Désobéir.
Nous avons choisi d'interroger de jeunes femmes issues de la première, seconde et troisième générations de l'immigration pour questionner chacune sur son lien à la famille, la religion, l'avenir.
Il y a eu la rencontre déterminante avec 4 jeunes filles de moins de 25 ans, Lou-Adriana Bouziouane, Charmine Fariborzi, Hatice Özer, Séphora Pondi. Chacune a nourri l'écriture du spectacle en apportant sa propre histoire, et à travers elle celle de ces parents.
À travers leurs témoignages, s'entrecroisent des bribes d'aveux, de souvenirs, d'évidentes soumissions, de nostalgies ambivalentes, de révoltes.
Nous aimerions faire entendre la façon dont elles empoignent leurs vies, dans un monde souvent violent où il faut lutter pour tracer sa route.
Chacune à sa manière témoigne d'un NON posé comme acte fondateur. Non aux volontés du père, non face aux injonctions de la société, de la tradition.
Nous souhaitons raconter l'histoire de victoires, de victorieuses, d'obstinées, de désobéissantes.
La Tendresse.
Ce titre La Tendresse, comme Désobéir, contient une ligne souterraine qui agit comme un programme.
Les filles de Désobéir devaient mentir aux autres pour s'affranchir des injonctions de la famille, de la société ou de la tradition.
Les garçons de La Tendresse, eux, ont souvent dû se mentir à eux-mêmes pour appartenir au « groupe des hommes », pour correspondre à la « fabrique du masculin ».
Pourtant, chacun à leur manière, ils ébranlent les assignations d'une identité d'homme fondée sur la performance, la force, la domination de soi et des autres.
En se demandant « comment être un mec bien aujourd'hui ? », ils font bouger les lignes d'une éducation reçue.
Nous postulons avec eux que c'est sans doute dans l'acceptation de sa vulnérabilité, dans l'accès à ses sentiments, dans la revendication d'une égalité de faits entre les hommes et les femmes (plutôt qu'une complémentarité de principes qui reste l'arme du patriarcat) - que réside l'une des clefs de la réinvention de soi.
Ceci est mon corps interroge l'histoire du corps d'une femme de 30 ans en 2021, et scrute la construction de l'injonction à l'hétérosexualité :
« En fait, la question que je me pose, enfin je veux dire ce que j'ai besoin de raconter avec ce projet, c'est comment ça se fait tu vois, comment ça se fait que des corps comme ton corps et le mien, des corps qu'on dit de femmes, à première vue des corps qui ont été protégés, qui ont été l'objet de mises en garde, l'objet d'attentions particulières, de conseils dédiés, comment ça se fait que nos corps dits de femmes, oui comment ça se fait que ces corps-là, ces corps dits de femmes de presque trente ans, ils aient subi toutes ces violences et qu'ils soient - à l'intérieur comme à l'extérieur - aussi marqués par des violences qui ont étouffé la vérité des désirs ? Parce que tu sais, le désir, c'est comme la liberté, c'est comme le feu. Ça s'étouffe. Le désir, c'est comme un cri que personne ne veut entendre. Si personne n'y prendre garde, ça se laisse étouffer. » Agathe Charnet retrace, avec beaucoup de finesse et de recul, la vie de son corps, sa vie, de sa naissance à aujourd'hui, et fait de son vécu une expérience universelle. Avec une apparente simplicité elle pose des mots sur les moments charnières de cette histoire. Il s'en dégage une force, aussi cathartique que rassurante, qui permet de comprendre.
Masculin d'aujourd'hui : père largué par sa femme.
Masculin d'aujourd'hui : fils sans repères.
Masculin d'aujourd'hui : intrus en lutte contre le monopole des glandes mammaires.
Masculins de demain, prendrez-vous une carabine pour tirer dans la cohorte féminine ?
Sur le seuil de sa perpétuité, trente ans après le drame pour lequel il a été emprisonné, un condamné livre son ultime Pater Noster.
Un poèmologue qui convoque les figures d'un adolescent et de son père quinquagénaire, fanatisés par un jeune masculiniste prêchant la contre-révolution féministe.
Ce jour-là, sur la chaîne de découpe de l'abattoir, il n'y a pas que des vaches. Ce jour-là, il y a une femme suspendue la tête en bas au milieu des bovins, une employée de l'abattoir qui n'a rien à faire là. Ses collègues protestent : c'est à cause de la rapidité des cadences qu'elle s'est retrouvée dans cet état. Une grève se profile, mais personne n'en a jamais fait et surtout, personne n'est prêt à endosser le rôle de porte-parole. Sous l'oeil las des vaches attendant la reprise des cadences, les ouvriers et ouvrières improvisent un soulèvement aux méthodes inaccoutumées.
Un building. Une entreprise. 13 étages. 32 employés. Une journée. Une scène par heure et par niveau. Hôtesses, comptables, agents d'entretien, cadres, directeurs des ressources humaines, chargés de communication s'agitent, déjeunent, coachent, prospectent ou brainstorment au rythme intempestif des crashs d'oiseaux contre leurs baies vitrées. Une ascension vers la chute...
L'écriture de la pièce, féroce, caustique et ponctuée de chansons, met en relief la noirceur des thèmes abordés : la perte de notre identité dans l'entreprise et, avec elle, celle de nos idéaux.
Comédienne et auteure, il m'a fallu, au cours des périodes creuses, rester perchée de longues heures sur des escarpins d'hôtesse dans le hall climatisé du palais des congrès de la porte Maillot.
Building est né d'un mal de pieds.
Léonore Confino Building est donc le fruit de l'experience. Léonore Confino sait trouver les mots pour peindre un monde de l'entreprise sans concession mais sans cliché. Elle porte un oeil à la fois grinçant et dénonciateur des abus du monde de l'entreprise, tout en conservant un regard bienveillant sur ses personnages. À mesure que l'on gravit les étages, l'aliénation de chacun se fait plus pesante, au rythme des pigeons qui s'écrasent dans les baies vitrées comme autant de chocs qui ramènent à la vie les personnages les uns après les autres. Mais l'on ne peut empêcher le chaos final qui prend place au dernier étage, si haut que toute réalité terrestre n'a plus prise en ces lieux.
Aujourd'hui, dans le monde globalisé, nous sommes tous des migrants... Mais avons-nous la sagesse de comprendre notre nouvelle identité ? Avons-nous l'intelligence d'imaginer un nouveau modèle de société pour que la vie devienne vivable pour tous ? Et surtout, trouverons-nous les moyens d'imposer la paix globale et un état de droit universel pour que les migrations ne poussent pas à des nouvelles violences et à un repli inhumain sur soi ?
Matéi Visniec use de son humour et de son expérience - lui qui a fui le régime de Ceausescu, lui qui a vu, par son travail de journaliste, l'histoire se répéter - pour montrer, raconter, ce que sont les « migrants ». Ces hommes, ces femmes, ces enfants, ils ne viennent pas que d'un pays, d'un continent. Ils n'ont pas qu'une seule couleur de peau, qu'une religion. Qu'ils fuient la guerre, la famine, les dérèglements climatiques, ils ne sont pas que des instruments politiques...
Toujours avec subtilité, toujours avec intelligence et avec l'humour qui est son arme privilégiée pour aborder les sujets graves, l'auteur nous parle avec le coeur de notre humanité qu'il ne faut pas perdre.
Malheureusement, ce texte est encore et toujours d'actualité. Mais ces oeuvres sont d'autant plus nécessaires dans ce contexte qu'elles ont la force de sensibiliser les gens, et de parler pour ceux qu'on n'entend pas.
Aleksander est un adolescent en rupture, tiraillé entre son désir d'indépendance, sa langue maternelle qu'il rejette et sa rage envers les règles du collège.
Violette, CPE fraîchement débarquée dans l'établissement, pense pouvoir résoudre les tensions par la discipline et la rigueur. L'expérimenté Jean, prof de physique-chimie, craque tout simplement face à l'agression de trop. Julie, prof de français, invente toujours de nouvelles pédagogies pour transmettre... coûte que coûte.
Qu'il fait beau cela vous suffit nous plonge dans le quotidien d'un système scolaire en ébullition à travers une galerie de personnages qui tentent défaire ensemble ce que le politique ne semble pas réussir à réparer. Dans ce contexte parfois violent, décalé et absurde, les personnages apparaissent profondément humains.
Fiction poétique et politique, tantôt drôle, tantôt dramatique, pour laquelle les deux autrices et metteuses en scène ont collecté pendant deux ans la parole d'élèves, d'enseignant.e.s et de personnel d'établissements classés dans les réseaux d'éducation prioritaire dit REP.
Seules face à lui retrace librement l'histoire de l'attentat antiféministe de l'École Polytechnique de Montréal du 6 décembre 1989, lors duquel un homme a tué quatorze femmes. Cette pièce de théâtre chorale réinvente en France une histoire jumelle oscillant entre documentaire et fiction, récit et action, 1989 et 2019.
Aujourd'hui, les tueries en Europe sont saisonnières et la terreur perdure. Dans le monde, les femmes sont encore des cibles, leurs corps une monnaie d'échange et l'égalité femme-homme, un sujet clivant, brûlant d'actualité.
Seules face à lui est un hommage aux survivantes, aux survivants, qui tentent chaque jour de continuer, de se battre, de comprendre.
La pièce tire sa subtilité et sa force de la multiplicité de ses points de vue. Elle évite à tout prix d'être moralisatrice ou accusatrice. Là n'est pas l'enjeu, ni l'intérêt. Le but est d'entendre, de comprendre.
On écoute les femmes, la mère, la soeur, les victimes, ainsi que les hommes, survivants parce qu'épargnés. On entend aussi le tueur. Alors on comprend mieux comment cela peut arriver. Alors, peut-être, on saura mieux comment l'éviter.
Au Petit Trianon, dans le domaine du Parc du Château de Versailles, peu de temps avant la fameuse révolution, Louis XVI, roi de France a offert une nouvelle cuisine à sa femme, la reine de France, Marie-Antoinette. C'est ici qu'ils reçoivent leurs amis pour deviser tranquillement sur le cours des choses.
Dans une atmosphère de fin de règne bercée dans les eaux douces d'une musique proto-baroque spécialement composée pour l'occasion, Le Rêve et la plainte est un conte bavard, parfois drôle, souvent contemplatif, qui s'attache moins à des événements qu'aux récits qui sont fait d'eux. En somme, la pièce est une longue conversation qui dresse un panorama d'opinions humaines égrainées affectueusement sur la peau du temps qui passe.
J'aime penser que mon travail consiste à enquêter sur la beauté du petit, du raté, du médian, du moins sur sa source (l'égoïsme et la lâcheté, par exemple) plutôt que mettre en lumière les lieux communs de la bravoure ou de la détresse.
À l'époque où j'ai écrit la pièce, je rêvais de silence et de concorde. Je craignais que le séparatisme anesthésie notre nation et j'avais envie de faire mon métier pour ce que je lui trouvais de précieux : le pouvoir de communier avec des inconnus, au-delà de toutes considérations de classe, de couleur politique, religieuse ou d'origine ethnique. Je trouvais mon métier merveilleux parce qu'il offrait un refuge neutre pour l'humanité. Dans un théâtre, les gens (qui deviennent des spectateurs), ne se jugent pas entre eux, ils ne se méprisent pas, ils sont assis les uns à côté des autres. On entre en anonyme, on sort comme tel et on emporte chez soi les effets d'une soirée passée entre anonymes. Je voulais exposer cette concorde au plateau en faisant jouer ensemble des personnages qui, malgré les tensions et les altérités, font preuve de gaité comme d'un devoir civique.
Nicole Genovese
Grand Pays s'appuie sur des événements réels, notamment le parcours médiatique et judiciaire de Cédric Herrou entre 2016 et 2020, ainsi que l'incident du 30 juin 2017 lors duquel les forces de l'ordre françaises avaient renvoyé illégalement des mineurs en Italie depuis la gare de Menton.
Pour autant, la pièce n'est pas à proprement parler du théâtre documentaire. De ces événements, l'autrice tire des personnages et des faits fictifs. Cette fiction proche du réel lui permet une liberté de ton qui dédramatise les faits et évite l'écueil d'un texte moralisateur.
Au contraire, le sérieux mêlé d'humour aboutit à un propos d'une grande finesse qui donne à voir l'absurdité de la situation.
Dans Grand Pays, on suit plusieurs personnes condamnées pour avoir apporté leur aide à des migrants. Étonnamment, les faits qui leur sont reprochés se sont tous produits le même jour, le 2 mai 2016. Ce point commun va les réunir et les conduira à médiatiser leur défense pour mettre en lumière les contradictions inscrites dans la loi.
Procès, médias, opinion publique, tous les enjeux politiques et sociaux sont ici habilement retranscrits pour faire apparaître les rouages d'un système absurde.
On assistera également à un conseil constitutionnel rocambolesque qui, sous ses airs grotesques, se montre bien plus intelligent qu'il n'y paraît pour détricoter le noeud du problème.
En effet Cédric Herrou avait posé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (6 juillet 2018) qui avait abouti à la reconnaissance de la Fraternité comme principe à valeur constitutionnelle.
Avec sa précédente création, Les Femmes de Barbe-Bleue (également aux éd. L'OEil du Prince) - réinterprétation du conte de Perrault -, Lisa Guez mettait en scène cinq comédiennes qui parlaient d'un absent, leur grand amour et leur bourreau.
Le texte, parce que d'une brûlante actualité, a connu un succès important, couronné du prix du festival Impatience et dernièrement joué au théâtre Paris-Villette.
Du point de vue des femmes assassinées, on y regardait comment se déclenche le désir, comment on se prend dans la toile de l'emprise de l'autre, jusqu'à une mise en péril de sa propre identité.
Celui qui s'en alla, c'est l'envers des Femmes de Barbe-Bleue. Cette fois, l'autrice et metteuse en scène travaille sur l'autre part de l'emprise. La figure du manipulateur. Qu'est-ce qui motive un être humain à collectionner et à échafauder les désirs des autres ? Comment est-il lui-même esclave de toutes les projections qu'il suscite ?
À nouveau, le travail d'écriture s'appuie sur les improvisations des comédiens et sur la réinterprétation de deux textes classiques : Les Démons, de Dostoïevski et le conte des frères Grimm, Celui qui s'en alla connaître la peur.
Les personnages du texte de Dostoïevski, leurs enjeux relationnels, permettent une réécriture qui vient appuyer sur l'emprise que chacun a sur les autres. On prend conscience de la complexité de ces relations, que l'on peut être sous emprise tout en manipulant quelqu'un d'autre et que ce cercle vicieux, à force de petites choses qui ne paraissent rien, des mots, des gestes, peu conduire loin, trop loin.
Tout le monde sait que Luzia n'est pas là, qu'elle a déménagé à Genève et qu'elle s'y débrouille très bien.
N'est-ce pas ?
Elle qui connaît tant de noms, tant d'histoires, tant d'hommes, est fatiguée. Les routines, la sonnerie du téléphone portable, les rêves qui étaient toujours si forts dans la tête et si difficiles à vivre. La solitude qui s'est enracinée dans le corps.
Mais, aujourd'hui, Luzia n'attendra plus : elle prépare énergiquement le grand final et, ce faisant, elle se sent plus vivante que jamais. Alors elle raconte, chacun de ces hommes, chacune de ses histoires.
Une pièce de rêverie, de désespoir et de tendresse. Un parcours dans la vie d'une femme, d'une compagne.
Vivante ! Marguerite Steinheil est vivante ! Elle a menti. Elle s'est vendue. Elle a trahi.
Elle a fréquenté les alcôves lambrissées du pouvoir.
Elle a surmonté le scandale le plus licencieux de la troisième République.
Elle a survécu à la très mystérieuse et très sanglante affaire de l'impasse Ronsin.
À la force du poignet, elle est devenue l'honorable, la richissime Lady Robert Brooke Campbell Scarlett- Abinger, baronne et pairesse d'Angleterre.
Alors elle cuisine.
Obstinément elle cuisine.
Avec jubilation. Avec hargne.
Juste pour nuire encore un peu.
Marguerite Steinheil fut surnommée la « Sarah Bernhardt des Assises », tellement sa fascination fut grande sur le jury et les magistrats qui l'acquittèrent en 1909 dans des applaudissements frénétiques !...
Avec Mais la pente est forte, Sarah Pèpe relève avec succès le défi d'un théâtre d'anticipation en brossant le portrait d'une société pas si éloignée de la nôtre. Elle nous invite à suivre le parcours d'une myriade de personnages aux prises avec des injonctions paradoxales : il faut travailler, mais il n'y a pas d'emploi ;
Il faut être solidaire, mais il faut se battre pour exister ; il faut fuir l'idéologie, mais c'est déjà une idéologie ; il faut défendre la liberté d'expression, mais il faut parler plus fort que les autres pour être entendu.
Sarah Pèpe décrit avec minutie tous les effets pervers qui minent notre vivre-ensemble : de l'élu à l'artiste, du prof à la prostituée, du juge à la femme de ménage, elle nous fait entrer avec justesse dans chaque point de vue individuel et montre, non sans virtuosité, comment chacun contribue, malgré les meilleures intentions, à la catastrophe finale.
Par une nuit de brouillard épais, Michael Stocker, un inconnu dont la voiture a versé dans un fossé, surgit dans le bureau de Richard Warwick pour demander de l'aide. Il trouve Richard mort. Laura, la femme de Richard, un pistolet à la main, s'accuse du meurtre. Stocker parvient à la convaincre de nier ce crime. Mais qui a vraiment tué Richard Warwick ? On ne va pas recommencer, je vous en prie. Chacun de nous a son moment de folie dans la vie. Vous avez eu le vôtre en tirant sur votre mari, à mon tour d'être fou. Michael Stocker (Acte I, scène 1)
On connaît surtout Agatha Christie comme une romancière de génie, créatrice des personnages d'Hercule Poirot et Miss Marple, auteur de centaines d'histoires policières au suspense haletant. Ce que l'on sait moins, c'est qu'elle a également été, tout au long de sa vie, un auteur dramatique à succès.
La raison de cet oubli est simple : les pièces d'Agatha Christie n'ont quasiment jamais été publiées en français.
Gérald Sibleyras, auteur fêté du théâtre parisien, et Sylvie Perez, journaliste et essayiste, se sont attelés à la traduction de huit des pièces originales qui constituent son oeuvre dramatique. Elles paraîtront toutes à L'OEil du Prince dans une collection créée spécialement pour l'occasion, jusqu'à l'hiver 2020/21.
En adaptant elle-même ses romans, Christie se révèle en dramaturge précise, maîtrisant parfaitement la tension dramatique du huis clos. Ses pièces donnent à voir le talent de la Reine du Crime sous un autre jour. Sa plume de romancière perce à travers des didascalies fournies, qui permettent de traverser les pièces comme des récits.
Les fans de ses romans ne seront pas déçus.
À l'occasion de vacances dans le voisinage de Gull's Point, la maison balnéaire de Lady Tressilian, Neville Strange se retrouve pris entre son ancienne femme, Audrey, et son nouvel amour, Kay. Thriller haletant, la pièce explore la psychologie de la jalousie alors que l'orage gronde et qu'un meurtre sauvage et brutal se dessine dans l'ombre. La vengeance des uns se dissimule sous le ressentiment des autres, et de fausses croyances autour des dernières volontés de Lady Tressilian rendent tout le monde suspect. La pièce aborde des réflexions sur le suicide, la dépression et la rédemption, et fait de ce drame un mille-feuilles psychologique d'une intelligence redoutable.
Julia et Félix sont au bord de la falaise, les pieds dans le vide.
Julia a bien failli s'envoler, retrouver sa liberté, si elle n'avait pas chuté de son vélo juste avant le précipice.
Félix a le coeur gros. Il a vu l'accident, il a relevé Julia, il veut la consoler.
Mais comment parler à quelqu'un qui ne veut pas de votre aide ?
Vous aimez les coquelicots ?
C'est une fleur que j'adore. Indomptable !
Si vous la cueillez, elle s'éclipse direct en vous laissant un truc qui ne ressemble plus à rien dans les mains. Une petite fleur qui du haut de ses quelques centimètres vous dit merde bien en face : « Je vis là où j'ai choisi de pousser ou ciao bye bye, je me barre ! » On ne s'approprie pas un coquelicot ! Ce petit truc tout fragile d'un rouge si flamboyant ne finit jamais en bouquet. Pas assez résistant. Il a fait de sa fragilité une force incroyable.
Lydia Cherton
Les retrouvailles d'une actrice de boulevard et d'une actrice d'avant-garde. Quand Suzy vient retrouver sa « meilleure » amie Simone, dans le théâtre où elle vient juste de terminer de jouer une pièce très engagée devant à peine quelques spectateurs, le piège est déjà en train de s'enclencher.
Entre réminiscences, vacheries, confessions, elles se promènent dans la nuit. De la loge de Simone à un restaurant prétendument grec ou turc, pour finir dans le luxueux appartement de Suzy (en fait celui de son amant Vattier, le grand directeur de théâtre à succès, qui a décidé de se débarrasser d'elle) où enfin, les masques seront arrachés. Et la tragédie éclatera. Pas du tout celle que l'on avait pu supposer.
On assiste sous la plume de Bernard Da Costa à un duel féminin dévasteur entre deux comédiennes au crépuscule de leur carrière, deux vies qui ont pris des chemins opposés et que tout fait à nouveau converger vers un final grandiose et meurtrier.
On parle du théâtre, de ses coulisses, de l'enjeu des pièces de boulevard à succès, et des subventions qui tiennent à bout de bras les petites salles aux pièces engagées. On évoque avec finesse les intrigues et les coups bas qui font et défont les carrières. On parle également, bien sûr, d'amours meurtris, de jalousies réciproques mais aussi d'attirance mutuelle.
Les deux partitions sont écrites avec justesse et psychologie et permettent la composition de rôles brillants pour des comédiennes d'un âge trop souvent laissé pour compte.
Karl Hendryck, éminent professeur d'université, a quitté les Etats-Unis pour s'installer en Angleterre avec sa femme Anya et Lisa, la cousine de celle-ci. Lisa et Karl s'aiment sans oser se l'avouer. Helen, une jeune étudiante, fait tout pour attirer l'attention du professeur. Jusqu'à tuer ? Karl aura-t-il réussi, avec les meilleures intentions du monde, à faire le malheur des trois femmes qui l'aiment ? Karl n'est pas conscient que les choses peuvent s'abîmer si on n'y prend soin. C'est un idéaliste. Et ça peut être dangereux. Lisa Koletzky (Acte I, scène 1)
Kay est jeune, bille et richissime. Simon n'a pas un sou. Ils viennent de se marier et choisissent l'Egypte pour leur voyage de noces. Une croisière sur le Nil où un drame les attend. Double assassinat pour une lune de miel. C'est une erreur, cette croisière. J'étais venue pour me détendre et voilà... Mlle Ffoliot-ffoulkes (Acte III)
On connaît surtout Agatha Christie comme une romancière de génie, créatrice des personnages d'Hercule Poirot et Miss Marple, auteur de centaines d'histoires policières au suspense haletant. Ce que l'on sait moins, c'est qu'elle a également été, tout au long de sa vie, un auteur dramatique à succès.
La raison de cet oubli est simple : les pièces d'Agatha Christie n'ont quasiment jamais été publiées en français.
Gérald Sibleyras, auteur fêté du théâtre parisien, et Sylvie Perez, journaliste et essayiste, se sont attelés à la traduction de huit des pièces originales qui constituent son oeuvre dramatique. Elles paraîtront toutes à L'OEil du Prince dans une collection créée spécialement pour l'occasion, jusqu'à l'hiver 2020/21.
En adaptant elle-même ses romans, Christie se révèle en dramaturge précise, maîtrisant parfaitement la tension dramatique du huis clos. Ses pièces donnent à voir le talent de la Reine du Crime sous un autre jour. Sa plume de romancière perce à travers des didascalies fournies, qui permettent de traverser les pièces comme des récits.
Les fans de ses romans ne seront pas déçus.
Après avoir reçu une lettre d'outre-tombe, Carla Crale pense que sa mère, décédée en prison, a été condamnée à tort pour le meurtre de son père. Dans une tentative passionnée de laver son nom, elle persuade les personnes présentes le jour de la mort de son père de retourner sur les lieux du crime et de « revenir 15 ans en arrière » pour revivre les événements.
Une approche inhabituelle du traditionnel mystère policier ; l'action de la pièce glisse parfaitement du passé au présent, examinant le danger de s'appuyer sur des témoignages personnels déformés par le temps, les préjugés et la perception. En étudiant les récits de chaque suspect et les diverses incohérences qu'ils soulèvent, le drame révèle une vérité troublante et terrible.
5 ou 6 f. - 5 ou 6 h. 1 petite fille. Figurantes : quelques soeurs - Décors : le Carmel d'Echt, les appartements des évêques hollandais - Durée : 1h30.
Le Monde est en feu se déroule pendant les deux dernières années de la vie d'Edith Stein, alors qu'elle est exilée à Echt, en Hollande. Les trois actes qui composent le drame mettent en lumière la vie intérieure de la carmélite, au moment où les évènements se resserrent sur elle comme un étau : l'invasion de la Hollande, la prise de parole des évêques, et la tentative avortée d'exil en Suisse. La tension dramatique repose sur cette articulation des forces: face à l'écrasante oppression du mal, la liberté intérieure d'une âme de prière.