Un homme se retrouve dans une église, quelque part dans les fjords de l'ouest, sans savoir comment il est arrivé là, ni pourquoi. C'est comme s'il avait perdu tous ses repères. Quand il découvre l'inscription « Ton absence n'est que ténèbres » sur une tombe du cimetière du village, une femme se présentant comme la fille de la défunte lui propose de l'amener chez sa soeur qui tient le seul hôtel des environs. L'homme se rend alors compte qu'il n'est pas simplement perdu, mais amnésique : tout le monde semble le connaître, mais lui n'a aucune souvenir ni de Soley, la propriétaire de l'hôtel, ni de sa soeur Runa, ou encore d'Aldis, leur mère tant regrettée. Petit à petit, se déploient alors différents récits, comme pour lui rendre la mémoire perdue, en le plongeant dans la grande histoire de cette famille, du milieu du 19ème siècle jusqu'en 2020. Aldis, une fille de la ville revenue dans les fjords pour y avoir croisé le regard bleu d'Haraldur ; Pétur, un pasteur marié, écrivant des lettres au poète Hölderlin et amoureux d'une inconnue ; Asi, dont la vie est régie par un appétit sexuel indomptable ; Svana, qui doit abandonner son fils si elle veut sauver son mariage ; Jon, un père de famille aimant mais incapable de résister à l'alcool ; Pall et Elias qui n'ont pas le courage de vivre leur histoire d'amour au grand jour ; Eirikur, un musicien que même sa réussite ne sauve pas de la tristesse - voici quelques-uns des personnages qui traversent cette saga familiale hors normes. Les actes manqués, les fragilités et les renoncements dominent la vie de ces femmes et hommes autant que la quête du bonheur. Tous se retrouvent confrontés à la question de savoir comment aimer, et tous doivent faire des choix difficiles.
Ton absence n'est que ténèbres frappe par son ampleur, sa construction et son audace : le nombre de personnages, les époques enjambées, la puissance des sentiments, la violence des destins - tout semble superlatif dans ce nouveau roman de Jón Kalman Stefánsson. Les récits s'enchâssent les uns dans les autres, se perdent, se croisent ou se répondent, puis finissent par former une mosaïque romanesque extraordinaire, comme si l'auteur islandais avait voulu reconstituer la mémoire perdue non pas d'un personnage mais de l'humanité tout entière. Le résultat est d'une intensité incandescente.
Dans un petit village des fjords de l'ouest, les étés sont courts. Les habitants se croisent au bureau de poste, à la coopérative agricole, lors des bals. Chacun essaie de bien vivre, certains essaient même de bien mourir. Même s'il n'y a ni église ni cimetière dans la commune, la vie avance, le temps réclame son dû.
Pourtant, ce quotidien si ordonné se dérègle parfois : le retour d'un ancien amant qu'on croyait parti pour toujours, l'attraction des astres ou des oiseaux, une petite robe en velours sombre, ou un chignon de cheveux roux. Pour certains, c'est une rencontre fortuite sur la lande, pour d'autres le sentiment que les ombres ont vaincu - il suffit de peu pour faire basculer un destin. Et parfois même, ce sont les fantômes qui s'en mêlent...
En huit chapitres, Jón Kalman Stefánsson se fait le chroniqueur de cette communauté dont les héros se nomment Davíð, Sólrún, Jónas, Ágústa, Elísabet ou Kristín, et plonge dans le secret de leurs âmes. Une ronde de désirs et de rêves, une comédie humaine à l'islandaise, et si universelle en même temps. Lumière d'été, puis vient la nuit charme, émeut, bouleverse.
Marco Carrera est le « colibri ». Comme l'oiseau, il emploie toute son énergie à rester au même endroit, à tenir bon malgré les drames qui ponctuent son existence. Alors que s'ouvre le roman, toutes les certitudes de cet ophtalmologue renommé, père et heureux en ménage, vont être balayées par une étrange visite au sujet de son épouse, et les événements de l'été 1981 ne cesseront d'être ravivés à sa mémoire.
Cadet d'une fratrie de trois, Marco vit une enfance heureuse à Florence. L'été, lui et sa famille s'établissent dans leur maison de Bolgheri, nichée au sein d'une pinède de la côte Toscane. Cette propriété, qui devait symboliser le bonheur familial, est pourtant le lieu où va se jouer le drame dont aucun membre de la famille Carrera ne se relèvera tout à fait. En cet été 1981, celui de ses vingt-deux ans, se cristallisent les craintes et les espoirs de Marco qui devra affronter la perte d'un être cher et connaîtra un amour si absolu qu'il ne le quittera plus.
Grâce à une architecture romanesque remarquable qui procède de coïncidences en découvertes, Veronesi livre un roman ample et puissant qui happe le lecteur dans un monde plus vrai que nature où la vie, toujours, triomphe.
Hiver 1959-1960, dans une petite ville de l'État de New York. Ruben Blum est historien, fils de parents (névrosés et excentriques) d'origine russo-ukrainienne, gendre de beaux-parents (plus névrosés et excentriques encore) d'origine germanique, et père d'une jeune fille qui a hérité de cette folie familiale. Il enseigne à l'Université de Corbin où il est le seul professeur de confession juive, ce qui fait de lui un sujet de curiosité, de conversation et, par de sombres raccourcis, la personne idéale pour évaluer la candidature d'un spécialiste de l'Inquisition, juif lui aussi, qui postule à la faculté : Ben-Zion Nétanyahou.
Ce dernier est attendu chez les Blum pour un cocktail de bienvenue avant ses entretiens, mais lorsque sa voiture s'arrête devant la maison, quatre autres personnes apparaissent à ses côtés - Ben-Zion a fait le voyage avec sa femme et ses trois garçons, l'aîné s'appelle Jonathan, le plus jeune Iddo, et entre les deux : Benjamin Nétanyahou, 10 ans. La soirée qui attend les Blum et les Nétanyahou restera dans les mémoires de tous les habitants de la ville, du directeur de l'université jusqu'au Shérif de Corbindale, de l'équipe locale de football jusqu'aux draps de la fille de Ruben...
Dans les pas de Philip Roth et de Saul Bellow, Joshua Cohen signe un très grand roman sur la société américaine, les familles dysfonctionnelles et l'identité juive. Celui que certains considèrent comme « le plus grand auteur américain vivant » (The Washington Post) nous plonge, avec ce pastiche de campus novel, dans un épisode invraisemblable de l'histoire personnelle des Nétanyahou. Et rien de tel que l'humour pour revisiter le passé, parfois embarrassant, des hommes de pouvoir.
À l'université d'UCSM, en Californie, un sujet est dans toutes les bouches : le passage à la télé du professeur Guy Schermerhorn et de son chimpanzé Sam - un singe pas comme les autres : il parle, Guy l'ayant initié à la langue des signes. C'est alors que, dans le hall, Aimee tombe sur un prospectus indiquant que le professeur cherche des étudiants pour l'assister dans ses recherches (comprendre : s'occuper de Sam). « Aucune expérience nécessaire, est-il précisé. Seulement de la patience et un dos à toute épreuve. » En effet, la tâche n'est pas de tout repos, ce dont peut témoigner la prédécesseuse d'Aimee, défigurée après une grave morsure. Mais la jeune étudiante s'en sort à merveille. Grâce à sa douceur maternelle, elle arrive à canaliser l'animal. Et puis elle lui change ses couches, lui donne le bain, répare ses bêtises, le câline, lui fait la cuisine - quand Guy ne commande pas des pizzas (le plat préféré de Sam). Voilà de quoi satisfaire le professeur : il a trouvé en elle la parfaite nounou. Et la parfaite petite-amie...
Cependant, une mauvaise nouvelle va mettre fin à cette idylle. D'après une étude qu'un certain Borstein s'apprête à publier, seuls les humains peuvent apprendre le langage, ce qui pousse le professeur Donald Moncrief - le grand manitou de la primatologie et à l'initiative de l'expérience menée par Guy - à mettre un terme à celle-ci. Il rapatrie Sam chez lui, dans l'Iowa, et l'enferme dans sa « grange aux chimps » sans autre forme de procès. Sauf que pour Aimee, Sam c'est toute sa vie. Et elle va tout faire pour le libérer.
On reconnaît ici l'humour grinçant si caractéristique du style de T.C. Boyle. Mais pour loufoque qu'il soit, ce roman n'en est pas moins sous-tendu par une réflexion métaphysique et éthique profonde : quelle est la frontière entre l'humain et l'animal ?
Traduit de l'anglais ( États-Unis) par Bernard Turle
« Assemblage est un livre hors du commun. Natasha Brown manie le langage comme une arme et frappe, encore et encore, avec une élégance dévastatrice. » The Times Découvrir l'âge adulte en pleine crise économique. Rester serviable dans un monde brutal et hostile. Sortir, étudier à Oxbridge, débuter une carrière. Faire tout ce qu'il faut, comme il faut. Acheter un appartement. Acheter des oeuvres d'art. Acheter du bonheur. Et surtout, baisser les yeux. Rester discrète. Continuer comme si de rien n'était.La narratrice d'Assemblage est une femme britannique noire. Elle se prépare à assister à une somptueuse garden-party dans la propriété familiale de son petit ami, située au coeur de la campagne anglaise. C'est l'occasion pour elle d'examiner toutes les facettes de sa personnalité qu'elle a soigneusement assemblées pour passer inaperçue. Mais alors que les minutes défilent et que son avenir semble se dessiner malgré elle, une question la saisit : est-il encore temps de tout recommencer ?
Le premier roman de Natasha Brown a été une véritable déflagration dans le paysage littéraire britannique. « Virtuose » (the Guardian), « tranchant comme un diamant » (The Observer), Assemblage raconte le destin d'une jeune femme et son combat intime pour la liberté.
Traduit de l'anglais par Jakuta Alikavazovic
Gerard élève seul ses trois garçons depuis que leur mère les a quittés sans laisser d'adresse, se contentant d'envoyer des cartes postales depuis l'Italie pour les anniversaires et Noël. Klaas et Kees, les jumeaux de seize ans et leur petit frère Gerson - sans oublier le chien, Daan - vivent néanmoins dans une maisonnée plutôt joyeuse où Gerard s'efforce de faire bonne figure.
Un dimanche matin ordinaire où ils sont invités chez les grands-parents, leur vie bascule. Sur une route de campagne traversant des vergers où fleurissent des arbres fruitiers, une voiture s'encastre dans celle de Gerard, le choc est violent. Si les jumeaux et le père s'en tirent avec des blessures légères, il en sera tout autrement pour Gerson. Il est plongé dans le coma et au réveil, il comprend qu'il a perdu la vue. Aidé par Harald, infirmier dévoué, l'adolescent tente d'apprivoiser sa nouvelle vie, alors que les jumeaux et leur père essaient également de faire face, mais le retour à la maison est douloureux malgré le soutien de Jan et Anna, les grands-parents des enfants. Gerson s'enferme dans sa douleur et sa colère, refuse d'accepter toute aide et de se projeter dans un quelconque avenir. Plus personne ne sait comment le soutenir. Gerard presse son fils de prendre des décisions quant à son futur, sans résultat. Lorsque l'été arrive, tous savent que les choses ne pourront pas continuer ainsi à la rentrée. Le séjour prévu dans la paisible maison des grands-parents au bord d'un lac apparaît alors à tous comme la possibilité d'un nouveau départ...
Gerbrand Bakker est un maître incontesté dans l'art de saisir l'essentiel avec peu de mots. Son écriture impressionne par sa concision, sa justesse et surtout, par l'absence absolue de tout pathos. Racontée pour l'essentiel par ses frères, l'histoire de ce jeune garçon qui ne parvient pas à accepter de vivre dans le noir n'en devient que plus déchirante.
Personne n'aurait pu prédire un avenir aussi extraordinaire à ce garçon né dans une famille provinciale, bourgeoise et aisée du nord de l'Allemagne. Mais le jeune homme s'appelle Thomas Mann, et il se forgera un destin hors du commun. Une oeuvre littéraire couronnée par le prix Nobel, une vie familiale mouvementée et souvent dramatique, et la traversée de toutes les tragédies politiques de la première moitié du siècle - voilà comment on pourrait résumer la vie du grand écrivain. Colm Tóibin a choisi de nous la raconter de l'intérieur et dans toute sa dimension romanesque.
Cette existence est peuplée d'autres figures inoubliables. Au tout premier plan, son épouse, la fascinante Katia Pringsheim. Avec et grâce à elle, Thomas Mann construit patiemment une oeuvre protéiforme en même temps qu'une apparence de vie confortable qui le protège de ses démons : son attirance pour les hommes. Pour ses six enfants nés entre un voyage à Venise et un séjour au sanatorium - qui seront transposés dans La Mort à Venise et La Montagne magique - il restera à jamais ce chef distant d'une famille où l'on ne sait pas très bien comment s'aimer. Son frère Heinrich, ses enfants Klaus et Erika Mann, Christopher Isherwood, Bruno Walter, Alma Mahler et Franklin Delano Roosevelt - tous joueront un rôle dans la mue du grand bourgeois conservateur en intellectuel engagé face à la montée du nazisme, ou croiseront sa route dans l'épreuve de l'exil. Mais Colm Tóibin évoque avec autant de puissance les élans intimes et douloureux d'un homme secret en quête d'un bonheur impossible. Tous ces fils littéraires, sentimentaux, historiques et politiques s'entretissent dans une fresque qui se confond avec l'émouvant roman d'une vie : celle d'un génie littéraire et d'un homme seul qu'on appelait Le Magicien.
Traduit de l'anglais (Irlande) par Anna Gibson
Une jeune femme raconte son voyage à Tokyo avec sa mère. Au rythme du séjour et des balades sous la pluie automnale, des dîners en tête-à-tête et des musées, le lecteur explore par petites touches ce qui lie ces deux femmes immergées dans un pays à la fois étranger et familier pour elles - en raison des origines hongkongaise de la famille. Alors que la narratrice cherche, à travers ce voyage, à recréer une intimité perdue au début de l'âge adulte, chaque discussion semble pourtant être une occasion manquée de se retrouver...
Mais cette déambulation japonaise est également une plongée dans les pensées de la narratrice, où l'on croise sa soeur devenue mère, son fiancé, une professeure qui a changé son rapport à la littérature ou encore un oncle vendeur d'oiseaux. La mémoire se perd pourtant, et les souvenirs brumeux sont autant des repentirs que la narratrice recouvre délicatement de couleurs et de vernis. Sans doute le prix à payer pour ne pas tout perdre et préserver quelque chose du passé.
Pour qu'il neige réussit à soulever avec poésie des questions profondes sur l'identité, l'immigration, la filiation, l'art et la religion, tout en les imbriquant dans le quotidien de ces personnages aux émotions désaccordées. Un roman puissant et élégant sur une relation mère-fille, sur ce fil invisible qui se tord, se noue et parfois lâche.
Traduit de l'anglais (Australie) par Claro
Ea, Sidsel et Niels ont grandi entre un père distant et une mère envahissante. Si aujourd'hui leurs parents ne sont plus en vie, ce couple dysfonctionnel les a profondément marqués et a eu raison de leurs relations. La fratrie est éclatée, à commencer par Ea, l'aînée, qui réside à San Francisco. Elle vit avec un homme et la fille de ce dernier, issue d'une première union. De son côté, après des études au Royaume-Uni, Sidsel s'est installée à Copenhague avec sa petite Laura. Elle travaille dans un grand musée de la ville et assume sa vie de mère-célibataire. Niels mène pour sa part un quotidien de bohème, entre petits boulots et squats chez des amis musiciens.
Mais une série d'événements va bouleverser cet équilibre, à commencer par un accident survenu à Londres lorsqu'un visiteur brise un buste du British Museum. Sidsel doit partir restaurer la statue et n'a d'autre choix que de confier Laura à son frère Niels. Au même moment, ce dernier reçoit un courriel d'Ea et se demande si le temps des retrouvailles est enfin arrivé. Le message de sa soeur est étrange pourtant, il contient un lien vers la vidéo d'un rabbin dissertant sur les carapaces de homard. En grandissant, l'animal se trouve tellement à l'étroit dans cette armure qu'il est obligé de s'en débarrasser. Alors, après avoir découvert une faille rocheuse qui lui convient, il s'y glisse, rejette sa vieille carapace et attend - nu et vulnérable - qu'il lui en pousse une nouvelle...
Construit comme un jeu de miroirs où se tressent avec virtuosité la vie, les souvenirs et les désirs de tous ces personnages, La carapace du homard est un grand roman sur les familles en permanente recomposition. La prose de Caroline Albertine Minor est lumineuse, avec des scènes à la Edward Hopper, mais également rythmée et croustillante comme la plume de Lucia Berlin.
Traduit du danois par Terje Sinding.
« Pourquoi je suis noir et toi blanche ? » Au fil de l'eau et au gré des souvenirs, un garçon et sa mère adoptive descendent le fleuve Atrato. L'enfant ne le sait pas encore, mais la pirogue doit les mener jusqu'à Bellavista, où habite sa mère biologique. La jungle colombienne est mystérieuse, âpre, parfois agressive, les conditions de la traversée ne sont pas idéales et l'embarcation doit s'arrêter pour que les voyageurs puissent passer la nuit sur la terre ferme. Le trajet durera quelques jours, l'occasion pour la mère adoptive de l'enfant de se confier à d'autres femmes et de replonger dans son passé afin de comprendre ce qui l'a amenée jusqu'ici.
Alors que la narratrice voudrait ne jamais arriver à destination, que l'expédition s'étire au fil des diverses étapes et des rencontres, une angoisse sourde s'installe. Au milieu de cette région bercée par la violence des luttes armées, les passagers croisent de plus en plus de personnes aux prises avec leur douloureux destin - un accouchement tragique, un incendie qui dévaste un village. Puis des coups de feu retentissent peu avant l'arrivée à Bellavista, où l'enfant retrouve finalement sa mère biologique qui l'avait abandonné à la naissance. Voudra-t-il rester avec elle ou bien faire le chemin inverse pour rester avec sa famille adoptive ? À moins que la décision finale ne revienne aux Forces armées révolutionnaires de Colombie, les FARC...
Considérée comme l'étoile montante des lettres sud-américaines, Lorena Salazar nous offre ici un voyage lyrique, à la fois sensuel, tendre et d'une grande cruauté. Avec ce premier roman qui interroge toutes les facettes de la maternité, la jeune écrivaine fait une entrée fracassante en littérature.
Traduit de l'espagnol (Colombie) par Isabelle Gugnon.
Allongée, les jambes écartées, une jeune femme observe le crâne dégarni du Dr Seligman en train de l'ausculter. Elle se lance dans un monologue absolument déjanté et lui parle de ses fantasmes, de ses obsessions, des détails de sa vie sexuelle ainsi que de son histoire familiale. Née en Allemagne, elle a fui ses parents pour s'installer à Londres où elle vit à présent, s'exprimant dans une langue qui n'est pas la sienne et se débattant avec un corps qui l'étouffe un peu plus chaque jour. Au décès de son grand-père, elle réalise qu'elle ne pourra échapper à son héritage et à la culpabilité d'avoir grandi dans une famille allemande après la Shoah. Exilée dans son corps, exilée au Royaume-Uni, elle décide alors de raconter sa transition et de conjurer le silence grâce au rire.
Elle décrit au Dr Seligman sa fascination pour M. Shimada (un créateur japonais de sex-toys), ses séances avec Jason (son psy, aussi incompétent que désespéré lorsqu'il doit sagement écouter les obsessions hitlériennes de sa patiente) et bien sûr sa grande histoire d'amour avec K (un homme marié qui a bouleversé la vie de la jeune femme après leur rencontre dans des toilettes publiques...). Entre la découverte d'écureuils comestibles et l'art du sexe oral, entre une mère envahissante et le pyjama du Führer, elle se débarrasse des conventions pour caresser son rêve le plus fou : retrouver sa liberté - et s'offrir un sexe circoncis.
Déjà culte dans de nombreux pays, Jewish cock est un roman explosif qui a été applaudi par la critique et les plus grands auteurs contemporains à sa sortie. Dans les pas de Thomas Bernhard, Katharina Volckmer explore la culpabilité allemande, la question du genre, l'asservissement de nos corps et le danger des tabous érigés en barrières morales. Un texte puissant qui annonce la naissance d'une écrivaine majeure.
Voici une fiction hors du commun qui se déploie sur trois siècles, de 1893 à 2093. Dans chacun des trois livres qui composent le roman, l'auteure évoque une Amérique différente pour imaginer ce que son pays aurait pu être, ce qu'il a été, et ce qu'il pourrait devenir. Des points communs entre ces sociétés subsistent, bien entendu : certains personnages détiennent le pouvoir, d'autres le subissent, et tous doivent décider ce qu'ils sont prêts à sacrifier pour leur liberté ou au contraire leur sécurité.
L'Amérique de 1893 dépeinte par Yanagihara n'est pas celle des livres d'Histoire. Ici, une scission définitive au sein des États-Unis a donné naissance aux États Libres au nord et aux Colonies dans le sud. Dans ce nouvel état du nord, le mariage entre personnes du même sexe a été promu, mais pas l'émancipation des esclaves. C'est dans cette société que le jeune héritier David Bingham, propriétaire d'une luxueuse demeure sur Washington Square, doit trancher entre un mariage arrangé avec Charles ou une passion à l'avenir incertain avec Edward.
Un siècle plus tard, d'autres personnages homonymes et vivant dans les mêmes lieux doivent faire des choix eux aussi. Pour le descendant de l'ancienne famille royale de l'archipel d'Hawaï, la sécurité et le confort d'une vie conventionnelle dans les beaux quartiers de New York peuvent-ils faire oublier le rêve de son père, celui d'une identité hawaïenne pure et originelle ?
La ville de New York ne sera plus la même au siècle suivant, en 2093, divisée en secteurs, quadrillée et surveillée par un régime devenu autoritaire après toute une série de pandémies qui a frappé le pays. Un homme portant lui aussi le nom de David Bingham a participé en tant que scientifique à l'élaboration de cette société répressive, dans le but de protéger la population de la maladie et la mort, mais ses derniers efforts seront consacrés à permettre à sa petite-fille Charlie de choisir la liberté...
La romancière américaine Hanya Yanagihara, auteure du livre culte Une vie comme les autres, parvient à embarquer le lecteur dans un voyage dans le temps qui impressionne par son originalité et son audace. Réécrire le passé et imaginer le futur, questionner nos ambiguïtés et nos obsessions, Yanagihara fait tout cela sans jamais oublier qu'elle est avant tout une formidable conteuse. Des personnages immédiatement attachants qui incarnent les besoins contradictoires de sécurité et de liberté traversent le roman de la première à la dernière page, suscitant notre empathie, nous tenant en haleine.
Sophia Cleves a proposé à son fils Art - avec qui elle entretient des relations plutôt distantes - de venir passer Noël dans sa grande maison en Cornouailles. A cette occasion, il était prévu qu'il lui présente sa petite amie Charlotte. Sauf que Charlotte rompt avec Art. Ce dernier ne voulant pas se désavouer devant sa mère, il propose à une jeune femme rencontrée à un arrêt de bus de jouer le rôle de Charlotte le temps des fêtes de fin d'année.
Une fois sur place, le faux couple se rend compte que la mère d'Art ne va pas bien. Son comportement est erratique, et elle semble confuse. Art appelle sa tante Iris au secours, bien que les deux femmes ne se soient pas parlé depuis trente ans. Un drôle de week-end commence alors : le souvenir d'autres fêtes de Noël surgit, la mémoire de l'enfance commune aussi, puis la brouille autour des choix idéologiques des deux soeurs refait surface. Car Sophia est une femme d'affaires à la retraite, alors que sa soeur Iris a consacré sa vie au militantisme politique et n'a renié aucune de ses convictions.
L'hiver, pour Ali Smith, est la saison des ruptures, des convictions qui nous séparent, avant d'être celle des retrouvailles. Son regard sur les faux-semblants de nos sociétés à l'ère de la post-vérité est impitoyable, tendre et drôle à la fois, portée par une langue d'une grande poésie.
Deux carnets conservés par Joan Didion depuis les années 1970 sont aujourd'hui rassemblés en un seul volume.
Il s'agit tout d'abord d'un carnet de voyage : en juin 1970 Joan Didion et son mari ont sillonné le Sud des États-Unis (la Louisiane, le Mississippi, l'Alabama), et en de courts chapitres non datés Joan Didion livre ses observations sur les lieux, les paysages ou les gens rencontrés.
Le projet du voyage et son miroir littéraire découlent de la volonté de comprendre ce « Sud profond », pour la Californienne qu'est Joan Didion - et à travers le Sud, l'Amérique tout entière. Le Sud comme une terre tournée vers le passé - alors que la Californie est tournée vers l'avenir - et comme un pays aux certitudes inébranlables : chacun doit rester à sa place, les femmes, les Noirs, les pauvres, les étrangers. Joan Didion absorbe, commente, questionne, et se moque parfois. La plume est acérée, rapporte des conversations avec divers personnages, des entrepreneurs, des médecins, des esthéticiennes et note à quel point son apparence, ses vêtements et son attitude générale inspirent la méfiance. Elle décrit une société qui vit sur les vestiges d'un système féodal construit par les planteurs de coton.
Le deuxième carnet, daté de 1976, est constitué des notes prises par Didion quand elle s'est installée dans un hôtel à San Francisco pour couvrir le procès de Patty Hearst. L'auteure revient sur la figure de sa grand-mère, ses lectures, et sur son appartenance à cette Californie depuis qu'elle a traversé pour la première fois le Golden Gate Bridge.
Les deux textes nous permettent de mieux comprendre l'Amérique de ces années-là, et de ce fait, l'Amérique de Trump, dans ce court livre brillant où l'acuité du regard de Didion fait toujours mouche.
La presse, la politique, la Californie, les femmes : on retrouve déjà dans ce recueil rassemblant des chroniques rédigées entre 1968 et 2000, ceux qui deviendront les thèmes de prédilection de l'icône des lettres américaines. Qu'elle raconte ses débuts au magazine Vogue, une réunion des Joueurs Anonymes, qu'elle analyse la presse locale underground ou qu'elle s'interroge sur les publications posthumes des écrivains, c'est finalement toujours l'Amérique qu'elle scrute, dans toutes ses vérités et ses contradictions.
Publiés en français pour la première fois, ces textes semblent répondre à une même question : « pourquoi écrire ? ». Elle y évoque le style, la sincérité de l'écriture à la première personne, la genèse de ses trois premiers romans et le parcours qui l'a conduite à devenir l'écrivaine que nous connaissons aujourd'hui et qui continue d'inspirer des générations d'auteurs. Joan Didion n'a de cesse de nous faire rire et de nous surprendre par la finesse de sa réflexion, toujours portée par une liberté de ton, un style incisif et empathique, ainsi que le sens de la formule. L'acuité du regard de cette figure mythique de la littérature américaine brille ici dans toute sa modernité et sa puissance visionnaire.
Entre 2013 et 2017, Linda Boström Knausgård effectue plusieurs séjours en hôpital psychiatrique au cours desquels elle subit des électrochocs. Alors, pour raconter, elle doit désormais combattre l'amnésie - l'un des effets indésirables de ce traitement. Comment écrire sans souvenirs ? Par à-coups, semble nous répondre la narratrice, grâce à ces flashs qui la foudroient comme les décharges électriques qu'elle subit. Il y a les promenades, les soignants, les patients, certaines amitiés qui se créent malgré l'absurdité des règles qui régissent « l'usine ». Et puis sa propre histoire qui remonte à la vue d'un objet, les épisodes de l'enfance et de l'adolescence, les voyages en Égypte ainsi qu'en Toscane, les premières amours. Les tentatives de suicide. Le puzzle se reconstruit, rythmé par les dépressions, pour reformer le parcours tourmenté d'une jeune romancière, mère de quatre enfants et longtemps mariée à un auteur mondialement connu.
Fille d'octobre est un réquisitoire contre les dérives de la psychiatrie moderne, mais également une émouvante réflexion sur l'écriture et la parentalité. Si Linda perd la mémoire, elle n'a qu'à inventer lui rétorque son médecin : « C'est bien ce que font les écrivains, non ? ». Incapable de se maîtriser, elle se jette sur lui et le frappe sans pouvoir s'arrêter. Car à la souffrance de la patiente, s'ajoute celle de l'artiste craignant de ne plus pouvoir bâtir. À la peine d'être éloignée de ses enfants, s'agrège la peur de mourir seule. Et pourtant, malgré la cruauté du traitement, c'est la vie qui finit par l'emporter. Linda Boström Knausgård confirme avec ce nouveau livre qu'elle fait aujourd'hui partie des plus grandes voix de la littérature nordique. Un bouleversant récit d'espoir.
Le grand écrivain Amos Oz, récemment disparu, s'est intéressé à la figure du traître toute sa vie - comme son oeuvre romanesque en témoigne. Dans un discours prononcé à Berlin en 2017, il a voulu revenir sur le plus célèbre d'entre eux, et réfléchir au rôle qu'a joué la prétendue trahison de Jésus par Judas dans la naissance de l'antisémitisme chrétien. Il se fait conteur en nous présentant une version alternative de l'histoire connue, et en nous interrogeant sur les liens entre les deux grandes religions monothéistes que sont le judaïsme et le christianisme. Sa réflexion est iconoclaste, irrévérencieuse, romanesque, mais toujours nourrie d'une connaissance profonde des textes fondateurs des deux religions.
Cet ouvrage, le premier inédit publié depuis le décès d'Amos Oz en décembre 2018, condense une certaine philosophie du dialogue qui était au coeur de l'oeuvre et de l'engagement d'Amos Oz. Sa parole demeure d'une actualité brûlante.
En préambule, la rabbin Delphine Horvilleur s'adresse directement à l'auteur disparu, dans une émouvante lettre. Elle nous offre un éclairage passionnant de la conférence d'Amos Oz, en nous parlant des prophètes et des traîtres, du rôle de la littérature dans nos vies, et du besoin de dialogue pour surmonter les fanatismes de toute sorte.
Rachele est en colère contre son père qui ne veut pas qu'elle tienne le rôle de Marie dans la représentation de la Nativité de l'école, à la veille des vacances. Car Rachele, 12 ans, est juive. Elle vit dans une grande ville du Nord de l'Italie, son père est avocat, tout comme son grand-père. Ce dernier se montre certes plus compréhensif face au désir de sa petite-fille, mais la situation se complique quand Rachele comprend que son père, qui vient de subir des examens médicaux, est sans doute gravement malade. En parlant avec les différents membres de sa famille et notamment sa grand-mère, la fillette commence à saisir les enjeux de la question qu'elle a soulevée par rapport à l'histoire familiale. Elle se décide alors à demander un autre cadeau de Noël à son père...
Que se passe-t-il quand on enferme huit scientifiques - quatre hommes et quatre femmes - pendant deux ans dans une gigantesque biosphère sous verre, plantée quelque part dans l'immensité de l'Arizona pour tester la résistance de l'être humain et sa capacité à vivre en autarcie ? T.C. Boyle pose son regard caustique sur cette expérimentation réellement mise en place aux Etats-Unis dans les années 90 pour recréer une comédie humaine sous une loupe grossissante. On apprend à se jauger, à s'appréhender ou s'éviter. Les complicités se font et se défont, les amitiés naissent et les haines, parfois, explosent. Il faut tenir, car rien ne doit ni entrer ni sortir, et faire parfois le spectacle pour les sponsors du projet. Mais que faire quand la faim, le désir et le sexe s'invitent dans la bulle ?
T.C. Boyle nous plonge ici dans un huis clos infernal. Son humour est plus féroce et plus efficace que jamais.
Natalia a décidé de changer de vie en emménageant dans un petit village, La Escapa. Traductrice, elle a quitté son quotidien de citadine pour trouver le calme nécessaire à son prochain projet littéraire - et fuir certains fantômes du passé. Dès son arrivée, les relations avec son nouveau propriétaire se tendent. Comme convenu, il lui a trouvé un chien pour lui tenir compagnie, un animal qu'elle décide de nommer Chienlit, mais cela ne compense pas l'état déplorable du taudis qu'il lui loue. D'autant qu'en plus des fissures et des fuites, le malaise de Natalia grandit à mesure qu'elle fait connaissance avec les autres habitants du village.
Il y a tout d'abord Piter, toujours aimable mais étrangement envahissant ; la fille de la supérette qui s'ennuie à mourir à La Escapa ; l'étrange couple de personnes âgées qui habite la maisonnette jouxtant le jardin de Natalia ; et puis Andreas, surnommé « l'Allemand », avec qui la jeune femme va passer un accord ambigu mêlant petits services et rapports sexuels. Alors qu'à La Escapa les rumeurs circulent en silence, c'est tout le village qui est prêt à s'enflammer lorsque survient un terrible accident causé par Chienlit.
Dans ce roman écrit sur le fil, Sara Mesa construit une fantastique galaxie de personnages prêts à en découdre. Il est bien sûr question de la ruralité et du fantasme de la vie loin de chez soi, de la solitude et de la violence du quotidien, mais Un amour raconte aussi la puissance du doute - du doute existentiel et du doute amoureux, dont l'inconfort est probablement le signe ultime de notre vitalité. Véritable événement en Espagne, Un amour a été désigné « meilleur livre de l'année » par El País, La Vanguardia, ou encore El Correo.
Le rouge n'est plus une couleur raconte l'histoire d'une amitié qui naît à l'université, lorsque Kate rencontre Max. Ils viennent de milieux sociaux très différents, apprennent à se connaitre de jour en jour puis se rapprochent jusqu'à partager une complicité quasi-fusionnelle. La famille de Max fascine Kate, une famille anglaise aisée et cultivée - la mère de Max est une réalisatrice de tout premier plan - qui lui réserve un accueil chaleureux à chaque fois qu'elle évite de rentrer chez sa propre-mère, une ancienne alcoolique.
Mais Le rouge n'est plus une couleur est également un grand roman sur une vie que quelques minutes suffisent à briser. Lors d'une fête d'anniversaire chez les parents de Max, le cousin de ce dernier conduit Kate dans une chambre et profite de la sidération de celle-ci pour la violer. Elle n'ose pas crier et ferme les yeux afin de ne plus voir le ruban rouge cousu à l'intérieur du col de son agresseur, Lewis. À partir de ce soir-là, le rouge n'est plus une couleur pour Kate. Le souvenir de ce viol et son nouveau rapport au monde la murent dans le silence. La honte, la peur et le dégoût l'empêchent de dire quoi que ce soit pendant plusieurs semaines. Puis Kate va commencer à mettre des mots sur cet événement, à donner des indices sur ce qu'il s'est passé à son entourage et notamment à Max, sans pour autant nommer Lewis. Mais lorsque la vérité est sur le point d'être révélée, la tension monte et les réactions divergent face aux révélations qui risquent de faire éclater la famille...
Ce premier roman de Rosie Price est un ouvrage bouleversant. La jeune auteure britannique joue avec les codes du roman social anglais et explore la psychologie de ses personnages sans concession, dans ce texte d'une maîtrise incroyable. Le rouge n'est plus une couleur est un livre nécessaire qui annonce la naissance d'une écrivaine britannique majeure.
Dans un complexe résidentiel pour ultra-riches, deux adolescents passent leurs soirées à boire et à fumer. Polo travaille comme jardinier pour les co-propriétaires de « Paradaïze » alors que Franco vit ici, avec ses grands-parents. En surpoids, grand consommateur de films pornos, ce dernier n'a qu'une obsession depuis l'arrivée d'une nouvelle famille dans le quartier : coucher avec madame Marián. Pour Franco, cette mère de famille est un objet de désirs, souvent violents, largement nourris par les vidéos que le jeune homme regarde à longueur de journée.
Polo écoute son compagnon avec mépris lorsque ce dernier lui dévoile ses plans pour conquérir le coeur et le corps de madame Marián, d'autant que lui-même a des ambitions bien plus sérieuses. Quitter son travail tout d'abord, et partir loin du logement miteux où il vit avec sa mère et son affreuse cousine. Peu importe s'il doit vendre son âme aux cartels, il est prêt à tout pour fuir son quotidien. De son côté, Franco commence à se rapprocher des enfants de madame Marián, puis à s'infiltrer dans la maison pour renifler les sous-vêtements de leur mère. Et lorsqu'il est suffisamment familier des lieux, il décide de passer à l'action, en pleine nuit, avec le soutien du jeune jardinier. Le plan est mis à exécution, mais il va se révéler bien plus macabre que prévu...
Ce nouveau roman de Fernanda Melchor est une plongée dans l'extrême violence de notre société. Tensions sociales, consumérisme, hypersexualisation des adolescents, glorification de la virilité et banalité du viol, un cocktail absolument tragique. A l'instar de Parasite de Bong Joon-ho, Paradaïze nous conduit inexorablement vers un final explosif, que l'on redoute depuis les premières lignes, et qui nous coupe le souffle jusqu'à la dernière.
Nous sommes en février 1959. La chalutier Mafur vient de terminer sa campagne de pêche au large de Terre-Neuve-et-Labrador. Les cales sont chargées de sébaste et les trente-deux marins présents à bord pensent déjà à rentrer au port, à Reykjavik, lorsque la météo change drastiquement. La température chute, les vents se déchaînent. Toutefois, le plus grand danger ne vient pas de la houle et des vagues qui déferlent impitoyablement sur le bateau, mais de la glace qui s'accumule sur le pont. Bientôt tout est pris sous une épaisse couche de glace, le bastingage, les flancs, la passerelle, et cette gangue devenant de plus en plus lourde, le chalutier risque d'être entraîné vers le fond. Les membres de l'équipage se relaient alors sans arrêt pour essayer de dégager le pont. Plus personne ne dort, on s'accorde tout juste quelques pauses pour reprendre des forces et se réchauffer. Tous le savent : une course contre la montre est engagée, une bataille de vie ou de mort.
Le roman haletant d'Einar Karason nous plonge littéralement dans les eaux gelées de la mer du Labrador. L'hyper-réalisme du récit nous fait ressentir la lutte contre les vagues au-delà de l'épuisement, et l'on partage la fureur de vivre de ces hommes menacés par les forces déchaînées de la nature comme si l'on se trouvait à bord... Un tour de force, un livre d'aventure et un grand roman maritime à la fois.