Joseph a sept ans. Il est né après la Première Guerre mondiale dans les quartiers pauvres de la Bastille, à Paris. Grandir entouré de l'amour de sa mère et de sa grand-mère, apprendre et découvrir sont les moteurs de toute sa vie. Mais son monde bascule le jour où sa mère disparaît et où il devient pupille de l'État, un État qui a mis en place tout un système de « protection » des enfants pauvres, dont les bonnes intentions n'ont d'égal que la cruauté. De la prison pour enfants à la colonie pénitentiaire, la force de Joseph, les coups de dé du hasard, et la découverte de la musique lui permettront de traverser le pire. Dans une France portée par l'espoir du Front Populaire, peut-être retrouvera-t-il sa vie et sa joie.
L'écriture intense de Véronique Olmi épouse le regard de ce gamin tendre et courageux confronté à la violence du monde adulte. Jamais, depuis Bakhita, la romancière n'avait trouvé une voix aussi puissante et juste pour raconter la renaissance d'un être à la vie. Un roman déchirant et révolté, un des plus beaux textes sur l'enfance à l'aube du siècle dernier.
À la mort de sa grand-mère, une jeune femme hérite de l'intrigante commode qui a nourri tous ses fantasmes de petite fille. Le temps d'une nuit, elle va ouvrir ses dix tiroirs et dérouler le fil de la vie de Rita, son Abuela, dévoilant les secrets qui ont scellé le destin de quatre générations de femmes indomptables, entre Espagne et France, de la dictature franquiste à nos jours.
La Commode aux tiroirs de couleurs signe l'entrée en littérature d'Olivia Ruiz, conteuse hors pair, qui entremêle tragédies familiales et tourments de l'Histoire pour nous offrir une fresque romanesque flamboyante sur l'exil.
Chanteuse et artiste multi-facettes, Olivia Ruiz offre une lecture intimiste agrémentée de virgules musicales originales créées avec David Hadjadj, comme un cadeau offert à son public.
Elle a été enlevée à sept ans dans son village du Darfour et a connu toutes les horreurs et les souffrances de l'esclavage. Rachetée à l'adolescence par le consul d'Italie, elle découvre un pays d'inégalités, de pauvreté et d'exclusion.
Affranchie à la suite d'un procès retentissant à Venise, elle entre dans les ordres et traverse le tumulte des deux guerres mondiales et du fascisme en vouant sa vie aux enfants pauvres.
Bakhita est le roman bouleversant de cette femme exceptionnelle qui fut tour à tour captive, domestique, religieuse et sainte. Avec une rare puissance d'évocation, Véronique Olmi en restitue le destin, les combats incroyables, la force et la grandeur d'âme dont la source cachée puise au souvenir de sa petite enfance avant qu'elle soit razziée.
« À force de vouloir m'abriter en toi, j'ai perdu de vue que c'était toi, l'orage. Que c'est de toi que j'aurais dû vouloir m'abriter. Mais qui a envie de vivre abrité des orages ? ».
Frida parle haut et fort, avec son corps fracassé par un accident de bus et ses manières excessives d'inviter la muerte et la vida dans chacun de ses gestes. Elle jure comme un charretier, boit des trempées de tequila. Elle aime participer à des manifestations politiques, mettre des fleurs dans les cheveux, parler de sexe crûment et se rendre dans des fêtes à réveiller les squelettes. Et elle peint.
Par-dessus tout, Frida aime Diego, le peintre le plus célèbre du Mexique, son crapaud insatiable, fatal séducteur, qui couvre les murs de fresques gigantesques.
L'auteure expose les passions, l'art et les souffrances de la peintre fracassée, cette magicienne des couleurs et prêtresse d'une féminité affranchie.
Claire Berest lit avec joie, sensualité et passion, cette histoire d'amours, de souffrances et de couleurs explosives.
«Paula s'avance lentement vers les plaques de marbre, pose sa paume à plat sur la paroi, mais au lieu du froid glacial de la pierre, c'est le grain de la peinture qu'elle éprouve. Elle s'approche tout près, regarde : c'est bien une image. Étonnée, elle se tourne vers les boiseries et recommence, recule puis avance, touche, comme si elle jouait à faire disparaître puis à faire revenir l'illusion initiale, progresse le long du mur, de plus en plus troublée tandis qu'elle passe les colonnes de pierre, les arches sculptées, les chapiteaux et les moulures, les stucs, atteint la fenêtre, prête à se pencher au-dehors, certaine qu'un autre monde se tient là, juste derrière, à portée de main, et partout son tâtonnement lui renvoie de la peinture. Une fois parvenue devant la mésange arrêtée sur sa branche, elle s'immobilise, allonge le bras dans l'aube rose, glisse ses doigts entre les plumes de l'oiseau, et tend l'oreille dans le feuillage.» La voix sensible et vivante de Maylis de Kerangal nous entraîne dans une plongée hypnotique à travers la matière et le temps. Une lecture riche et intense. L'écoute en classe de ce CD est autorisée par l'éditeur.
« La vie reprend. Étrangement identique. Le même quotidien, la même routine familière, rassurante. Avec un supplément de sérénité. Et le sentiment extraordinaire que la vie est belle et qu'elle le sait plus que les autres. » Amélie, architecte d'intérieur mariée à son amour de lycée et heureuse maman d'un petit garçon, vient de remporter une épreuve médicale. Elle est guérie. Après le soulagement et la joie, vient le temps des questionnements. Animée par un formidable appétit de vivre, Amélie trouve soudain son existence fade. Et pourquoi, alors que tout va pour le mieux, se sent-elle si mal ?
Bien décidée à embrasser pleinement cette deuxième vie et à ne plus laisser la raison, la peur et les doutes la gouverner, la jeune femme ose partir en quête d'elle-même. De petits en grands changements, trouvera-t-elle le bonheur auquel elle tend ?
Et si les épreuves de la vie étaient une chance de changer son destin ?
Elles sont trois soeurs, nées dans une famille catholique modeste à Aix-en-Provence. Sabine, l'aînée, rêve d'une vie d'artiste à Paris ; Hélène, la cadette, grandit entre son oncle et sa tante, des bourgeois de Neuilly-sur-Seine, et ses parents, des gens simples ; Mariette, la benjamine, apprend les secrets et les silences d'un monde éblouissant et cruel.
En 1970, dans cette société française qui change, où les femmes s'émancipent tandis que les hommes perdent leurs repères, les trois soeurs vont, chacune à sa façon, trouver comment vivre une vie à soi, une vie forte, loin de la morale, de l'éducation ou de la religion, de l'enfance. Certaines consciences s'éveillent au bouleversement du monde et annoncent le chaos à venir.
Cette saga familiale qui nous entraîne de l'après Mai 68 à la grande nuit du 10 mai 81, est tout autant une déambulation tendre et tragique dans ce siècle, que la chronique d'une époque.
Il fallait le talent de l'auteure de Bakhita pour en saisir le souffle épique et visionnaire, et la justesse intime.
Une résidence pour artistes flambant neuve. Un appartement ultramoderne, au 8e étage, avec vue sur tout Paris. Un rêve pour une romancière en quête de tranquillité. Rêve, ou cauchemar ? Depuis qu'elle a emménagé, Clarissa Katsef éprouve un malaise diffus, le sentiment d'être observée. Et le doute s'immisce. Qui se cache derrière CASA ? Clarissa a-t-elle raison de se méfier ou cède-t-elle à la paranoïa, victime d'une imagination trop fertile ?
Fidèle à ses thèmes de prédilection - l'empreinte des lieux, le poids des secrets -, Tatiana de Rosnay tisse une intrigue au suspense diabolique pour explorer les menaces qui pèsent sur ce bien si précieux, notre intimité.
Benoîte Groult analyse, dans Ainsi soit-elle, « l'infini servage » des femmes et lance la première protestation publique contre la pratique de l'excision. Livre simple et direct pour que tous comprennent, livre lucide et courageux où l'humour est aussi une arme dans un combat qui se veut toujours positif.
« Il faut que les femmes crient aujourd'hui. Et que les autres femmes - et les hommes - aient envie d'entendre ce cri. Qui n'est pas un cri de haine, à peine un cri de colère, mais un cri de vie. » B.G.
« C'est folie de croire que les périodes vides d'amour sont les «blancs» d'une existence de femme », écrivait Colette, en 1937. Car c'est le temps où peut fleurir sa vie propre, saison de poèmes comme l'atteste La Naissance du jour, composée l'été de ses cinquante-quatre ans. « L'âge où s'offre, en coupe d'oubli, le dernier amour n'est-il pas plutôt celui d'inventer, hors des dépendances, sa maturité au pays du soleil ? »
Gloria a choisi ce jour de juin pour partir. Elle file récupérer ses filles à l'école et les embarque sans préavis pour un long voyage. Toutes trois quittent les rives de la Méditerranée en direction du Nord, la maison alsacienne dans la forêt de Kayserheim où Gloria, enfant, passait ses vacances. Pourquoi cette désertion soudaine ? Quelle menace fuit-elle ? Pour le savoir, il faudra revenir en arrière, dans les eaux troubles du passé, rencontrer Giovannangeli, qui l'a prise sous son aile à la disparition de son père, lever le voile sur la mort de Samuel, le père de ses enfants - où était Gloria ce soir-là -, et comprendre enfin quel rôle l'avocat Santini a pu jouer dans toute cette histoire. Jusqu'où peut-on protéger ses enfants ? Dans ce roman tendu à l'extrême, Véronique Ovaldé met en scène un fascinant personnage de mère dont l'inquiétude face au monde se mue en un implacable sang-froid pour l'affronter. D'une voix douce et haletante, Véronique Ovaldé nous emporte dans un univers sous haute tension, partagé entre le passé et le présent.L'écoute en classe de ce CD est autorisée par l'éditeur.
« Ces pages, lues à deux voix, sont tirées de Textes pour un poème (1949-1970) et de Poèmes pour un texte (1970-1991). Les deux livres présentent un choix, à travers quarante années de poésie. Les titres qui s'inversent voudraient refléter - comme dans un miroir - la même image, suggérer une même démarche. [...] Les guets-apens de l'événement et du temps, qui tentent d'enserrer chacun entre les parois de l'âge, des frontières, du milieu social devraient être très vite balayés par les souffles de la poésie. [...] La poésie n'est pas refus ou survol de la vie ; plutôt une manière de la féconder, de rendre compte de ses largesses. Elle témoigne aussi d'une soif qui nous hante, d'une interrogation qui nous garde en haleine.
Chaque poème achevé devrait apparaître comme un caillou dans la forêt insondable de la vie ; comme un anneau dans la chaîne qui nous relie à tous les vivants.
Le Je de la poésie est à tous Le Moi de la poésie est plusieurs Le Tu de la poésie est au pluriel. » A.C.
"Je traversais la rue... Vincent passait sur le trottoir d'en face. Je me suis arrêtée au milieu du carrefour. J'étais là, figée. Le coeur battant. Je regardais son dos qui s'éloignait. Torse large, hanches étroites, il avait une stature impressionnante. J'aurais pu courir, le rattraper. Il a tourné au coin de la rue. Je suis restée debout, les jambes coupées. Les yeux fixés sur la direction qu'il avait prise. Je tremblais. Je n'arrivais plus à respirer. J'ai pris mon téléphone dans mon sac, j'ai appelé une amie."
«Maman était une force de la nature et elle avait une patience très limitée pour les jérémiades de gamines douillettes. Nos plaies, elle les désinfectait à l'alcool à 90 °, le Mercurochrome apparemment était pour les enfants gâtés. Et puis il y avait l'éther, dans ce flacon d'un bleu céruléen comme la sphère vespérale. Cette couleur était la sienne, cette profondeur du bleu sombre où se perd le coup de poing lancé contre Dieu.» Ce premier roman raconte l'amour inconditionnel liant une mère à ses filles, malgré ses fêlures et sa défaillance. Mais l'écriture poétique et sulfureuse de Violaine Huisman porte aussi la voix déchirante d'une femme, une femme avant tout, qui n'a jamais cessé d'affirmer son droit à une vie rêvée, à la liberté. Violaine Huisman met en voix ses propres mots et livre une déclaration d'amour bouleversante. Une lecture d'une rare intensité. L'écoute en classe de ce CD est autorisée par l'éditeur.
C'est une histoire française, presque un roman, mais tout y est vrai, qui oppose deux France. Celle des Cossé-Brissac, le côté maternel de Félicité Herzog, dont la grand-mère May, aussi libre de son corps en privé qu'attentive aux conventions de l'aristocratie en public, reçoit dans son hôtel particulier le Tout-Paris de l'occupation, le Tout-Vichy, de Paul Morand à Pierre Drieu La Rochelle, de Josée Laval (la fille de Pierre Laval) à Coco Chanel. Une jeune fille grandit là, qui désapprouve en silence, puis désobéit. Cette belle adolescente promise à un mariage de l'entre-soi se nomme Marie-Pierre de Cossé-Brissac. C'est la mère de l'auteure.
L'autre France, c'est celle plus lumineuse, jeune, bravache, idéaliste, de la résistance. Le fils d'un grand bourgeois juif parisien rejoint le maquis du Vercors. À la fin de la guerre, Simon Nora, rebaptisé « Kim » dans son réseau, est le seul survivant du massacre de la grotte aux fées. L'aristocrate de haute lignée rencontre alors l'héritier du judaïsme.
Les héritiers des deux France s'aiment comme s'ils n'en formaient qu'une. Mais auront-ils le droit à la liberté ?
C'est avec pudeur et humour, mais aussi avec une sincérité touchante, parfois insolente, que Benoîte Groult choisit d'aborder, dans La Touche étoile (Grasset, 2006), le délicat sujet de la vieillesse.
« L'âge est un secret bien gardé. Dire ce qu'est la vieillesse, c'est chercher à décrire la neige à des gens qui vivent sous les Tropiques. Pourquoi leur gâcher la vie sans soulager la sienne ? Je préfère nier l'évidence en bloc et me battre le dos au mur tant que je peux encore gagner quelques batailles. Car, il faut le savoir, en plus d'ouvrir la porte à bon nombre de maladies, la vieillesse est une maladie en soi. Il importe donc de ne pas la contracter. » B.G.
Depuis que la famille royale a emménagé dans un trois pièces en HLM, la princesse Alystère est aux anges. Alors que ses parents dépriment, elle aime tout de leur nouvelle vie : la tour en béton, le son de la télé des voisins, le balcon d'où elle observe la rue. Elle a remarqué que les autres enfants se rendent tous les jours dans une grande maison en ciment gardée par une grille. Elle brûle d'aller jouer avec eux dans la cour et de les suivre quand ils se mettent en rang. Mais comment se mêler aux autres quand on porte une robe à crinoline et une couronne sur la tête ?
Passer toute sa journée chez Ikea, rencontrer ses beaux-parents, se faire larguer au café, cohabiter avec son ado, faire un peu trop la fête... Autant de situations qui peuvent nous déboussoler. Que faire pour éviter la crise de nerfs ou de larmes ? Et si vous invitiez Platon, Spinoza, Nietzsche et leurs amis pour évoquer toutes ces questions du quotidien ? Qu'est-ce que Kant aurait répondu à un texto de rupture ? Aristote aurait-il repris une vodka ? L'herbe est-elle plus verte chez Épicure ? Les philosophes quittent enfin leurs bibliothèques pour devenir nos complices. Douze récits, douze concepts, douze philosophies pour nous aider à réagir avec humour à toutes les surprises de la vie. Pétillante et éloquente, Marie Robert nous livre une savoureuse leçon de philosophie, pour faire face à toutes les situations de la vie ! L'écoute en classe de ce CD est autorisée par l'éditeur.
Composition intimiste, Hammerklavier joue une partition où se dévoilent des notes fulgurantes : brefs instants de vie, fragments autobiographiques, anecdotes, rêves et souvenirs. Avec le style incisif qui est le sien, l'auteure met en musique et en scène, dans de courts textes, comiques ou tendres, ses préoccupations singulières sur l'art, la judéité, le temps qui passe... Autant de chapitres, autant de mélodies distinctes. Avec Hammerklavier, Yasmina Reza quitte le théâtre pour le récit, sans rien perdre de sa force dramatique ni de l'acuité de son regard.
« Il n'y a pas longtemps, j'ai regardé mon fils, un soir, de dos, il avait deux ans.
Il jouait et je regardais sa nuque et ses petits cheveux noirs bouclés et j'ai pensé au vieux monsieur qu'il sera avec ses cheveux, petits fils serrés gris, courts mais encore un peu ondulés, très doux, un vieux monsieur que je ne verrai jamais. |...] » Y.R.
Dans ce livre vérité sur la maladie de Parkinson dont Catherine Laborde est victime, elle raconte tout en pudeur, émotion, humour aussi, ce mal qui touche plusieurs milliers de personnes, malades et aidants inclus.
« Après avoir réfléchi à mon quotidien, j'établis ainsi la liste non exhaustive des symptômes de la maladie de Parkinson qui me touchent : trembler, baver, tourner en rond, crampe, ralentissement de la marche, hésitations, mémoire récente défaillante, discours incohérent, cauchemars, perte de repères géographiques, main gauche tordue, constipation, larmes, sentimentalisme, trébuchements, insomnies, hallucinations fugaces. Mais aussi fourmillement dans les pieds, le dos, peur des escaliers, des vélos, de la vitesse, des bêtes sauvages, d'être abandonnée, d'être seule la nuit, peur de tout, perte des repères géographiques, généalogie incertaine, déambulations sans objet.
Est-ce que tout cela fait une maladie ? »
« Arcimboldo ! C'est lui... Un bolide, tombé ici tout d'un coup, Dieu sait comment, Dieu sait d'où... Arcimboldo tout entier. Arcimboldo au grand complet. L'arci... énorme, démesuré... et le bold audacieux et le "o" insolent, arrogant qui le redresse encore plus haut, le cambre, le cabre... Arcimboldo. Tout ici est à lui. Ici est l'espace dont il a besoin pour prendre ses aises... répandre aussi loin qu'il le voudra ses ondes... Déployer sa désinvolture. Son outrecuidance.
Qu'il fasse venir ici cela et encore cela; tout ce qui lui chante, ces fleurs, ces légumes, ces fruits, ces objets incongrus, ces bêtes étranges, qu'il en dispose comme bon lui semble... Arcimboldo, l'assurance même. L'affirmation. Le défi. Arcimboldo. Tout ici n'est que lui. Arcimboldo. » N.S.
« Un jour, ils sont là. Un jour, sans aucun souci de l'heure. On ne sait pas d'où ils viennent, ni pourquoi ni comment ils sont entrés. Ils entrent toujours ainsi, à l'improviste et par effraction. Et cela sans faire de bruit, sans dégâts apparents. Ils ont une stupéfiante discrétion de passe-muraille. Ils : les personnages. On ignore tout d'eux, mais d'emblée on sent qu'ils vont durablement imposer leur présence. » S.G.
D'où viennent les personnages des romans et quel chemin suivent-ils dans l'esprit de l'écrivaine ? C'est de cette question que naît une réflexion passionnante sur l'inspiration, née à la fois en soi et en dehors de soi, à la manière de ces personnages surgis de nulle part et pourtant si présents. Créatures immatérielles qui s'incarnent progressivement, jusqu'à sembler échapper au contrôle de leur auteur, ils sont à l'origine du processus d'écriture, participent au surgissement de leur monde. Et c'est sous leur mystérieuse emprise que la romancière se met au travail.
Passionnée par l'Asie, Irène Frain se fait ici enquêtrice autant que romancière. Inspiré d'une histoire vraie, ce texte révèle la quête de Joseph Francis Rock, un explorateur de génie. Dans les années 1920, parcourant la Chine et le Tibet, il est à la recherche d'une légendaire tribu matriarcale, ultime vestige du peuple des Amazones, vivant au seuil d'une montagne plus haute que l'Everest. La découverte du Royaume des femmes deviendra pour Rock une véritable obsession.
« On me demande pourquoi j'habite la Montagne de Jade Je ris alors sans répondre Le coeur naturellement en paix Les fleurs de pêcher s'éloignent ainsi au fil de l'eau Il est un autre ciel, une autre terre que parmi les hommes. » I.F.
« Je fouille et je bâtis : je dresse des plans que je ne suis pas, des cartes qu'une nouvelle découverte me fait modifier chaque jour. Je dresse des étais, j'écarte les déblais, je cimente, je mure, et de nouvelles brèches s'ouvrent, il me faut recommencer. L'énormité de la tâche ne me rebute pas : un temps viendra, je le sais, où le présent, le passé et l'avenir seront confondus dans un même mouvement puissant dont je ne serai plus exclu. » D.S.