"La science avait libéré les femmes de l'esclavage de l'enfantement et, dès lors, renversé leur subordination sociale." Andrésy, bourgade des Yvelines, baignée par les eaux de la Seine, coule des jours paisibles. Ses citoyennes y mènent une vie bien réglée et sans heurts. Après l'hécatombe du Grand Fléau qui a décimé une moitié de l'humanité, Césarine n'a pas eu grand mal à convaincre les survivantes de troquer leur liberté contre un sentiment de sécurité. Née de ce marché de dupes, la Nouvelle République française se perpétue depuis à coups de propagande. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes... jusqu'au jour où Francine Bonne, citoyenne pourtant exemplaire, décide de prendre un deuxième mari. Pierre le stérile et Jean le trop viril vont désormais partager chambre, tâches domestiques et plaisirs interdits. Bafouée dans ses principes, la Nouvelle République va devoir purifier la société de ses éléments indésirables. Une alliance des trois pouvoirs, politique, médiatique, judiciaire, est convoquée pour mener à bien cette mission. Formé à l'archéologie, Nuno Gomes Garcia fouille son histoire comme il fouillerait un sol, par couches temporelles, en nous laissant le soin d'ordonner ces va-et-vient entre passé, présent et futur. Finaliste du prestigieux prix Leya, il signe ici son troisième roman.
Ce roman écrit à la 2e personne nous installe d'emblée dans une relation à tu et à toi avec sa narratrice. Une fille d'aujourd'hui, une précaire qui conjugue vaille que vaille sa vie sexuelle avec ses amours passées-présentes, son boulot mal payé avec son goût pour la poésie lesbienne, ses envies de sobriété, tofu, légumes et kombucha, avec les shots de tequila-vodka. Dans sa coloc de Montréal, il y a une salle de bains digne de Versailles, des punaises de lit, un chat, et Octavia pour tenter d'oublier Marcela. Mènerait-elle sa barque autrement si elle n'était pas handicapée de la main droite ? Ou est-ce son enfance dans une famille trop normale qui l'amène à toujours risquer le tout pour le tout ?
En compagnie est l'association d'"autrice" et d"actrice", mots qui dérivent tous deux du latin auctrix. Malgré cette étymologie commune, leurs destins furent bien différents, et c'est l'histoire du premier que retrace ici Aurore Evain, contribuant ainsi à réhabiliter ce terme proscrit par les hommes de lettres.
Chercheuse, Aurore Evain est aussi comédienne et metteuse en scène, et son travail a inspiré à Sarah Pèpe la pièce de théâtre Presqu'illes, publiée à la suite du texte. Elle y retrace le procès du mot autrice en quelques joutes oratoires qui déplacent le poids du ridicule du côté des maîtres du discours.
En 1918, les femmes britanniques - ou plus exactement une partie d'entre elles... - obtenaient le droit de vote. La publication de ce roman, paru en 1911 et traduit pour la première fois en français, célèbre le centenaire de cette demi-victoire. Populaire et didactique, écrit par une des protagonistes du mouvement autour de faits réels, il décrit un moment particulièrement véhément du combat des suffragettes. Les circonstances, les personnages, les situations que Colmore choisit de mettre en avant livrent quantité
Ce premier roman de Clémence Michallon, qui vit à New York et écrit aussi bien en français qu'en anglais, nous introduit dans l'univers de trois personnages en pleine mutation : Véronica la culturiste, qui vit au rythme des séances d'entraînement, des repas calibrés au gramme près, de la fonte des graisses et de la prise de muscles. Camélia la pâtissière très chic, mariée à une tradeuse de la bourse de New York et clouée au lit par une grossesse difficile. Nico, qui se partage entre la pâtisserie le jour et les scènes drag la nuit.
C'est un roman des corps tels qu'ils sont, devraient être ou seront, au gré des transformations qu'entraînent la puberté, les régimes, la grossesse, le sport, l'art de la séduction.
Deuxième conte philosophique de Thierry Hoquet, Déicide ou la liberté fait suite à Sexus nullus, ou l'égalité. Et nous rappelle, avec la même ironie, que si la loi de 1905 organise la séparation de l'Église et de l'État, elle ne s'applique pas à tout le territoire de la République « une et indivisible » : de la Guyane à Mayotte à l'Alsace-Moselle, huit régimes différents s'accommodent tant bien que mal des grands principes de la laïcité. Dieu étouffe Marianne, il n'a pas sa place dans l'espace public clament les partisans du déicide. Oui mais, ricanent les croyants, vouloir tuer Dieu c'est reconnaître son existence...
La femme au centre de ce récit dit elle ou dit je pour raconter la distance prise avec une réalité désormais ancienne et presque oubliée qui revient parfois comme une irritation, une démangeaison. Elle ne supporte pas ça. Elle ne l'a jamais supporté - ces mots, surtout, chargés de passivité et de mépris: la-femme-battue. Elle s'est arc-boutée autour de ce refus. Elle a appris à se tenir. Le dos droit, la tête haute, elle a serré les dents. Elle s'est accrochée, elle a tracé son chemin, elle s'est reconstruite. Reconstruite oui, réparée non. Un jour, il suffit d'une image pour abolir d'un coup la distance parcourue. Le récit dit le retour du choc, et le besoin d'apaisement. Reste une question: comment s'en sortir? Au fait, ça veut dire quoi, s'en sortir? Isabelle Auricoste vit et écrit à Paris, chez elle ou dans le train, lors de ses déplacements en région parisienne. Son précédent livre, Retour à Karp, est paru aux Éditions d'Écarts.