Quand il n'est pas sur un ring à boxer, Max Le Corre est chauffeur pour le maire de la ville. Il est surtout le père de Laura qui, du haut de ses vingt ans, a décidé de revenir vivre avec lui. Alors Max se dit que ce serait une bonne idée si le maire pouvait l'aider à trouver un logement.
La carrière de Gérard Fulmard n'a pas assez retenu l'attention du public. Peut-être était-il temps qu'on en dresse les grandes lignes.
Après des expériences diverses et peu couronnées de succès, Fulmard s'est retrouvé enrôlé au titre d'homme de main dans un parti politique mineur où s'aiguisent, comme partout, les complots et les passions.
Autant dire qu'il a mis les pieds dans un drame. Et croire, comme il l'a fait, qu'il est tombé là par hasard, c'est oublier que le hasard est souvent l'ignorance des causes.
Il ne reste presque plus rien à La Bassée : un bourg et quelques hameaux, dont celui qu'occupent Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, ainsi qu'une voisine, Christine, une artiste installée ici depuis des années.
On s'active, on se prépare pour l'anniversaire de Marion, dont on va fêter les quarante ans. Mais alors que la fête se profile, des inconnus rôdent autour du hameau.
« Dans L'Amant, Marguerite Duras reprend sur le ton de la confidence les images et les thèmes qui hantent toute son oeuvre. Ses lecteurs vont pouvoir ensuite descendre ce grand fleuve aux lenteurs asiatiques et suivre la romancière danstous les méandres du delta, dans la moiteur des rizières, dans les secrets ombreux où elle a développé l'incantation répétitive et obsédante de ses livres, de ses films, de son théâtre. Au sens propre, Duras est ici remontée à ses sources, à sa « scène fondamentale » : ce moment où, vers 1930, sur un bac traversant un bras du Mékong, un Chinois richissime s'approche d'une petite Blanche de quinze ans qu'il va aimer. Il faut lire les plus beaux morceaux de L'Amant à haute voix. On percevra mieux ainsi le rythme, la scansion, la respiration intime de la prose, qui sont les subtils secrets de l'écrivain. Dès les premières lignes du récit éclatent l'art et le savoir-faire de Duras, ses libertés, ses défis, les conquêtes de trente années pour parvenir à écrire cette langue allégée, neutre, rapide et lancinante à la fois capable de saisir toutes les nuances, d'aller à la vitesse exacte de la pensée et des images. Un extrême réalisme (on voit le fleuve, on entend les cris de Cholon derrière les persiennes dans la garçonnière du Chinois), et en même temps une sorte de rêve éveillé, de vie rêvée, un cauchemar de vie : cette prose à nulle autre pareille est d'une formidable efficacité. À la fois la modernité, la vraie, et des singularités qui sont hors du temps, des styles, de la mode. » François Nourissier (Le Figaro Magazine, 20 octobre 1984).
Jean Seghers est inquiet : sa station-service a été déclarée en faillite. Son veilleur de nuit-mécanicien lui réclame ses indemnités et, de surcroît, il craint que sa femme entretienne une liaison avec le président du Tribunal de commerce.
Alors, il va employer les grands moyens.
« Il m'a été confié et j'ai accepté de le garder en observation. On aura estimé à juste titre que j'étais le seul qualifié pour mener à bien cette étude. Il est maintenant là, devant moi, étrangement mobile, brûlant d'on ne sait quelle ardeur. Curieux sujet, décidément. Je vais prendre bien soin de lui. ».
É.C.
Un couple au bord de la séparation s'offre un séjour en Sicile pour se réconcilier.
A quelques kilomètres de l'aéroport, sur un chemin de terre, leur voiture de location percute un objet non identifié. Le lendemain, ils décident de chercher un garage à Taormine pour réparer discrètement les dégâts.
Une très mauvaise idée.
Sibylle, à qui la jeunesse promettait un avenir brillant, a vu sa vie se défaire sous ses yeux. Comment en est-elle arrivée là ? Comment a-t-elle pu laisser passer sa vie sans elle ? Si elle pense avoir tout raté jusqu'à aujourd'hui, elle est décidée à empêcher son fils, Samuel, de sombrer sans rien tenter.
Elle a ce projet fou de partir plusieurs mois avec lui à cheval dans les montagnes du Kirghizistan, afin de sauver ce fils qu'elle perd chaque jour davantage, et pour retrouver, peut-être, le fil de sa propre histoire.
« Qu'est-ce que ça veut dire, moderato cantabile ?
- Je ne sais pas. » Une leçon de piano, un enfant obstiné, une mère aimante, pas de plus simple expression de la vie tranquille d'une ville de province. Mais un cri soudain vient déchirer la trame, révélant sous la retenue de ce récit d'apparence classique une tension qui va croissant dans le silence jusqu'au paroxysme final.
« Quand même, dit Anne Desbardes, tu pourrais t'en souvenir une fois pour toutes. Moderato, ça veut dire modéré, et cantabile, ça veut dire chantant, c'est facile. »
Pour avoir jeté à la mer le promoteur immobilier Antoine Lazenec, Martial Kermeur vient d'être arrêté par la police. Au juge devant lequel il a été déféré, il retrace le cours des événements qui l'ont mené là : son divorce, la garde de son fils Erwan, son licenciement et puis surtout, les miroitants projets de Lazenec.
Il faut dire que la tentation est grande d'investir toute sa prime de licenciement dans un bel appartement avec vue sur la mer. Encore faut-il qu'il soit construit.
Ils ont été appelés en Algérie au moment des « événements », en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d'autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies.
Mais parfois il suffit de presque rien, d"une journée d'anniversaire en hiver, d'un cadeau qui tient dans la poche, pour que, quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.
Ça raconte Sarah, sa beauté mystérieuse, son nez cassant de doux rapace, ses yeux comme des cailloux, verts, mais non, pas verts, ses yeux d'une couleur insolite, ses yeux de serpent aux paupières tombantes. Ça raconte Sarah la fougue, Sarah la passion, Sarah le soufre, ça raconte le moment précis où l'allumette craque, le moment précis où le bout de bois devient feu, où l'étincelle illumine la nuit, où du néant jaillit la brûlure. Ce moment précis et minuscule, un basculement d'une seconde à peine. Ça raconte Sarah, de symbole : S.
Il était temps de devenir propriétaires. Soucieux de notre empreinte environnementale, nous voulions une construction peu énergivore, bâtie en beaux matériaux durables. Aux confins de la ville se tramaient des écoquartiers. Notre choix s'est porté sur une petite commune en pleine essor. Nous étions sûrs de réaliser un bon investissement.
Plusieurs mois avant de déménager, nous avons mesuré nos meubles, découpé des bouts de papier pour les représenter à l'échelle. Sur la table de la cuisine, nous déroulions les plans des architectes, et nous jouions à déplacer la bibliothèque, le canapé, à la recherche des emplacements les plus astucieux. Nous étions impatients de vivre enfin chez nous.
Et peut-être aurions-nous réalisé notre rêve si, une semaine après notre installation, les Lecoq n'avaient emménagé de l'autre côté du mur mitoyen.
Elsa a sept ans lorsque sa mère devient pour la première fois propriétaire. Dans le nouvel appartement, il y a une moquette vert menthe à poils ras, une chambre bleue avec des lits superposés, un frigidaire jaune, un palmier dans le crépuscule sur un mur de la salle de bains. La nuit, la mère ne dort pas. Elle fume. Blottie sous sa couette, l'enfant regarde les cloques qui boursoufflent le plafond.
L'Âge de détruire est l'histoire d'une violence qui passe de mère en fille. Un cycle infernal, dont il faudrait s'échapper ; et pour cela avancer jusqu'à atteindre, peut-être, l'âge de détruire.
Le Corps lesbien a pour thème le lesbianisme, c'est-à-dire un thème dont on ne peut même pas dire qu'il est tabou, il n'a aucune réalité dans l'histoire de la littérature. La littérature homosexuelle mâle a un passé, elle a un présent. Les lesbiennes, elles, sont muettes - comme d'ailleurs toutes les femmes en tant que femmes à tous les niveaux. Quand on a lu les poèmes de Sapho, Le Puits de solitude de Radclyffe Hall, des poèmes de Sylvia Plath, d'Anaïs Nin, La Bâtarde de Violette Leduc, on a tout lu. Seul le mouvement des femmes a été capable dans un contexte en rupture totale avec la culture mâle de faire naître des textes lesbiens, textes écrits par des femmes uniquement pour des femmes insoucieuses de l'approbation masculine. Le Corps lesbien est dans cette catégorie.
LA POITRINE LES SEINS LES OMOPLATES LES FESSES LES COUDES LES JAMBES LES ORTEILS LES PIEDS LES TALONS LES REINS LA NUQUE LA GORGE LA TÊTE LES CHEVILLES LES AINES LA LANGUE L'OCCIPUT L'ÉCHINE LES FLANCS LE NOMBRIL LE PUBIS LE CORPS LESBIEN.
Dans un menu enfant, on trouve un burger bien emballé, des frites, une boisson, des sauces, un jouet, le rêve. Et puis, quelques années plus tard, on prépare les commandes au drive, on passe le chiffon sur les tables, on obéit aux manageurs : on travaille au fastfood.
En deux récits alternés, la narratrice d'En salle raconte cet écart. D'un côté, une enfance marquée par la figure d'un père ouvrier. De l'autre, ses vingt ans dans un fastfood, où elle rencontre la répétition des gestes, le corps mis à l'épreuve, le vide, l'aliénation.
Constance étant oisive, on va lui trouver de quoi s'occuper. Des bords de Seine aux rives de la mer Jaune, en passant par les fins fonds de la Creuse, rien ne devrait l'empêcher d'accomplir sa mission. Seul problème : le personnel chargé de son encadrement n'est pas toujours très bien organisé.
Après avoir respiré des vapeurs nocives dans l'imprimerie oú il travaille, monsieur carossa tombe malade.
Par crainte d'un licenciement, il demande au médecin le silence. et puis, un jour, il ne se lève pas. comme un animal écrasé sur la route, il gît, à même le drap.
Ce n'est pas tout de quitter sa femme, encore faut-il aller plus loin.
Félix ferrer part donc faire un tour au pôle nord oú l'attend, depuis un demi-siècle, un trésor enfoui dans la banquise.
Au château, il y a le père, vieux lion du cinéma français et gloire nationale. Il y a la jeune épouse, ex-Miss Provence-Alpes-Côte d'Azur, entièrement dévouée à sa famille et à la paix dans le monde. Il y a les jumeaux, la demi-soeur. Quant à l'argent, il a été prudemment mis à l'abri sur des comptes offshore.
Au château, il y a aussi les domestiques. L'intendante, la nurse, le coach, la cuisinière, le jardinier, le chauffeur. Méfions-nous des domestiques. Surtout si l'arrêt mondial du transport aérien cloue au sol les avions et nous tient dangereusement éloignés de nos comptes offshore.
A travers une seule image, obsédante, lancinante, celle qui capture l'instant précis où Monet entre dans son atelier, je me suis efforcé de peindre les dernières années de la vie de Monnet.
C'est dans ce grand atelier de Giverny où il a peint les Nymphéas qu'il se sent à l'abri des menaces du monde extérieur, la guerre qui gronde aux environs de Giverny, la vieillesse qui approche, la vue qui baisse inexorablement. C'est là, dans l'ombre de la mort, qu'il va entamer le dernier face à face décisif avec la peinture. C'est là, pendant ces dix années, de 1916 à 1926, que Monet va poursuivre inlassablement l'inachèvement des Nymphéas, qu'il va le polir, qu'il va le parfaire.
J.-Ph.T
Ils sont morts à quelques semaines d'intervalle : d'abord le père, puis la vieille tante de celui-ci, enfin le grand-père maternel.
Mais cette série funèbre semble n'avoir fait qu'un seul disparu : le narrateur, dont le vide occupe le centre du récit. c'est à la périphérie et à partir d'infimes indices (un dentier, quelques photos, une image pieuse) que se constitue peu à peu une histoire, qui finira par atteindre, par strates successives, l'horizon de l'histoire majuscule avec sa grande guerre, berceau de tous les mystères.
« Les tropismes, a expliqué l'auteur, "ce sont des mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience ; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir". Vingt-quatre petits tableaux d'oscillations intérieures presque imperceptibles à travers clichés, lieux communs et banalités quotidiennes : vingt-quatre petits récits serrés, où il n'y a plus de trame alibi, plus de noms propres, plus de "personnages", mais seulement des "elle" et "il", des ils" et "elles", qui échangent leur détresse ou leur vide au long de conversations innocemment cruelles ou savamment féroces. [...] Textes très courts où une conscience jamais nommée, simple référence impersonnelle, s'ouvre ou se rétracte à l'occasion d'une excitation extérieure, recevant la coloration qui permet de l'entrevoir. » (Gaëtan Picon) « Mon premier livre contenait en germe tout ce que, dans mes ouvrages suivants, je n'ai cessé de développer. Les tropismes ont continué d'être la substance vivante de tous mes livres. » (Nathalie Sarraute, préface à L'Ère du soupçon) Initialement publié par Denoël en 1939, le premier livre de Nathalie Sarraute (1900-1999) est paru aux Éditions de Minuit en 1957, dans une nouvelle version où l'auteur avait retranché un chapitre pour en ajouter six nouveaux.
Il est évident que la fortune pour le moins tardive de ma grand-mère a joué un rôle important dans cette histoire.
Sans tout cet argent, mes parents ne seraient jamais revenus s'installer dans le Finistère. Et moi-même sans doute, je n'aurais jamais quitté Brest pour habiter Paris. Mais le vrai problème est encore ailleurs, quand il a fallu revenir des années plus tard et faire le trajet dans l'autre sens, de Paris vers Brest.