« Je suis arrivé par la douleur à la joie », écrit le poète José Hierro.
De chambres d'hôtel en aéroports, assailli par une profusion de souvenirs, Manuel Vilas poursuit la mise à nu de son narrateur. Il orchestre la symphonie de la mémoire et enrichit son tableau de nouveaux motifs comme celui de l'allégresse. Toujours entouré de ses musiciens, ombres de son passé, en dialogue incessant avec les doubles de ses fantômes, auxquels il ajoute Arnold (pour Schönberg), sa part sombre, son ange de la dépression.
Après Ordesa, prix Femina étranger, Manuel Vilas revient avec un grand livre solaire. Son audace littéraire et sa capacité à transfigurer l'intime en universel le désignent comme un de nos écrivains contemporains majeurs.
Tel est l'autoportrait brut et sans tabou d'un écrivain confronté à la disparition de ses parents. Assailli par les fantômes de son passé, il retrouve espoir dans le souvenir baigné de lumière jaune de leur amour et de la beauté d'antan. A travers l'évocation d'une famille modeste, c'est aussi la peinture d'une certaine époque qui se révèle à nous dans toute sa complexité.
De passage à Barcelone pour la rétrospective que la Cinémathèque lui consacre, le réalisateur colombien Sergio Cabrera s'interroge : quel tour auraient pris sa carrière, ses mariages, ses relations familiales, sans l'influence de son père ? Ce père maoïste convaincu, qui emmena sa femme et leurs deux enfants vivre à Pékin pendant la Révolution culturelle puis qui les enrôla, au péril de leur vie, dans la guérilla colombienne.
Adolescent, Sergio a été garde rouge, ouvrier en usine et a suivi l'entraînement militaire du Parti. Il a connu le Paris de 1968 et rencontré Louis Malle. De retour en Colombie, il a combattu dans la jungle au nom de la révolution.
Entre les mains de Juan Gabriel Vásquez, cette existence hors du commun se meut en un roman haletant qui mêle avec talent l'intime et la grande marche de l'Histoire. Une aventure personnelle fascinante, symbole d'un courant de pensée qui façonna des générations entières à travers le monde.
Muni d'un carnet, d'une paire de ciseaux et de son smartphone, Antonio Muñoz Molina marche dans Paris, New York, Madrid, Lisbonne. Il y compose « le grand poème de ce siècle », tandis qu'apparaissent au détour d'une ruelle Baudelaire, Edgar Allan Poe ou Fernando Pessoa. D'une voix profondément ancrée dans le moment présent, cet éloge érudit de la flânerie nous invite à regarder et à écouter d'une autre façon, et à célébrer la variété du monde.
Un père agonisant en proie à la fièvre et au délire raconte sa jeunesse, son Grand Tour, les palais vénitiens peuplés de figures fascinantes et maléfiques, sa ruine et son plus beau voyage, la traversée à pied du fleuve Hudson gelé ; un fils encore enfant, assis au pied du lit, recueille, attentif, ces derniers mots hallucinés.
L'oeuvre d'Herman Melville, auteur magistral, incompris, bien trop en avance sur son temps et jugé fou et dangereux par certains critiques de l'époque, puiserait-elle sa source dans cet ultime legs paternel ?
S'interrogeant sur les méandres de la fiction, qui oscille sans cesse entre réalité et imagination, Rodrigo Fresán aborde sous un jour nouveau l'énigme de la vocation littéraire. À la fois biographie souvent inventée, roman gothique peuplé de fantômes et évocation d'un amour filial, Melvill condense tout le talent, l'humour et l'immense culture du grand écrivain argentin.
En se réveillant dans son salon, John Brenner, ancien alcoolique, découvre à côté de lui le cadavre d'une jeune femme tuée par balle, une bouteille de vodka et le pistolet de son père. Même si tout l'accuse, il en est certain : il n'a pas tué cette inconnue. Pire encore, le temps que John sorte de chez lui pour retrouver son calme, le corps et toute trace du crime disparaissent. Est-il victime d'une hallucination ? S'est-il remis à boire ? Et quelle est cette amnésie qui l'empêche de se souvenir des événements de la veille ?
Grand architecte de ce récit aux multiples facettes, Federico Axat nous fait entrer dans un univers où la frontière entre rêve et réalité se fait de plus en plus mince et inquiétante.
Un peu sorcière, un peu voyante, celle qu'on surnomme Mangeterre possède un don hors du commun qui implique une responsabilité immense : en avalant la terre qu'elles ont foulée, Mangeterre entrevoit, lors de douloureuses transes, le terrible sort des femmes brutalisées d'Argentine. Dès lors elle est face à un dilemme : doit-elle répondre à l'appel de la terre et tenter de sauver toutes ces femmes en détresse ? Car, très vite, des parents désespérés arrivent des quatre coins du pays pour l'implorer d'utiliser son don, et de retrouver leurs enfants disparues.
Mais dans un monde où la violence, la misère et l'injustice font loi, et où les femmes en sont les premières victimes, Mangeterre est sans cesse rappelée à leurs appels à l'aide, à ses visions, à son pouvoir. Et c'est en cherchant, coûte que coûte, la vérité, la délivrance et la rédemption qu'elle tracera sa route si particulière et y retrouvera le sens de l'amour et de la fraternité.
Telle une onde de choc, Mangeterre bouleverse et frappe de la première à la dernière page, porté par un réalisme magique ensorcelant et l'écriture lumineuse et brutale de Dolores Reyes, qui parvient à raconter et transcender la douleur de toutes les femmes.
Lorsque le narrateur rencontre Carlos Carballo, son obsession pour les théories du complot le consterne puis l'intrigue. À ses côtés, il exhume deux crimes politiques qui pèsent encore sur la Colombie d'aujourd'hui. Une exploration du passé à la lumière du doute, où la frontière entre autobiographie et fiction devient aussi trouble que celle séparant la vérité du mensonge.
A Bogota, Antonio Yammara, jeune professeur de droit, est gravement blessé dans un attentat. Il n'est qu'une victime collatérale : la vraie cible était le mystérieux Ricardo Laverde. Quand la fille de Ricardo, une certaine Maya, l'appelle, ils décident ensemble de remonter le fil du passé, jusqu'aux années 1970. L'un et l'autre ont grandi à l'ombre du commerce dangereux de la drogue et de la violence des cartels qui ont mené la Colombie au bord de l'abîme.
Javier Mallarino est un célèbre caricaturiste politique colombien et une légende vivante. Avec pour seules armes du papier et de l'encre de Chine, il peut faire tomber un magistrat, renverser un député ou abroger une loi. Beaucoup de politiciens le craignent, certains l'encensent. Il a soixante-cinq ans, est séparé de sa femme depuis plusieurs années et vit retiré dans les montagnes qui entourent Bogotá. À la fin du vibrant hommage que le pays vient de lui rendre au prestigieux théâtre Colón, une jeune femme l'approche et sollicite une interview. Il la reçoit quelques jours plus tard chez lui, mais très vite l'entretien le ramène vingt-huit années en arrière, à une soirée lointaine, à un « trou noir ». Qu'avait fait ce soir-là le député Adolfo Cuéllar et qu'avait vu exactement Javier Mallarino ? Deux questions qui conduisent le dessinateur à faire un douloureux examen de conscience et à reconsidérer sa place dans la société.
Juan Gabriel Vásquez poursuit dans ce magistral roman son exploration du passé et des failles de la mémoire. Mais il livre surtout une intense réflexion sur les conséquences parfois dévastatrices du pouvoir grandissant de l'opinion et des médias.
Des dizaines d'histoires et de personnages se croisent dans un magma narratif envoûtant, truffé de références artistiques, de Kubrick à Lowry en passant par Kerouac. Un ovni littéraire qui passe au scanner l'âme de Mexico, par le grand maître du roman argentin.
Récit de la chute et de la décadence d'une famille, Mortepeau est un conte noir. Lucas, un jeune homme, s'adresse à son père décédé et enterré dans le jardin familial. Autrefois, il était luxuriant et entretenu par Josephina, sa mère passionnée de botanique. Dorénavant, il n'est plus que mauvaises herbes et désolation. Si la famille en est arrivée là, c'est à cause de deux hommes mystérieux invités dans la maison, bouleversant son équilibre et la précipitant vers sa fin.
Avec Mortepeau, Natalia García Freire nous offre un premier roman gothique qui n'est pas sans rappeler Shirley Jackson ou Daphné du Maurier. Elle y sonde de sombres dynamiques de pouvoir dans une langue envoûtante, proche de la prose poétique - dans un univers qui n'appartient qu'à elle.
Le phénomène se propage rapidement aux quatre coins du globe. Tout le monde en parle, tout le monde veut en avoir un. Lapins, corbeaux, dragons... les kentukis sont de petits robots en forme de peluche, dotés d'une caméra et de trois roues mobiles qui leur assurent une certaine autonomie. Ils sont connectés au hasard à un utilisateur anonyme qui a acheté le droit de les habiter et qui peut se trouver n'importe où sur la planète. Voilà pourquoi ces créatures, qui errent désormais librement dans les maisons et les bureaux, ne sont pas complètement ino ensives:elles scrutent les conduites, enregistrent les conversations et interviennent constamment dans la vie des autres.Ainsi, une retraitée de Lima peut suivre les mésaventures d'une jeune femme allemande et se réjouir ou s'inquiéter de son sort; un garçon du Guatemala peut se lancer dans une aventure en Norvège et voir la neige pour la première fois; un jeune Italien, père fraîchement divorcé, peut combler le vide laissé par son ex-femme. Les possibilités sont infinies mais pas toujours très claires:outre la curiosité et la tendresse, le dispositif suscite de nouvelles formes de voyeurisme, d'obsession, de sexualité et de danger.Déployant une langue et un imaginaire que l'on compare à ceux de Shirley Jackson et de David Lynch, Samanta Schweblin emporte le lecteur dans une atmosphère hypnotique, aux frontières du thriller et de la science-fiction, et offre une histoire surprenante, sans point mort et radicalement contemporaine.
Une femme effrontément libre défie la société traditionnelle colombienne des années 1940 ; un vétéran de la guerre de Corée affronte son passé lors d'une rencontre en apparence inoffensive ; sur un tournage, un figurant s'interroge sur les émotions de Polanski... Neuf histoires, neuf vies radicalement bouleversées par la violence.
Les nouvelles de Chansons pour l'incendie tranchent, dépècent, brillent comme le fil d'un couteau. Elles irradient cette lumière étrange des choses qui brûlent ou qui blessent. En Colombie, en Espagne, à Paris, à Hollywood, chacune révèle le jeu du destin, cette conjonction de forces incompréhensibles.
La prose est rapide, élégante, elle transporte dans des territoires intimes. Seule forme capable de conter ces existences, les « chansons » de Juan Gabriel Vásquez confirment l'étendue de son talent, et sa profonde compréhension des êtres.
À cinquante ans, Ramón, avocat brillant et père de deux adolescents, découvre qu'il est atteint d'une forme rare de cancer. Il se voit alors obligé de subir une ablation de la langue, seule solution pour permettre la guérison.
Désormais privé de parole, il se lie d'amitié avec un perroquet amateur de grossièretés. Il fait également la connaissance de Teresa, psychanalyste friande de gâteaux au cannabis, et d'Aldama, un médecin convaincu que le cas de Ramón pourra lui apporter une renommée internationale. Sans oublier sa famille dysfonctionnelle et Elodia, l'employée de maison, aussi bigote qu'attentionnée...
Les dernières volontés de Sir James Smithson (1765-1829) étaient claires, ce riche héritier d'origine britannique, sans femme ni enfant, voulait que sa fortune serve à fonder à Washington un établissement dédié à la diffusion des connaissances, qui porterait son nom. Le musée est finalement installé dans un château de style gothique anglo-normand et c'est Zacharias Spears, passionné par la conservation des espèces, qui en est nommé premier directeur. « Pour la modique somme de 2 cents, le Musée d'Histoire Naturelle donnera à voir le spectacle du monde, comprimant à échelle humaine le temps parcimonieux des planètes, de sorte que même un enfant puisse être en mesure d'observer en quarante minutes ce qui avait mis des milliards d'années à survenir. » Mais l'établissement devra évoluer avec son temps, à cause notamment de la concurrence de nouveaux musées qui pullulent sur le sol américain et en Europe. Une place de plus en plus importante est ainsi consacrée à la vie primitive et la scénographie se modernise ; car à présent les visiteurs ne veulent plus simplement voir mais ils désirent expérimenter. Tout est bon pour attirer le public, les rivalités autour de ce commerce de la connaissance se multiplient à l'infini jusqu'à atteindre l'absurde, lors de l'inauguration, à San Diego, du MuM - le Musée des musées...
L'extinction des espèces est une histoire (sur)naturelle des musées. En nous plongeant dans un univers où se côtoient détails réels et pure fiction, Diego Vecchio invente et fabrique un passé à partir des angoisses des temps présents, une mémoire qui conjure l'extinction des oeuvres d'art, des cultures et des espèces par le délire taxinomique, la manie du collectionnisme et la volonté de posséder autant que d'exhiber. Un roman brillant et plein d'humour.
Et si les écrivains ne savaient pas écrire l'Histoire ? Le témoignage du Colombien José Altamirano a nourri un roman de Joseph Conrad, Nostromo. Scandalisé par le résultat, Altamirano revient sur la folle histoire de la Colombie et du Panama : les guerres, les aventuriers ou la corruption politique. Une truculente querelle débute entre ces hommes, et aussi entre réalité historique et fiction romanesque.
À 91 ans, Léonid Sednev, décide de révéler le secret de sa vie. Embauché en 1912 comme ramoneur au palais impérial de Russie, il a été jusqu'en 1918 le « témoin invisible » de l'intimité des Romanov et le seul survivant de l'épouvantable massacre. Il a découvert le quotidien de l'impératrice et de ses filles, appris quels sont les véritables commanditaires de l'assassinat de Raspoutine, assisté aux conspirations de palais, avant d'être emporté par le tourbillon de l'Histoire. Et puis il a rejoint la famille royale dans son exil, et surtout la grande-duchesse dont il est secrètement amoureux.
Née en Uruguay en 1953, Carmen Posadas est l'auteur de Cinq mouches bleues et Petites Infamies, des best-sellers internationaux. Récompensée par le prix Planeta en 1998, elle est considérée comme l'une des plus grandes voix de la littérature espagnole contemporaine, aux côtés de Perez-Reverte, Mendoza et Muñoz Molina.
Une nuit, Peter Hook, auteur de livres pour enfants, raconte à un petit garçon l'histoire de sir James Matthew Barrie, auteur de Peter Pan. Il évoque le Londres de l'ère victorienne, la jeunesse de Barrie marquée par la mort de son frère et sa relation avec les enfants Llewelyn Davies, modèles de Peter Pan. Mais, au fil de son histoire, Peter Hook met aussi en scène sa propre vie à l'époque des Beatles et des beatniks, et celle de son propre personnage, Jim Yang, voyageant dans le temps pour ne pas grandir.
Les gens, au lieu de me dire « l'amour te retourne comme un gant » déclarent à présent « l'amour te va comme un gant blanc, fait sur mesure », et moi je leur réponds :
« L'amour est une balle unidirectionnelle et notre poitrine un point fixe :
Ce qui détermine le choc, le tremblement, l'effondrement de fondations ou la récupération du jardin, c'est le creux qui accompagne ta main lors de l'impact. »
« Quand deux personnes tombent amoureuses l'une de l'autre, elles deviennent une, de même que l'espace qu'elles occupent, qui est unique mais contient tout l'univers. À l'inverse, quand quelqu'un nous manque, son espace devient un trou immense et terrifiant pour celui qui le regarde. » Deux histoires d'amour, l'une détruite par la vie, l'autre par la mort. Celle, d'abord, de Gael, sculpteur et professeur talentueux bouleversé par sa rencontre avec une jeune modèle. En miroir, l'histoire de Dora, la grand-mère de Gael, enseignante qui tombe amoureuse de l'un de ses élèves. Un amour interdit qui sera mis à rude épreuve par la guerre civile et le régime franquiste.
Avec Douze jours sans toi, Elvira Sastre nous offre un premier roman saisissant, porté par une écriture sensible et poétique, sur les blessures de l'amour et la guérison.
Dans un coin de campagne perdu, une jeune femme lutte contre ses démons : l'ennui des jours, le tourment des nuits, le sentiment d'aliénation - à soi-même et au monde -, les pulsions de désir et de violence qui sans cesse l'assaillent et viennent peu à peu fissurer le tableau d'une vie domestique en apparence sans histoires. On la trouve instable, ingérable ; on l'appelle l'étrangère ; l'hystérique ; la folle. Et de fait, la folie est là, tapie dans les ombres du quotidien, prête à fondre à tout moment sur cette femme brûlant de liberté mais corsetée par les rôles contradictoires que la société des hommes et le carcan de la famille entendent lui faire jouer - celui d'épouse dévouée, de mère attentionnée, mais aussi celui de sorcière et de putain, éternellement jetée en pâture à la vindicte autant qu'à la concupiscence.
Monologue plein de rage et de rire noir, torrent de verbe dont le flot poétique et brutal, traversé de visions fulgurantes, brise toutes les idoles et met à mal toutes les conceptions figées dans lesquelles notre monde patriarcal s'échine à enfermer les femmes, Crève, mon amour est un roman d'une insolence radicale et incorruptible. Qu'elle heurte jusqu'à l'insoutenable ou qu'elle séduise jusqu'à l'envoûtement, cette nouvelle voix puissante ne pourra en tout cas laisser personne indifférent.
Près d'un siècle s'est écoulé depuis que la famille Vespolini a quitté l'Italie pour s'installer à Mar del Plata en Argentine, et y ouvrir une trattoria près de la plage. Très vite, les Vespolini ont contribué de manière singulière à la culture de leur pays d'adoption en inventant les sorrentinos, des pâtes fourrées que l'on mange à présent partout là-bas.
Leur recette, transmise de génération en génération, est jalousement gardée par Chiche, le plus jeune des fils Vespolini, amateur de cinéma, de porcelaine italienne et de grandes conversations. Si l'on vient à la trattoria pour se régaler, on y vient aussi pour ses inoubliables anecdotes de fin de repas et son franc-parler. À sa table se succèdent frères, soeurs, cousins, amis, employés et clients, et tout ce petit monde parle d'amours durables, de profondes solitudes, de trahisons, de rêves de côtes lointaines et même de prophéties.
Comme dans les meilleures comédies à l'italienne, tout se mélange et se confond dans cette Savoureuse Histoire des sorrentinos : les rires et les larmes, le destin d'une famille et d'un pays, la vie croquée par les deux bouts et un fabuleux héritage.