La douceur est une énigme. Incluse dans un double mouvement d'accueil et de don, elle apparaît à la lisière des passages que naissance et mort signent. Parce qu'elle a ses degrés d'intensité, parce qu'elle a une force symbolique et un pouvoir de transformation sur les êtres et les choses, elle est une puissance. En écoutant ceux qui viennent me confier leur détresse, je l'ai entendue traverser chaque expérience vécue. En méditant son rapport au monde, il apparaît que son intelligence porte la vie, la sauve et l'accroît.
Le présent recueil, articulé autour du texte "Luttons-nous pour la justice?", de 1943, réfléchit sur le fait d'être soumis à la force et sur les conditions d'un véritable consentement, et offre ainsi une étonnante résonance aux luttes modernes.
Ce livre fait l'éloge de la prise de risque à une époque où la sécurité nous est donnée comme valeur volontaire et l'exacerbation des peurs de toutes sortes. Cet éloge traite dans de courts chapitres des divers registres où l'on rencontre le risque : la vie amoureuse, la séparation, la dépendance mais aussi la vie sociale, le langage, les biotechnologies, etc. Autour de cette question centrale : qu'est-ce que risquer sa vie, à savoir prendre le risque de vivre vraiment ?
Les risques écologiques et politiques actuels expliquent le climat d'anxiété dans lequel nous vivons. Tout en soulignant la dynamique destructrice du désespoir, Corine Pelluchon montre que la confrontation à la possibilité d'un effondrement de notre civilisation est l'occasion d'un changement ouvrant un horizon d'espérance. Cela suppose de comprendre que l'espérance n'a rien à voir avec l'optimisme qui masque la gravité de la situation et qu'elle se distingue aussi de l'espoir qui exprime le souhait de voir ses désirs personnels se réaliser. Opposée au déni, l'espérance implique l'épreuve du négatif. Elle est la traversée de l'impossible.
"Ce texte reprend et réélabore de nombreuses remarques sur la décroissance: il s'efforce de les présenter de façon synthétique sous une forme unifiée et cohérente centrée sur la tension entre le défi d'une pédagogie visant à l'émancipation de la religion économique et les institutions faites pour promouvoir le culte de la croissance tout particulièrement dans la formation scolaire." Serge Latouche
Ces "Variations sur l'esprit du XVIIIIe siècle" sont des variations sur un esprit rebelle et vagabond, fantaisiste, attaché à la jouissance singulière, au refus de tout comportement de groupe. Un esprit révolutionnaire ? Libertin et libertaire plutôt, comme va le révéler la rencontre avec les événements de 1789 et surtout avec la Terreur.
En cas d'amour : que faire ? Axe autour duquel tourne toute vie : aimer, être aimé. Avec toutes ses déclinaisons : reconnaissance, peur d'être abandonné, mesure de la jalousie, désir de possession, envie, délivrance, haine, détachement, paix.
L'événement de l'amour est au coeur de ce livre. Depuis les histoires imaginaires que l'on se forge quand on est amoureux jusqu'au désir de vengeance de celui qui est quitté en passant par la jalousie, la fascination, la fusion amoureuse, la relation fraternelle, la dispute, le livre explore différentes figures de la passion et des blessures de l'attente amoureuse.
On y rencontre l'écoute attentive et les désarrois d'une psychanalyste recueillant dans la chambre des secrets les mots de ceux qui viennent déposer là leur espérance.
Autour de 1760, sollicité de toutes parts, surveillé par la police qui s'inquiète des réactions suscitées par certains articles de l'Encyclopédie, Diderot prend l'habitude de se mettre au vert à quelques kilomètres de Paris. Il y goûte les plaisirs de la campagne tout en poursuivant son labeur. Ces lettres écrites à la campagne sur une période de plus de vingt ans nous font pénétrer dans l'esprit et les sentiments d'un être d'une intelligence et d'une générosité intellectuelle rares.
Toute mère est sauvage. Sauvage en tant qu'elle fait serment, inconsciemment, de garder toujours en elle son enfant. De garder inaltéré le lien qui l'unit à lui. Ce serment se perpétue, secrètement, de mères en filles et en fils. L'enfant doit rompre ce serment pour devenir lui-même, accéder à sa vérité, à son désir. Cet essai expose au grand jour le versant noir de la maternité. Il cherche à cerner, à travers des séances de psychanalyse ou des oeuvres littéraires, ce noyau inconscient de la transmission maternelle et ses conséquences sur le psychisme humain.
Été 1760. Casanova a quitté précipitamment Paris. Il est en fuite. Au cours de son errance, il s'invente une nouvelle identité. Il se présente désormais sous le nom du chevalier de Seingalt et parvient à s'introduire dans la bonne société suisse. Son voyage prend une fois de plus l'allure d'un Grand Tour : ambassades, salons mondains, savants, artistes et jolies femmes lui ouvrent leurs portes. La visite à Voltaire constitue l'acmé de ce périple. Dans l'Histoire de ma vie, il livre une version de la rencontre tout à son avantage. Voltaire y est dépeint comme un homme aux sentiments ambigus, sensible et arrogant. Éclairé par les autres écrits de Casanova consacrés au philosophe, la Confutazione della storia del governo veneto, d'Amelot de la Houssaye (1769) et le Scrutinio del libro « Éloges de M. de Voltaire » (1779), le récit de la visite aux Délices de Genève donne vie à la légende.
Notre capacité à relever le défi climatique et à promouvoir plus de justice envers les autres, y compris envers les animaux, suppose un remaniement profond de nos représentations sur la place de l'humain dans la nature. Dès que nous prenons au sérieux notre vulnérabilité et notre dépendance à l'égard des écosystèmes, nous comprenons que notre habitation de la Terre est toujours une cohabitation avec les autres. Ainsi, l'écologie, la cause animale et le respect dû aux personnes vulnérables ne peuvent être séparés. De plus, la conscience du lien qui nous unit aux autres vivants fait naître en nous le désir de réparer le monde et de transmettre une planète habitable. C'est à cette éthique qui n'a rien à voir avec des injonctions moralisatrices et culpabilisantes que ce recueil ouvre la voie. Deux textes inédits
Pour le juif, qui voit dans l'immanence le lieu de la création, de la justice et de la rédemption divine, dieu est éminemment le seigneur de l'histoire, et c'est là "qu'atischwitz" met en question, y compris pour le croyant, tout le concept traditionnel de dieu.
A l'expérience juive de l'histoire. auschwitz ajoute en effet un inédit, dont ne sauraient venir à bout les vieilles catégories théologiques. mais quand on ne veut pas se séparer du concept de dieu - comme le philosophe lui-même en a le droit - on est obligé, pour ne pas l'abandonner. de le repenser à neuf et de chercher une réponse, neuve elle aussi, à la vieille question de job. dès lors, on devra certainement donner congé au "seigneur de l'histoire".
Donc : quel dieu a pu laisser faire cela ?
"Le stoïcisme, dans sa version romaine, était une expérimentation qui durait toute une vie. Pour Marc Aurèle, la philosophie était plus qu'une activité collatérale ; elle était une consolation, comme l'écrira plus tard Boèce, ou bien une thérapie, comme on l'appellerait aujourd'hui. Marc Aurèle était un bon empereur et un homme solitaire. Il a été le premier à faire cadrer le bien commun avec le malheur individuel et c'est peut-être ce que sont vraiment les "Pensées" : un post-scriptum à la "République" de Platon." (Joseph Brodsky, 1994)
Agnes Heller dans ce recueil sur l'Europe, met en discussion les "valeurs communes européennes", s'interroge sur le rôle des simples citoyens et se demande si: "L'Europe est quelque chose de plus qu'un musée?" Dans ces textes, il est question des grands paradoxes qui caractérisent si bien le continent européen que la culture occidentale : l'universalisme humaniste et le fanatisme nationaliste, la tolérance et la xénophobie, le totalitarisme et la liberté.
Une voix se lève, au début de la Monarchie de Juillet, pour dénoncer la destruction du patrimoine architectural et artistique français : celle de Victor Hugo. Dans « Guerre aux démolisseurs », paru en mars 1832, le jeune poète regrette le « vieux souvenir de la France » qui « s'en va avec la pierre sur laquelle il était écrit ». Il déplore le vandalisme, moderne et bourgeois, qui se répand et ravage le vieux Paris.
Agir, s'émouvoir et progresser : en trois chapitres choisis parmi ses Éléments de philosophie, le plus fluide des penseurs du siècle dernier éclaire l'existence humaine à la lumière de ses phrases. Il a conscience que la vie est un jeu ; mais il prend au sérieux l'expérience des passions, qu'il détaille avec humanité. Il veut être un appui pour acquérir la vertu
L'essai sur La personne et le sacré, qu'a écrit Simone Weil à Londres dans la dernière année de sa vie, ne cesse de nous interpeller. D'abord parce qu'il critique sans réserves le concept de personne, à tort jugée comme sacrée. Ensuite, pour sa recherche acharnée et passionnée d'un principe qui se place au-delà des institutions, du droit et des libertés démocratiques, et sans lequel celles-ci perdent tout sens et toute utilité. Un texte plus que jamais actuel pour comprendre l'effondrement des droits de l'homme, comme le souligne la magistrale préface signée par Giorgio Agamben.
Les principes fondamentaux de la République sont-ils contraires au colonialisme ? Quels impacts la colonisation a-t-elle sur un État qui se transforme en métropole d'un empire ? Et quels sont ses effets intérieurs ? Dans ces articles, écrits entre 1936 et 1943, le verdict de Simone Weil est sans appel : coloniale, la France opprime des peuples et perd ses principes. La colonisation rend impossible l'amitié entre les peuples (ce qui posera problème, dit-elle, si la France veut de nouveau enrôler les populations des colonies dans une guerre). Ces réflexions sur la colonisation pensée comme déracinement vont la conduire à son oeuvre majeur : «L'Enracinement».
Savant sans être pédant, populaire sans être simpliste, Alain incarne la figure du professeur parfait de philosophie. En acceptant d'écrire un texte originellement destiné à être traduit en braille, ce pédagogue de haute volée a relevé le défi de brosser un bref panorama de l'histoire de la philosophie pour les personnes dites non-voyantes. Résultat : de splendides miniatures où, en quelques mots, Alain disqualifie l'érudition pour préférer un discours humain et sensible, une rencontre coeur à coeur avec les grandes figures de la philosophie. Alors, non seulement leurs oppositions conceptuelles, mais aussi les différences fondamentales de leurs expériences du monde, s'estompent et convergent vers l'affirmation d'une humanité commune - à eux, à nous, à tous.
Rédigé entre 1930 et 1933, pendant les terribles années de crise en allemagne, ce classique de wilhelm reich (1897-1957) demeure une contribution capitale à la compréhension du fascisme.
Refusant d'y voir l'idéologie ou l'action d'un individu isolé, rejetant de même l'explication purement socio-économique avancée par les marxistes, reich considère le fascisme comme l'expression de la structure caractérielle irrationnelle de l'individu moyen, dont les besoins et les pulsions primaires, biologiques, ont été réprimés depuis des millénaires. aussi, toute forme de mysticisme organisé, dont le fascisme, s'explique-t-elle par le désir orgastique insatisfait des masses.
Conçu comme un supplément biographique à la première édition des "OEuvres complètes" de l'écrivain, le tome 70 est paru au printemps 1789. Condorcet y rend un hommage vibrant, personnel et philosophique au grand homme, contribuant à forger pour la postérité une légende glorieuse du patriarche de Ferney, un modèle pour les générations à venir, celui de l'intellectuel engagé. Accompagné d'un dossier de pièces justificatives, il associe devoir de mémoire et plaidoyer pour les Lumières, posant les fondements des idées qu'il développera dans l'"Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain".
Se souvenir, penser, rêver : Bergson éclaire notre vie intérieure et, à travers elle, les limites du cerveau. Qu'est-ce que la conscience ? Peut-elle se résumer à une activité neuronale ? Quel rapport entretient-elle avec la durée ? Nous rend-elle libre ? Comment accède-t-on à elle ? Limpide, précis, poétique, le philosophe nous invite à la démarche introspective, qui permet d'accueillir les sensations comme elles viennent, d'être attentif au moment présent, de garder l'esprit ouvert.
En 1934, après avoir traversé une grave période de dépression à la suite de la mort accidentelle de l'un de ses fils, Melanie Klein fait au Congrès de Lucerne une conférence où elle formule pour la première fois sa célèbre théorie de la «position dépressive», que certains, tel Winnicott, placeront au même rang que la découverte par Freud du complexe d'Oedipe. Complété en 1940 par un autre, également publié ici, ce texte qui décrit avec une violence extrême la formation du psychisme de l'enfant est la pierre angulaire de tout le système conceptuel de Melanie Klein.
« La vie n'est pas trop courte, c'est nous qui la perdons. » Telle est la réponse de Sénèque face à ce qui paraît, aux yeux des médecins, des poètes et des philosophes, comme une injustice : la vie est courte par nature. Dans ce court traité, l'un de ses premiers, Sénèque entreprend de redéfinir la notion de temps. Ce texte est suivi d'un éclairant commentaire de Denis Diderot.