"Un pré, peut-être.
Un pré sur les ruines, à la lisière du bois.
La lumière est pâle. Une lumière de lune.
Et le grondement, sourd, au loin, telle ni grave ni aiguë une voix, immergée en elle-même Une voix pourtant. Sinon quoi ?
Les vagues ?
Quelles vagues ?
L'algue ou le corail ?
Quelle algue, quel corail ?
Ô eau immobile de la rivière ou l'étang.
Quand le vent n'est pas là" Une femme, un homme, dont on ne sait rien, mais dont le dialogue, peu à peu, dévoile l'indicible passé. Une voix tel un psaume. Un poème saisissant hanté par la Shoah.
Reprenant l'idée des figures qui ornaient les métopes des temples grecs, le poète et psychanalyste ThanassisHatzopoulos nous propose une nouvelle lecture des grandes figures (féminines surtout), de l'antiquité jusqu'ànos jours. Étrangères, marâtres, mendiantes, meurtrières, mères ou nourrices du temps passé ou de notre temps,autant de généalogies de femmes qui traversent la vie.Un poème ouvre le livre Nekuia ou la voûte et un autre À la lumière le clôt, comme un ciel de constellations que laparole met en lumière.« L'art lui-même est un réservoir sans fin de l'expression humaine. Il a inclus, et continue à contenir, toute version éventuelle de lacondition humaine » dit-il dans une interview.Et il s'agit bien de cela : bien plus que de simples portraits, une exploration de la condition humaine, dans sadiversité, sa beauté et ses horreurs. Un livre puissant.
Louise et Vincent.se rencontrent dans un cimetière. Début d'une relation où la violence de ce qui est perçu mais ne peut être dit les enlise comme dans un sable mouvant, là où tout se confond, entre angoisse et désir de s'y immerger.
Malgré sa rumeur de berceuse avortée, sa douceur mélancolique, sa plainte et son consentement, il est question dans ce livre implacable, retenu comme une tragédie classique, d'une perte irréparable, des ravages causés par la disparition du «cygne»qui ne reviendra que pour accompagner l'ultime envol. Tableau de l'incommunicabilité entre les êtres et des passions que cela déchaîne.
Pour Louise, effrayante solitude de l'enfance privée d'une tendresse essentielle. Vincent - lui-même abandonné -, ses débordements, ses appels, son impuissance... pour découvrir à la fin cette tendresse maternelle, insoupçonnée, qui jaillit de lui et rend à celle qui s'en va la douceur perdue. Retour du cygne aux portes de la nuit.
L'auteur décrit la traversée de la plus terrible solitude, cette étrangeté d'être au monde quand toutes les fontaines se sont taries.
« Elle entend la douceur du chant. C'était il y a si longtemps ! Elle l'avait oubliée, la douce voix de sa mère, comme elle avait oublié les gestes tendres de celle qui la langeait, lui donnait son bain, l'entourait de bonté et de tendresse. Et tandis qu'elle glissait vers la ligne d'horizon, là où la terre rejoint le ciel, elle se souvenait de ces temps anciens où elle avait été aimée, si lointains qu'elle ne pouvait les retrouver que par bribes.
Si lointains. Et pourtant, ils avaient existé, elle le savait maintenant. »
Long et magnifique poème paru en 1933. Voici ce qu'en dit son traducteur, Bernard Sesé, dans l'Encyclopédie Universalis :
« Un des plus beaux chants d'amour du lyrisme espagnol. Nul n'a su mieux dire l'angoisse et la sensualité, le tourment et l'extase de la passion d'aimer. La voix qui t'est due est un long poème qui retrace la naissance de la passion, l'extase et la séparation des amants. Poème d'amour ébloui, exaltant, terrifiant (.), le thème en est la quête ardente, dans la joie, l'émerveillement ou l'angoisse, du corps aimé, de son image unique et multiple, et de son âme insaisissable toujours pressentie, toujours ailleurs.
Ce poème (.) est à la fois une méditation sur la réalité de l'autre, sur l'oubli, la mémoire, le songe et la vie, la communication et la brisure de la présence et de l'absence. »