l'occurrence que se devoir. Dans les rebonds paragraphés de la pensée, ses bouffées autobiographiques, dans un dispositif où images, rêves, idées, souvenirs et sons se versent en écriture, en elle se déposent selon leur ordre propre et s'y composent comme naturellement, De la nature des lièvres, livre d'immédiate tension-instauration ludique (et savante, c'est tout comme), donne à lire une poétique de l'éclat-multiple : un feu artiste - une philosophie dansée.
Avec vingt dessins de l'auteur.
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La Mort quotidienne est une méticuleuse chasse aux signes et aux sensations de la mort dans le corps même de l'écrivain. « Je m'épie et m'écoute » déclare Alexandre Bonnier dans l'une des cinquante-cinq séquences qui composent l'ouvrage. Mais il s'agit-là d'une écoute qui tourne le dos au réalisme et à l'anecdote ; à tout épanchement. On y atteint le coeur de la littérature grâce à la constante liberté du ton, à l'acidité dandy : à un humour décapant qui pourrait faire penser à celui du Maurice Roche de Maladie Mélodie. Un désespoir vibrant et tonique anime ces pages et fait de ce livre sur la mort un véritable art de vivre avec sa pratique inséparable de sa philosophie.
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Douze textes de Daniel Charles se trouvent ici ordonnés et présentés par Christine Esclapez et Christian Hauer, musicologues très proches de l'auteur.
Tous ont été publiés dans Corps écrit, revue thématique pluridisciplinaire créée par Béatrice Didier en 1982 et dont la publication s'est poursuivie durant neuf ans : trente-six livraisons de haute qualité.
Bien difficilement trouvables jusqu'ici, ces écrits mêlant essais, portraits et chroniques composent un quasi-inédit et d'évidence un portrait intellectuel des plus exacts de Daniel Charles. Sa pensée en archipel, familière de la surprise, des enchaînements inattendus, toute d'élégance et d'érudition joueuse s'y donne libre court; est là en acte, saluant John Cage - dont il reste l'exégète premier - comme le philosophe-artiste Jean Grenier. Mais encore Claude Ballif, compositeur de réflexion et de mémoire qui comme lui a connu la commotion mallarméenne; mais aussi, en pure vivacité, quelques essentielles notions où silence, improvisation, détachement, ébauche tiennent la meilleure part.
Ode au fragment, au non-aligné, au contournement délicat des systèmes, éloge du non finito, ces textes à la rare saveur d'écriture sont, comme l'oeuvre entier de Daniel Charles, une grâce offerte à l'esthétique française, que l'auteur du Temps de la voix a si puissamment contribué à redessiner.
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Un secret de famille affiché dès les premières pages, est-ce encore un secret? Si le conte dit qu'il dit ce qui ne peut être dit, est-ce qu'il reste quelque chose à dire? Le texte va explorer ce que les autres ont dit, le terreau des récits récoltés dans les marges de l'école, de la famille, des secousses de l'histoire. Mais pourquoi ne pouvait-on parler, dans la famille, de ce livre qui contenait en germe les secousses de la même histoire, de la destruction des Juifs d'Europe, de la guerre? Alors, raconter avec autre chose, avec la maison qui devait résister aux bombes, avec les villes de l'enfance ou de l'exil, avec l'habitation du monde. Et si le secret n'était pas en réalité la dissimulation d'une autre histoire?
Avec Terrhistoire, Anne Roche poursuit son chemin benjaminien, cette fois-ci sur le mode de l'essai autobiographique, de la méditation politique faisant entre autres le récit des villes transformées par les fracas de l'histoire, où Berlin tient une place majeure. L'ouvrage forme diptyque avec Habiter l'utopie. Walter Benjamin architecte - premier livre à s'attacher, en France, au regard de Benjamin sur l'architecture - qui sera très bientôt proposé par les éditions chemin de ronde. -
Voyage sur un fantôme ; Rome, le scooter, et ma mère
Jjérôme Orsoni
- Chemin De Ronde
- 29 Octobre 2015
- 9782905357113
Voyage sur un fantôme. Rome, le scooter, et ma mère est une géographie du possible, une déclaration d'amour à Rome, une lamentation sur le corps défunt, un hymne à l'invention de soi. On y chemine avec Nanni Moretti, Pier Paolo Pasolini, Jacob Burckhardt, Friedrich Nietzsche. On demande son chemin à quelques situationnistes en mal d'orientation. On y croise Stendhal et Audrey Hepburn. Avant de dialoguer, in fine, avec le chat d'Antonio Gramsci. Parce qu'après tout, en voyage, ce qui importe c'est de se poser les bonnes questions - et de les suivre en attendant de voir où elles nous mènent.
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Parfois, on entend dire qu'il va pleuvoir, et on ne prévoit pas que ce sera le déluge.
Parfois, on entend dire It's Gonna Rain, et on ne prévoit pas que ce sera le déluge, de la musique. De la musique, c'est certain, Steve Reich aura marqué l'histoire. Et, c'est important. Tout aussi important : comment sa musique au début, avec It's Gonna Rain donc, mais aussi Come Out, Piano Phase, Clapping Music, pièces parfaitement radicales et parfaitement audibles, marque le temps et l'espace dans lesquels elle s'inscrit.
Et ainsi : comment sa musique, bien que très savante et très européenne, parvient à sortir de la tradition de la musique savante européenne et, américaine, invente de nouveaux canons musicaux, en répétant, en décalant, en ne se répétant donc pas, en cherchant dans les ressources du son lui- même les moyens de changer la musique elle-même. En inventant la musique de phase. Il faut l'écouter.
Ceci est un essai. Ou mieux : une pure fiction.
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Habiter l'utopie : Walter Benjamin architecte
Anne Roche
- Chemin De Ronde
- Strette
- 16 Avril 2024
- 9782905357175
Sans abandonner le fléchage historien qui est au coeur de deux oeuvres majeures de Walter Benjamin, Sens unique et Paris, capitale du XIXe siècle, Anne Roche, après Exercices sur le tracé des ombres, interroge les liens de l'auteur du Narrateur à l'espace urbain, à l'espace habitable ou inhabitable et aux modes de vie. S'écartant du mobilier bourgeois et de l'architecture néo-classique à la Schinkel qui ont pesé de tout leur poids sur Enfance berlinoise, Benjamin cherche là des alternatives.
Du côté de l'architecture vernaculaire d'une Ibiza encore intouchée par le tourisme; du côté, apparemment opposé, des matériaux de la modernité (verre, fer, béton) sans céder aux mirages d'un « progrès » dont il a vu, l'un des premiers, les ambiguïtés et les risques.
À égale distance des chantres de la décroissance et des apôtres du « progrès » indéfini, Benjamin, en relevant les rêves d'un Fourier ou d'un Scheerbart comme les analyses de Marx, se demande comment faire un monde habitable, où la nature ne soit pas exploitée par les empiètements de l'industrie et du profit mais redevienne « le corps inorganique de l'homme » (Marx). -
Morton Feldman, for Bunita Marcus ; une minute, une seule
Guillaume Belhomme
- Chemin De Ronde
- 18 Mai 2023
- 9782905357151
"Morton Feldman (1926-1987) est, à l'égal de son ami John Cage, l'un des compositeurs et inventeurs de formes et de modes de jeu les plus importants du XXe siècle.
Créée en 1985, longue de plus d'une heure et parangon de son art, For Bunita Marcus, - avec Palais de Mari le sommet de son abondant catalogue pour piano - interroge tout autant la place, le rôle de son interprète que le poids du silence dans l'écriture musicale et sa concrétisation.
Depuis sa première rencontre avec l'enregistrement qu'en a donné Hildegard Kleeb en 1990, Guillaume Belhomme a fait de toute nouvelle écoute de For Bunita Marcus une sorte de rituel.
De son unique mouvement, la pièce impose à chaque fois son rapport singulier au temps de même qu'elle s'adapte aux différents environnements que se plaît à lui choisir son auditeur dont l'expérience esthétique convoque, en cinquante stations d'un flux de conscience érudit et subtil, d'intenses figures artistiques (de Mallarmé à Cage - bien entendu - en passant par Schwitters, Rauschenberg, Philip Guston, Beckett...) entrant en résonance avec l'avancée hypnotique de l'oeuvre.
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