Simone Weil considère son année d'usine comme la plus décisive de sa vie et de sa pensée. L'intérêt de son Journal, écrit cette même année, est donc de nous renseigner sur la nature de ce bouleversement physique et intellectuel. Il n'exhibe pas ses premières réponses aux problèmes politiques et théoriques posés par l'année d'usine, il montre ce qui est en deçà de la philosophie et qui la réclame, exhibe ce contre quoi l'écriture à venir devra lutter, quel silence elle combat, et en quoi ce silence est peut-être le nôtre.
Les risques écologiques et politiques actuels expliquent le climat d'anxiété dans lequel nous vivons. Tout en soulignant la dynamique destructrice du désespoir, Corine Pelluchon montre que la confrontation à la possibilité d'un effondrement de notre civilisation est l'occasion d'un changement ouvrant un horizon d'espérance. Cela suppose de comprendre que l'espérance n'a rien à voir avec l'optimisme qui masque la gravité de la situation et qu'elle se distingue aussi de l'espoir qui exprime le souhait de voir ses désirs personnels se réaliser. Opposée au déni, l'espérance implique l'épreuve du négatif. Elle est la traversée de l'impossible.
Le volume rassemble les principaux textes d'Averroès (1126-1198), traduits de l'arabe, sur la question du savoir que Dieu a du monde : le connaît-il, et jusqu'où ? Dieu sait-il ce que sont les individus, les choses singulières, connaît-il le détail du réel ou n'en a-t-il qu'une connaissance globale, générale ? Ce problème majeur est l'un des points de conflit entre la philosophie et la théologie en Islam.
Autour de 1760, sollicité de toutes parts, surveillé par la police qui s'inquiète des réactions suscitées par certains articles de l'Encyclopédie, Diderot prend l'habitude de se mettre au vert à quelques kilomètres de Paris. Il y goûte les plaisirs de la campagne tout en poursuivant son labeur. Ces lettres écrites à la campagne sur une période de plus de vingt ans nous font pénétrer dans l'esprit et les sentiments d'un être d'une intelligence et d'une générosité intellectuelle rares.
"L'innocente jeunesse se rend à l'Université pleine d'une confiance naïve, et considère avec respect les prétendus possesseurs de tout savoir, et surtout le scrutateur présomptif de notre existence. Elle se rend donc là, prête à apprendre, à croire et à adorer. Si maintenant on lui présente, sous le nom de philosophie, un amas d'idées à rebours, un assemblage de mots qui empêche tout cerveau sain de penser, un galimatias qui rappelle un asile d'aliénés, alors l'innocente jeunesse dépourvue de jugement sera plaine de respect aussi pour pareil fatras, s'imaginera que la philosophie consiste en un abracadabra de ce genre, et elle s'en ira avec un cerveau paralysé où les mots désormais passeront pour des idées." (Schopenhauer)
Conçu comme un supplément biographique à la première édition des "OEuvres complètes" de l'écrivain, le tome 70 est paru au printemps 1789. Condorcet y rend un hommage vibrant, personnel et philosophique au grand homme, contribuant à forger pour la postérité une légende glorieuse du patriarche de Ferney, un modèle pour les générations à venir, celui de l'intellectuel engagé. Accompagné d'un dossier de pièces justificatives, il associe devoir de mémoire et plaidoyer pour les Lumières, posant les fondements des idées qu'il développera dans l'"Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain".
« L'amitié est si étroitement liée à la définition de la philosophie que l'on peut dire que sans elle la philosophie ne serait pas possible. L'intimité entre amitié et philosophie est si profonde que celle-ci inclut le philos, l'ami, dans son nom même. » Giorgio Agamben relit Aristote pour retrouver la signification de l'amitié. L'ami est un autre soi-même avec lequel on partage le fait d'exister, la douceur même de vivre. C'est pourquoi l'amitié ouvre l'espace d'une communauté et d'une politique qui précèdent toute identité et tout partage.
" De la vanité ", notait Pierre Villey dans son édition des Essais, a une importance exceptionnelle : il " domine tout le troisième livre ", qui domine les Essais. Comme Montaigne domine - avec quelques autres - la littérature française, il n'y a pas grand risque à affirmer que nous sommes là devant un texte majeur. Un chef-d'oeuvre ? C'est peu dire, et en même temps c'est trop : ce texte, l'un des plus beaux que nous ayons, l'un des plus vrais, est aussi le moins prétentieux, le moins pontifiant, le moins fabriqué qui soit.
Si c'est un chef-d'oeuvre, et bien sûr c'en est un, c'est un peu par hasard, ou plutôt par cette nécessité imprévisible qu'on appelle aujourd'hui le génie et qui n'est autre, s'agissant de Montaigne, que Montaigne lui-même, avec son goût extrême pour la vérité, ce mépris de l'artifice, et cette liberté sans égale d'allure et de ton." (André Compte-Sponville)
«L'Art de persuader »est un art de penser à la mesure de la faiblesse et de la grandeur de l'homme. Le latin tardif «pensare» a donné deux mots au français moderne : « peser » et « penser ». Penser, c'est mettre méthodiquement en balance, en doute et à l'épreuve, sur deux plateaux, avant d'évaluer et juger, les objets de l'expérience entre eux, et avec soi-même. «L'Art de persuader »de Pascal, écrit en 1658, texte héritier de «L'Art de conférer »(1580) de Montaigne, suppose une alliance de la raison et de l'intuition, de la logique et des figures rhétoriques, qui rend l'esprit capable de toucher juste, dans une saisie synthétique de toutes les données hétérogènes et contradictoires d'une situation et d'une réception vivantes.
Vie et opinions philosophiques d'un chat est extrait de Voyage aux Pyrénées, ouvrage paru en 1858 à la librairie Hachette. C'est un court texte, cynique et plein d'humour, que l'historien, philosophe et critique littéraire, Hippolyte Taine (1828 - 1893) rédige, comme entre parenthèses, pour reposer et amuser le lecteur, dans la seconde édition du Voyage aux Pyrénées.
Ancien élève de Quintilien, Pline le Jeune, sénateur et avocat réputé de la Rome de Trajan, aurait bien voulu devenir poète et historien comme ses amis Martial, Suétone et Tacite. Pleines de précieux conseils, riches en considérations sur la hardiesse du style, la lecture, la critique et la déclamation, ces lettres choisies, vibrantes d'amitié, nous rappellent que l'art d'écrire n'est rien sans celui de lire et d'écouter, et que l'on peut trouver l'épanouissement et l'équilibre dans les joies de l'étude, de l'échange et de la création.
Leurs vies sont si inséparables qu'ils ont écrit leurs oeuvres en écho les uns aux autres : entre Spinoza, Jellesz et Meyer, l'amitié est aussi forte, l'intimité aussi grande qu'entre Montaigne et La Boétie. Meyer a donné à Spinoza l'essentiel de sa physique ; Jellesz l'a introduit à une spiritualité faite de dialogues. À la mort de leur ami, ils publient un témoignage d'amitié jeté à la face de la mort et l'un des textes fondateurs du spinozisme. Ce texte sobre et pudique est la première apparition publique de l'homme. Le livre est complété de l'index des «Opera posthuma» de Spinoza dont ils furent les éditeurs.
Le 19 août 1662, à 39 ans, meurt Blaise Pascal. Qui est-il réellement ? « Raconter » son frère, telle est la mission que se donne Gilberte Périer, sa soeur aînée. Avec la« Vie de monsieur Pascal», elle forge la légende du génie pascalien : précocité intellectuelle, cheminement spirituel, vie de savant et de salons, etc. Complété par la «Vie de Jacqueline Pascal», ces textes dessinent avec délicatesse et émotion l'atmosphère si particulière de la fratrie Pascal (Gilberte, Blaise, Jacqueline). Au-delà du génie de Blaise, ils révèlent l'âme ardente de sa jeune soeur Jacqueline et dévoilent les multiples talents des soeurs Pascal.