Entre mai et septembre 1920, l'écrivain russe suivit la campagne de Pologne en tant que correspondant de guerre pour le journal "Le cavalier rouge". Initialement publiées dans des revues, ces nouvelles, inspirées des événements, décrivent les actions des cosaques de la première armée de cavalerie.
L'Anthologie classique (le Shijing) rassemble les 305 poe`mes - chansons populaires, odes pour les ce´re´monies de cour, odes religieuses -, se´lectionne´s et ordonne´s, selon la tradition, par Confucius (551-479 av. J.-C.), dont la doctrine politique et sociale fut e´rige´e en religion d'E´tat et marqua profonde´ment la civilisation chinoise. Ezra Pound voyait dans le confucianisme un ve´ritable « code de la vie » et une possibilite´ de renou- vellement pour l'Occident. Apre`s Les Entretiens de Confucius (ou Analectes), le poe`te ame´ricain traduit donc les odes confuce´ennes au temps de sa de´tention a` l'ho^pital St. Elizabeth's. Sa connaissance du chinois peut sembler rudimentaire : il suit l'enseignement de son mai^tre Fenollosa, et ses solutions ne sont pas exemptes de fantaisie. Toutefois, Pound accorde une importance particulie`re au travail de traduction et voit dans la concordance des langues un crite`re majeur de civilisation. Il pre´fe`re par conse´quent toujours la restitution d'une inflexion vivante au strict respect de la syntaxe. Une approche non conventionnelle mais efficace, qu'avait remarque´e Simon Leys : « Pound ne savait gue`re le chinois ; ses interpre´tations sont quelquefois loufoques... mais Pound a fait preuve d'une infaillible intuition des rythmes de l'original... son oreille ne se trompe jamais, et dans ce domaine il nous administre une lec¸on exemplaire. »
«Vous voyez la montagne, ces collines pareilles à des vagues ; vous voyez des bois et des vergers, le grain mûr des champs, les prairies qui dévalent jusqu'à la rivière. Vous me voyez debout à côté de vous ; vous entendez ma voix. Mais je vous dis, moi, que toutes ces choses - oui, depuis l'étoile qui vient de s'allumer au ciel, jusqu'au sol que nous éprouvons du pied -, je vous dis que tout cela n'est que du rêve et des ombres, les ombres mêmes qui nous voilent le monde réel.
Il y a un monde réel ; mais il est sous cet éclat et sous ces visions, [...] derrière tout cela comme si un voile nous le cachait. Je ne sais si jamais un être humain a soulevé ce voile ; mais je sais que cette nuit, et devant vous et moi, Clarke, il le sera pour d'autres yeux. Peut-être trouverez-vous tout ceci étrange, insensé même : étrange, soit, mais réel ; et les anciens savaient ce que c'est que "lever le voile".
Ils appelaient cela voir le dieu Pan.» Pour que le voile se déchire devant le «grand Pan», le Dr Raymond va user du scalpel et rien moins qu'inciser le cerveau de Mary, sa protégée. Cette opération chirurgicale renvoie-t-elle seulement à l'une de ces spectaculaires expériences dont raffola le XIXe siècle, à la fois scientiste et spirite ? Ou bien s'agit-il de convoquer quelque chose de plus archaïque et autrement plus redoutable - de questionner notre capacité à soutenir le regard de la divinité ? C'est de toute façon l'effroi qui est au rendez-vous : au drame de la jeune Mary va succéder une longue série d'événements aussi troublants que terribles.
« C'était l'époque de l'essor économique et culturel slovène, ce qui ne faisait l'affaire ni de la municipalité de Trieste ni de certains milieux nationalistes, c'est pourquoi l'avenir de la ville ne s'annonçait pas radieux. Néanmoins les Slovènes de Trieste avaient fondé de nombreuses institutions et ils se défendaient aussi si quelque bande fanatique s'attaquait à eux au retour d'un de leurs cercles de lecture.
Guglielmo, blond, élancé, de nature réservée, enleva le k final de son nom de famille et se mit à fréquenter les irrédentistes. Il ne s'adonna probablement pas à leurs rixes urbaines, il s'inscrivit à l'École polytechnique de Vienne et fut bientôt appelé au service militaire. Ne voulant pas servir sous les ordres de la capitale autrichienne haïe, il jeta son uniforme aux orties et franchit la frontière. Psychiquement instable, il était obsédé par une seule idée, comment réveiller le coeur de Trieste et allumer chez ce peuple commerçant la flamme de la révolte ? Il voulait se sacrifier, donner l'exemple, scandaliser si nécessaire ; et au moment de son arrestation à Ronchi, il répéta avec ostentation que sa bombe était bien destinée à l'empereur François Joseph qui devait venir à Trieste en 1 882. Il l'affirma encore résolument devant le tribunal afin d'être condamné comme, en quelque sorte, un coupable qui aurait déjà lancé la bombe.
Oui, voilà des choses bien connues, me disais-je tout en constatant que ma façon de voir ce jeune homme avait changé. Il est vrai qu'il avait abandonné sa consonne finale, me disais-je, mais il n'avait pas pu rejeter, avec elle, ce qui était archétypique dans la lignée de Jozefa Marija, cette tendance à l'idéalisme et à la recherche de l'universalité. Le jeune homme avait transmis l'aspiration de la petite communauté maternelle à dépasser son cadre étroit à un groupe de fanatiques qui rêvaient de liberté et luttaient contre le puissant empire. C'est ainsi que dans la crypte qui lui est dédiée, là où la corde a serré sa nuque, il y a la statue d'un homme nu qui est un martyr pour la communauté italienne et, pour la communauté slovène, un cas typique de ses nombreuses pertes, tragiques et pitoyables à la fois.
J'ai évidemment pensé à Franc Kavs, un jeune homme de Tolmin, à sa ceinture bourrée d'explosifs, qui aurait dû libérer la population de la dictature fasciste lors de la visite de Mussolini ; mais Kavs avait un idéal de liberté bien différent. Il ne fut pas pris avant l'attentat, il y renonça de lui-même car l'explosion aurait ôté la vie à des écoliers venus saluer le grand chef. Malgré cet acte profondément éthique, Kavs fut condamné à mort puis gracié ; mais le juge italien, comme avant lui son collègue autrichien, le condamna ensuite sur sa seule intention. »
Emier véritable essai consacré à Claude Sautet qui vient combler un manque par une lecture approfondie de l´oeuvre sous la plume passionnée et rigoureuse d´un cinéphile hors pair.
Ce bref essai part d'une constatation biographique : Isabelle Huppert est née le 16 mars 1953, soit 15 jours avant Richard Millet. Autant dire qu'elle représente une sorte de miroir dans lequel l'écrivain scrute sa propre figure autant que celle d'une actrice dont la filmographie a quelque chose de très français en même temps que d'universel.
Ainsi les films majeurs dans lesquels elle a tourné, Des Valseuses à Elle, en passant par Chabrol, Cimino, Losey, Godard, Haneke, Téchiné, Trier, sont-ils aussi des moments importants de la vie de l'écrivain, l'actrice et l'écrivain s'inscrivant chacun à façon dans leur époque. On verra ici pourquoi, loin de toute fascination mais non sans une certaine ambiguïté, puisqu'il s'agit d'une femme.
Avec Huppert et moi, Millet clôt une trilogie constituée par Le corps politique de Gérard Depardieu (Pierre-Guillaume de Roux, 2014) et Pour Bernard Menez (Léo Scheer, 2017).
Ce "faux journal" , composé d´après des faits exacts, retrace le voyage de Chopin et de George Sand de Majorque à Nohant, entre février et juin 1839. Rédigé par Chopin, il fait se superposer le récit des événements avec celui de l´écriture de son oeuvre majeure que constituent les 24 Préludes, conçus pour partie à Majorque et achevés, dans leur totalité, sur l´île. Il est donc aussi un journal de création.
A` la source du malheur franc¸ais, il y a des trai^tres franc¸ais qui portent des pre´noms franc¸ais. Cela fait quarante ans et plus qu'ils abusent de la confiance des e´lecteurs, mentent sur les re´alite´s de la socie´te´, saccagent la nation fragile. Faudrait-il se re´soudre a` regarder la France se de´sinte´grer, sans que les vandales soient inquie´te´s? L'heure des comptes a sonne´ pour les maltraitants de la France mille´naire. Pourquoi pas devant la justice ? Un projet de socie´te´ est a` repenser. Avis aux bonnes volonte´s ! Rien n'est plus puissant qu'une ide´e dont l'heure est venue. Cette ide´e peut se re´sumer en un conservatisme national. Ce concept s'e´labore aussi bien dans les cuisines de la France profonde que dans les think tanks ame´ricains. Une chose est su^re : le peuple en cole`re, qui a e´branle´ le pouvoir macronien, ne se taira pas de sito^t.
Cela peut arriver n'importe où.
Dans le froid et la pluie d'hiver. Par une chaude après-midi d'été. En pleine ville. Au bord de la mer. Tout près d'un casino ou encore un jour de carnaval où tous déambulent, parfaitement méconnaissables... Soudain quelqu'un vous bouscule et vous voilà nez à nez avec l'être qui a détruit votre existence : le rival qui vous a pris votre fiancée, le père qui ne vous a pas aimé, la maîtresse que vous avez rejetée.
Vous brûlez d'en venir aux mains. Mais non, vous pressentez que tout se jouera autrement. Au-delà de la haine, de l'angoisse et du remords. Autour de vous, la vie continue à suivre son cours : des musiques s'échappent des bars, des voitures accélèrent, des rires résonnent. Et vous pressez l'allure, histoire d'échapper au fantôme du passé qui s'attache à vos pas. Une course-poursuite qui durera toute la nuit.
Jusqu'à échanger enfin un regard, une parole de compassion au point du jour. Neuf nouvelles en forme de déambulations sur le thème des retrouvailles.
La Grande rafle du Vél'd'Hiv' (16 juillet 1942) a entraîné la déportation au camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau de plus de 13.000 Juifs, dont plus de 4000 enfants. Elle symbolise tragiquement la participation du régime de Vichy - dit « Etat français » - à la politique de persécution et d'extermination des Juifs d'Europe mise en oeuvre par l'Allemagne nazie. Les faits sont établis de manière incontestable : l'arrestation des Juifs de Paris, exigée par l'Allemagne, ordonnée par le gouvernement de Vichy, a été exécutée par la police française. La responsabilité de ces trois acteurs de la tragédie est engagée. Celle de la France, en revanche, affirmée par Jacques Chirac dans son discours du 16 juillet 1995 et réaffirmée par ses successeurs est beaucoup plus discutable.
L'Etat français représentait-il la France ? La France se trouvait-elle à Vichy ? L'auteur revient sur cette polémique toujours actuelle en historien soucieux de s'en tenir à la simple vérité.
Lire Simone Weil (1909-1943), Cristina Campo (1923-1977), Mar?a Zambrano (1904-1991), ces « flammes libres », c'est d'abord écouter leur voix, longtemps recouverte par l'obscurantisme de notre époque, celui qui refuse toute lumière autre que celle d'une raison sèche, désincarnée. Leurs oeuvres sont devant nous. Il a fallu du temps pour reconnaître le génie de Simone Weil et de Mar?a Zambrano, dont une oeuvre magistrale, L'Homme et le divin, publiée en 1955 au Mexique, fut refusée par Gallimard malgré le soutien d'Albert Camus, bien avant qu'elle reçoive le prix Cervantès à Madrid en 1988 pour l'ensemble de son oeuvre. Quant à Cristina Campo, on commence seulement à la lire en France, elle qui a si peu publié de son vivant et dont la plupart des écrits, enfouis dans des malles, ont disparu, dispersés par ses héritiers après sa mort en 1977. Ces trois voix ont brûlé, dans les ténèbres du XX e siècle - cette longue nuit de guerres, de totalitarismes, de barbarie où nous errons encore -, de leur désir de vérité et de cette volonté qui consiste à aimer inconditionnellement. Trois femmes, trois voix qui s'entrelacent sans le savoir en une seule flamme dans la nuit où le Verbe se fait silence, dans trois langues vivantes et soeurs, le français, l'italien, l'espagnol. Si différentes dans leur absolue singularité , elles se ressemblent, toutes trois de la lignée d' Antigone, éminente figure du sacrifice, de l'offrande sans concession, de l'amour sans conditions, du « moi » consumé pour accéder à l'être, sans lesquels il n'est pas de révolte authentique. Dans le temps de vie qui leur fut imparti, brève et fulgurante trajectoire de Simone Weil, morte à trente-quatre ans, longue vie de Mar?a Zambrano du début à la fin du siècle, parcours orienté dès la naissance par la maladie, pour Cristina Campo qui ne connut pas la vieillesse, elles ont eu cette capacité si rare de transformer leur vie en destin.
Toutes trois ont connu l'extrême souffrance, à travers l'épreuve de la maladie, pour Simone Weil et Cristina Campo, ou celle de l'exil pour Mar?a Zambrano, à travers les ruptures, les deuils, aussi. Toutes trois ont vécu dans le monde et hors du monde, hors des modes, hors de l'air du temps. Une parenté les li , de celles que Nietzsche nomme « amitiés stellaires » qui n'ont de lieu que dans l'espace de la pensée, de l'intelligence et de la vérité, perceptible dans leurs thèmes qui se font écho - une écholalie, comme l' écrit André Hirt à propos de Baudelaire, Wagner et Nietzsche - parenté dont Cristina Campo serait la jointure poétique, elle qui découvre La Pesanteur et la Grâce en 1950, oeuvre de Simone Weil qu'elle contribue à importer en Italie, et qui « reconnaît aussitôt dans la philosophe française une soeur. Plus intense, plus brûlante. » On Chacune se reconnaît chacune en l'autre dans une triangulation dont l'enjeu n'est autre que cette mystérieuse activité, « écrire », comme pratique rationnelle du logos et simultanément, expérience mystique.
"Ma dernières séance. Marielle, Broca et Bemondo" ne ressemble à aucun autre livre sur le cinéma. Thomas Morales brouille les pistes et s'amuse avec ces trois "bornes existentielles" et "réalise" un objet littéraire détonnant.
Publié dans l'hebdomadaire Gringoire en trois livraisons du 31 août au 14 septembre 1939, Le Faux Belge n'est pas à proprement parler un inédit de Pierre Drieu la Rochelle (1893-1945), mais une nouvelle qui constitue l'essentiel de l'épilogue du roman Gilles (paru en décembre 1939), auquel seront ajoutées une dizaine de pages qui mènent le personnage à l'acmé de sa destinée sacrificielle. Ce texte ne fut guère connu que de quelques spécialistes de Drieu (ses biographes Pierre Andreu et Frédéric Grover ou encore Jean Lansard, son meilleur bibliographe) mais, apparemment oublié depuis, il n'a jamais fait l'objet d'une publication en volume et est même absent de l'appareil critique de la Pléiade regroupant plusieurs oeuvres de Drieu !
Le Faux Belge met en scène un certain Walter, prétendument professeur de chimie belge en vacances durant l'été 1936 (Guerre d'Espagne) à Barcelone alors qu'il est en réalité un agent fasciste infiltré. Suite à un sombre quiproquo, Walter embarque par erreur en direction des Baléares, dans un petit avion où sont présents deux communistes, le juif Cohen et le Français Escairolles. L'avion est forcé de se poser à Ibiza. Ignorant si l'île est aux mains des rouges ou des blancs, les passagers concluent sur la plage un pacte d'entraide mutuelle quelle que soit la configuration de forces politiques en présence. Puis ils partent à la rencontre des autochtones...
Et si la fin des temps découlait précisément du recours abusif à la notion d' « apocalypse » pour expliquer toutes nos angoisses ? Car c'est bien plutôt à la paralysie de la pensée qu'à la prise de conscience qu'aboutit ce sempiternel discours sur la fin du monde. L'effet en est décuplé dans un contexte où prolifèrent les instruments de mesure et de prédiction. Impossible d'ignorer ce qui nous menace depuis notre taux de cholestérol jusqu'à la fonte de la calotte glaciaire.
Dans l'univers technoscientifique qui est le nôtre, il n'est désormais presque aucun domaine, presque aucune réalité qui ne soit affligée d'un expert ou d'un spécialiste, comme une petite chose malade ou mal fichue. Une telle situation engendre un état d'hypocondrie cognitive - qui engendre à son tour une paralysie de la décision et de l'action : l'homme actuel s'en trouve affecté comme nul autre type d'hommes avant lui. Parler de Fin des Temps à l'homme d'un tel monde, c'est non seulement vouloir le clouer dans son lit, mais le plonger dans le coma. Ces impasses sont typiquement modernes et post-modernes, que ce soit dans l'excès d' « ignorance » ou dans l'excès de « savoirs ». Il est donc plus que temps de rendre son sens réel et profond au mot « apocalypse » : révélation, dévoilement.
Pour cela, tentons un dialogue audacieux entre deux grands esprits de notre temps : René Girard (1923-2015), philosophe français, et Leonardo Castellani (1899-1981), grand théologien argentin . Tous deux sont investis de l'étonnement créateur sans lequel aucune vérité n'émerge, tous deux sont réalistes, profondément psychologues et grands lecteurs. C'est au niveau le plus spirituel et le plus caché de l' apocalypse qu'ils nous mèneront.
David Lloyd George (1863-1945) consacra ses talents incontestables à la poursuite de trois objectifs : le pouvoir, l'argent, les femmes.
Il créa l'Etat-Providence. Il mena son pays à la victoire lors de la Grande Guerre et négocia le Traité de Versailles avec Wilson et Clémenceau. Le Traité anglo-irlandais qui reconnait l'indépendance de l'Irlande fut également son oeuvre.
Il parvint à s'enrichir par des moyens parfois douteux : exploitation d'une mine d'or fictive en Patagonie, trafic de titres de noblesse sans compter divers scandales boursiers.
La fourberie fait partie de son fond de commerce et s'exerce dans tous les domaines : financière, politique ou diplomatique.
Jeune séducteur irrésistible, il se transformera en vieillard lubrique, d'autant plus obsédé par l'autre sexe qu'il avait été trompé par sa maîtresse.
Chassé du pouvoir en 1922, il sombre dans l'aigreur et la misanthropie. Il en vient à mépriser tout le monde, hormis Adolf Hitler. A tel point que les Londoniens se posent cette question en 1940 :
« Lloyd George sera-t-il notre Pétain ? » Triste fin pour un homme qui, d'abord confiné dans l'obscurité galloise, était devenu l'une des personnalités les plus en vue de la vie politique britannique et internationale. Beau sujet à méditer : l'essor et la chute de David Lloyd George.
« Dans toute l'oeuvre du grand écrivain Boris Pahor, Trieste occupe une place fondamentale, générique même ; sa ville est pour lui le lieu de rencontre intime du Karst et de la mer, le carrefour des langues, des cultures et des civilisations, fruit de brassages immémoriaux sur le continent européen. Trieste a aussi prédisposé Pahor à assister au déchirement de l'Europe : il en rend compte en 2006 dans Trg Oberdan, publié en allemand sous le titre Piazza Oberdan et repris en 2018 par les éditions Pierre-Guillaume de Roux sous le titre Place Oberdan à Trieste.
Le discours romanesque de résilience de Boris Pahor se double d'essais militants. Il rejoint en cela le parcours de Stéphane Hessel qu'il rencontrera à plusieurs reprises. En particulier en 2012 à Paris (...) » Guy Fontaine «Et si c'était à refaire - chemins de Boris Pahor», dirigé par Guy Fontaine (Les lettres européennes) a été spécialement édité à l'occasion des 105 ans de Boris Pahor, le chantre de la cause slovène, écrivain mondialement réputé, rescapé des camps auquel on doit l'universel Pèlerin parmi les ombres.
Ce livre d'hommage célèbre l'esprit de résistance et de mémoire.
Il rassemble de nombreuses contributions dont les plus célèbres sont signées Guy Fontaine, René de Ceccatty, Claudio Magris et Stéphane Hessel (entretien inédit avec Boris Pahor).
Enfin le recueil contient trois nouvelles de l'auteur slovène : Le Berceau du monde, Mirage chez Hadès et Vol brisé.
Les vingt actrices qui composent ce recueil, loin des stars incontestées et des célébrités de l'écran, appartiennent à l'univers fantasmagorique des égéries secrètes, des divas discrètes et des muses cachées. Ce recueil ne se borne pas à égrener des faits biographiques ou énumérer des films -il y a des encyclopédies participatives pour ça -, mais tient à mettre à jour la particularité essentielle qui les réunit : du western au polar, de la comédie légère à la tragédie la plus sombre, du film de cinéma à la série télévisée, du chef d'oeuvre au nanar, ces actrices d'exception n'ont en fait jamais cessé de relater un récit. Anicée Alvina, qui inspira Robbe-Grillet, Elisabeth Wiener, dont Clouzot fit sa Prisonnière, Amanda Langlet, la « Pauline » de Rohmer, ou Cathy Rosier, la pianiste du Samouraï, ont su créer sous nos yeux leur cinéma. Et ce, en dépit des convenances de l'époque, des obligations du scénario ou des contraintes de la mise-en-scène. Ainsi ne font-elles pas seulement ici l'objet d'un exercice d'admiration, ou d'érudition, mais bien de compréhension. Ce qui est encore la meilleure façon de leur rendre hommage. En douce, en secret et par la bande, la mutation féminine à l'oeuvre dans les quatre dernières décennies du siècle dernier, ce sont elles qui l'ont portée
Lisez les nouvelles de ce recueil, sans doute le plus remarquable de tous ceux qu'a déjà signés Michel Lambert.
Son thème majeur, la solitude, y est traité avec une maîtrise jamais égalée auparavant. De quoi est-il question ? De coeurs brisés, de deuils, de trahisons, d'échecs cuisants ou de secrets de famille... Choses déjà racontées mille fois, dira-t-on. La force mystérieuse et invincible qui monte de ces nouvelles vient d'ailleurs. Elle s'explique par l'art infiniment subtil du dévoilement et du retardement auquel l'auteur a recours pour traduire l'ineffable de la solitude, un drame dont on ne se débarrasse pas en se confiant simplement à une âme compatissante. La solitude épouse, ici, la consistance fuyante des nuages : peuplée d'ombres dont la nature et la forme fantastiques explosent tout à coup pour introduire un autre sentiment connexe au mal être : la terreur. Qu'on ne s'y trompe pas. Le registre de Michel Lambert demeure celui du réalisme, servi par une minutie d'observation et un rare instinct de la montée en crise et des variations psychologiques les plus infimes, quasi météorologiques. Qui mieux que Michel Lambert parvient à ancrer dans le quotidien le plus banal, l'irruption de la fatalité la plus singulière, exprimé par un style soudain magique ? Écoutez les conversations qu'il nous rapporte. Des conversations de tous les jours, qui se poursuivent entre des regards et des gestes, eux aussi, familiers à notre mémoire. Sauf qu'il s'y cache cette troisième présence, brouillant la ligne, celle du double et du doute : quand le personnage se regarde trente ans en arrière et renie tout bas l'être qu'il a été. Aucun secret ne nous est révélé en ligne droite. La solitude s'appuie, ici, sur un réseau de relations complexes, mise en scène d'une manière qui, toujours, obéit au sens de la désorientation et pour cause... La qualité quasi photogénique rendue à l'énigme des personnages frappe peu à peu le regard. Quand leurs silhouettes d'êtres égarés, seuls sur Terre, se détachent tels des fantômes en avance sur leur propre mort. Entraînés par le flux continuel qui animent les grandes villes, ils lèvent aussi les yeux vers le ciel et c'est alors qu'apparait toute la dimension de l'oeuvre lambertienne : quand ce moment d'éternité se fixe, comme en surimpression, divin et consolateur, au-dessus de la solitude si misérable à l'échelle humaine.
Découvrez Fragments (un peu roussis), le livre de George Steiner. "Y a-t-il un trou noir au coeur de l'être? Ce qui ne peut se conceptualiser ne saurait se dire, ce qui ne peut se dire ne saurait être." En quelques fragments lumineux, dans la tradition d'Héraclite, George Steiner nous conduit au plus profond du paradoxe humain. Question : quelles sont les forces de vie concurrentes à l'oeuvre dans notre monde ?
Quelle dialectique épineuse s'est donc installée entre tabous et bonnes intentions au point d'éprouver les limites du progrès et de la science ? Que peuvent ainsi les lumières de l'éducation face à la récurrence implacable des continents noirs de l'inégalité ? Que vaut l'idéal de l'amour, aussi éclatant que passager, face aux vertus régulières de l'amitié ? Au-delà de la dualité qui sépare ombre et lumière, gloire et misère, jouissance et connaissance, apparaît peu à peu le dialogue avec les dieux qui arracha à Socrate un chant extraordinaire au moment même de mettre fin à ses jours. Le génie du stoïcisme et le sourire de l'artiste éclairent ces méditations inoubliables en huit aphorismes - sur la lumière, l'amitié, le mal, l'argent, la musique, Dieu et la mort - qu'on lira également comme autant de fragments d'autoportrait.
« Ce qui caractérise le libéral-libertaire, selon Michéa, tient au lien entre ultra- libéralisme, c'est-à-dire recherche illimitée, dogmatique et sectaire du profit, hors de toute forme de règles et de limites (y compris libérales) - un truc, au sens du « truc » du magicien, venu en direct du Far West, quête individualiste en ce qu'elle massacre tout lien social-, mais aussi vision dogmatique, dite « libertaire », de courants politiques s'auto-situant à gauche (ou au centre-gauche/centre-droit) et fondant leurs idées sur des religions telles que celle du multiculturalisme, de l'antifascisme, de l'antiracisme, de la liberté sociétale sans frein et sans limites, ni Limite globale non plus. L'absence absolutisée de la Limite est au coeur d'un monde devenu ruines.
Je reviendrai sur ce point essentiel. On pourrait dire, mais Michéa ne le fait pas, qu'il existe une sorte d'alliance des liberticides. Qui le sont, liberticides, au nom de la « liberté ». C'est pourquoi tout paraît nous échapper, comme ce qui est liquide justement. Car tout est toujours faux dans le vrai tel qu'il apparaît. Quel meilleur symbole de ce que je viens de dire qu'un Emmanuel Macron président de la « république ». Michéa a raison d'écrire qu'il y a une alliance objective entre les partisans du no border et la partie ultra-libérale de l'oligarchie libérale-libertaire.
Entre libéralisme économique absolutisé, prétendue libération des moeurs, libéralisme politique, égalitarisme sociétal. Il n'y a donc, en effet, plus de droite ni de gauche. Mais attention, le fait est en réalité circonscrit : il n'y a plus ni droite ni gauche au sein du libéralisme libéral-libertaire.
C'est de cela dont Macron est le nom. »
Regards de Moscou sur la crise syrienne ! Ce livre expose très précisément la « lecture russe » de la crise syrienne. On y comprend les raisons et les motivations des engagements militaires et diplomatiques de Moscou dans la guerre civilo-globale de Syrie. Globale, car elle fait interagir quatre dynamiques de conflictualité : 1) Washington contre Moscou ; 2) Riyad contre Téhéran ; 3) Ankara contre les Kurdes ; 4) enfin, les jihadistes « globaux » (Al-Qaïda) contre les jihadistes « locaux » (Organisation Etat islamique - Dae'ch).
La bataille d'Alep (été 2016 - décembre 2016) et ses conséquences cristallisent le point culminant de ce grand jeu de conflits régionaux et internationaux. La bataille pour la reconquête de cette ville (la deuxième du pays, mais en réalité la capitale économique) par les autorités syriennes s'est effectuée dans la cadre d'un accord russo-turc. Plusieurs tentatives et consultations russo-américaines afin de résoudre le « problème d'Alep » avaient échoué. L'auteur met en lumière les blocages du « groupe restreint » des États engagés - Russie, États- Unis, Iran, Qatar, Arabie Saoudite, Turquie -, montrant ainsi les enjeux et les dynamiques d'un nouvel ordre proche et moyen-oriental en train d'émerger.
L'auteur instruit une critique raisonnée et argumentée des initiatives de l'ONU pour « sauver » Alep. Sous prétexte de défendre les « droits de l'homme » et pour des considérations « humanitaires », les Nations unies ont cherché à endiguer les opérations antiterroristes menées par l'armée syrienne et les forces progouvernementales avec le soutien de l'armée russe. Pourquoi et comment l'ONU a-t-elle ainsi cherché à sauver les rebelles qui occupaient la partie orientale de la ville ? Quel furent alors les objectifs et l'agenda en creux, sinon caché de l'ONU ?
Enfin, place à la diplomatie ! La libération d'Alep est examinée aussi du point de vue des mécanismes de coopération internationale entre les acteurs régionaux et internationaux. C'est la partie prospective de l'ouvrage, indiquant - dans le domaine de la résolution des conflits - les perspectives susceptibles de ramener paix et stabilité dans cette région stratégique.
A l'issue de ce processus, le système actuel des relations internationales ne sera plus le même. Le Yalta régional qui résulte - d'ores et déjà - de la bataille d'Alep et de ses conséquences géopolitiques inaugure un nouvel ordre international, de nouvelles donnes rebattant les cartes, non seulement aux Proche et Moyen-Orient, mais aussi en Méditerranée, en Asie centrale et en Afrique !
« Lorsque, quelques semaines plus tard, le scénario fut enfin achevé, je n'avais toujours pas revu Betty. J'avais tenu bon, m'étant forcé à partager la destinée de mon personnage. Cependant, à la différence de celui-ci, je savais où la retrouver, mon inconnue d'une nuit. Par ailleurs, à bien y réfléchir, je n'étais pas sûr que nous ayons vécu tout à fait la même chose, lui et moi. La jeune fille brune et lui avaient connu une sorte de communion totale, un accord parfait, indépassable des corps et des émotions. De la tendresse pour toute une vie. Betty et moi, qu'avions-nous cherché, sinon à apaiser notre faim ? Ce qui pouvait expliquer pourquoi mon obsession, à l'inverse de celle du personnage, avait connu tant de hauts et de bas, des relâchements. » Un réalisateur travaille sur l'adaptation de La Jeune fille brune, roman du grand écrivain yougoslave Alexandre Tisma (1924-2003). L'histoire est simple : un homme revient sans cesse dans une petite bourgade sans prétention où il a connu autrefois une nuit d'amour mémorable. Le projet, cependant, piétine. Outre les problèmes de budget qu'il soulève, il suscite de nombreuses réticences imprévues chez les membres de l'équipe. Complices artistiques depuis trente ans, ils ont, en effet, essuyé bien des désillusions tant personnelles que professionnelles et, comme le héros de Tisma, gardent en eux une part de nostalgie et de rêve inassouvi.
Quand il ne recherche pas un ciel « vraisemblable », en accord réel avec sa vision, le réalisateur se rend compte qu'il est en train de vivre exactement la même histoire d'amour inconsolable que le personnage de La Jeune fille brune.
Une seconde chance, voilà ce qu'il voudrait...
Une aventure avec une jeune inconnue nommée Betty va rouvrir la boite de Pandore de la nostalgie blessée et créera le drame.
Cette splendide dérive entre rêve et tentative désespérée de retrouver le paradis perdu de la toute première fois avant qu'il ne soit trop tard s'accomplit sur fond de grisaille quotidienne et de lutte de tous les instants. Déployant la subtile tension de la fêlure, Michel Lambert nous entraîne tour à tour dans l'extase et la chute au gré d'un réveil brutal. Magistral.
Converti au catholicisme mais demeuré Anglais, c'est-à-dire excentrique, l'écrivain Gilbert Keith Chesterton (1874-1936) se fait une certaine idée de la rédemption chrétienne à l'ère du romantisme décadent qu'il exècre :
« Hérétique, c'est-à-dire excentrique par rapport à son centre anglican, lui-même hérétique et excentrique par rapport à Rome dont il s'est détaché, Chesterton oppose à l'éternel contradicteur Satan l'Homme Ordinaire, celui qu'il appelle le Common Man, autrement dit l'homme créé par Dieu, pécheur promis à la sainteté, alors que l'homme moderne, modelé sur le patron du dandy-luciférien est au contraire celui qui cherche à afficher sa différence.
Il opposera donc la classe moyenne, dont il est issu et dont il se veut être le massif et incontournable porte-parole, à l'excentricité périphérique du dandysme d'Oscar Wilde.
La décadence se produisant quand l'esthète prend le pas sur le croyant et que le « Beau », détaché du Bien et du Vrai croit pouvoir cavaler seul jusqu'aux bords brumeux du Néant. » D'où une vie de combat, de grosse bagarres et d'aventures inénarrables :
« Un récit de Chesterton, c'est toujours une aventure exceptionnelle et flamboyante. Comment !
L'ordre, la raison, le bon sens auraient-ils des ailes ! Alors qu'une opinion courante veut que plus le héros est grand, plus il se confond avec tout le monde, plus il se fond dans la grisaille ambiante, plus il a de chances d'atteindre à l'universalité, Chesterton, lui, croque des types fantastiques, des excentriques, des lunatiques au sens propre du terme. Pour ces héros si actifs, si ardents, le monde est avant tout un champ de bataille où les bons repoussent perpétuellement les mauvais, l'esprit aussi tranquille que des guerriers entrant au Walhalla, car ces méchants sont de telle sorte qu'on n'en peut faire autre chose que de les boxer ou les pendre. »