Une centaine de quatrains, autant d'antennes pour intercepter des ambiances et toutes sortes de messages émis par les médias et les réseaux sociaux. Que faire quand la vulnérabilité nous met à nu dans un monde semblant voué à devenir un champ de ruines ? En résistance, une réponse s'esquisse : avoir de l'humour afin de renvoyer la réalité au dérisoire. Y capter des éclats de beauté aussi. La forme brève et basique du quatrain reflète en décalage cette époque inquiétante, entre épidémie, crise économique et écologique, et guerres. Les rimes désamorcent la terreur pour laisser la place à une forme de jubilation et invitent le lecteur à renouer avec une certaine naïveté.
Payvagues est un voyage en quatre récits avec pour guides les voix de femmes, sorcières ou chamanes aux pouvoirs cosmo-telluriques. Entre désolation et merveilleux, des individus traversent des expériences inédites sous l'influence de ces voix, dans des zones au climat bouleversé. Iels explorent des relations inédites avec la faune et la flore, les phénomènes géologiques et climatiques, découvrent de nouveaux états organiques et symbiotiques. Ces récits sont portés par une langue minéralisée soutenue par un corpus de références écologiques, anthropologiques et poétiques.
Coma en espagnol signifie également virgule. J'aime cette idée de pause, de court temps d'arrêt, de respiration, avant de passer à autre chose. Ton coma ne sera pas trop long, le temps d'un soupir, tu traversais la rue virgule, tu te réveilles et souris point. Tu diras Où suis-je ? et je répondrai Tu as traversé la rue et tu as atterri dans ce lit. La vie reprendra son cours et nous pourrons rire de cette absurde mésaventure, de cet accident typique du xxie siècle, nous repenserons à tous ces touristes tombés connement en reculant au bord d'une falaise pour prendre un selfie. /// Extrait : Drôle d'époque, nous sommes devenus des hommes modernes augmentés, nos bras se prolongent vers des écrans, nos pouces s'agitent sans cesse pour passer d'une nouvelle importante à une image rigolote, notre cerveau analyse quantité d'images sans filtre, nos yeux voient des corps explosés dans des pays en guerre, des petits chats mignons qui ronronnent, des sexes exposés comme des oeuvres d'art, des poèmes cucul, nous ingurgitons sans discernement violence, mauvais goût, beauté, images, vidéos, textes, infos, intox, politique, culture, faits-divers, guerres, opinions, ego-portraits, food-porn, hoax, notre cerveau au bord de l'implosion, nos yeux rougis par les écrans bleus et le bruit inaudible d'une voiture qui approche à toute vitesse lorsque tu poses ton pied droit sur les lignes blanches du passage piéton, trop tard pour freiner, trop tard pour éviter l'impact, ton corps qui vole pendant quelques secondes dans les airs, ta main qui ne lâche pas le téléphone que l'on retrouvera intact dans ta paume inerte, du sang sur tes tempes, tes vêtements abîmés, marionnette connectée à la 4G. Petit con. Tu n'as pas intérêt à mourir.
Le temps d'une nouvelle, Éric Pessan nous entraîne dans un quotidien qui bascule brutalement dans le fantastique. Tout commence par une banale agression dans un train de banlieue... Entre foule indifférente et migrants marqués mais résilients, Untoten embarque dans un voyage troublant et dangereux qui questionne les certitudes bien-pensantes. Indispensable pour, un jour, peut-être, savoir renaître.
Les arts et techniques illusionnistes et toutefois très concrets de la scénographie théâtrale se révèlent sous un jour poétique empreint de malice. Constitués de fragments prélevés dans les chapitres du livre Pratique pour fabriquer scènes et machines de théâtre du machiniste et décorateur italien du XVIIe siècle Nicola Sabbattini, les poèmes sont accompagnés de dessins sur mesure du designer David Enon. Régi par les ficelles du sensible, l'ensemble traite de plan et d'espace, de mouvement et de lumière, et paraît traverser le temps.
Un livre de formes, (...) qui emprunte en premier lieu, au modèle physique du quatuor à cordes le positionnement dans l'espace et, à la forme classique, la division en mouvements. Suit la traduction condensée des 90 folk songs qui composent les six derniers albums de Tom Waits, puis vient "Quatorze pièces faciles pour harmonie municipale", qui pourrait être une quatorzine, forme inventée par Raymond Queneau par extension de la sextine. 'Rapatitata boum boum'. a, o, é, on, 9 poèmes en forme d'accordéon, suivi d'un Anthologie de la musique bulgare, volume 2, onzains de prose. Enfin, Signe de renvoi et Quelques précisions. Frédéric Forte oulipien? Certainement.
(Lettres d'Aquitaine, février-mars 2003)
Un lieutenant de police rencontre un certain nombre de suspects potentiels, de témoins et d'indigents autour d'une mystérieuse scène de crime, et tous sont pris dans le tourbillon de l'être et de la mise à nu. Entre interrogatoire et réflexion politique, un rythme syncopé embarque la lecture dans une expérience de l'altérité jusque dans le langage. Le livre se termine sur un entretien avec John Sakkis, poète et ami de l'auteur, dans lequel ce dernier expose ses motivations et la manière dont il a travaillé pour écrire cet ouvrage.
« Sur l'île de Tahiroha, le jour du Vendredi saint, les cannibales convertis au christianisme ne mangent que des marins. » L'écrivain lisboète exilé Jaime Montestrela (1925-1975) écrivit ces «contes liquides» à Paris, de mai 1968 à juin 1972, au rythme de deux ou trois par semaine. Plus de mille, donc. Nous en présentons ici quatre-vingts, ce qui n'est pas mal, compte tenu du fait que le traducteur ne parle pas portugais.
Livre préfacé par Hervé Le Tellier, postface de Jacques Vallet. Avec un dessin de Fernando Puig Rosado en ouverture.
"Fusion brève mais puissante de poésie, de prose et de philosophie, ce livre est aussi énigmatique que la nuit elle-même, perpétuellement tendue vers l'illumination tout en la retenant. L'incertitude se déploie comme une rivière souterraine à travers ces pages où les mouvements physiques du monde sont mis en parallèle avec ceux de l'esprit brillant d'Adnan. "La philosophie nous ramène à la simplicité", écrit-elle, tout en essayant avec une grande complexité de concilier l'inconciliable : la relation de la mémoire au temps." - Kimberly Grey (extrait), revue en ligne On the seawall.
« Mais voilà que le zéro est arrivé, répandant ses méfaits à travers toute l'Europe chrétienne. » Réunissant intimement esprit critique et travail de poésie, Rosmarie Waldrop embarque ici dans l'histoire humaine (grandes découvertes, guerre d'Irak, musique, peinture, finances, croyances, philosophie) pour observer les progrès de notre pouvoir d'abstraction qui, malgré tous les ponts qu'il édifie sur le vide, ne le résoudra jamais. /// Extrait (p. 29) : MATÉRIAUX /// J'ai une vieille aversion pour la pierre, les associations culinaires avec l'argile, et une horreur du plastique. Creux et bosses. L'imprécision des contours soulève des doutes que le marbre a résolus mais j'ai toujours eu envie de faire un croc en jambe aux statues. Entourées qu'elles sont de voyeurs, elles raidissent leur absence de colonne vertébrale pour refuser à la fois la théorie précise et la vérification approximative. Comme des vierges. Ai-je besoin du mutisme de la matière pour m'inquiéter de sa réalité ? La nuit tombe vite, comme une perte d'équilibre, comme la mort vient au soldat, avec du change en poche. Et puis il y a ces phrases que je saisis pour les tordre. Elles s'écroulent bruyamment devant le mot identitaire, soulevant un vent vide entre les fragments.
La mer?: peut-être le symbole littéraire originel, incarnant vie, mort et changement incessant. Le brouillard?: mystérieux, atmosphérique, parfois mortel. Ce livre d'Etel Adnan, intitulé à partir des éléments qu'il questionne, est une suite de strophes contemplatives et sombres interrogeant la condition humaine contemporaine. Il s'attache aux forces universelles, affrontant les cycles répétitifs les plus tragiques de la nature humaine?: le départ, la mort, la guerre, l'amour.
Moins expérimental que ses travaux antérieurs, le terme le plus approprié pour cet ensemble pourrait être «?épique non-narratif?». À certains moments, on perçoit des éléments de la pensée zen et de la philosophie classique, avec des critiques de l'impérialisme et de la violence.
Avec des mots tour à tour tranchants et veloutés, une syntaxe acérée mais un phrasé soyeux, Aurélia Declercq nous entraîne dans la petite grotte, la gorge derrière la glotte, où la nature physique abdique ses lois devant celles de la profération et de la projection, de la lecture et de la rature, d'une métamorphose verbale continue et néanmoins brutale. Il vaut la peine de la suivre dans ce détroit de tissu et de chair déchirés. La voix qui nous guide est déjà reconnaissable entre toutes. (Extrait de la préface de Pierre Alferi) /// Extrait (p. 54) : Remise du deuil à moitié je me suis rappelée qu'on était dans une sorte de cave ceci explique cela. Toujours pas d'Elsa dans l'angle de vue, pas de tapis rouges tapissés bientôt cavés. Disant bientôt cavés je trébuche, presque c'est la chute totale dans pigeon tout emplumé, trébuchée là un tchin aux fabuleux clowns qui nous enchantent encore : à Keaton titubant, sa blessure cicatrisée c'est-à-dire à la seconde. Ramassée je vois le visage de Keaton ici, je vois dentelle et autres tissus sur ses cils, enchanté Keaton, bienvenue dans le jabot. J'imagine, Keaton tu as dû tomber dans l'oiseau, tomber bien tomber là, toboggan à ton tour. Dans sa chute, dans son gag pigeon, je vois une broderie lézarde, une crevasse toute cousue, chute un peu fibrée rien de tel qu'un birdy pour les clowns encore d'aujourd'hui. /// Aurélia Declercq (1993) est née à Bruxelles et vit à Paris. Après un diplôme en psychologie clinique et des recherches sur la fonction du néologisme dans les processus langagiers dits psychotiques à l'Université Libre de Bruxelles, elle rejoint l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris afin de poursuivre ses réflexions sur la matérialité du langage. RIKIKI est son premier livre et il suit une série de publications de textes théoriques (Flux News, le Point Contemporain, Université Libre de Bruxelles) ainsi que poétiques (11 Mars 1978 Serendipity, DO IT, revue Dissonances, A) GLIMPSE) OF) Issue).