Trois vieilles dames zagreboises s'offrent des vacances luxueuses dans un spa. Beba, une ancienne infirmière aux cheveux blonds et aux seins énormes, cite constamment des poèmes dont elle mélange les phrases. Il est possible qu'elle gagne des milliers de dollars au casino du spa. Kukla, autrice anonyme d'un vif succès littéraire, a été veuve plus souvent qu'à son tour. Pupa, ex-gynécologue acerbe au corps tout fripé, est poussée en chaise roulante - ses jambes déformées coincées dans une botte géante. Elle rentrera chez elle dans un oeuf en bois géant.
Ce trio rocambolesque de vieilles sorcières vivra des aventures folles pendant ce séjour à Prague. Ugrešic explore le mythe de Baba Yaga pour évoquer un sujet peu traité dans la littérature contemporaine : le devenir des femmes âgées. Cette figure du folklore, de la mythologie et des contes russes (et plus largement slaves) est l'une de ses créatures les plus omniprésentes et les plus puissantes.
D'où viennent les histoires ? C'est la question que se pose la narratrice, une écrivaine et universitaire. Pour y répondre, elle se remémore plusieurs épisodes de sa vie, nous invitant à la suivre à Moscou pendant ses études, au Japon dans les sanctuaires d'Inari, au coeur des champs de mines du centre de la Croatie, sur la rive sud du Grand Canyon - en compagnie d'un certain Nabokov - ou encore dans un quartier délabré de Londres. À travers ces voyages, elle file le motif fascinant de la Renarde, démone virtuose de l'illusionnisme dans les mythologies asiatiques, érigée par certains en animal totem échu aux écrivains. Ce récit introspectif est ponctué d'anecdotes picaresques sur des figures du canon littéraire russe.
En se demandant ainsi comment naissent les récits, une nouvelle histoire est née. La Renarde est un texte vigoureux, enjoué, insaisissable et virtuose : une réflexion sur la figure de l'auteur et les oubliés de la canonisation littéraire.
J'étais assise, la tête renversée en arrière, la coiffeuse en train de me laver les cheveux et un instant, j'ai eu peur qu'en me massant lentement le cuir chevelu, elle palpe mes pensées.
Malaxer ces questions embrouillées, ces réflexions apeurées qui me trottaient dans le crâne. Moi seule devais trouver les réponses à tout cela, ses réponses à lui étaient toujours identiques, univoques, uniques. Ses réponses lui appartenaient. Qu'est-ce qui était encore à moi, rien qu'à moi ?
Dans ce recueil de portraits délicieusement décalés, Agata Tomažic démontre que ce sont parfois les personnages les plus triviaux qui s'avèrent les plus imprévisibles. Une veuve sans histoires, un fils trop chéri par sa mère bien-aimée, un jeune cadre bouffi d'orgueil.. Autant de destins ordinaires qui peuvent cacher de sombres affaires d'amours abusives, de migrants aux visages de pierre, de plantes invasives ou encore de roi-grenouille. Des personnages solitaires et déboussolés par les petites singularités du quotidien.
Mehmed aurait dû mourir à cinquante ans d'une crise cardiaque. Grâce à sa femme, Sanja, les secours arrivent à temps. Il devra cependant suivre un traitement qui pourrait altérer sa mémoire. Lui qui un jour a dû fuir son pays et y laisser une partie de son passé ne peut supporter cette idée. Il décide de se rendre avec son fils à Phoenix, Arizona, la ville où ils se sont réfugiés vingt ans plus tôt afin d'y consigner ensemble leurs souvenirs.
Dans ce texte inspiré par la vie de l'auteur, la guerre, l'exil et la maladie malmènent des personnages inoubliables que l'amour et l'art sauvent à jamais du désastre.
Oleg et Nikola partent en expédition dans la petite ville de N., oubliée du monde. Leur mission : remettre en marche l'usine de turbines devenues obsolètes mais dont un certain Colonel leur a passé commande. Ils tentent de gagner la confiance d'une population locale incrédule et se conforment avec cynisme à l'idéal socialiste yougoslave : l'autogestion. Tout cela sera-t-il beau et vain, comme de fabriquer des turbines pour le Titanic ? Dans une ère post-industrielle où le monde ouvrier se confronte au capitalisme le plus absurde, les corps se frôlent, lourds de leur passé, de leurs amours, de leurs échecs.
De la débâcle naît un roman poétique, drôle et captivant.
Zagreb 2003. Journaliste en disgrâce, Tin envoie son cousin éloigné Boris couvrir le conflit irakien pour le quotidien qui l'emploie. Le seul hic, c'est que ce dernier, ex-soldat traumatisé par la guerre des Balkans, n'a aucune qualification. Lorsque Tin reçoit ses premières nouvelles du front - des e-mails décousus et hallucinés -, il décide les réécrire sans en informer sa hiérarchie. Une terrible erreur. La première d'une longue série. Bientôt Boris disparaît à Bagdad et la vie de Tin part complètement en vrille...
Charlie est obsédé par deux choses : la musique rockabilly et sa coiffure. Au grand dam de son père, un cul-terreux qu'il vaut mieux fuir lorsqu'il a bu si l'on veut s'épargner coups et insultes... Alors que les premiers soubresauts de la guerre se font ressentir, Charlie doit affronter son entrée dans une vie d'adulte qu'il ne désire pas. Avec un humour corrosif, Damir Karakaš dépeint la relation oppressante et toxique qui unit le narrateur à sa famille et son pays, très ancrés dans les traditions.
Il livre un portrait d'une jeunesse désoeuvrée qui, confrontée aux premiers signes de la catastrophe imminente, peine à trouver sa place.
De retour dans sa ville natale, Dada retrouve sa mère et sa soeur avec l'espoir de libérer sa famille du passé. Telle une cavalière solitaire, elle enfourche sa mobylette pour tenter de faire la lumière sur la mort de son jeune frère, passionné de westerns, disparu quatre ans plus tôt.
Cet envoûtant roman d'apprentissage nous offre le portrait saisissant d'une génération perdue, au coeur d'une banlieue croate abîmée par la guerre. Une oeuvre magistrale sur l'intolérance et la violence, sur le désir et la liberté d'être différent.
Avec sa plume maniant le grotesque et l'absurde, Zoran Feric se révèle être un brillant analyste des idées reçues, de la stupidité, de la vacherie et de la vulgarité humaines. Ces dix nouvelles résonnent entre elles comme un roman choral et témoignent de l'humour noir typiquement balkanique de la période post-communiste et de la tradition littéraire kafkaïenne et hrabalienne des grands auteurs d'Europe centrale.
Ce recueil classique de la littérature croate du XXe s'impose encore aujourd'hui pour le lecteur à une élégante invitation à de nombreuses interrogations sur des sujets de société mais aussi sur la vacuité de la condition humaine et des temps contemporains.
Ton fils Huckleberry Finn est une odyssée fluviale de 24 heures à la recherche d'un père disparu. Un père qui a voulu bien faire en revenant d'Australie pour passer un peu de temps avec son fils sur la Save, ce fleuve mythique des Balkans. Mais où donc est-il passé ? S'est-il blessé en pêchant ? A-t-il pris la tangente une fois de plus ? A-t-il été victime des psychotropes que son fils lui fait ingérer pour alléger ses souffrances ? Commence alors une exploration hallucinée où l'on croise dans les méandres du fleuve un contrebandier slave au surnom anglais, un vidéaste japonais embarqué dans une croisière sans destination ou encore un grand amour perdu.
Déclaration d'amour d'un petit garçon qui ne veut pas grandir à une rivière autant fantasmée que réelle et à un pays disparu, récit expérimental d'un documentaire en train de se faire (et surtout de se défaire), réflexion sur l'exil et sur les malentendus intergénérationnels, Ton fils Huckleberry Finn embarque son lecteur dans un voyage à l'ironie douce-amère sur les rives d'un fleuve au cours tumultueux. Une sorte de Lost in la Sava facétieux et jubilatoire.
« J'avais découvert posé sur le lit un petit dessin représentant une femme et un homme à tête de taureau. (...) Le dessin est brutal. Je le déteste. Je l'adore. Je ne m'en déferai jamais. (...) Sur ce dessin, c'était moi. Ni Olga, ni Marie-Thérèse, ni aucune autre de ses amantes de passage dont il ne se rappelait pas les noms. J'étais l'élue, j'étais la gagnante, j'étais marquée. J'étais à lui. » Photographe renommée, figure prometteuse de l'avant-garde parisienne, amie intime des surréalistes André Breton et Man Ray, Dora Maar est une artiste accomplie et célébrée lorsqu'elle rencontre Pablo Picasso en 1936. Fascinée par le génie du peintre, elle rêve d'un compagnonnage artistique, d'une vie à deux faite d'amour et d'art.
Mais pour Picasso, le seul art qui compte est le sien, et leur relation ne sera pour lui qu'un matériau inépuisable pour sa propre créativité. Projetée en pleine lumière par son statut de muse, Dora Maar devient, sous les pinceaux de Picasso, une des femmes les plus scrutées de son temps, mais son art et son individualité resteront à jamais dans l'ombre du maître. De leur histoire destructrice, elle sortira anéantie.
Dans ce journal intime fictif, Slavenka Drakulic dresse le portrait tragique d'une femme et artiste extraordinaire et offre une voix à celle qui en fut privée.
Ah, la Croatie, et ses îles paradisiaques...?!
Un émissaire est envoyé sur Terzola, l'île la plus isolée de la mer Adriatique. Sur place, à peine l'eau et l'électricité, pas un seul réseau téléphonique ni de connexion Internet, deux églises mais pas de prêtre. Sa mission, et punition?: organiser, en tant qu'émissaire du gouvernement croate, des élections locales. Ses sept prédécesseurs ont échoué.
Homme politique découvrant les dialectes et coutumes pour le moins farfelus de cet îlot quasi oublié, le « ?huitième envoyé? » réussira-t-il à honorer ses fonctions??
Vous ne rêverez plus jamais de passer vos vacances isolé dans le dernier phare de Croatie.
Belgrade, 1999, pendant les bombardements de l'OTAN.
Dans l'espoir d'émigrer aux États-Unis et de quitter leur condition d'Européens de l'Est, le narrateur et son épouse décident non seulement de participer à la loterie de l'immigration organisée par le gouvernement américain, mais également d'y inscrire leur chienne Milica. C'est cette dernière qui remporte le ticket gagnant, et elle se révèle soudain douée de parole. Mais d'autres phénomènes étranges font leur apparition : certains livres deviennent comestibles, les appareils ménagers sont capables de mener une révolte suicidaire, les animaux de compagnie ont des prétentions d'écrivains...
Mileta Prodanovic nous livre ici une vision originale et sans concession de la politique internationale de l'ex-Yougoslavie et de la société serbe contemporaine.
Avec un cynisme qui dénonce aussi subtilement la dictature que les bombardements, avec un humour féroce qui ne rate jamais sa cible, loin de la complainte et de l'autovictimisation, Mileta Prodanovic traite de l'histoire récente avec d'autant plus de brio que son ironie mordante n'épargne personne sur son passage.
: Inventer des histoires, c'est ce que Matija, écrivain à succès, sait faire le mieux. Mais après un mensonge de trop, sa petite amie le quitte. Que s'est-il donc réellement passé lors de son enfance dans le petit village du Medjimurje pour que Matija ne se rappelle plus de rien ?
Terre, mère noire nous entraîne au coeur des frayeurs et des songes d'une enfance à la veille des guerres de Yougoslavie, dépeignant un monde où la détresse intime répond à la cruauté d'une société qui ne cache plus ses défaillances. La seule réaction possible : une imagination sans bornes regorgeant d'humour noir.