Le détachement militaire du col de Roca Pelada est perché au-dessus de toutes les villes de la planète et de presque toutes les espèces vivantes, pour y accéder il est plus facile de descendre d'un nuage que de grimper la cordillère. Entre orages magnétiques et pluies de météorites, avec pour tout horizon le désert qui mène aux volcans et aux geysers, face à face deux garnisons de postes de frontière se surveillent. Un jour le commandant de l'un des postes change, et son remplaçant est une femme...
Après le succès public et critique de Patagonie route 203, Eduardo Fernando Varela nous fait découvrir cette fois-ci la vie au sommet des plus hautes montagnes du monde. Un rythme hypnotique, des paysages sauvages et sans limites, des dialogues et des situations aussi surréalistes qu'hilarants et une puissante réflexion sur les grands détours de l'existence aux côtés d'un lieutenant solitaire, un sergent impertinent, une escouade de caporaux venus des tropiques, malades mais très polis, de mineurs faits de pierre et d'os, et même un vieux sorcier ! Un roman unique et intemporel.
Des membres humains sont retrouvés dans une friche de Bogotá, mais leur propriétaire est vivant et emprisonné pour avoir tué sa femme. Le procureur Edilson Jutsiñamuy et son équipe sont chargés de l'enquête. La journaliste Julieta et sa secrétaire Johana, une ex-guérillera, vont les rejoindre pour remonter toute une chaîne de crimes atroces qui les amènera à faire la connaissance du romancier Santiago Gamboa, de son oeuvre et de ses personnages qui ont des rapports troublants avec le réel. Cette rencontre leur ouvrira les portes d'une Colombie frustrée et pluvieuse marquée par les exactions des milices paramilitaires. L'intrigue captive le lecteur dans un jeu fascinant de miroirs entre réalité et fiction tout autant qu'entre les diverses représentations de l'auteur lui-même qui joue sa vie dans cette radiographie de la situation colombienne.
Conteur hors pair au sens de l'humour aiguisé, Santiago Gamboa séduit par sa verve et son ironie. Une intrigue passionnante menée de main de maître et une écriture ironique et efficace font de ce roman noir un livre exceptionnel.
Au volant de son camion, un énigmatique saxophoniste parcourt la géographie folle des routes secondaires de la Patagonie et subit les caprices des vents omniprésents.
Perdu dans l'immensité du paysage, il se trouve confronté à des situations aussi étonnantes et hostiles que le paysage qui l'entoure. Saline du Désespoir, La Pourrie, Mule Morte, Indien Méchant et autres lieux favorisent les rencontres improbables avec des personnages peu aimables et extravagants : un journaliste qui conduit une voiture sans freins et cherche des sous-marins nazis, des trinitaires anthropophages qui renoncent à la viande, des jumeaux évangéliques boliviens gardiens d'un Train fantôme, un garagiste irascible et un mari jaloux...
Au milieu de ces routes où tout le monde semble agir avec une logique digne d'Alice au pays des merveilles, Parker tombe amoureux de la caissière d'une fête foraine. Mais comment peut-on suivre à la trace quelqu'un dans un monde où quand on demande son chemin on vous répond : « Vous continuez tout droit, le jeudi vous tournez à gauche et à la tombée de la nuit tournez encore à gauche, tôt ou tard vous allez arriver à la mer » ?
Ce fabuleux premier roman est un vrai voyage à travers un mouvement perpétuel de populations dans un paysage dévorant, auquel le lecteur ne peut résister.
En 1881, sans parler un mot d'anglais mais avec quarante mille dollars en poche, l'architecte valencien Rafael Guastavino embarque pour New York. Son rêve : apporter sa pierre à l'édifice de la modernité américaine en faisant triompher « une architecture sans feu dans un monde sans fantômes ». Épaulé dans l'ombre par son fils et homonyme, il va découvrir la réalité misérable de l'immigration et batailler d'un chantier à l'autre (la gare de Grand Central, la cathédrale Saint-Jean-le-Théologien ou le pont de Queensboro) pour se faire une place au milieu des gratte-ciel. Les Guastavino père et fils, largement oubliés par la grande Histoire, finiront par se fondre en un iconique selfmade man dont l'odyssée demeure nimbée de mystère. Avançant en funambule sur la frontière ténue entre fiction et biographie, ce « roman américain » d'Andrés Barba offre une réflexion fascinante sur l'identité, la filiation et les mirages de la gloire.
Jungle au vert intense, fleuve boueux et langueur tropicale : nous sommes dans la ville de San Cristobál en 1993. Là, le pittoresque côtoie la noirceur, comme le découvre notre narrateur : jeune fonctionnaire aux affaires sociales, il doit y mettre en place un programme d'intégration des communautés indigènes de la région. Très vite, la torpeur locale est perturbée par l'arrivée d'enfants, inconnus et presque sauvages, qui pillent les rues. Mais d'où sortent tous ces enfants ? Quelle est cette langue qu'ils parlent et qui n'appartient qu'à eux ? D'abord étonnante et vaguement inquiétante, leur présence aura des conséquences tragiques. Vingt ans plus tard, l'ancien fonctionnaire se souvient et revient sur la succession d'événements ayant conduit au drame.
Dans une échappée à l'ordre établi par les adultes, Andrés Barba nous invite à redéfinir notre idée même de l'enfance avec cette grande fable qui nous hantera longtemps.
A vingt ans, à la naissance de son enfant, Luz commence à avoir des doutes sur ses origines, elle suit son intuition dans une recherche qui lui révélera l'histoire de son pays, l'Argentine.
En 1975, sa mère, détenue politique a accouché en prison. La petite fille a été donnée à la famille d'un des responsables de la répression. Sa mère adoptive ignore d'où vient cette enfant qui lui ressemble si peu, son grand-père, le général, campe sur ses certitudes politiques et son mépris pour son gendre, tourmenté par le remords et dont le suicide ressemblera à une exécution...
Personne n'a su d'où venait Luz, à l'exception de Myriam, la compagne d'un des tortionnaires qui s'est liée d'amitié avec la prisonnière et a juré de protéger l'enfant.
Luz mène une enquête semblable à celles des Grands Mères de la place de Mai, mais depuis sa situation troublante d'enfant que personne n'a jamais recherchée. Cette histoire est remarquablement racontée, sur un rythme de thriller. Loin des clichés, c'est l'amour qui pousse les personnages à rechercher la vérité.
Tierra del Fuego se distingue d'un simple recueil de nouvelles à la fois par l'unité des récits, par les thèmes récurrents qui les traversent mais aussi par les paysages désolés ou grandioses qui leur servent de cadre : histoires de folie et de mort dont le héros est ce Grand Sud qui aimanta de tout temps l'imaginaire sud-américain. Dans le théâtre du monde austral, matelots, contrebandiers, chasseurs de phoques et parias de toutes les nations se croisent comme autant d'âmes solitaires et démunies, soulevées par la violence des éléments.
Au début du siècle, le voilier école de la Marine chilienne, une superbe corvette, se dirige vers le cap Hom pour ce qui doit être son dernier voyage avant d'être mis en cale sèche. A son bord Alejandro, quinze ans, s'est embarqué clandestinement pour d:venir marin, subvenir aux besoins de sa veuve de mère et obtenir des nouvelles de son frère ainé disparu. Confronté aux dures réalités de la mer et du métier de marin, il découvrira une terre sauvage située aux confins de l'hémisphère Sud et taillée à la hache dans la glace des icebergs.
Une exploration des excès de la vie artistique et intellectuelle avec un humour ravageur. Un 1er roman déjanté au souffle hypnotique.
Une jeune universitaire se rend compte qu'un homme qu'elle connaît, Quirós, a volé le crâne du légendaire réalisateur du cinéma muet F.W. Murnau. Tandis qu'elle retrace sa rencontre avec Quirós - cinéphile désargenté, dandy obsédé par les voyages et les oeuvres non finies, la narratrice explore les limites de la vie artistique et intellectuelle, la surabondance de l'information, les excès du capitalisme et, bien sûr, la puissance du désamour.
Avec un souffle hypnotique et un humour ravageur, ce premier roman, surprenant d'ambition littéraire et de sens de la dérision, est une tragi-comédie déjantée. La ferveur d'une femme érudite et ironique devient un feu d'artifice halluciné où se succèdent des voyages en Polynésie à la recherche de films maudits, des recherches farfelues sur ce que les grands personnages des derniers siècles faisaient à l'âge de 32 ans, et des théories inattendues sur ce que signifient les voyages et le tourisme.
Ce livre, qui recherche avec autodérision la profondeur qui scintille entre le cinéma, la littérature, la vie et les illusions perdues dans l'époque des algorithmes, est narré avec la causticité de Pénélope à qui on aurait demandé de raconter L'Odyssée.
En 35 chapitres, Francisco Coloane évoque les grandes catastrophes dont les mers australes furent le théâtre depuis l'époque de Magellan. Avec la jeunesse déraisonnable qui le caractérise, il enquête sur les causes des naufrages, compare les documents, met parfois en doute les conclusions de l'époque.
Comme toujours chez lui ou presque, on a affaire à l'un de ces livres inclassables, hirsutes, où la fiction et l'autobiographie poursuivent une étrange partie de cache-cache. Publié à titre posthume, Naufrages peut se lire comme le chant d'adieu d'un homme qui s'est toujours ingénié à conformer sa vie aux grands rêves de son enfance. Un peu comme un testament, mais façon Coloane : qui fait parler haut l'aventure marine. et qui nous rappelle que l'aventure, justement, n'est jamais aussi belle que quand elle prend le risque de courir à l'abîme.
Au sortir d'une longue maladie, un écrivain est invité à un congrès de biographes à Jérusalem, métaphore d'une ville assiégée par la guerre et sur le point de succomber. Comme dans un moderne Decameron, les vies extraordinaires des participants laissent perplexe le héros de ce tour de force littéraire et stylistique. Parmi les participants de ce congrès, on croise le libraire bibliophile Edgar Miret Supervielle, l'actrice italienne de cinéma porno Sabina Vedovelli, l'entrepreneur colombien Moises Kaplan et surtout José Maturana, ex- pasteur évangélique, ex-forçat, ex-drogué, qui dans la langue puissante des rues les plus sordides raconte l'itinéraire de son sauveur, le charismatique Messie latino de Miami. Mais quelque temps après sa communication, José Maturana est retrouvé mort dans sa chambre. Tout semble indiquer un suicide, mais des doutes surgissent : qui était-il vraiment ? Ce roman débordant d'énergie explore les différentes versions d'une même histoire, qui varie sans cesse et nous incite à écouter, souvent avec stupéfaction, les récits surprenants des autres protagonistes de cette histoire qui veulent témoigner avant la fin du monde. Ce roman a reçu à l'unanimité du jury le Premier Prix La Otra Orilla, décerné à Bogotá en 2009.
Il y a des vies qui sont des romans qu'aucun romancier n'oserait écrire par crainte d'être taxé d'invraisemblance. Mika, Micaela Feldman de Etchebéhère, a réellement vécu en Patagonie, à Paris, à Berlin, en Espagne, elle a tenu toute sa vie des carnets. À partir de ces notes, des rencontres avec ceux qui l'ont connue, des recoupements de l'Histoire, Elsa Osorio transforme ce qui pourrait n'être qu'une biographie en littérature. participé, avec son mari, au mouvement intellectuel dans les années 30. Puis ils sont allés vivre à Berlin dont les ont chassés le nazisme et les manipulations du mouvement ouvrier par le stalinisme. Enfin ils sont allés rejoindre les milices du poum dans la guerre civile en Espagne. Dans des circonstances dramatiques, elle, qui ne sait rien des armes et des stratégies militaires, se retrouve à la tête d'une milice. Son charisme, son intelligence des autres, sa capacité à prendre les décisions la rendent indispensable et ce sont les miliciens eux-mêmes qui la nomment capitaine. Poursuivie par les fascistes, persécutée par les staliniens, emprisonnée, elle sera sauvée par les hommes qu'elle a commandés. Elle a fini sa vie d'inlassable militante à Paris en 1992. Elsa Osorio, portée par ce personnage hors du commun, écrit un roman d'amour passionné et une quête intellectuelle exigeante en mettant en oeuvre tout son savoir-faire et son talent littéraire pour combler les trous de l'Histoire.
Nous sommes au Mexique, au lendemain de la bataille de Torréon, qui voit la mythique División del Norte de Pancho Villa écraser les forces loyalistes - un pas décisif pour l'avancée de l'insurrection - et nous suivons les tribulations du licenciado Velasco, un avocaillon à la dérive qui manque plus d'argent que d'idées. Velasco a en fait beaucoup plus que des idées, il a UNE idée. Il soumet à Villa une inven- tion extraordinaire, capable selon lui de semer la ter- reur parmi ses ennemis et de consolider son pouvoir comme jamais : la guillotine ! Mais très vite Villa se fatiguera de voir des corps sans tête gigoter comme des pantins. Il n'achètera pas la guillotine. Quoi qu'il en soit Valesco sera nommé capitaine et Villa lui confie un escadron qui va bientôt s'illustrer au pre- mier rang des troupes révolutionnaires.
Pedro Nauto, né de père inconnu, après que sa mère est retrouvée noyée alors qu'il n'a que treize ans, est confronté à la violence du monde adulte dans les tripots de Puerto Montt. Rêvant secrètement d'aventures au grand large, de pêche miraculeuse et des monstres de légende, il s'embarque avec un vieux loup de mer aux commandes d'un baleinier qui fait cap sur l'Antarctique ...
Pour tous ceux qui ont subi le choc de Tierra dei Fuego et de Cap Horn, Francisco Coloane nous propose une ultime brassée d'histoires soulevées par la violence du Grand Sud chilien, où se croisent marins déboussolés, Indiens dépossédés de leurs terres et de leurs songes, chasseurs de phoques soûlés de sang versé pour rien, cavaliers sans feu ni lieu. Et pour tous une même question : comment continuer à vivre au milieu de tant de désolation sans devenir fou?
Ramon Castaños est un garçon que tout le monde aime bien au village, mais il a un grave problème pour la société mexicaine, il est un homme timide. Le jour où le cadavre de la jeune fille qui lui est prétendument promise est retrouvé dans les parages, tout le monde s'entend pour accuser le Gitan, ce coureur de jupons que tous les hommes détestent et dont il serait grand temps de se débarrasser. Mais Gabriela, la jeune épouse de l'honorable Pedro Salgado, sait que ce n'est pas le Gitan le coupable¿puisqu'au moment du meurtre elle était dans ses bras. Les policiers corrompus jusqu'à la moelle, sensés mener l'enquête, ne se posent qu'une question : combien pourra leur rapporter le corps ? Mais le Mexique est un pays d'honneur et de traditions, et c'est d'un commun accord que les villageois décident que Ramon doit laver son nom de cet affront et tuant lui-même le Gitan, d'autant que le vrai meurtrier, bien décidé, lui, à ne pas se faire piquer, s'amuse à souffler sur les braises. Et voici notre pauvre Ramon un pic à glace en main attendant au détour d'un chemin l'arrivée du Gitan.
Un grand livre mêlant à la fois roman policier, vaudeville sanglant, conte d'amour et gourmandise d'humour noir.
À La Havane, une petite fille aux yeux clairs et aux cheveux crépus négocie le difficile tournant de l'enfance à l'adolescence, dans une famille condamnée à la cohabitation par les conditions sociales du pays : un père, officier de toutes les guerres de la Révolution, une mère argentine droguée au tango, une tante amateur d'opéra, un oncle masseur et une grand-mère plaintive, gardienne de la morale.
L'enfant va peu à peu découvrir que tout le fragile édifice familial ne tient que sur le mensonge, à commencer par ses origines à elle ; ses cheveux crépus lui font découvrir la faute cachée et inavouable de la grand-mère : un grand-père noir et très sympathique, puis l'homosexualité de l'oncle, la double vie du père... Celle qu'on a surnommée P'tit Mec fuit la famille pour les amis de son âge, fréquente les fêtes des années 80, les débats où l'on refait le monde, et goûte à la drogue, loin de l'apocalypse annoncée du système politique.
Également étrangère à cet univers, tout aussi faux que celui de sa famille, l'adolescente cherche sa voie dans la solitude et le silence. Karla Suârez utilise une langue originale, moderne, directe et lucide, séduisante par son rythme expressif et sa concision. Ce premier roman construit autour de personnages attachants, loin des clichés, révèle des aspects inattendus de la Cuba actuelle.
Ils sont trois jeunes d'à peine vingt ans, destructeurs et provocants, lâchés dans la nuit mexicaine. Le meneur du groupe, Gregorio, est un ange noir dévoré par la folie. Il finit par se suicider en se tirant une balle dans la tête et laisse ainsi Manuel (son ami, son disciple, sa victime aussi) et Tania (maîtresse retorse tant de Gregorio que de Manuel) plongés dans le chaos d'une existence angoissée...
Comment peut-on survivre lorsqu'on a été prénommé Hannibal par un père historien ? Vaincu dès le départ, notre héros, lui aussi historien, n'a jamais été à la hauteur des rêves de son géniteur. Chassé de l'université, il a sombré dans l'alcoolisme et la lamentation paranoïaque. À la mort de son père, il hérite de trois boîtes au contenu hétéroclite. Au milieu des journaux intimes et des souvenirs de l'enfance se cache le début d'un plan machiavélique qui va pousser Aníbal vers des personnages excentriques et d'anciennes amours. Névrosé, plein de ressentiment, entraîné vers des aventures inattendues, Aníbal découvre la duplicité des tours que joue parfois la génétique. Il se retrouve alors plus proche de son père qu'il ne l'a jamais été de son vivant. Sa colère cède la place à l'empathie tandis que tout nous donne à penser que ce que nous haïssons le plus est peut-être la vision de ce que nous n'arriverons pas à être. Un roman original où un sens du comique exceptionnel se déploie dans des plans et des rythmes variés, une littérature rare. Un plaisir de lecture absolument délectable.
Ils étaient venus en Europe pour échapper au chaos et pouvoir vivre et penser, mais le monde a tourné, les crises et le terrorisme ont changé les gens et les perspectives. Il y a Manuela qui fuit son enfance saccagée dans la poésie et les livres, Tertuliano, le fils du Pape, philosophe messianique, populiste et violent, créateur d'une théologie de l'harmonie des Maîtres Anciens, le prêtre Palacios à l'obscur passé paramilitaire qui aspire au pardon, le consul et Juana l'aventureuse qui se poursuivent, se désirent, liés par des sentiments indéfinis. Parmi eux, l'ombre de Rimbaud, poète précoce et génial qui marche et se cherche dans des voyages sans répit.
Ils se rencontrent, se racontent, décident d'une vengeance et d'un retour vers la Colombie où la paix s'est installée. Vagabonds insatiables, blessés, épuisés, tous cherchent à retourner quelque part, les mondes qu'ils ont quittés ont disparu, tous savent que revenir est impossible, sauf peut-être dans la littérature. Et pourquoi pas à Harar.
Roman polyphonique vital et plein d'énergie, ce retour à l'intrigue haletante et magistralement construite nous fait voyager dans les êtres, les sociétés et au plus profond de nous-mêmes.
Perché dans un oranger de son jardin, Ismael regarde sa jolie voisine prendre un bain de soleil de l'autre côté du mur. Ismael a toujours aimé regarder les femmes, Otilia son épouse pense que c'est une honte, un instituteur à la retraite ne doit pas devenir un vieux voyeur. San José était une jolie petite ville colombienne avant que des gens ne commencent à disparaître et que des hommes en armes que personne ne peut identifier ne patrouillent dans les rues et se battent sur les places. L'atmosphère du village se dégrade et Ismael perd confiance dans ses capacités. Un matin au retour de sa promenade il apprend que ses voisins ont été enlevés et qu'Otilia, inquiète, est partie à sa recherche dans le village. Les habitants s'enfuient mais il décide de rester pour attendre Otilia.
Evelio Rosero nous montre le monde du point de vue du vieil instituteur dont la stabilité mentale s'effondre lorsque le village est dévasté, il nous donne à voir ce qu'est la violence arbitraire et irrationnelle exercée sur des otages anonymes par la guérilla colombienne. Mais Rosero aborde ce thème usé de façon radicalement différente. Parce que le narrateur est un vieillard et le cadre des ruines, le style est hésitant, syncopé, toujours au bord de l'hésitation. Au lieu de raconter la dégradation et la violence, l'auteur compose un roman dégradé et violent. Ce livre à reçu le premier prix Tusquets à Guadalajara en 2006, dont le jury était présidé par Alberto Manguel.
Le gamin perché dans son arbre a tout vu. Les trois véhicules aux vitres teintées attaqués à l'arme lourde, la riposte, les hommes qui tombent sous les balles, l'arrivée d'un hélicoptère qui évacue les passagers, deux femmes et un homme en noir. Le lendemain, la route a été nettoyée. Plus de cadavre, aucune trace de balles.
Le récit du gamin est pris au sérieux à Bogotá par Edilson Jutsiñamuy, le procureur d'origine indienne. Il demande de l'aide à une journaliste d'investigation, Julieta, qui part sur place avec son assistante Johana, une ex-guérillera des FARC. Leur enquête va dévoiler une inquiétante histoire entre la Colombie, le Brésil et la Guyane française, au coeur des puissantes Églises évangéliques qui ont envahi l'Amérique latine. La violence qui subsiste encore dans les bas-fonds de la société est prompte à jaillir et les enfants perdus, vestiges des histoires dramatiques que la fin de la guerre civile a révélées, n'ont pas fini de payer les pots cassés.
Sur cette toile de fond, l'auteur construit une intrigue musclée et spirituelle, avec une ironie et un humour dévastateurs, et deux héroïnes fortes, tendres et presque incorruptibles.
Un formidable polar dans les montagnes couvertes de jungle d'un pays magnifique.
Dans le Triangle d'or de la marijuana, le Sinaloa, le jeune David, un peu attardé et naïf, est capable de tuer un lièvre d'un lancer de pierre. Ce qui en fait, malgré lui, un joueur de baseball convoité. À la fête du village, il danse avec une fille interdite, réservée au fils d'un trafiquant. Bagarre. David tue son agresseur. Son père passe un accord avec le trafiquant et l'éloigne. À Los Angeles, il est dragué par une fille qui l'emmène dans sa chambre, le déniaise puis le met à la porte en lui disant qu'elle s'appelle Janis Joplin. Il en tombe éperdument amoureux, se fait virer de son équipe de baseball pour alcoolisme et renvoyer au Mexique. David n'est pas armé pour faire face aux barons de la drogue du Sinaloa. Tout explose autour de lui, dealers, policiers corrompus, guérilleros au coeur pur, femmes fatales et même une voix intérieure. Sa vie devient une course d'obstacles, une fuite continuelle ponctuée de coups de chance. Il va de catastrophe en catastrophe, de situation dangereuse en menaces de mort. Mais il n'a qu'un seul objectif : retrouver son amour, Janis Joplin.
Un polar impeccable, tragicomique virtuose, sarcastique et tendre, avec en plus l'argot lyrique des narcos.