Seuil
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Le procès Pétain : Vichy face à ses juges
Julian Jackson
- Seuil
- L'univers Historique
- 19 Janvier 2024
- 9782021462654
Pendant l'Occupation peu d'images ont autant choqué la population que la photographie du maréchal Pétain - le héros de la Première Guerre mondiale - serrant la main de Hitler le 20 octobre 1940. Pétain déclare alors au peuple français qu'il « s'engage dans la voie de la collaboration ». Il termine par ces mots : « Telle est ma politique. Mes ministres sont responsables devant moi. C'est moi seul qui serai jugé par l'Histoire ».
Cinq ans plus tard, en juillet 1945, l'heure du jugement - mais pas encore de celui de l'Histoire - est venu. Pétain est traduit devant une Haute Cour spécialement créée pour répondre de sa conduite entre la signature de l'armistice avec l'Allemagne en juin 1940 et la libération de la France en août 1944. Dans cet ouvrage qui allie la finesse de l'analyse à l'art du romancier, les trois semaines du procès de Pétain, qu'analyse Julian Jackson au jour le jour, révèlent l'une des crises les plus dramatiques de l'histoire de France au XXe siècle - ce que le procureur principal Mornet a appelé « quatre années à effacer de notre histoire ».
Comme le dira François Mauriac en 1945 : « un procès comme celui-là n'est jamais clos... Pour ses admirateurs, pour ses adversaires, Pétain restera une figure tragique, éternellement errante, à mi-chemin de la trahison et du sacrifice ». Jackson explore brillamment comment le souvenir de Pétain a hanté la conscience collective des Français jusqu'à nos jours. -
Survivre - une histoire des guerres de religion
Foa Jeremie
- Seuil
- L'univers Historique
- 13 Septembre 2024
- 9782021181272
Dans le monde incertain des guerres de Religion (1562-1598), survivre est tout un art. Comment mentir, se déguiser, s'échapper, simuler ou dissimuler sa confession religieuse ? Comment se faufiler, tromper ou surprendre son adversaire ? Quelles sont, en somme, les tactiques pour tenir dans un monde soudain hostile, dans lequel le voisin peut dénoncer, le boucher empoisonner, votre accent vous trahir, le fils égorger, le mari mentir et la rue naguère familière devenir guet-apens ? « Car en matière de guerres intestines, écrit Montaigne, votre valet peut être du parti que vous craignez. Et lorsque la religion sert de prétexte, les parentés mêmes deviennent peu fiables ».
En s'appuyant sur des chroniques contemporaines et sur un matériau archivistique exceptionnel, cette enquête entend rendre sensible ce que fut l'expérience concrète des « tristes hommes d'après 1560 ». Parce que la guerre civile rend incertain ce qui semblait le mieux établi - l'identité des êtres et des choses, le statut des lieux, le langage lui-même -, Survivre entreprend de mettre en lumière les savoir-faire et les savoir-vivreavec le trouble. Mais ce livre n'entend pas seulement restituer au plus près des documents ce que fut l'épreuve de la guerre intestine. Il propose une relecture ambitieuse de l'ensemble des guerres de Religion, laboratoire de notre modernité, désormais envisagées au prisme de la condition d'incertitude
Jérémie Foa est maître de conférences habilité à diriger des recherches à Aix-Marseille Université, membre du laboratoire TELEMMe et spécialiste de l'histoire des guerres de Religion en Europe. Il est notamment l'auteur de Tous ceux qui tombent. Visages du massacre de la Saint-Barthélemy (La Découverte, 2021 ; Prix lycéen du livre d'histoire de Blois, 2022). -
Vies rebelles : Histoires intimes de filles noires en révolte, de radicales queers et de femmes dangereuses
Saidiya Hartman
- Seuil
- L'univers Historique
- 20 Septembre 2024
- 9782021496949
Vies rebelles retrace des bribes d'existence de femmes noires, qui ont quitté le sud des États-Unis en quête d'une vie meilleure pour les villes du Nord-Est, New York et Philadelphie, entre 1890 et 1930, après l'abolition de l'esclavage.
S'appuyant sur les sources de la police, les écrits des philanthropes et des réformateurs sociaux, les archives de la justice mais aussi sur les notes prises par le jeune W.E.B. Du Bois lors de ses enquêtes, Saidiya Hartman leur donne vie, rendant à ces filles et femmes leur statut de sujet, dessinant des portraits vibrants de Noires indisciplinées, reconstituant leurs désirs, leurs efforts pour trouver la joie de vivre, leurs aspirations à la liberté, leurs élans de vie, leurs pensées, leurs corps éprouvés mais libres, leur anarchisme.
Il en résulte des histoires inoubliables, portées par une écriture exceptionnelle, qui transforment nos représentations des classes subalternes « déviantes » et de la condition noire dans les sociétés post-esclavage. Cette attention à l'infra-politique ouvre aussi d'autres généalogies aux radicalités noires et à la révolution des moeurs. Soixante-dix photographies rares et bouleversantes viennent illustrer la vie de ces femmes en marge de la société.
Saidiya Hartman est l'une des théoriciennes afro-américaines les plus réputées aux États-Unis. Elle poursuit un travail d'écriture à la frontière des sciences humaines et de la narrative non fiction qui inspire nombre de chercheurs mais aussi d'artistes. Elle est professeure à l'université de Columbia. -
Réunissant plus de deux cents cinquante chercheuses et chercheurs issus du monde entier, ce livre nous invite à regarder la colonisation française en face, avec les yeux des colonisés et des colonisateurs. Les meilleurs spécialistes mettent à notre disposition une connaissance profondément renouvelée de la domination coloniale, de ses formes parfois surprenantes, de ses effets dévastateurs, de ses limites longtemps ignorées, ainsi que de ses rémanences actuelles.
Dans une époque tout entière dominée par les questionnements identitaires et les affrontements mémoriels, ce livre collectif restitue de manière lucide, accessible et passionnante, la grande diversité et la complexité des situations coloniales en Afrique, en Asie, en Océanie et dans les Amériques.
De la colonisation est née une histoire à la fois riche et violente, tissée d'innombrables échanges, qui fait de nous ce que nous sommes. Colonisés et colonisateurs ont été à la fois liés et transformés à jamais par cette expérience qui retrouve ici toute sa place - à bien des égards centrale - dans l'histoire de France.
Pour déjouer les évidences et répondre aux interrogations contemporaines, cet ouvrage part du présent et remonte le fil du temps jusqu'aux sources méconnues du passé dit « précolonial ». En inscrivant le fait colonial français dans le temps long - du XXIe au XVe siècle - des relations entre la France et le reste du monde, cette histoire globale en appréhende les continuités, les ruptures et les singularités. Ainsi peut-être comprendrons-nous mieux qui nous sommes.
Direction : Pierre Singaravélou.
Coordination : Arthur Asseraf, Guillaume Blanc, Yala Kisukidi, Mélanie Lamotte. -
Vénitiens ! Vénitiennes ! La traversée d'une ville (Venise, 1520)
Claire Judde de Larivière
- Seuil
- L'univers Historique
- 11 Octobre 2024
- 9782021538373
En janvier 1520, le crieur public Pasqualin Durazin est chargé par les magistrats de Venise de proclamer une loi relative à l'écoulement des eaux usées et au ramassage des ordures. Il y a urgence à agir : cet hiver-là, les pluies abondantes font se déverser quantité d'immondices dans les eaux de la lagune mettant en péril la réputation de la ville et la santé de ses habitants.
Vénitiens ! Vénitiennes ! nous invite à suivre la tournée du crieur public, de paroisse en paroisse, des palais des grandes familles patriciennes jusqu'aux étals des marchés, des bords du Grand Canal jusqu'aux arrière-cours des maisons populaires. Venise est une ville bouillonnante d'activité, densément peuplée, qui bruisse d'une multitude de langues et de visiteurs venus de toute la Méditerranée. Ancrant le récit dans la description de la vie quotidienne des habitants, Claire Judde de Larivière raconte la ville à travers l'histoire de ceux et celles qui y travaillent, y nouent des liens familiaux et amicaux, s'y déplacent, y déploient des formes de sociabilité. Qu'est-ce qui fait communauté en cette fin de Moyen Âge, dans une des villes d'Italie les plus puissantes de son époque ? Est-il possible, aujourd'hui encore, de percevoir les traces et échos de la ville qu'a parcourue Pasqualin Durazin ? Vénitiens ! Vénitiennes ! propose un récit captivant des dynamiques sociales, de la vitalité et de la beauté de Venise, une cité aussi unique que représentative des sociétés urbaines de la Méditerranée médiévale. -
Les grandes déconvenues : La renaissance, Sumatra, les frères Parmentier
Romain Bertrand
- Seuil
- L'univers Historique
- 1 Mars 2024
- 9782021545319
On dit que la France, au XVIe siècle, a manqué son rendez-vous avec le Monde, puisqu'elle n'aurait pris aucune part à l'épopée de l'exploration des sociétés lointaines - flirtant avec le Brésil, mais boudant l'Asie. Pourtant, deux capitaines dieppois, Jean et Raoul Parmentier, conduisent jusqu'à l'île de Sumatra, en 1529, deux nefs de fort tonnage. Ils en ramènent des plaies, des bosses et un peu de poivre. Aujourd'hui oubliée, leur navigation fut érigée au XIXe siècle en preuve incontestable d'une contribution française glorieuse à la geste des Grandes découvertes. C'est toute la Renaissance occidentale qui aurait débarqué, sous pavillon tricolore, en Insulinde. La fable est flatteuse pour l'idée que nous nous sommes longtemps faite de nous-mêmes comme de pionniers, voire de missionnaires de la « modernité ». Il n'est pas certain qu'elle résiste à l'examen. Menée en archives et dans les méandres des chroniques, l'enquête oblige à s'intéresser d'un même mouvement au monde des marins normands et à celui des négociants malais, à la cour de François Ier et à celle du sultan de Tiku, à la poésie mariale du « Puy » de Rouen et à celle des maîtres de mystique musulmans. Ce qui se joue alors le long du troisième parallèle, lorsque les Dieppois font relâche à Sumatra, ne se comprend qu'à condition de rouvrir les portes de la comparaison - entre l'Europe et l'Asie du Sud-Est aussi bien qu'entre le savoir des « gens de mer » et celui des érudits. En nous aidant à contempler, défardées, nos grandes déconvenues, cette traversée nous invite à penser la « modernité » au pluriel et la Renaissance au conditionnel.
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Histoire de la fatigue, du Moyen Age à nos jours
Georges Vigarello
- Seuil
- L'univers Historique
- 3 Septembre 2020
- 9782021291919
« Stress », « burn out » ou « charge mentale » : les xxe et xxie siècles ont vu une irrépressible extension du domaine de la fatigue. Les épuisements s'étendent du lieu de travail au foyer, du loisir aux conduites quotidiennes. Une hypothèse traverse ce livre : le gain d'autonomie, réelle ou postulée, acquis par l'individu des sociétés occidentales, la découverte d'un « moi » plus autonome, le rêve toujours accru d'affranchissement et de liberté ont rendu toujours plus difficile à vivre tout ce qui peut contraindre et entraver.
Que nous est-il arrivé ?
Ce livre novateur révèle une histoire encore peu étudiée, riche de métamorphoses et de surprises, depuis le Moyen Âge jusqu'à nos jours. Les formes « privilégiées » de fatigues, celles qui mobilisent les commentaires, celles qui s'imposent en priorité aux yeux de tous, évoluent avec le temps. Les symptômes de la fatigue se modifient, les mots s'ajustent (« langueur », « dépérissement », « pénibilité »...), des explications se déploient, des degrés se précisent, des revendications se font jour.
Un parcours passionnant qui croise histoire du corps et de sensibilités, des structures sociales et du travail, de la guerre et du sport, jusqu'à celle de notre intimité. Pour éclairer tout autrement notre présent.
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Commune(s), 1870-1871 ; une traversée des mondes au XIXe siècle
Quentin Deluermoz
- Seuil
- L'univers Historique
- 8 Octobre 2020
- 9782021393729
Depuis les analyses célèbres de Karl Marx, l'histoire de la Commune de Paris a été placée au centre de notre compréhension de l'événement révolutionnaire. Et l'espérance de "faire commune" fait aujourd'hui retour dans notre imaginaire politique.
Cet ouvrage se propose de mener l'archéologie de cette puissance d'actualisation, mais en revenant d'abord sur la force de l'événement lui-même. Le récit prend appui sur une enquête archivistique minutieuse qui permet de reconstituer, par le bas, les stratégies des acteurs, leurs luttes comme l'ouverture des possibles qui marque ces journées. L'événement dépasse dès ses débuts le cadre parisien. De la rue Julien-Lacroix aux concessions de Shanghai en passant par l'insurrection kabyle, la Croix-Rousse à Lyon ou la république des cultivateurs aux Caraïbes, le livre propose une histoire à différentes échelles, du local au global, en décrivant des interconnections multiples.
De là un essai vif et original sur l'histoire transnationale des échos entre l'espérance révolutionnaire française et les trajectoires insurrectionnelles mondiales, doublé d'une réflexion renouvelée sur les rapports entre ordre social et révolution.
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De Gaulle ; une certaine idée de la France
Julian Jackson
- Seuil
- L'univers Historique
- 22 Août 2019
- 9782021396317
S'appuyant sur une très large masse d'archives et de mémoires, Julian Jackson explore toutes les dimensions du mystère de Gaulle, sans chercher à lui donner une excessive cohérence. Personne n'avait décrit ses paradoxes et ses ambiguïtés, son talent politique et sa passion pour la tactique, son pragmatisme et son sens du possible, avec autant d'acuité et d'esprit. Des citations abondantes, éblouissantes d'intelligence, de drôlerie, de méchanceté parfois, restituent la parole de De Gaulle mais aussi les commentaires de Churchill et de tous ceux qui ont appris à le connaître, à se méfier de lui ou à s'exaspérer de son caractère vindicatif, de son ingratitude ou de ses provocations...
Aucun détail inutile ici et aucun des défauts de ces biographies-fleuves où l'on se perd, mais une narration toujours tendue, attachée aux situations politiques, intellectuelles, sociales et aux configurations géopolitiques qui éclairent une action et son moment.
Julian Jackson relit cette existence politique hors norme et son rapport à la France à la lumière des questions du passé, qu'il restitue de manière extraordinairement vivace, et de celles qui nous occupent aujourd'hui - et notamment l'histoire coloniale et l'Europe, la place de la France dans le monde, mais aussi évidemment les institutions de la Ve République. En ce sens, c'est une biographie pour notre temps.
C'est aussi une biographie à distance, par un observateur décalé qui mieux qu'aucun autre fait ressortir le caractère extravagant d'un personnage singulier à tout point de vue, extraordinairement romanesque dans ses audaces comme dans ses parts d'ombre, et dont l'héritage ne cesse de hanter la mémoire des Français.
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Ces grandes figures qui ont fait l'histoire : Charisme et politique au XXe siècle
Ian Kershaw
- Seuil
- L'univers Historique
- 25 Août 2023
- 9782021488524
L'époque contemporaine a vu l'émergence de conflits planétaires. Des sociétés entières ont été bouleversées. À leur tête, des dirigeants capables de galvaniser les foules, qui détenaient un terrifiant éventail d'instruments de contrôle, de propagande et de mort.
Le nouveau livre de Ian Kershaw propose une analyse lucide et stimulante des conditions d'émergence de cette toute-puissance, en passant au crible les personnalités et les moyens d'action de ces autocrates, qu'ils agissent sur la scène mondiale (Lénine, Staline, Hitler, Mussolini) ou que leur rôle se cantonne à une échelle plus nationale (Tito, Franco). Qu'est-ce qui, chez ces individus, et à l'époque où ils vivaient, leur a permis d'exercer un pouvoir aussi illimité et meurtrier ? Et qu'est-ce qui a mis fin à cette ère de terreur ?
Rassemblant un groupe de figures contrastées, qui inclut aussi de grands dirigeants tels Churchill, de Gaulle, Adenauer, Gorbatchev, Thatcher et Kohl, Kershaw utilise sa connaissance unique du champ politique pour réfléchir à la manière dont des chefs politiques, en tout point différents, ont exercé le pouvoir et changé le monde.
Un ouvrage vif et passionnant par l'un des meilleurs analystes de l'histoire politique de du XXe siècle. -
Les révoltes du ciel ; une histoire du changement climatique, XVe-XXe siècle
Jean-baptiste Fressoz, Fabien Locher
- Seuil
- L'univers Historique
- 8 Octobre 2020
- 9782021058147
De l'aube de l'époque moderne au milieu du XXe siècle, les sociétés occidentales ont débattu du changement climatique, de ses causes et de ses effets sur les équilibres écologiques, sociaux, politiques. On ne se préoccupait alors ni de CO2 ni d'effet de serre. On pensait par contre que couper les forêts et transformer la planète modifieraient les pluies, les températures, les saisons. Cette question fut posée partout où l'histoire avançait à grands pas : par les Conquistadors au Nouveau Monde, par les révolutionnaires de 1789, par les savants et les tribuns politiques du XIXe siècle, par les impérialistes européens en Asie et en Afrique jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.
Cette enquête magistrale raconte pour la première fois les angoisses et les espoirs de sociétés qui, soumises aux aléas du ciel, pensent et anticipent les changements climatiques. Elle montre que la transformation du climat fût au coeur de débats fondamentaux sur la colonisation, Dieu, l'Etat, la nature et le capitalisme et que de ces batailles ont émergé certains concepts-clés des politiques et des sciences environnementales contemporaines. Si, pendant un bref laps de temps, l'industrie et la science nous ont inculqué l'illusion rassurante d'un climat impassible, il nous faut, à l'heure du réchauffement global, affronter de nouveau les révoltes du ciel.
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Le génocide au village ; le massacre des Tutsi au Rwanda
Hélène Dumas
- Seuil
- L'univers Historique
- 6 Mars 2014
- 9782021166866
Cette histoire « à la loupe » permet de saisir concrètement le caractère massif et fulgurant du génocide des Tutsi et les seuils de violence inédits qui ont été franchis. Fruit d'une enquête d'une dizaine d'années dans une commune du Rwanda, elle reconstitue, à travers ses lieux, ses acteurs et ses rescapés, ce déchaînement meurtrier concentré sur trois mois et révèle la très grande proximité géographique, sociale, familiale des bourreaux et de leurs victimes. Nourri des témoignages aux procès, ceux des survivants, des tueurs et des témoins, mais aussi de déambulations sur les lieux de l'extermination, le récit met en lumière les mécanismes de ces massacres de proximité et la créativité meurtrière des bourreaux qui ont assuré la redoutable efficacité du génocide ; il éclaire l'ampleur de la participation populaire, ainsi que le rôle des imaginaires de guerre défensive et d'animalisation des victimes qui ont animé les tueurs. Ce texte est aussi l'histoire de la confrontation d'un chercheur à la violence inouïe d'une parole et de la commotion produite par les traces physiques de l'extermination. À ce titre, il invite à une réflexion sur les manières de faire l'histoire d'un événement dont tant de dimensions demeurent inédites au regard des autres configurations de violence extrême.
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Quest-ce que lhistoire ? que font réellement les historiens, de Homère à Max Weber, une fois quils sont sortis de leurs documents et archives et quils procèdent à une « synthèse » ? Font-ils létude scientifique des diverses créations et activités des hommes dautrefois ? Leur science est-elle celle de lhomme en société ?Bien moins que cela ; la réponse à la question na pas changé depuis deux mille deux cents ans que les successeurs dAristote lont trouvée : les historiens racontent des événements vrais qui ont lhomme pour acteur. Lhistoire est un roman vrai.
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L'élection interdite : Itinéraire de Joséphine Pencalet, ouvrière bretonne (1886-1972)
Fanny Bugnon
- Seuil
- L'univers Historique
- 10 Mai 2024
- 9782021563221
En 1925, une poignée de femmes se présentent aux élections municipales sous la bannière communiste, alors même qu'elles n'ont pas le droit de vote, et encore moins celui d'être élues. Parmi elles, Joséphine Pencalet à Douarnenez, en Bretagne. Fille de marin, elle fait partie de ces sardinières, les Penn Sardin, qui quelques mois plus tôt ont défrayé la chronique, jusqu'en première page des journaux nationaux, pour avoir mené une grève dure, longue et victorieuse. Elle est élue. C'est une première dans la vie politique française. Mais la victoire est de courte durée. L'élection est invalidée et Joséphine Pencalet tombe dans l'oubli jusqu'à sa redécouverte progressive à la faveur des initiatives de quelques passeurs de la mémoire locale et du renouveau féministe. Aujourd'hui, son nom est même donné à des rues et brandi comme un emblème. Mais qui était vraiment Joséphine Pencalet ? Une Louise Michel bretonne ? Une féministe avant l'heure ?
Pour répondre à ces questions, Fanny Bugnon se penche sur les archives, les traces et les silences laissés par cette femme au destin tout à la fois ordinaire et remarquable. Retraçant l'itinéraire de cette inconnue, au-delà de la période relativement courte de son engagement politique et syndical, elle dévoile les enjeux sociaux, politiques et économiques qui ont traversé la condition féminine au cours du xxe siècle, bien au-delà de son port d'attache breton.
Maîtresse de conférences en histoire contemporaine et études sur le genre à l'université Rennes 2, Fanny Bugnon a publié : Le Sexe interdit. La sexualité des Français et sa répression (L'Iconoclaste, 2022, avec Pierre Fournié) et Les « Amazones de la terreur ». Essai sur la violence politique des femmes, de la Fraction armée rouge à Action directe (Payot, 2015). -
Vaccination : Histoire d'un consentement
Gaëtan Thomas
- Seuil
- L'univers Historique
- 22 Mars 2024
- 9782021491012
Alors que la défiance vis-à-vis des vaccins fait régulièrement les gros titres, l'observation des comportements montre une tout autre réalité avec des taux de vaccination très élevés dans la population française. Comment expliquer cet apparent paradoxe et que dit-il du rapport entre individus et autorité médicale ?
Retraçant l'histoire de la vaccination en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, au moment où se mettent en place les structures qui définissent aujourd'hui encore la santé publique, Gaëtan Thomas enquête sur le travail scientifique, les mutations du pouvoir sanitaire et l'influence des organisations internationales. Au cours de cette période, la vaccination change d'échelle, aussi bien en termes de nombre de personnes vaccinées que de pathologies couvertes. Le consentement des individus, désormais en première ligne dans la défense d'une santé collective, pose un défi de taille aux médecins et politiques qui mettent en oeuvre une série de stratégies pour le garantir.
À partir des années 1980, le retour de la menace infectieuse - du VIH Sida au Covid 19 -, les scandales et affaires, ainsi que l'explosion du prix des produits pharmaceutiques nourrissent fantasmes, angoisses et spéculations. Mais, si les polémiques donnent de l'ampleur au phénomène de l'« hésitation » vaccinale, de nouvelles injections n'en continuent pas moins à entrer en usage. -
Le détail du monde ; l'art perdu de la description de la nature
Romain Bertrand
- Seuil
- L'univers Historique
- 7 Mars 2019
- 9782021421415
Les mots nous manquent pour dire le plus banal des paysages. Vite à court de phrases, nous sommes incapables de faire le portrait d'une orée. Un pré, déjà, nous met à la peine, que grêlent l'aigremoine, le cirse et l'ancolie. Il n'en a pourtant pas toujours été ainsi. Au temps de Goethe et de Humboldt, le rêve d'une « histoire naturelle » attentive à tous les êtres, sans restriction ni distinction aucune, s'autorisait des forces combinées de la science et de la littérature pour élever la « peinture de paysage » au rang d'un savoir crucial. La galaxie et le lichen, l'enfant et le papillon voisinaient alors en paix dans un même récit. Ce n'est pas que l'homme comptait peu : c'est que tout comptait infiniment. Des croquis d'Alfred Wallace aux « proêmes » de Francis Ponge, des bestiaires de William Swainson aux sonnets de Rainer Maria Rilke, ce livre donne à entendre le chant, aussi tenace que ténu, d'un très ancien savoir sur le monde - un savoir qui répertorie les êtres par concordances de teintes et de textures, compose avec leurs lueurs des dictionnaires éphémères, s'abîme et s'apaise dans le spectacle de leurs métamorphoses.
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De la grêle et du tonnerre : Histoire médiévale des imaginaires paysans
Jean-pierre Devroey
- Seuil
- L'univers Historique
- 8 Mars 2024
- 9782021562262
Pourquoi la grêle tombe-t-elle ici et pas ailleurs ? Qu'a-t-on fait au ciel pour que gronde le tonnerre ? Démunis face aux aléas de la nature, les paysans d'autrefois n'en ont pas moins toujours cherché à comprendre les causes des événements climatiques extrêmes. Au point de leur attribuer un sens moral ou symbolique que l'Église, et d'une manière générale tous ceux qui se croient détenteurs d'un savoir légitime, ont cru devoir rejeter comme superstition.
C'est le cas de l'archevêque de Lyon Agobard qui, dans les années 810, rédige un petit traité intitulé Sur la grêle et le tonnerre. Il y évoque ces « tempestaires », ou « escamoteurs » qui prétendent éloigner les intempéries en jetant des sorts. Tel est le point de départ d'une passionnante enquête qui porte sur la longue durée des imaginaires paysans, mais aussi sur l'histoire politique et intellectuelle de leurs pratiques sociales, ainsi que sur leurs stratégies pour maîtriser la nature.
Les oubliés de l'histoire, ceux qui n'ont guère droit de cité dans les sources écrites que produisent les élites, y retrouvent non seulement leur dignité, mais aussi leur capacité d'agir. Car elles sont fondées sur des rationalités pratiques dont ce livre entreprend l'archéologie sensible, à la recherche des « arrière-pays » du monde paysan. -
Mystérieuse, ancestrale, sauvage ou à conquérir, la forêt fascine, effraie, attise la convoitise. La civilisation s'est construite contre, à côté mais aussi avec ces espaces largement inconnus et étranges. Lieu d'exil, de refuge et spiritualité, terrain de chasse et de jeux, la forêt nourrit l'imaginaire. Dans le même temps, réserve de matières premières et de ressources énergétiques, les bois ont permis à la population européenne de vivre et de survivre.
Martine Chalvet embrasse le temps long, de la Gaule « chevelue » des Celtes aux protestations écologiques actuelles. Elle analyse les différentes facettes des paysages forestiers, mais aussi les logiques multiples et concurrentes qui se sont affrontées autour de la possession, de la domestication et de l'exploitation des territoires boisés, enjeu économique et stratégique, source de revenus vitaux pour les uns et symbole de richesse foncière pour les autres.
Si 2011 est l'année de la forêt, ce livre lui restitue son histoire, sa grandeur comme les menaces qui pèsent sur elle.
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Amis ou ennemis ? Emotions, relations, identités au Moyen Age
Régine Le Jan
- Seuil
- L'univers Historique
- 16 Février 2024
- 9782021539578
L'opposition entre amis et ennemis, amitié et haine est universelle mais elle se décline sous des formes très diverses selon les sociétés, entre valeurs contraires et pratiques de médiation, émotions et relations. Dans les sociétés occidentales qui se sont développées sur les ruines de l'Empire romain, la guerre et l'honneur d'un côté, le christianisme de l'autre, ont été des facteurs d'identité collective et de puissants marqueurs sociaux. Selon les cas, les historiens ont décrit des sociétés de face à face, des sociétés de vengeance, mettant l'accent sur la faiblesse des régulations étatiques, ou au contraire des sociétés fluidifiées par l'amitié entre les élites et l'amour divin. Culture de la haine, de la violence ou culture de l'amour et du pardon ? Sociétés prédatrices ou sociétés du don ? Ce livre refuse ces dichotomies réductrices, comme les oppositions genrées et sexualisées qui ont été introduites au XIXe siècle entre amour et amitié, sentiments (ou sensibilité) et relations, nature et culture. Conçu dans une perspective anthropologique et décentrée, il considère que la personne médiévale n'existe que par ses relations et ses identités multiples, superposables et interchangeables, avec les vivants et les morts, ici-bas et au-delà. Par une relecture des sources et des exemples concrets, le livre s'attache ainsi à faire comprendre comment les femmes et les hommes du haut Moyen Âge vivaient et exprimaient leurs relations affectives et comment ils pensaient leur monde.
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L'apocalypse joyeuse ; une histoire du risque technologique
Jean-baptiste Fressoz
- Seuil
- L'univers Historique
- 23 Février 2012
- 9782021056983
Pour certains analystes, nous serions entrés, depuis peu, dans une modernité enfin réflexive, succédant à une modernité simple de la révolution scientifique puis de la révolution industrielle qui aurait été aveugles aux risques et aux effets secondaires de la civilisation technicienne sur l'environnement. Mais sommes-nous les premiers à distinguer dans les lumières éblouissantes du progrès technique, l'ombre de ses dangers ? En occultant la réflexivité environnementale des sociétés passées, ce schéma simpliste dépolitise l'histoire longue de la destruction des environnements et altère notre possibilité d'appréhender lucidement la crise environnementale actuelle. Pour éviter cette amnésie, une histoire politique du risque technologique et de sa régulation sur la longue durée était nécessaire.L'Apocalypse joyeuse expose l'entrée de la France et de la Grande-Bretagne dans la modernité industrielle (fin XVIIIe-XIXe siècle), celle des vaccins, des machines, des usines chimiques et des locomotives. Elle nous plonge au coeur des controverses vives qui surgirent autour des risques et des nuisances de ces innovations, et montre comment les critiques et les contestations furent réduites ou surmontées pour qu'advienne la société industrielle.L'histoire du risque ici racontée n'est pas celle d'une prise de conscience, mais celle de la construction d'une certaine inconscience modernisatrice.
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Auschwitz, enquête sur un complot nazi
Florent Brayard
- Seuil
- L'univers Historique
- 19 Janvier 2012
- 9782021060331
On le sait depuis les procès de Nuremberg : la " solution finale de la question juive " était un secret d'État partagé par les plus hautes élites nazies. Eux connaissaient le sort des juifs européens déportés " à l'Est " : la mise à mort systématique, à Auschwitz ou ailleurs.À suivre son Journal, pourtant, Goebbels apparaît comme un cas à part. Il avait certes connaissance du massacre des juifs soviétiques puis polonais. Mais il crut durablement que les juifs déportés depuis Berlin étaient concentrés " à l'Est " dans des ghettos, dans l'attente d'une transplantation future, alors même qu'ils étaient systématiquement exterminés. Intime de Hitler et figure centrale du régime, Goebbels aurait-il été une exception ?S'appuyant sur une très large documentation, Florent Brayard fait ici le pari inverse : la singularité du cas Goebbels invite en réalité à repenser le secret qui entoura Auschwitz. Car les archives révèlent de nombreuses anomalies, passées souvent inaperçues, qui montrent indubitablement que la " solution finale " fut pendant longtemps présentée au sein de l'appareil d'État comme une simple transplantation.De fait, même dans le Reich nazi, le meurtre de tous les juifs européens constituait un acte hautement transgressif, que Hitler et Himmler avaient préféré cacher. Autrement dit, un complot. La conférence de Wannsee en janvier 1942 ne fut donc pas le moment où ce meurtre fut révélé : il fallut attendre octobre 1943 et les fameux discours de Himmler à Posen. Et tout, ou presque, était alors achevé.La " solution finale de la question juive " ainsi avait été plus qu'un secret, un complot.
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Anatomie de la Terreur ; le processus révolutionnaire, 1787-1793
Timothy Tackett
- Seuil
- L'univers Historique
- 15 Mars 2018
- 9782021323672
Comment l'élan démocratique de 1789 a-t-il pu donner naissance à la violence terroriste de 1793 ? Cette question obsédait déjà les contemporains, qui y voyaient non seulement un défi politique et une épreuve morale mais aussi un scandale logique. « Ce qui sera à jamais incompréhensible, c'est le contraste inouï de nos principes et de nos folies », écrit le révolutionnaire Dominique-Joseph Garat dès 1795.
Timothy Tackett n'instruit pas le procès de la Révolution, il décrit le processus révolutionnaire. Dans un livre très neuf, s'appuyant sur les correspondances, pour la plupart inédites des acteurs des journées révolutionnaires, le grand historien américain restitue le sens des événements et des engagements, au plus près de la manière dont ils furent vécus, et des émotions politiques qui s'y exprimèrent. Après avoir expliqué dans Par la volonté du peuple (1997) comment l'on devenait révolutionnaire, l'auteur montre ici avec brio comment l'on peut devenir terroriste.
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La contamination du monde ; une histoire des pollutions à l'âge industriel
François Jarrige, Thomas Le roux
- Seuil
- L'univers Historique
- 5 Octobre 2017
- 9782021085761
Autrefois sources de nuisances locales circonscrites, les effets des activités humaines sur l'environnement se sont transformés en pollutions globales. Le climat se réchauffe, les mers s'acidifient, les espèces disparaissent, les corps s'altèrent : en rendre compte d'un point de vue historique permet de ne pas sombrer dans la sidération ni dans le découragement face à un processus qui semble devenu inéluctable. Car le grand mouvement de contamination du monde qui s'ouvre avec l'industrialisation est avant tout un fait social et politique, marqué par des cycles successifs, des rapports de force, des inerties, des transformations culturelles. En embrassant l'histoire des pollutions sur trois cents ans, à l'échelle mondiale, François Jarrige et Thomas Le Roux explorent les conflits et l'organisation des pouvoirs à l'âge industriel, mais aussi les dynamiques qui ont modelé la modernité capitaliste et ses imaginaires du progrès.
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Le miroir d'Oedipe : Penser l'esclavage
Paulin Ismard
- Seuil
- L'univers Historique
- 29 Septembre 2023
- 9782021538519
Pourquoi la pensée politique grecque a-t-elle occulté la question de l'esclavage ? Qui sait que le jardin de l'Académie a été acquis par Platon avec l'argent de son affranchissement ? Qui parle de l'esclave qui détient le secret de la naissance d'oedipe ? Le développement de la société esclavagiste athénienne et l'avènement de la démocratie entretiennent des liens étroits. Chez les Grecs, l'esclavage est un « fait social total », imprégnant le fonctionnement de l'ensemble de la société.
Pourtant, on chercherait en vain un corps de doctrine ou un grand récit par lequel les penseurs athéniens auraient entrepris de légitimer l'esclavage ou d'en penser les implications sociales et politiques. Rien hormis quelques digressions.
Ce livre fait le pari suivant : la relative absence de discours sur l'esclavage chez les Anciens n'est pas signe d'un manque qu'il reviendrait à l'historien de combler. Elle est un symptôme, qui l'invite à observer les formes par lesquelles une société aménage une place à ceux dont elle organise la non-existence.
Insu et déni : Paulin Ismard conduit une enquête fascinante à travers les rares discours grecs sur l'esclavage. Empruntant à l'histoire comparée et à la littérature, l'auteur révèle des réalités anthropologiques qui n'ont pas cessé de produire leurs effets.