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Gallimard
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«Il faut s'adapter» : sur un nouvel impératif politique
Barbara Stiegler
- Gallimard
- Nrf Essais
- 24 Janvier 2019
- 9782072757495
D'où vient ce sentiment diffus, de plus en plus oppressant et de mieux en mieux partagé, d'un retard généralisé, lui-même renforcé par l'injonction permanente à s'adapter au rythme des mutations d'un monde complexe? Comment expliquer cette colonisation progressive du champ économique, social et politique par le lexique biologique de l'évolution ?
La généalogie de cet impératif nous conduit aux sources d'une pensée politique, puissante et structurée, qui propose un récit très articulé sur le retard de l'espèce humaine et sur son avenir. Elle s'est donné le nom de « néolibéralisme » : néo car, contrairement à l'ancien qui comptait sur la libre régulation du marché pour stabiliser l'ordre des choses, le nouveau en appelle aux artifices de l'Etat (droit, éducation, protection sociale) afin de transformer l'espèce humaine et son environnement et construire ainsi artificiellement le marché : une biopolitique en quelque sorte.
Il ne fait aucun doute pour Walter Lippmann, théoricien américain de ce nouveau libéralisme, que les masses sont rivées à la stabilité de l'état social (la stase, en terme biologique), face aux flux qui les bousculent. Seul un gouvernement des experts peut tracer la voie de l'évolution des sociétés engoncées dans le conservatisme des statuts. Lippmann se heurte alors à John Dewey, grande figure du pragmatisme américain, qui, à partir d'un même constat, appelle à mobiliser l'intelligence collective des publics, à multiplier les initiatives démocratiques, à inventer par le bas l'avenir collectif.
Un débat sur une autre interprétation possible du sens de la vie et de ses évolutions au coeur duquel nous sommes plus que jamais.
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Bouleversement ; les nations face aux crises et au changement
Jared Diamond
- Gallimard
- Nrf Essais
- 17 Septembre 2020
- 9782070147229
Ce livre est une étude comparative, narrative et exploratoire des crises et des changements sélectifs survenus au cours de nombreuses décennies dans sept nations modernes : la Finlande, le Japon, le Chili, l'Indonésie, l'Allemagne, l'Australie et les États-Unis. Les comparaisons historiques obligent, en effet, à poser des questions peu susceptibles de ressortir de l'étude d'un seul cas : pourquoi un certain type d'événement a-t-il produit un résultat singulier dans un pays et un très différent dans un autre ? L'étude s'organise en trois paires de chapitres, chacune portant sur un type différent de crise nationale. La première paire concerne des crises dans deux pays (la Finlande et le Japon), qui ont éclaté lors d'un bouleversement soudain provoqué par un choc extérieur au pays. La deuxième paire concerne également des crises qui ont éclaté soudainement, mais en raison d'explosions internes (le Chili et l'Indonésie). La dernière paire décrit des crises qui n'ont pas éclaté d'un coup, mais qui se sont plutôt déployées progressivement (en Allemagne et en Australie), notamment en raison de tensions déclenchées par la Seconde Guerre mondiale. L'objectif exploratoire de Jared Diamond est de déterminer une douzaine de facteurs, hypothèses ou variables, destinés à être testés ultérieurement par des études quantitatives. Chemin faisant, la question est posée de savoir si les nations ont besoin de crises pour entreprendre de grands changements ; et si les dirigeants produisent des effets décisifs sur l'histoire. Tout en respectant la volonté première de ne pas discuter d'une actualité trop proche qui, faute de distance et perspective, rendrait le propos rapidement obsolète, un Épilogue, propre à l'édition française, esquisse, en l'état des données, une réflexion sur la pandémie du Covid-19.
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Figures du Palestinien : Identité des origines, identité de devenir
Elias Sanbar
- Gallimard
- Nrf Essais
- 21 Octobre 2004
- 9782070759361
Peuple expulsé de sa terre en 1948, les Palestiniens, sans jamais oublier ou négliger leur histoire, se définissaient d'abord par leur géographie si particulière, celle de la Terre sainte. Trois figures retracent leur identité de devenir.Gens de la Terre sainte : du temps de l'Empire ottoman, les Palestiniens, plus encore qu'Arabes occupés, se définissent par le pays où coexistent communautés et religions et dont les paysages sont marqués par les fusions des lieux de culte et de pèlerinages des monothéismes.Arabes de Palestine : du temps du Mandat britannique, lorsque se bâtit le «Foyer» sioniste qui prétend appuyer ses droits sur une antériorité des Juifs sur les Arabes, au point que la «montée» vers la Palestine est un retour et non une venue, les Palestiniens, pris dans la double tourmente des colonialismes britannique et juif, deviennent, malgré résistance et révoltes, graduellement des étrangers sur leur propre terre.L'Absent ou le Palestinien invisible : après l'expulsion de 1948, alors que le nouvel État d'Israël gère les biens des expulsés comme «biens des absents» et qu'il efface ou modifie méthodiquement, au fil des années toponymie et topographie, les Palestiniens, parqués par villages entiers dans les camps de réfugiés, cultivent la mémoire des lieux et nourrissent l'idée du retour.Après des siècles de présence chez lui, le peuple palestinien réclame un État, puisque la communauté et le droit international ont érigé l'État-nation en seule forme possible, pour un peuple, de présence libre et souveraine sur sa terre.
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Qu'il suive le fil d'Ariane sur les traces du Minotaure pour évoquer Oran et ses alentours, qu'il revisite le mythe de Prométhée à la lumière de la violence du monde moderne, ou qu'il rêve à la beauté d'Hélène et de la Grèce, Albert Camus nous entraîne tout autour de la Méditerranée et de ses légendes.
Un court recueil de textes lyriques et passionnés pour voyager de l'Algérie à la Grèce en passant par la Provence.
Grand format 20.00 €Indisponible
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Libres d'obéir ; le management, du nazisme à aujourd'hui
Johann Chapoutot
- Gallimard
- Nrf Essais
- 9 Janvier 2020
- 9782072789243
Reinhard Hohn (1904-2000) est l'archétype de l'intellectuel technocrate au service du III? Reich. Juriste, il se distingue par la radicalité de ses réflexions sur la progressive disparition de l'État au profit de la «communauté» définie par la race et son «espace vital». Brillant fonctionnaire de la SS - il termine la guerre comme Oberführer (général) -, il nourrit la réflexion nazie sur l'adaptation des institutions au Grand Reich à venir - quelles structures et quelles réformes ? Revenu à la vie civile, il crée bientôt à Bad Harzburg un institut de formation au management qui accueille au fil des décennies l'élite économique et patronale de la République fédérale : quelque 600 000 cadres issus des principales sociétés allemandes, sans compter 100 000 inscrits en formation à distance, y ont appris, grâce à ses séminaires et à ses nombreux manuels à succès, la gestion des hommes. Ou plus exactement l'organisation hiérarchique du travail par définition d'objectifs, le producteur, pour y parvenir, demeurant libre de choisir les moyens à appliquer. Ce qui fut très exactement la politique du Reich pour se réarmer, affamer les populations slaves des territoires de l'Est, exterminer les Juifs. Passé les années 1980, d'autres modèles prendront la relève (le japonais, par exemple, moins hiérarchisé). Mais le nazisme aura été un grand moment managérial et une des matrices du management moderne.
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De l'inégalité parmi les sociétés ; essai sur l'homme et l'environnement dans l'histoire
Jared Diamond
- Gallimard
- Nrf Essais
- 22 Novembre 2000
- 9782070753512
La question essentielle, pour la compréhension de l'état du monde contemporain, est celle de l'inégale répartition des richesses entre les sociétés : pourquoi une telle domination de l'Eurasie dans l'histoire ? Pourquoi ne sont-ce pas les indigènes d'Amérique, les Africains et les aborigènes australiens qui ont décimé, asservi et exterminé les Européens et les Asiatiques ? Cette question cruciale, les historiens ont renoncé depuis longtemps à y répondre, s'en tenant aux seules causes prochaines des guerres de conquête et de l'expansion du monde industrialisé. Mais les causes lointaines, un certain usage de la biologie prétend aujourd'hui les expliquer par l'inégalité supposée du capital génétique au sein de l'humanité. Or l'inégalité entre les sociétés est liée aux différences de milieux, pas aux différences génétiques. Jared Diamond le démontre dans cette fresque éblouissante de l'histoire de l'humanité depuis 13 000 ans. Mobilisant des disciplines aussi diverses que la génétique, la biologie moléculaire, l'écologie des comportements, l'épidémiologie, la linguistique, l'archéologie et l'histoire des technologies, il marque notamment le rôle de la production alimentaire, l'évolution des germes caractéristiques des populations humaines denses, favorisées par la révolution agricole, le rôle de la géographie dans la diffusion contrastée de l'écriture et de la technologie, selon la latitude en Eurasie, mais la longitude aux Amériques et en Afrique.
Grand format 35.50 €Indisponible
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Énigmes et complots : Une enquête à propos d'enquêtes
Luc Boltanski
- Gallimard
- Nrf Essais
- 16 Février 2012
- 9782070136292
Pourquoi, au tournant des XIXe et XXe siècles, observe-t-on tour à tour : le développement du roman policier, dont le coeur est l'enquête, et du roman d'espionnage, qui a pour sujet le complot ; l'invention, par la psychiatrie, de la paranoïa, dont l'un des symptômes principaux est la tendance à entreprendre des enquêtes interminables, prolongées jusqu'au délire ; l'orientation nouvelle de la science politique qui, se saisissant de la problématique de la paranoïa, la déplace du plan psychique sur le plan social et prend pour objet l'explication des événements historiques par les " théories du complot " ; la sociologie, enfin, qui se dote de formes spécifiques de causalité - dites sociales -, pour détermine les entités, individuelles ou collectives, auxquelles peuvent être attribués les événements qui ponctuent la vie des personnes, celle des groupes, ou encore le cours de l'histoire ? La raison en est la conjoncture nouvelle que créent de profonds changements dans la façon dont est instaurée la réalité sociale.
C'est à l'Etat-nation, tel qu'il se développe à la fin du XIX° siècle, que l'on doit le projet d'organiser et d'unifier la réalité pour une population et sur un territoire. Mais ce projet, proprement démiurgique, se heurte à une pluralité d'obstacles parmi lesquels le développement du capitalisme, qui se joue des frontières nationales, occupe une place centrale. Ainsi la figure du complot focalise des soupçons qui concernent l'exercice du pouvoir : où se trouve réellement le pouvoir et qui le détient, en réalité ? Les autorités étatiques, qui sont censées en assumer la charge, ou d'autres instances, agissant dans l'ombre, banquiers, anarchistes, sociétés secrètes, classe dominante, etc.
? Ainsi s'échafaudent des ontologies politiques qui tablent sur une réalité doublement distribuée : à une réalité officielle, mais de surface et sans doute illusoire, s'oppose une réalité profonde, cachée, menaçante, officieuse, mais bien plus réelle. Roman policier et roman d'espionnage, paranoïa et sociologie - inventions à peu près concomitantes - sont solidaires d'une façon nouvelle de problématiser la réalité et de travailler les contradictions qui l'habitent.
Les aventures du conflit entre ces deux réalités - réalité de surface contre réalité réelle- constitue le fil directeur de l'ouvrage.
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Le souverain laborieux : Une théorie normative du travail
Axel Honneth
- Gallimard
- Nrf Essais
- 12 Septembre 2024
- 9782073031792
Un des plus grands défauts de presque toutes les théories de la démocratie consiste à oublier obstinément que les membres de ce Souverain qu'elles invoquent à cor et à cri sont toujours aussi des sujets laborieux. On s'imagine que les citoyennes et les citoyens se soucient avant tout de prendre part aux débats politiques pour y défendre leurs idées ; mais la réalité sociale est que, jour après jour, la plupart des individus se consacrent à un travail, ce qui - en raison de leur position subalterne, de leur faible rémunération ou du surmenage auquel ils sont exposés - leur interdit en pratique ne serait-ce que de se projeter dans le rôle d'acteurs autonomes de la formation démocratique de la volonté. Le point aveugle de la théorie de la démocratie est donc une division sociale du travail qui est née sur le sol du capitalisme moderne et qui, en raison de positions très inégalement dotées, détermine qui détient quelles possibilités d'influencer le processus de la formation démocratique de la volonté. Négliger cette sphère est d'autant plus fatal pour une théorie de la démocratie qu'elle perd ainsi de vue l'un des rares leviers qui permettent à l'État démocratique d'agir sur ses propres conditions d'existence : en dehors de l'instruction scolaire, l'État démocratique peut, en agissant sur les conditions de travail, déterminer quels sont les schémas comportementaux bénéfiques, c'est-à-dire coopératifs.
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Une journée dans la vie d'Abed Salama : Anatomie d'une tragédie à Jérusalem
Nathan Thrall
- Gallimard
- Nrf Essais
- 11 Janvier 2024
- 9782072998140
Le 16 février 2012 s'annonce comme une journée ordinaire pour Abed Salama, un Palestinien des Territoires occupés. Tôt le matin, son fils Milad est parti en excursion avec son école. Très vite la rumeur se répand qu'un bus scolaire a été heurté de plein fouet par un semi-remorque sur une route sous contrôle israélien mais très mal équipée et entretenue car empruntée pour l'essentiel par des Palestiniens. N'était le nombre de victimes brûlées vives (enfants et institutrice), il aurait pu ne s'agir que d'un banal accident de la route, dû à un trafic surchargé puisque ralenti par un checkpoint de l'armée israélienne - elle endigue aux heures de pointe la circulation des Palestiniens afin de faciliter celle des colons israéliens. Tout se déploie dans le récit serré et l'écriture neutre de Nathan Thrall : la fracture des familles palestiniennes entre les membres qui acceptent de collaborer avec les services sécuritaires d'Israël, suite aux accords d'Oslo, et ceux qui refusent la corruption morale et financière que cela entraîne ; les conditions de scolarisation et d'embauche dans une situation d'occupation ; les itinéraires imposés par Israël aux Palestiniens afin de raccourcir et sécuriser au maximum les trajets des colons qui ceinturent Jérusalem : ceux-ci occupent toujours plus de terres qui étaient encore palestiniennes en 1948, dont la population a été chassée et les noms arabes ont été effacés ; la construction d'un mur de séparation entre colonies juives et villages arabes, qui oblige les Palestiniens à d'absurdes détours, sur des axes surchargés, et qui, en l'occurrence, empêchera ce jour-là les secouristes d'arriver à temps sur les lieux. Thrall anatomise une tragédie à Jérusalem. De cette chaîne de causalités, la justice de l'État hébreu ne retint que la responsabilité du chauffeur palestinien du semi-remorque, condamné pour défaut de maîtrise du véhicule.
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Du héros à la victime : la métamorphose contemporaine du sacré
François Azouvi
- Gallimard
- Nrf Essais
- 21 Mars 2024
- 9782072947018
Autour des années soixante et soixante-dix du siècle dernier, un bouleversement anthropologique s'est produit en France et dans la plupart des sociétés occidentales : le modèle du héros qui prévalait jusqu'alors et dictait nos comportements a cédé la place au modèle de la victime. Que nous ne soyons désormais plus requis de nous comporter en héros mais invités à nous constituer en victimes, c'est un fait dont on convient généralement. Mais on ne s'était pas jusqu'à présent interrogé sur les raisons et les modalités de cette mutation. François Azouvi reconduit l'émergence de la société des victimes à une autre transformation, d'immense portée : le retrait du religieux dans sa forme institutionnelle. La victime a pu ainsi être sacralisée au point d'incarner, dans nos sociétés sécularisées, le Vrai et le Bien. Son règne marque la métamorphose du religieux en sacré. Pour retracer cette histoire, François Azouvi suit le trajet et les mutations de l'héroïsme depuis son apogée, en 1914, jusqu'à son effacement progressif et son remplacement par le modèle victimaire. Son enquête nous mène aux formes tout à fait contemporaines que ce modèle revêt aujourd'hui, dans une société morcelée par les irrémédiables compétitions auxquelles les victimes se livrent entre elles.
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État secret, État clandestin : Essai sur la transparence démocratique
Sébastien-Yves Laurent
- Gallimard
- Nrf Essais
- 22 Février 2024
- 9782070145737
Nous semblons vivre à une époque où tout finit par se savoir depuis qu'en 2013 un employé de l'agence de renseignement technique des États-Unis, Edward Snowden, révéla un authentique «secret d'État» : la collecte par les États-Unis de dizaines de millions de communications échangées dans le monde. Depuis lors en tous domaines des documents secrets ont été l'objet de fuites, laissant croire que la notion de secret d'État n'existe plus. L'État aujourd'hui serait-il désormais un État transparent, dépouillé de ses mystères ? Sébastien-Yves Laurent, dans cet ouvrage profondément original, déjoue les leurres. Dès ses commencements, l'État eut des raisons que la raison commune ignorait : la Raison d'État autorisait des agissements diplomatiques, policiers ou militaires dont le secret était la garantie du succès. Vint le libéralisme politique au XVIII? siècle, porteur des droits de l'individu et des ferments de la démocratie grâce à la publicité, ici étudiée dans trois pays : Angleterre, États-Unis et France. Le secret fut néanmoins reconnu comme nécessaire au fonctionnement de l'État, mais institutionnalisé en services, budgets, voire commissions parlementaires d'enquête. L'État secret, légalisé, était né. Vint au tournant de notre siècle le néo-libéralisme qui, doutant de l'efficacité du public face au privé, imposa l'idéologie de la transparence de l'action publique. Alors, le secret démocratique fut mis en cause et se créa dans l'ombre un État clandestin, acteur de liquidations physiques, déstabilisations dans l'univers numérique, emprisonnements extra-légaux. La démocratie en est fragilisée durablement. C'est pourtant notre monde.
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Contes de la Lune : Essai sur la fiction et la science modernes
Frédérique Aït-Touati
- Gallimard
- Nrf Essais
- 14 Avril 2011
- 9782070130733
Nous sommes dès notre plus tendre enfance invités à penser qu'un fossé sans fond sépare à jamais les « scientifiques » des « littéraires ».
Cette idée est d'autant plus infondée qu'à ses origines, il y a tout au plus quatre siècles, la science s'est construite grâce à des stratégies rhétoriques et littéraires, l'usage de la fiction en particulier : certains textes savants de l'époque sont à mi-chemin entre le récit d'aventures et la fable utopique. De ce paradis de l'imaginaire scientifique nous sont parvenus d'étranges récits de voyages sur une Lune peuplée de « Lunariens », d'anges et de démons, récits dont le but, très scientifiquement prosaïque, était de voir la Terre tourner, conformément à ce qu'impliquait la théorie de Copernic.
Mais cette science romanesque fut de courte durée : dès la fin du siècle, les envols poétiques de Kepler, Wilkins et Cyrano étaient entravés par les exigences rationalistes de Fontenelle et de Huygens. Encore fructueuse deux siècles plus tard, pendant l'âge d'or de la vulgarisation des sciences que fut le XIXe siècle, l'ancienne alliance entre science et littérature s'est aujourd'hui dissoute : la littérature ne s'empare que très marginalement des avancées scientifiques et la science, y a-t-il lien de cause à effet ? souffre à l'évidence d'un certain tarissement de ses sources d'inspiration.
Peut-être ses tenants n'ont-ils pas assez lu Kepler et Cyrano, qui constituent pourtant, quatre siècles après, un véritable bain de jouvence. A mi-chemin entre l'histoire des sciences et l'analyse littéraire, un essai original et très fouillé (notes et références) sur un thème hélas toujours actuel : le fossé entre les « deux cultures ».
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L'ere du vide essais sur l'individualisme contemporain
Gilles Lipovetsky
- Gallimard
- Nrf Essais
- 31 Octobre 1989
- 9782070717996
Grand format 13.72 €Épuisé
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Intelligence artificielle, intelligence humaine : la double énigme
Daniel Andler
- Gallimard
- Nrf Essais
- 4 Mai 2023
- 9782072792885
L'intelligence artificielle connaît son heure de gloire. Aux déboires des commencements ont succédé, au tournant du XXI? siècle, des avancées spectaculaires mais qui ne sont pas parfaitement comprises : l'intelligence artificielle reste en partie opaque. Pis : elle a beau progresser, la distance qui la sépare de son objectif proclamé - reproduire l'intelligence humaine - ne diminue pas. Pour dissiper cette énigme, il faut en affronter une deuxième : celle de l'intelligence humaine. Celle-ci ne se réduit pas à la capacité de résoudre toute espèce de problème. Elle qualifie par un jugement la manière dont nous faisons face aux situations, quelles qu'elles soient, dans lesquelles nous sommes. L'intelligence est une notion irréductiblement normative, à l'image du jugement éthique ou esthétique, et c'est pourquoi elle est réputée insaisissable. Un système artificiel «intelligent» connaît non pas les situations, mais seulement les problèmes que lui soumettent les agents humains. C'est sur ce point uniquement que l'intelligence artificielle peut nous épauler. De fait elle résout une variété toujours plus grande de problèmes pressants. Ce devrait demeurer là son objectif, plutôt que celui, incohérent, de chercher à égaler, voire surpasser, l'intelligence humaine. L'humanité a besoin d'outils dociles, puissants et versatiles, et non de pseudo-personnes munies d'une forme inhumaine de cognition.
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Le labyrinthe de la solitude / critique de la pyramide
Octavio Paz
- Gallimard
- Nrf Essais
- 26 Mars 1990
- 9782070719679
«Le Mexique est un fragment, une partie d'une histoire beaucoup plus vaste. Les révolutions contemporaines en Amérique latine ont été et sont des réponses à l'insuffsance du développement, d'où procèdent aussi bien leur justification historique que leurs fatales et évidentes limites. Les modèles de développement que nous offrent aussi bien l'Est que l'Ouest sont des compendiums d'horreurs : pourrons-nous à notre tour inventer des modèles plus humains et qui correspondent mieux à ce que nous sommes ?Gens de la périphérie, habitants des faubourgs de l'Histoire, nous sommes, Latino-Américains, les commensaux non invités, passés par l'entrée de service de l'Occident, les intrus qui arrivent au spectacle de la modernité au moment où les lumières vont s'éteindre. Partout en retard, nous naissons quand il est déjà tard dans l'Histoire ; nous n'avons pas de passé, ou si nous en avons eu un, nous avons craché sur ses restes. Nos peuples ont dormi tout un siècle et, pendant qu'ils dormaient, on les a dépouillés et ils vont maintenant en haillons. Et pourtant, depuis un siècle, sur nos terres, si hostiles à la pensée, ici et là, en ordre dispersé mais sans interruption, sont apparus des poètes, des prosateurs et des peintres qui sont les égaux des plus grands des autres continents.»Le labyrinthe de la solitude est un ouvrage capital de la littérature mexicaine contemporaine.
Grand format 22.90 €Indisponible
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La lecture est l'une de ces conduites par lesquelles, quotidiennement, nous donnons un aspect, une saveur et même un style à notre existence. «J'allais rejoindre la vie, la folie dans les livres. [...] La jeune fille s'éprenait de l'explorateur qui lui avait sauvé la vie, tout finissait par un mariage. De ces magazines et de ces livres j'ai tiré ma fantasmagorie la plus intime...» Lorsque le jeune Sartre se rêve en héros après avoir lu les aventures de Pardaillan, il ne fait rien d'exceptionnel, sinon répéter ce que nous faisons tous quand nous lisons, puissamment attirés vers des possibilités d'être et des promesses d'existence que donne la littérature. C'est dans la vie ordinaire que les oeuvres se tiennent, qu'elles déposent leurs traces et exercent leur force. Il n'y a pas d'un côté la littérature, et de l'autre la vie ; il y a au contraire, dans la vie elle-même, des formes, des élans, des images et des styles qui circulent entre les sujets et les oeuvres, qui les exposent, les animent, les affectent. Car les formes littéraires se proposent dans la lecture comme de véritables formes de vie, engageant des conduites, des démarches, des puissances de façonnement et des valeurs existentielles. Dans l'expérience ordinaire de la littérature, chacun se réapproprie son rapport à soi-même, à son langage, à ses possibles et puise dans la force du style une esthétique.
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Espace public et démocratie délibérative : un tournant
Jürgen Habermas
- Gallimard
- Nrf Essais
- 16 Février 2023
- 9782073012289
Dans L'espace public (1962) Jürgen Habermas montrait comment à partir du XVIII? siècle le principe de Publicité avait défini un nouvel espace politique au sein duquel s'opérait une médiation entre la société et l'État, sous la forme d'une «opinion publique» qui visait à transformer la nature de la domination. À travers les discussions publiques ayant pour objet des questions d'intérêt général, l'autorité politique était soumise au tribunal d'une critique rationnelle. Mais bientôt, à l'heure des démocraties de masse, Habermas constatait (en 1990) que l'interpénétration des domaines privé et public conduisait à une manipulation de la Publicité par des groupes d'intérêts et à un singulier désamorçage de ses fonctions critiques subverties en un principe d'intégration. Aujourd'hui, Habermas radicalise son analyse. Les réseaux sociaux effacent pour certains de leurs utilisateurs la délimitation constitutive entre sphère privée et sphère publique : chacun peut parler individuellement comme auteur d'une parole publique. Si dans l'espace public traditionnel, il fallait, pour devenir un tel auteur, se soumettre à la médiation des médias qui mesuraient la vérité, la rationalité et la cohérence logique de la parole, avec les réseaux sociaux la position d'auteur est immédiatement acquise pour chacun. Cette publicité immédiate de la parole intime et privée conduit à l'érosion des critères de rationalité. «Maintenir une structure médiatique permettant à l'espace public de rester un espace inclusif et permettant à la formation de l'opinion et de la volonté publiques de conserver son caractère délibératif ne relève donc absolument pas du simple choix politique : il s'agit d'un impératif proprement constitutionnel.»
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Le large écho qu'a rencontré cet ouvrage depuis sa publication tient à la thématique «foi et savoir » comme chaîne sur laquelle se trame une histoire de la philosophie. Habermas rompt avec l'habitude de «sauter», au motif qu'ils seraient inessentiels, les processus d'apprentissage à l'oeuvre au cours des mille années de discussions entre théologiens chrétiens et juifs, mais aussi musulmans, tous formés à la philosophie - comme si la philosophie grecque faisant autorité n'avait trouvé un prolongement scientifique qu'avec l'humanisme des débuts de la modernité. Les processus de traduction réciproques qui se sont déroulés entre les doctrines bibliques et la philosophie grecque ont eu pour résultat la théologie chrétienne et la pensée philosophique moderne. Cette «osmose conceptuelle» a continué de se dérouler au fil des siècles, y compris sous les prémisses d'une pensée séculière, voire, pour ce qui est du Jeune-hégélianisme, sous des auspices polémiquement athées. Cela vaut avant tout pour les concepts fondamentaux du droit de la raison et de la morale de la raison, pour la thématique de la liberté rationnelle, ainsi que pour l'ontologie nominaliste qui prépara le cadre conceptuel fondamental des sciences naturelles modernes et des éthiques empiristes. Le fil de la discussion sur la foi et le savoir explique pourquoi les éthiques respectives de Kant et de Hume ont forgé jusqu'à nos jours des traditions qui rivalisent entre elles sans pouvoir se réconcilier. En effet, la philosophie post-métaphysique se ramifie à l'endroit précis où les questionnements de Kant sont soit assimilés par ses successeurs et raffinés par eux, soit abandonnés au bénéfice des approches empiristes. Ces deux traditions qui se sont toutefois mutuellement fécondées apportent des réponses différentes mais complémentaires à la question de la conception appropriée que la philosophie doit se faire d'elle-même en tant que discipline professionnelle. Le tome premier d'Une histoire de la philosophie : La constellation occidentale de la foi et du savoir a paru dans la même collection (2021).
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Une histoire de la philosophie Tome 1 : la constellation occidentale de la foi et du savoir
Jürgen Habermas
- Gallimard
- Nrf Essais
- 21 Octobre 2021
- 9782072894558
Depuis l'apparition du platonisme chrétien dans l'empire romain, la discussion sur la foi et le savoir a façonné le développement ultérieur de l'héritage philosophique des Grecs. Dans cette discussion Jürgen Habermas trouve le fil directeur de sa généalogie d'une pensée postmétaphysique. Il montre comment la philosophie - en parallèle à la formation d'une dogmatique chrétienne dans les concepts philosophiques - s'est pour sa part approprié des contenus essentiels issus des traditions religieuses et s'est transformée en un savoir capable de fondation. C'est précisément à cette osmose sémantique que la pensée séculière qui succéda à Kant et à Hegel doit la thématique de la liberté rationnelle et les concepts fondamentaux de la philosophie pratique qui, jusqu'à aujourd'hui, se sont révélés déterminants. Alors que la cosmologie grecque a été déracinée, les contenus sémantiques d'origine biblique ont été transférés dans les concepts fondamentaux de la pensée postmétaphysique.L'histoire de la philosophie peut être aussi envisagée comme une succession irrégulière de processus d'apprentissage provoqués de façon contingente. Une telle «généalogie» non seulement met en évidence ces contingences, mais elle met en lumière la nécessité d'un concept compréhensif de raison et la conception que la pensée philosophique se fait d'elle-même à l'aune de ce concept. Habermas élabore une conception dialectique de l'émancipation de la science par rapport à la théologie et du savoir par rapport à la foi. Et il encourage l'instauration d'une relation dialogique vis-à-vis de toutes les traditions religieuses. La pensée postmétaphysique se situe entre sciences et religion.
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Le vol de l'histoire ; comment l'Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde
Jack Goody
- Gallimard
- Nrf Essais
- 14 Octobre 2010
- 9782070122387
Une fois encore, comme hier à propos de la famille en Europe ou de la place de l'écriture dans notre civilisation, Jack Goody vient perturber la ronde des historiens emportés par leurs certitudes. À la question soulevée par l'anthropologue britannique, on devine déjà ce qu'argueront les esprits chagrinés par cette interpellation d'exigence:comparaison n'est pas raison. Or, c'est bien de cela qu'il s'agit. La question? C'est le «vol de l'histoire», c'est-à-dire la mainmise de l'Occident sur l'histoire du reste du monde. À partir d'événements qui se sont produits à son échelle provinciale, l'Europe a conceptualisé et fabriqué une représentation du passé toute à sa gloire et qu'elle a ensuite imposée au cours des autres civilisations. Le continent européen revendique l'invention de la démocratie, du féodalisme, du capitalisme de marché, de la liberté, de l'individualisme, voire de l'amour, courtois notamment, qui serait le fruit de sa modernisation urbaine. Plusieurs années passées en Afrique, particulièrement au Ghana, conduisent Jack Goody à mettre aujourd'hui en doute nombre d'«inventions» auxquelles les Européens prétendent, sous les plumes de Fernand Braudel, Joseph Needham ou Norbert Elias notamment, alors que ces mêmes éléments se retrouvent dans bien d'autres sociétés, du moins à l'état embryonnaire. Économiquement et intellectuellement parlant, seul un écart relativement récent et temporaire sépare l'Occident de l'Orient ou de l'Afrique. Des différences existent. Mais c'est d'une comparaison plus rapprochée que nous avons besoin, et non d'une opposition tranchée entre le monde et l'Occident, au seul profit de ce dernier.
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En France, tout ce qui pèse et qui compte se veut et se dit « sans frontières ». Et si le sansfrontiérisme était un leurre, une fuite, une lâcheté ? Partout sur la mappemonde, et contre toute attente, se creusent ou renaissent de nouvelles et d'anciennes frontières. Telle est la réalité. En bon Européen, je choisis de célébrer ce que d'autres déplorent : la frontière comme vaccin contre l'épidémie des murs, remède à l'indifférence et sauvegarde du vivant. D'où ce Manifeste à rebrousse-poil, qui étonne et détone, mais qui, déchiffrant notre passé, ose faire face à l'avenir.
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L'homme partage plus de 98% de ses gènes avec le chimpanzé pygmée et le chimpanzé commun. On en mesure habituellement peu les implications. Le langage, l'art, la technique et l'agriculture - qui distinguent ce « troisième chimpanzé » - sont le fruit d'une évolution non pas seulement anatomique, mais également comportementale : le faible nombre de petits par portée, les soins parentaux bien au-delà du sevrage, la vie en couple, l'espérance de vie, la ménopause particularisent le cycle vital de l'homme. À quel stade le troisième chimpanzé fit-il le saut quantique en matière de réussite évolutive, avec l'acquisition de l'aptitude du langage, il y a au moins cent mille ans ? Depuis lors l'animal humain déploie tous ses traits particuliers - notamment son aptitude à détruire massivement son genre et les écosystèmes, à ruiner la base même de sa propre alimentation. Génocide et holocauste écologique posent désormais la question cruciale de l'extinction de l'espèce humaine, à l'instar de milliards d'autres espèces disparues au cours de l'histoire de l'évolution.
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Entre globalisme et démocratie : l'économie politique à l'âge du néolibéralisme finissant
Wolfgang Streeck
- Gallimard
- Nrf Essais
- 20 Avril 2023
- 9782072973352
Nos sociétés et leurs vies publique et économique se trouvent aujourd'hui prises entre deux feux : une mondialisation néolibérale enlisée et les résistances forcenées, dites «populistes», des peuples qui souffrent directement des effets de cette mondialisation. Comment sortir de cette impasse ? Le globalisme est conçu pour que le marché, désenclavé de toute autre institution sociale et politique, soit l'unique autorégulateur de la vie humaine. Pour ce faire, il est proposé à tous les peuples une «gouvernance globale», indifférente aux conditions historiques et culturelles des sociétés, et qui concentrerait le pouvoir entre les mains d'une élite mondialisée et occupée à empêcher que se manifestent les libres choix des citoyens. Streeck montre que l'enchâssement social des marchés dans une politique démocratique dépend de l'enchâssement des États dans une architecture internationale respectant leur souveraineté, et donc pluraliste. Ainsi l'ordre européen post-néolibéral serait interétatique et privilégierait la coopération horizontale en lieu et place d'une autorité verticale ; il serait un ordre confédéral et non impérial, il mettrait à profit les structures institutionnelles héritées des États nationaux pour affranchir les sociétés de leur assujettissement aux impératifs du marché global. C'est ainsi qu'entre en jeu la question de l'État et que la politique fait retour dans l'économie politique.
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Les guerres lointaines de la paix : civilisation et barbarie depuis le XIXe siècle
Sylvain Venayre
- Gallimard
- Nrf Essais
- 19 Janvier 2023
- 9782070179947
Il y avait eu la guerre de Cent Ans et la guerre de Trente Ans et la guerre de Sept Ans. Il y avait eu les guerres de Religion, celles de Louis XIV et celles de la Révolution. Mais, après 1815, un moment insolite avait commencé pour l'Europe : une paix de cent ans. Des guerres de la Révolution et de l'Empire à la Première Guerre mondiale, il y eut bien quelques batailles - Sébastopol, Solferino, Sadowa, Sedan -, mais rien qui n'égalât ce qui se passait en d'autres lieux du monde, de la guerre de Sécession aux États-Unis à cette révolte des Taiping qui fit en Chine peut-être vingt millions de morts. Pendant un siècle, la plupart des hommes et des femmes qui vécurent sur le sol de l'Europe ne connurent pas la guerre. Le XIX? siècle à leurs yeux passait pour un siècle de paix. Pour les historiens, il est devenu pourtant difficile de le considérer comme tel. Les guerres étaient lointaines, mais elles étaient bien là. Les Espagnols en Amérique du Sud, au Maroc, à Cuba, aux Philippines ; les Hollandais en Indonésie ; les Britanniques aux Indes, en Afghanistan, en Birmanie, en Afrique du Sud, en Chine, en Nouvelle-Zélande, sur les côtes occidentales de l'Afrique, dans le golfe Arabo-Persique, en Abyssinie, en Égypte, au Soudan ; les Français en Algérie, en Afrique de l'Ouest, au Mexique, en Indochine, en Tunisie, à Madagascar, au Maroc ; les Portugais en Angola et au Mozambique ; les Allemands au Togo, au Cameroun, dans le Sud-Ouest africain, au Tanganyika ; les Italiens dans la corne de l'Afrique et en Tripolitaine. Ces guerres lointaines d'une Europe en paix donnèrent lieu, dès leur époque, à de très vifs débats. L'avènement des journaux quotidiens, l'apparition des correspondants de guerre, la mise en place du réseau télégraphique, l'invention de l'illustration et de la photographie, le triomphe du roman, l'immense succès du théâtre et des expositions universelles bouleversèrent leurs représentations. Elles ont fait de nous, bien avant les guerres mondiales du XX? siècle, les spectateurs fascinés et velléitaires des souffrances des autres.